Sous la pluie, face au vent et même par beau temps, trench, Mac et autres imperméables habillent depuis longtemps toutes sortes de personnages au cinéma. Policier, science-fiction, comédie ou film d’action : vous verrez qu’ils s’adaptent à toutes les situations. Pour l'inspiration et parce que les salles de cinéma sont toujours closes, une nouvelle Bobine s'impose.
Je vous invite une fois n’est pas coutume à prendre votre temps pour la découvrir, ou à picorer ici et là selon le temps et l’humeur. Quant à savoir quelles pièces outerwear adopter plus généralement pour la mi-saison, David vous donne quelques pistes ici.
1. La légende du trench
«Casablanca» (Michael Curtiz, 1942)
Qui sait comment tout cela s'est transformé en légende ? Les premiers trenchs apparaissent en Europe, au début du XXe. Pourtant le militaire n'est pas la première image qui vient à l'esprit au sujet du trench. Non, on visualise plutôt un homme avec chapeau, un nuage de fumée gris et bleu et une ambiance propre au suspens.
Trench-coat et Casablanca, vous ne rêvez pas. C’est une association un rien contre-intuitive : le premier est un vêtement généralement affecté aux temps de chien, la seconde est une grande cité marocaine qui se tient face à la mer, une ville de lumière.
Entre les deux, un film sorti en pleine Seconde Guerre mondiale et depuis devenu culte : «Casablanca» de Michael Curtiz. Ce n’est pas le plus grand film de son époque et pourtant c’est peut-être celui qui symbolise le mieux le miracle d’Hollywood.
Il réunit Humphrey Bogart et Ingrid Bergman dans une aventure qui mêle la grande et la petite histoire . Pour les amateurs, on y croise Peter Lorre. C’est un petit rôle, mais comment oublier l’interprète du «M» de Fritz Lang ?
D’une certaine manière, «Casablanca» résume tout le paradoxe du trench-coat : c’est un vêtement perçu comme automnal alors qu’il a aussi toute sa place au printemps. S’il s’agit bien de la saison du renouveau, c’est également celle de l’incertitude en particulier météo. Dans «Casablanca», il pleut d’ailleurs quelques fois.
Rick Blaine est un homme charismatique. Il dirige un night-club et porte à merveille le nœud papillon. Interprété par l’inoubliable Humphrey Bogart, c’est aussi un modèle d’élégance sartoriale.
Pas de denim ici, évidemment. Mais du costume en laine, des cravates et des pochettes en soie, et surtout une veste de smoking blanche qui vous hantera peut-être un moment.
Si le trench-coat de «Casablanca» est l’un des plus célèbres du cinéma, il ne fait pour autant que de la figuration. Il n’apparait qu’à quelques occasions clés, laissant entrevoir le look si caractéristique des films noirs des années 40 et popularisé par Humphrey Bogart lui-même.
Pour quelques exemples, jetez un œil sur «Le Faucon Maltais» de John Huston (1941) ou «Le Grand Sommeil» de Howard Hawks (1946), deux classiques hollywoodiens qui vous feront aimer trench, pardessus, pantalons taille haute et tout ce qui a trait aux chapeaux en feutre.
Souliers et costume impeccables, montre Aquascutum : la tenue d’Humphrey Bogart dans «Casablanca » est aussi culte que le film lui-même. A noter que celles d’Ingrid Bergman sont toutes aussi inspirantes.
Si vous recherchez une approche plus Play it again, Sam ».
2. Le trench et le moment de grâce
«L'Ange ivre» (Akira Kurosawa, 1948)
C’est l’histoire d’une scène fugace : le mouvement se fige, on n’entend soudain plus les dialogues, l’image se brouille et l’esprit vagabonde. On n’a pas vraiment vu la Vierge mais c’est tout comme : c’est une fulgurance, un moment de grâce. Et nous voilà bloqués ad vitam eternam sur une pièce, un look, une tenue…
Essayez un peu pour voir : ça se passe ici, on y aperçoit un imperméable de type trench, une probable chemisette claire à motifs et col cubain associée à un pantalon clair lui aussi, avec visiblement une coupe large et de beaux volumes. Ivre ou pas : un ange fonce dans le tas.
Moins romantique que Rick Blaine, notre deuxième homme nous emmène dans le Japon d’après-guerre. On s’était déjà arrêtés chez Yasujiro Ozu lors d’une précédente Bobine et rien n’a changé : le Japon reste plus que jamais une source d’inspiration pour la mode ou le cinéma.
Prenons par exemple «L’Ange ivre» d’Akira Kurosawa. C’est un classique et il a quelque chose du documentaire dans la forme. Tourné à la fin des années 40, il puise aussi habilement une partie de ses influences stylistiques chez les gangsters d’Amérique. Même art du costume flamboyant ici, décliné nuit et jour au milieu d’un quartier en perdition de Tokyo.
C’est l’histoire d’une rencontre : celle d’un médecin volontiers alcoolique et d’un jeune yakusa tuberculeux nommé Matsunaga. Ce dernier est interprété par Toshiro Mifune, 28 ans et pour la première fois sous l’œil de la caméra de Kurosawa.
Ce sera le début d’une longue et tumultueuse collaboration entre les deux hommes, qui débouchera sur un certain nombre de chefs d’œuvres : «Chien Enragé», «Rashomon» ou «Les Sept Samouraïs» pour n’en citer que trois.
Comme dans «Casablanca», le style de Toshiro Mifune est plutôt à chercher du côté formel. Beaux souliers et blazers croisés, pantalons amples et taille haute, chemises et cravates, le tout avec des rayures, des couleurs claires et finalement quelque chose d’assez printanier dans l’esprit. Son personnage est éminemment élégant malgré la maladie et sa consommation effrénée de produits contre-indiqués.
On peut y voir la chronique d’une déchéance annoncée, mais pas que : le film a ses petits moments de joie. Pour les amateurs de vêtements, cela prendra par exemple la forme du trench cité plus haut. On peut parler d’apparition, et c’est sans doute renforcé par le fait qu’on sait relativement peu de choses dessus.
Est-ce vraiment un trench ? Et si oui, en quelle matière : cuir, tissu ou plastique ? Ce phénomène, vous ne le connaissez j’en suis sûr que trop bien : ça s’appelle un coup de cœur, et quand il prend naissance à l’écran, on a subitement envie de voir, de toucher et de remonter jusqu’à l’étiquette de composition.
Sauf qu’on n’a parfois pas toutes les réponses, et que certaines pièces aperçues ici ou là dans les films resteront mystérieuses, uniques, introuvables ailleurs que sur pellicule. Si à travers ce film, vous vous demandez subitement quoi portez d’autre sous la pluie, quelques conseils utiles ici. Sinon, place à quelque chose de plus léger. Faites vos valises, on rentre à Paris !
3. Mac et Objectif lune
«Mon Oncle» (Jacques Tati, 1958)
Vous pouvez ranger votre album de Tintin. Ceci est une fausse alerte. En revanche, ne vous attendez pas à garder les pieds fermement sur terre. Apparu en 1953 dans le cinéma résolument unique de Jacques Tati, Monsieur Hulot est un personnage immédiatement identifiable : il est grand, fin, fume la pipe et ses vêtements sont pour ainsi dire indissociables de son caractère lunaire.
On a tous déjà croisé un Monsieur Hulot quelque part, et parfois même dans les films d’autres cinéastes. Regardez par exemple chez François Truffaut, sur les quais du métro de Domicile Conjugal.
Mais qui est Monsieur Hulot, au fait ? Un drôle de type. Un flâneur distrait. Un homme à la fois curieux ET distant de tout. Il déambule à pied ou en solex dans des décors qui évoquent tantôt la France d’Épinal tantôt les arts plastiques et contemporains. C’est un poète involontaire, toujours entre deux mondes et donc souvent un peu à côté du temps présent.
«Mon Oncle» est le troisième film de Jacques Tati. Pour sa deuxième aventure à l’écran, Monsieur Hulot délaisse les vacances pour découvrir le monde moderne, le travail à l’usine, la technologie qui entre pas à pas dans les foyers et la montée de l’urbanisme en région parisienne. En ce sens, c’est presqu’un documentaire et c’est passionnant.
Pour celles et ceux qui s’intéressent au design, à l’architecture ou à la décoration d’intérieur, les films de Jacques Tati seront d’ailleurs une mine d’or. Si vous appréciez en plus l’humour subtil, le travail sur le son et le silence, n’en jetez plus : ce cinéma-là est fait pour vous.
Monsieur Hulot ne serait cependant pas Monsieur Hulot sans son style inimitable. C’est même un de mes préférés de cette sélection d’imperméables au cinéma.
D’abord les vêtements et accessoires de premier plan : un chapeau, une pipe, un parapluie et un imperméable beige un brin chiffonné, taché ici et là. Il annonce l’imper du futur Lieutenant Columbo, à ceci près qu’il est ici porté avec davantage de style.
C’est une pièce qui respire la vie et l’accident, un garde-mémoire des évènements : un incontournable, au sens propre et figuré. Il a la forme d’un Mac, une coupe parfaite qui s’élargit en bas, une doublure à carreaux. Ce pourrait être un Burberry, ou pas.
Monsieur Hulot ne s’en sépare en tout cas jamais - possible même qu’il dorme avec. A titre personnel, si je devais faire l’acquisition d’un manteau de ce type, je m’orienterais précisément vers celui-là, ou du moins vers quelque chose d’approchant.
Au-delà de la pièce, élément central de sa tenue, il y a aussi tout le reste : une chemise blanche et un nœud papillon rouge/bordeaux en haut, un pantalon gris trop court et des derbys suédés de couleur marron en bas.
Le petit détail formidable ici : des chaussettes rayées, qui donnent à l’ensemble quelque chose de tout à fait magique et de joliment décalé. Trop peut-être ? Réajustez vos vêtements et attachez vos ceintures, nous reprenons la route pour Hollywood et ses étoiles.
4. Trench et Mac réunis
«Diamants sur canapé» (Blake Edwards, 1961)
Qui n'a jamais rêvé d'habiter l'immeuble new-yorkais d'Holly Golightly ? On découvre cette jeune femme haute en couleurs au début des années 60. Elle est interprêtée par Audrey Hepburn, habillée par Givenchy et a tendance à rendre chèvre tous les hommes qui l'entourent.
Soixante ans plus tard, elle incarne toujours une certaine idée de l'élégance féminine. Quant aux hommes de l'époque, disons qu'ils sont volontiers paternalistes, old fashioned et qu'ils portent invariablement le costume bleu ou gris.
«Diamants sur canapé» raconte les rêves, les angoisses et la rencontre de la jeune femme avec un écrivain qui n'écrit plus mais qui fait encore semblant. C'est notre première incursion dans le monde du réalisateur Blake Edwards et on y reviendra.
En attendant, parmi les merveilles vestimentaires d'Audrey Hepburn, on découvre un trench crème devenu iconique. Il est comme figé dans une scène inoubliable et éperdument romantique, qui se déroule dans les rues de New-York, sous une pluie battante.
La musique qu'on entend partout est signée Henry Mancini et la chanson s'appelle «Moonriver»: Audrey Hepburn la joue à un moment donné à la guitare et en sweatshirt gris, depuis la fenêtre de son appartement. On en oublierait presque que son partenaire à l'écran aussi porte l'imperméable.
Il s'appelle George Peppard, et il ne prononce pas encore le désormais culte "j'adore quand un plan se déroule sans accroc". Bien avant d'être une star de la télévision, George Peppard crève l'écran ici : c'est même le rôle de sa carrière.
Quel est son style et que porte-il ? Il n'est pas si différent des autres hommes du film. Coiffure impeccable avec raie sur le côté, même art du costume sur mesure avec une alternance de bleu et de gris. Il a cependant ses petits trucs à lui.
Des Chelsea boots par exemple, ou bien encore des chemises à grand col boutonné, un cardigan sans manches beige et plus généralement une certaine tendance à porter le costume en dépareillé. Par exemple un blazer a chevrons gris avec un pantalon marine, et inversement.
Son imperméable à lui est beige. Il a tout du Mac que l'on porte replié au bras quand il fait trop chaud ou qu'il ne pleut pas. C'est loin d'être anodin : c'est le premier attaché à ce vêtement.
Vous hésitez entre le Mac et le trench ? Gardez en tête la silhouette de George Peppard et retrouvons-nous au film suivant : vous verrez que le trench est peut-être un poil moins "consensuel" à porter.
5. Le trench et l’armure
«Vie privée» (Louis Malle, 1962)
Un homme, une femme, une histoire d'imperméable. Tout cela a quelque chose de déjà-vu. Soyons par ailleurs honnêtes : «Vie Privée» occupe une place relativement mineure dans la filmographie de Louis Malle. Le scénario n'est pas folichon, la mise en scène manque de rythme et de caractère. On peut lui préférer «Ascenseur pour l'échafaud» ou «Le Feu Follet». Et dans un tout autre genre, «Le Monde du Silence», avec Cousteau. Mais…
... A défaut d'être un grand film avec et sur Brigitte Bardot , «Vie privée» a quelques atouts qui font une très grande part de son charme. Figurez-vous que ça tient principalement au style et aux vêtements. Et qu'il y en a à la fois pour les hommes et pour les femmes.
Nous l'avons vu dans le film précédent : l'imperméable est loin d'être réservé aux hommes. A l'instar d'Audrey Hepburn, Brigitte Bardot arbore donc ici aussi un imperméable beige de type trench. Pour ceux qui en douteraient encore, cette couleur fait des merveilles avec le blond et le bleu ciel. C'est une des redécouvertes du film. Il y en a quelques autres.
Paris, Genève, l'Italie. Il est question d'une star de la mode et du cinéma que le public et une certaine presse ne lâchent plus. Depuis «La Dolce Vita» de Federico Fellini, ces journalistes avides de scoops ont d'ailleurs un nom : les paparazzis. Ils n'épargneront rien au personnage de Brigitte Bardot.
En revanche, vous noterez vite que ses tenues sont encore aujourd'hui inspirantes, et qu'on peut possiblement en trouver des traces dans les collections femme contemporaines, chez Sezane, Balzac Paris et bien d'autres. Icône de la mode ?
Épuisée, perdue, tourmentée, la jeune femme se réfugie en tout cas dans la chanson, dans les replis de son imperméable, la solitude et/ou les bras et le vestiaire de Marcello Mastroianni. C'est une trouvaille intéressante quoique relativement commune.
Dans un couple, il arrive qu'on fasse quelques échanges de vêtements. C'est par exemple l'occasion d'apprécier la mixité d’un pyjama en soie, d’une chemise formelle, d’une belle veste en maille, voire carrément d’un ensemble de costume. On a déjà vu que ça marchait aussi dans l’autre sens.
Pour le reste, le vestiaire de notre homme est résolument classique, à l'italienne. Des souliers, des pantalons avec des pinces et du volumes, des chemises, des polos et des blazers avec de larges revers. Marcello Mastroianni excelle dans ce domaine. C'est même une référence.
Rien d'étonnant dès lors à ce qu'il porte aussi le chapeau et le trench-coat. Il a ici un coté à la fois enveloppant et aérien, modifiant ainsi sensiblement la morphologie de son porteur. C'est une armure légère. Une sorte de refuge, en somme. C'est aussi une pièce relativement imposante de par son style marqué.
C'est justement ce qui peut gêner ou surprendre si vous n'avez pas envie d'être comme noyés par le style de vos vêtements d'extérieur. Pour autant, c'est aussi un des attraits du trench : quelle autre pièce du vestiaire masculin peut se targuer d'être à la fois aussi stylisée et sécurisante ? Si cette pièce vous intimide, optez plutôt pour un Mac, plus épuré et plus simple à porter.
6. Le trench et le polar
«Le Doulos» (Jean-Pierre Melville, 1962)
Retour au calme. C’est le monde de la nuit, du film noir et de son adaptation française. Personne ne semble jamais vraiment dormir chez Jean-Pierre Melville. Une certitude en revanche : le trench et plus généralement l'imperméable sont indissociables de son cinéma.
Ils font partie des meubles du polar, de la même manière que les revolvers, les night clubs, le jazz et les belles voitures américaines. C’est un peu plus que de simples vêtements, aussi.
Les souliers, les chapeaux en feutre et les costumes-cravates sont invariablement de sortie. Et bien sûr, la première image qui vient à l'esprit au sujet du trench chez Melville, c’est celle des personnages d'Alain Delon dans le «Samouraï» ou «Le Cercle Rouge» : rassurez-vous, s’ils ne font pas partie de cette équipée, ils ont leur Bobine dédiée ici.
Pour aller plus loin, pourquoi ne pas plutôt s'attarder sur un classique moins médiatisé ? «Le Doulos» par exemple, un film qui raconte l’histoire d’un homme fraichement sorti de prison. Il s’essaie au revolver, renoue avec les vols de bijoux, et tout cela vous vous en doutez peut-être va mal finir.
C’est presqu’un film à énigmes tant les personnages sont ambigus : "il faut choisir : mourir… ou mentir ?" nous annonce-t-on d’ailleurs à l’entrée.
La loi, la morale, une esthétique qui se met en place et prendra toute sa mesure dans les films suivants : «Le Doulos» est une aventure intéressante à plus d’un titre.
Prenons par exemple le style des personnages : du trench et des imperméables partout, comme si c'était le dernier vêtement sur terre. C’est un classique du code vestimentaire de Melville et il raconte en filigrane toute sa filiation avec le cinéma américain.
Vous retrouvez le trench sur le dos de Jean-Paul Belmondo ou plus inspirant encore sur celui de Serge Reggiani : nous sommes parmi les hommes qui s’habillent en toute occasion et ces silhouettes en rappellent évidemment une autre : celle d’Humphrey Bogart.
Pour les imperméables, on pense toujours aux marques pionnières : Aquascutum, Mackintosh. Mais aujourd’hui on irait peut-être aussi chez Grenfell ou Husbands pour retrouver cet esprit si particulier.
En attendant chez Serge Reggiani, le style est terriblement réussi et il éclipse jusqu’à la star Belmondo. Ça tient autant à une attitude qu’au porter des vêtements : le tombé d’une chemise ou d’un polo manches longues rentrés dans le pantalon, le nœud d’une cravate, le trench la nuit qui l’enveloppe sous la lumière des réverbères.
Vous tomberez assurément sous le charme de son polo à manches longues, voire même de sa tenue de cambrioleur qui comprend à la fois une veste d’inspiration militaire et une paire de sneakers.
Comme souvent chez Melville, le vêtement est synonyme de codes et de frontières troubles. Mais peut-être avez-vous subitement envie d’un peu plus de lumière. Pour un trench plus léger et moins chargé d’histoire, rendez-vous au point suivant.
7. Le trench et ses clichés
«La Panthère rose» (Blake Edwards, 1963)
Comment résister au charme des coupes et couleurs de vêtements des années 60 ? Lorsque l’inspecteur Clouseau apparait pour la première fois à l’écran en 1963, le succès est immédiat.
Le film est drôle, servi par un générique animé et une garde-robe inspirante. Son petit air de musique est devenu culte et si cette année-là, Blake Edwards est un réalisateur comblé, la série des «Panthère rose» ne fait que commencer.
Clouseau est un drôle de type incarné par Peter Sellers. Il porte un trench-coat Aquascutum de couleur crème à longueur de journée mais il peut tout aussi bien passer au Mac de couleur marine si la situation l’impose. Bien souvent, c’est lié à une bourde ou un accident.
Autre signes distinctifs : des chaussures marron en cuir suédé par moments et toujours une moustache, des gants et un chapeau en tweed qui ne parvient pas tout à fait à faire oublier celui de Sean Connery dans Indiana Jones.
L’essentiel est ailleurs : il y a de l’imperméable à foison, et les costumes sont tous assez séduisants.
Contre toute attente, Jacques Clouseau est inspecteur de police. Il a en charge la protection d’un diamant rare , et sa principale obsession tourne autour d’un cambrioleur de renom : le Fantôme. A partir de là, l’histoire se développe autour d’une galerie de personnages au style très affirmé interprétés par Claudia Cardinale, David Niven ou Robert Wagner.
Du lieutenant Columbo à l’inspecteur Gadget, l’imperméable est comme qui dirait inclus dans la panoplie du détective. C’est comme ça, on n’y peut rien, certains clichés ont la dent dure et ça peut poser problème quand on veut s’essayer à certaines pièces.
D’autres légendes persistantes voudraient que l’imperméable soit le manteau favori des hommes d’affaires, des vieux messieurs, voire des hommes et des femmes qui ne portent rien en dessous .
C’est peut-être la raison pour laquelle ce vêtement a quelque chose d’un peu intimidant. Comment dépasser les clichés ? Peut-être tout simplement en nous réappropriant cette pièce pas à pas, en toute humilité et à partir de notre vestiaire contemporain.
En attendant, si l’intitulé du poste de Clouseau a l’air sérieux comme ça, ne vous y trompez pas. Il a beau porter des costumes au poil et imposer une certaine élégance, notre homme enchaine majoritairement les gaffes et les excentricités.
Il est ainsi tout à fait en mesure d’associer trench et pyjama. C’est un brin étonnant mais la pièce le permet, comme la plupart des manteaux longs et vous faites peut-être la même chose le week-end.
Ceci étant, les pyjamas sont très beaux, et les mailles aussi . Si le trench et dans une moindre mesure le Mac sont omniprésents, il y a définitivement quelque chose à prendre de ce côté-là aussi. Tentez l’expérience, cela pourrait bien vous plaire. Sinon direction Londres !
8. Le Mac et l’élégance britannique
«Le Crâne maléfique» (Freddie Francis, 1965)
Posons un instant le décor. Du vent, des hululements, des trucs qui grincent et un cimetière juché sur une colline. C’est une chanson des Beatles ? Non. Mais côté sonore, tout y passe : le chat, la chouette, le chien au loin et peut-être même le dentier du gars qui creuse dans son coin.
L'ambiance est XIXème siècle, il fait bien évidemment nuit et cette entrée en matière est typique des productions de films d'horreur anglais des années 50/60. Attention cependant : les effets spéciaux sont vintage ici et tout est principalement question de style, d'ambiance et de musique stridente.
«Le Crâne maléfique» est justement une pépite du genre : réalisé par un habitué des studios Hammer et Amicus, le film réunit Christopher Lee et Peter Cushing - deux des plus beaux dépositaires du british style de leur époque.
Depuis la fin des années 50, les deux hommes partagent régulièrement l'affiche de ces petites productions spécialisées. Frankenstein et Dracula n'ont aucun secret pour eux. Et pour ne rien gâcher, ils ont un certain talent pour s'habiller.
Si vous aimez les atmosphères fantastiques, les vieux grimoires ET le style vestimentaire anglais, jetez par exemple un œil sur «Le Cauchemar de Dracula» ou «Le Chien des Baskerville» .
«Le Crâne maléfique» met en scène deux collectionneurs londoniens tirés à quatre épingles. Leur truc, c'est l'antique et l'occulte. Vu de l'extérieur pourtant, pas de capes noires à l'horizon. C'est même plutôt un festival de tenues habillées à l'ancienne : chaussures, costumes, smokings, cravates, pulls, cardigans et autres manteaux.
Les deux hommes vont croiser la route du crâne du Marquis de Sade et au-delà de son intérêt historique, il est surtout doté d'étranges pouvoirs maléfiques. Ce n'est pas la seule excentricité de cette aventure.
Si par exemple le vous attire, vous en trouverez sur les gants et les cravates de Peter Cushing. Il porte également des chemises blanches sous des pulls fins à col V, des pantalons marine ou gris avec de beaux volumes - et aussi des robes de chambre comme on n'en voit plus et un costume bordeaux au poil.
Pour l'extérieur : un Mac beige, dans la plus pure tradition du genre. C'est l'image même du gentleman anglais. Vous pouvez oublier le chapeau, le parapluie et retenir cette trouvaille : l'imperméable beige porté avec du blanc et du jaune fait des merveilles.
Mais le Mac a d'autres atouts : sa modernité par exemple, qui s'exprimera mieux que jamais dans le film suivant : c'est une autre légende, au moins aussi tenace que le trench-coat d'Humphrey Bogart et vous la connaissez. Forcément.
9. Le Mac et le ciel bleu
«Bullitt» (Peter Yates, 1968)
Autre genre cinématographique et musical, autre style vestimentaire, même type de pièce. C’est toute la magie du vêtement que de s’interpréter différemment selon la culture, l’âge, le caractère ou la morphologie du porteur.
Steve McQueen est américain, Peter Cushing anglais. Entre les deux : un océan, un style et près de 20 ans d’écart. Pour autant, ils ont en commun de faire du cinéma et de cultiver un certain art de s’habiller. L’imperméable est ici un bon point de ralliement.
Si Steve McQueen n’a pas le monopole du bon goût en matière de mode au cinéma, il est bien difficile de ne pas y revenir de temps à autre, simplement pour le plaisir de retrouver ses personnages et leurs tenues enthousiasmantes. Parti trop tôt, on aurait d’ailleurs adoré le voir conjuguer son style jusqu’au troisième âge.
Quels nouveaux gimmicks, quels secrets, quelles tenues aurions-nous alors pu découvrir ? Si l’on ne connaitra malheureusement jamais ce plaisir, il reste une poignée de films témoins à revoir. Par exemple ce classique de la fin des années 60 réalisé par Peter Yates, un cinéaste touche-à-tout qui décroche là son plus fameux moment de gloire.
«Bullitt» est presque un cas d’école du style au cinéma. Pour rappel, nous nous étions déjà penchés dessus à travers le pull à col roulé. Pour celles et ceux qui n’ont pas encore franchi le pas du visionnage, cette nouvelle Bobine est donc une occasion de plus de s’y essayer.
Pour résumer : si l’imperméable de type Mac ne devait avoir qu’un ambassadeur à l’écran, ce serait probablement Steve McQueen. Parmi les autres concurrents en lice dans cet article, on pourrait également citer George Peppard, Peter Cushing ou, nous le verrons plus tard, Morgan Freeman.
En attendant, Steve McQueen campe ici un lieutenant intègre et peu bavard affecté aux rues ensoleillées de San Francisco. Entre pressions politiques et course-poursuite en Ford Mustang, son personnage est soumis à rude épreuve. Il reste cependant invariablement stoïque, et surtout ne perd jamais son sens aigu de l’habillement. Les deux sont d’ailleurs peut-être liés.
En témoigne sa manière tranquille et assurée d’aborder le port du Mac. C’est une jolie pièce : manches raglans, couleur beige, style épuré, le genre qui peut s’accommoder de tout et par exemple d’un hoodie ou d’une paire de sneakers.
Ce n’est cependant pas la voie choisie par Steve McQueen. Ici l’imperméable vient ajouter un peu de lumière à une tenue par ailleurs très solide, composée de tweed marron, de flanelle grise et de maille marine. Aux pieds : du suédé marron comme Monsieur Hulot, quoiqu’ici ce sont des desert boots.
Si tout cela est parfait, vous noterez comme le mac beige s’accorde avec un beau ciel bleu. Ces vêtements-là ne sont pas réservés à la pluie et figurez-vous qu’ils ne sont pas que beige non plus. La preuve ? Film suivant !
10. Le trench et le noir
«La loi du milieu» (Mike Hodges, 1971)
Générique. C’est une musique bien trompeuse, plutôt colorée et funky. Il y a cependant un petit quelque chose de «Faites entrer l’accusé» là-dedans. Et de «Germinal» aussi, pour le côté suie bien noire et nuances de gris.
De fait, les images que vous allez découvrir sont d’une tonalité bien assombrie : glauques, ternes, glaciales, avec du vent violent et de la grisaille plein les yeux et les oreilles, à croire que le soleil s’est définitivement fait la malle.
Il fait moche dans «La Loi du Milieu » et cette météo s’accorde assez bien avec le caractère de ses personnages. Au fil des années, cette histoire est pourtant devenue culte. C’est un film modeste, un peu à part, résolument anglais, redécouvert sur le tard et célébré depuis en grande partie pour ses vêtements.
On a déjà commencé ici, mais on pourrait passer en revue tous les films avec Michael Caine, même les plus mauvais, et y trouver toutes sortes d’inspirations vestimentaires – les costumes, les mailles et même les uniformes de la R.A.F.
Pour les coupes de cheveux, c’est autre chose mais replaçons peut-être un peu le contexte : «La Loi du Milieu» a été tourné au début des années 70 et son action se déroule au Royaume-Uni, entre Londres et Newcastle.
C’est une sordide histoire de vengeance. Le film est dur, avec une approche documentaire et des personnages antipathiques. Celui de Michael Caine s’appelle Jack Carter et c’est un tueur, misogyne et parfaitement indifférent.
C’est la première information à retenir. La deuxième, c’est qu’il est particulièrement bien habillé et vous voyez dès lors apparaitre toute la complexité du problème. Comment séparer le style du monstre ?
La réflexion s’annonce intéressante, et le film vous mettra peut-être bien mal à l’aise.
Car tenez-vous bien : la seule chose désirable chez Jack Carter, ce sont ses vêtements. Son costume trois pièces marine par exemple, sur-mesure et avec du mohair dedans, en a fait rêver plus d’un. Certains le placent même parmi les plus beaux costumes du cinéma.
On pourrait également s’arrêter sur ses chemises Turnbull & Asser ou sa montre Rolex. Mais en réalité, le plus fascinant ici c’est bien la pièce qui enveloppe ou cache toutes ces merveilles des regards extérieurs.
C’est un Trench noir de marque Aquascutum et lui aussi figure parmi les plus célèbres du cinéma. Peu importe que le film puisse par ailleurs être perçu comme mineur : il a sa patte à lui et son sens du style a quelque chose de tout à fait unique.
On ne voit pas bien quel autre vêtement d’extérieur pourrait coller aussi bien à ce personnage désaffecté. C’est la pièce parfaite. Et s’ils ne sont pas nombreux à l’avoir aussi bien portée en noir, il en est d’autres qui ont su lui apporter un autre genre de supplément : de l’amour, de la passion et du grand sentiment. Allez, un indice ici. A tout de suite !
11. Le trench, l’amour des femmes et du vêtement
«César & Rosalie» (Claude Sautet, 1972)
Il y a peu, Valérie Leulliot d’Autour de Lucie nous racontait son amour du Perfecto et du « stylisme des femmes dans les films de Claude Sautet » Et effectivement, il y aurait bien des leçons à en tirer, ne serait-ce que sur la seule période 1970-1974.
Que dire par exemple de «César & Rosalie », un Claude Sautet millésime 1972 et porté par Romy Schneider, Yves Montand et Sami Frey ?
Qu’on ne s’y arrêtera probablement pas à la seule mode féminine. Car il se trouve que le stylisme des hommes aussi est inspirant, et qu’il y a du trench bien porté dedans.
Si jamais vous préférez le Mac beige, vous pouvez toujours faire un bond dans le temps et revoir «Nelly & Monsieur Arnaud» - le personnage à observer n’est autre que celui de Michel Serrault.
«César & Rosalie», c’est l’histoire assez rocambolesque et désespérée d’un ménage à trois entre Paris, Sète et Noirmoutier et il y aurait probablement de quoi faire une Bobine entière sur le style de Romy Schneider dans cette aventure.
Les costumes sont signés Yves Saint Laurent, c’est régulièrement magnifique et personne n’a par exemple oublié la robe en mousseline de soie imprimée qui apparait dès le premier quart d’heure.
Au passage, elle a aussi a porté le trench au cinéma mais le vrai sujet ici n’est autre que celui porté par Yves Montand. Et bien sûr cette silhouette vous sera familière.
Tout ce qui a trait au trench au cinéma renvoie d’une manière ou d’autre au premier point abordé dans cette Bobine. C’est toute proportion gardée l’origine du monde et il n’est pas délirant de penser que tous les hommes ont un jour eu en tête d’avoir le style d’Humphrey Bogart.
Yves Montand n’a pour autant rien à lui envier. Le vêtement semble naturel chez lui, comme une seconde peau. Jetez par exemple un œil sur «Le Cercle Rouge» de Melville ou sur son autre contribution au cinéma de Claude Sautet dans «Vincent, François, Paul et les autres». Comme Philippe Noiret, c’est un homme de goût vestimentaire.
Ses tenues dans «César & Rosalie» ne dérogent pas à la règle. Il porte par exemple le trench beige avec un superbe costume à rayures marine. Un chapeau ou une cravate tricot. Un pull beige et un blazer en velours marron.
Sans surprise, le film tout entier respire l’amour des femmes et du vêtement. Inutile de rappeler qu’Yves Montand était un séducteur. Son style et le film dans son ensemble ont quelque chose d’irrémédiablement obsédant.
Ça tient peut-être à ses images, à son jeu d’acteurs, peut-être aussi à la musique de Philippe Sarde ou à la lecture de Romy Schneider. Comme «Le Doulos» de Melville ou «Mon Oncle» de Jacques Tati, « César & Rosalie » est en mesure de nourrir quelques nouvelles obsessions.
12. Le trench et l’inspiration alsacienne
«Les Trois jours du Condor» (Sidney Pollack, 1975)
Le style, toujours le style. Que diriez-vous d’une petite virée en mobylette et en musique dans les rues de New York pour continuer ? Notre nouvelle histoire débute en partie comme ça. Il faut parfois laisser le temps à l’action de se développer.
Pendant ce temps, ça s’affaire dans les coulisses : un truc pas net se prépare, et il ne suffira pas d’être bien habillé pour se sortir de ce futur guêpier. Notre homme à mobylette est arrivé à destination. Il est en retard, mais il a un charme fou alors on lui pardonne presque tout.
On a déjà évoqué le cinéma de Sidney Pollack dans Bobine, notamment à travers les parkas et les cols roulés, et vous savez probablement déjà qu’il compte parmi ses acteurs fétiches un dénommé Robert Redford.
Si vous avez déjà vu «Les Trois jours du Condor», il est probable que vous soyez tombés en pamoison devant la tenue qu’il porte à l’ouverture du film. Sinon, voici une petite piqure de rappel : blazer en tweed gris, cravate tricot et chemise en chambray, petit pull marine, Levi’s 517 et boots marron. C’est d’une efficacité redoutable et le festival ne s’arrête pas là.
Tourné au milieu des années 70, «Les Trois jours du Condor» est une histoire de complot et d’espionnage. C’est aussi une source d’inspiration potentielle pour vos futures tenues.
Le Condor n’est autre que Robert Redford : un agent de la CIA qui a mis le doigt là où il ne fallait pas. Traqué par un étrange personnage et son équipe, il croise sur sa route Faye Dunaway. La suite, vous la découvrirez dans ce très solide film de Sidney Pollack.
En attendant, ce qui nous intéresse aujourd’hui est un personnage de l’ombre. Difficile de résumer la carrière extraordinaire de Max Von Sydow.
Il a tourné dans de nombreux classiques d’Ingmar Bergman, joué les exorcistes chez William Friedkin et même la Corneille à trois yeux dans la série Game Of Thrones. Autant dire qu’il a porté toutes sortes de style et de costumes.
Ici il incarne le mystérieux Joubert, un homme de contrats que l’on présente comme alsacien. A travers lui, on découvre de nouveaux indices pour le moins éclairants sur comment porter le trench.
C’est peut-être un Burberry ici et il le porte avec un col roulé marron, un blazer en velours et un pantalon gris. Tout en bas des desert boots en suédé marron. Et pour les accessoires : un étrange Trilby inspiré de l’Alsace ou du Tyrol, une paire de lunettes et des gants en cuir bordeaux.
A ce stade, vous vous souvenez peut-être de notre Pierrot lunaire et de ses chaussettes rayées. Monsieur Hulot avait définitivement vu juste au sujet des chaussures en cuir suédé.
D’une manière générale, on peut dire que l’imperméable s’accorde à merveille avec les matières de caractère : tweed, velours, cuir suédé. Les exemples glanés ici et là dans cet article pointent en partie en faveur de cette direction.
Mais est-ce pour autant à dire que l’imperméable ne supporte pas la technique ou la modernité ? La réponse se trouve au point numéro 17.
13. Le trench et le Mac, des amis pour la vie
«Mikey & Nicky» (Elaine May, 1976)
« Ah j’oubliais… ». Vous avez peut-être remarqué qu’on tourne autour de lui depuis un moment, maintenant. Sa présence plane, forcément. Ses vêtements plus que sa vieille voiture, encore que tout cela participe d’un tout.
Vous connaissez bien sûr le Lieutenant Columbo et son imper beige archi chiffonné. Il a rendu Peter Falk tellement célèbre qu’on en oublie parfois l’acteur de cinéma.
Il y a pourtant bien des trésors dans sa filmographie, à commencer par les films tournés avec son ami John Cassavetes et on en parle un peu ici, à travers un vêtement singulier en matière éponge. Et puis il y a «Mikey & Nicky», pas franchement un OVNI mais assurément une véritable étoile filante.
C’est un film saisissant, tendu, filmé au plus près de ses personnages. Ils sont ici incarnés par Peter Falk et John Cassavetes en tenues formelles et pas nécessairement bien repassées.
Cette proximité du regard, c’est entre autres un ravissement pour l’amateur de vêtement en quête de détails sur les coupes et les matières. Tout ici est à aller chercher du côté de l’habillé, et de préférence de fin de soirée.
Autant vous le dire, vous ne verrez pas des films comme ça tous les jours. Et c’est tant mieux : parmi les plaisirs du cinéphile, tomber sur un chef d’œuvre et remonter le fil. Pour un amateur de vêtement, c’est la même histoire.
Inutile de décrire la joie et l’excitation quand les deux se rejoignent : le style et la mise en scène, c’est possiblement le Saint Graal de Bobine. Mes dernières expériences du genre : les cinémas de King Hu et d’Ida Lupino.
Alors bien sûr, si les autres films d’Elaine May sont aussi bouleversants que celui-là, nul doute qu’on tient là quelque chose d’autre qu’une pépite oubliée du cinéma américain des années 70. On y reviendra peut-être.
En attendant, c’est l’histoire d’une amitié épuisante et à fleur de peau, à la fois tendre et violente, qui se dévoile noctambule et toute en tensions jusqu’au petit matin.
Les deux hommes ont chacun leur raincoat, et c’est amusant de constater comme le vêtement peut aussi être vecteur d’un message fraternel. Avez-vous l’habitude de prêter vos vêtements à vos amis ou s’agit-il d’une mission impossible et inimaginable ?
Ici le motif est plus paranoïaque qu’autre chose, mais l’image finale reste la même : une amitié profonde, qui partage jusqu’au style. Ce n’est pas trop difficile ceci étant : il n’y a pas de grand écart stylistique entre les deux hommes.
John Cassavetes porte un trench beige, une chemise écrue et un costume sans cravate, Peter Falk une cravate, un costume croisé gris et un Mac marine. L’échange de blazers et de manteaux se déroule sous nos yeux, dans les couloirs d’un immeuble. C’est pas loin d’être la scène la plus bouleversante du film et c’est profondément magique.
14. Le trench et l'inspiration workwear
«New York 1997» (John Carpenter, 1981)
« Brain » est un personnage énigmatique. Ce n’est d’ailleurs qu’un surnom. Il s’appelle en réalité Harold Hellman, ce qui ne donne pas beaucoup plus d’indications sur ce qui nous attend. Que vient-il faire dans cette histoire ?
Tout commence par une ritournelle. John Carpenter n’est pas seulement cinéaste, il est aussi musicien et c’est souvent difficile de se défaire de ses gimmicks. Au début des années 80, «New-York 1997» invente pour l’Amérique un futur cauchemardesque : Manhattan est une prison et le style est désormais affaire de fripes et de récupération pour une partie de la population.
On peut y voir une sorte d’héritage punk dans le vêtement, et un monde devenu jungle partout ailleurs. On avait quitté John Carpenter avec Kurt Russell grimmé trois ans plus tôt sous les traits d’Elvis. Il réapparait sous les traits du hors-la-loi Snake Plissken.
C’est un autre genre de King, un pirate des temps modernes aux inspirations rock et militaires. Le doigt d’honneur a cependant toujours ses limites face à l’administration : il est ainsi bien vite expédié contre son gré à la rescousse du Président des Etats-Unis et s’apprête à rencontrer notre fameux «Brain», un bien étrange personnage campé par Harry Dean Stanton.
On savait déjà que ce dernier mariait la mode militaire et la chemisette hawaïenne comme personne. On découvre ici que ses talents en matière de style ne s’arrêtent pas là.
Pour ceux qui n’en peuvent plus du costume et des tenues formelles, son personnage fera ainsi office de messie : son interprétation de l’imperméable flirte en effet avec le workwear, et c’est comme un vent de fraicheur qui souffle soudain sur les vieux grimoires de Burberry et consorts.
Le sien est franchement crasseux, sans ceinture et tout à fait chiffonné. Vous n’en voudriez pas, même d’occasion. Et pourtant, quelque chose ici se dégage d’une illumination. En dessous : un pantalon et des chaussures sobres, un henley clair dans le même état que la pièce principale, et surtout un foulard noué autour du cou.
C’est vrai : cette tenue a quelque chose d’irrémédiablement western. Le foulard pourrait d’ailleurs être remplacé par un bandana à motifs. Et si le cheval ne semble pas être une option dans le monde désenchanté de «New-York 1997», cette vision décontractée et un rien décalé de l’imperméable tient une place à part dans l’océan de tenues formelles d’ordinaire associé à cette pièce.
L’avenir donnera raison au personnage de Brain. Et puisqu’on évoque le futur, il est peut-être temps d’aller y faire un tour. Rendez-vous donc en… 2019 !
15. Le trench, la peinture et le design
«Blade Runner» (Ridley Scott, 1982)
Harrison Ford, ses rôles et vêtements mythiques. Il y en a pour tout le monde : Han Solo en tenue militaire et parka grand froid, Indiana Jones et ses boots Alden, ou bien encore Rick Deckard et son ensemble retro-futuriste. Il est policier et traque des androïdes appelés « replicants » dans un Los Angeles projeté en 2019.
Tout a été dit sur «Blade Runner» ou presque. Si l’on ne compte plus les critiques et analyses ultra détaillées sur le film de Ridley Scott, c’est qu’il a influencé d’une manière ou d’une autre tout ce qui existe dans son périmètre étendu depuis 1982.
Citons en vrac le cinéma de science-fiction évidemment, le film d’animation, le jeu vidéo, la mode, la publicité et bien d’autres choses encore. Il est possible aussi que «Blade Runner» ait remis le trench au goût du jour.
Le film a ses fans ultimes et ses détracteurs. 40 ans et de nombreuses éditions remaniées plus tard, force est de constater que «Blade Runner» reste toujours fidèle au poste. Ce que l’on en retient peut-être le plus : son ambiance visuelle et sonore.
En ce sens, c’est presqu’un film de décoration totale. Il n’y a qu’à jeter un œil un sur ce Los Angeles ambient, nocturne et invariablement pluvieux du futur. Le trench a évidemment sa place ici.
Et puis il y a la musique, on ne peut plus propice à l’écoute en boucle. Sans parler de la présence du futur Lieutenant Castillo de «Miami Vice», son gilet jaune et plus généralement ses incroyables ensembles de costume.
Cet univers ne vient pas tout à fait de nulle part : il faut regarder du côté de Philip K Dick, de Fritz Lang ou bien encore du film noir et de son éternelle silhouette : le Rick Deckard de «Blade Runner» doit beaucoup à Humphrey Bogart et ce n’est pas un hasard s’il porte lui aussi le trench.
Est-ce à dire que le personnage d’Harrison Ford est lui aussi un réplicant, un clone d’être humain ? C’est une des hypothèses et le fait est que «Blade Runner» pose un certain nombre de questions sur l’humanité. Regardez le personnage assez unique de Rutger Hauer, ici enfin célébré à l’international après avoir entre autres illuminé la période dite orange du cinéaste Paul Verhoeven.
Si le trench de Rick Deckard est un clin d’œil, vous ne trouverez pas vraiment d’équivalent à cette pièce de couleur marron hormis les quelques reproductions cosplay qui existent ici et là. Les costumes crées par Michael Kaplan et Charles Knode sont en partie inspirés des années 40.
Le trench est ici porté avec une vision presque picturale du costume. Jetez si vous pouvez un œil sur cette ceinture de pantalon, ces chemises et cravates uniques, colorées et ultra graphiques.
Si le costume qu’il porte lors du test de Voight-Kampff fait l’objet d’un mini-culte chez les passionnés, retenons de notre côté cet intéressant mariage de formes et de couleurs. Comme un pont invisible entre le vêtement, le design et la peinture.
16. Le trench et la nostalgie
«L'indiscrétion» (Pierre Lary, 1982)
Attention, rareté. Il est probable que personne ne se souvienne de «L’Indiscrétion ». C’est un film étrange, à la croisée du fantastique, du policier et de la comédie tourné au début des années 80. On peut y voir au choix un nanar total, un OVNI génial, voire un peu des deux à la fois.
On ne sait pas ou plus grand-chose sur ce film. Son réalisateur a entre autres appris le métier avec Luis Buñuel et a relativement peu tourné à son compte par la suite. Côté vêtements, on y trouve des pièces assez étonnantes et surannées comme un cardigan grosse maille sans manches.
En revanche, la présence de Dominique Sanda au casting est un heureux signe du ciel : Bresson, Visconti, Bertolucci, rien de tout cela ne peut être un accident.
Ici Jean Rochefort est technicien sur une plateforme de forage. Ce n’est ni un épisode d’«X- Files» ni un film de David Lynch, mais l’espace d’un instant, il est encore possible de rêver un peu.
Notre homme y porte le casque et la blouse blanche. Il y fait son jogging aussi, en traditionnelles moustaches et sweat à capuche zippé. Vous le savez peut-être, l’acteur a bien souvent porté l’imperméable au cinéma.
En vacances à Paris, il loue un appartement à la déco exotique et découvre bientôt qu’il entend ses voisins d’immeuble depuis son poste de radio. Une sombre histoire se dessine.
Une femme mystérieuse entre en jeu et en trench beige. Elle porte aussi un béret et une écharpe bleue. Un voisin tout aussi étrange incarné par Jean-Pierre Marielle se met bientôt à vivre les mêmes choses que Jean Rochefort.
Parmi ces choses, il y a notamment les vêtements. Lorsqu’ils se rencontrent, l’un porte un duffle-coat beige et l’autre un imperméable de même couleur.
Deux styles s’affrontent alors : chemise bleu ciel, pull camionneur écru et style un tantinet rustique pour l’un ; chemise blanche, blazer vert, pantalon en velours marron et élégance patinée pour l’autre.
Puis survient une scène où les deux hommes pressés échangent quelques banalités dans l’ascenseur. Ils portent tous les deux le costume, l’attaché-case et le trench et l'imperméable sous le bras. Ils se regardent amusés, « l’uniforme du cadre ». C’est drôle et un peu triste à la fois.
A travers cette image fugace se dessine un monde où l’imperméable était encore monnaie courante dans le vestiaire masculin français. Il disparait progressivement au profit des parkas et autres manteaux à capuches.
Si tout ceci vous semble tout à coup mélancolique, comme un rappel du cycle inexorable de la mode, rassurez-vous : l’imperméable est encore loin d’être enterré.
Il apparait même là où on ne l’attend pas, dans un registre presque streetwear qui a depuis largement pris sa place dans nos vestiaires.
17. Le trench et le streetwear
«Terminator» (James Cameron, 1984)
C’est un classique du cinéma américain d’action et de science-fiction. SI vous n’avez encore jamais croisé la route du Terminator, disons simplement qu’il est apparu en 1984 sous les traits d’Arnold Schwarzenegger et qu’il n’a qu’un seul but : éliminer une dénommée Sarah Connor.
En filigrane, le film de James Cameron pose un certain nombre de sujets toujours d’actualité sur la table : la technologie, l’intelligence artificielle, le rapport au temps et autres thématiques existentielles.
Ceci étant, il y a aussi du grand spectacle, d’innombrables scènes d’actions, un nightclub baptisé TechNoir et des tenues à base d’esprit punk et/ou militaire et même un Perfecto mythique.
Ne vous y trompez pas : sur le terrain du vêtement, Terminator raconte aussi quelque chose. C’est un témoin de la mode alors en vogue dans l’Amérique des eighties, et on peut pourquoi pas y voir également une illustration du billet de Jordan sur la mise à nu.
Après tout, lorsque que nos acteurs masculins principaux achèvent leur voyage spatio-temporel dans un éclat de lumière, ils ne portent à l’arrivée aucun vêtement. Ainsi mis à nu, leur première mission consiste à trouver de quoi s’habiller.
Comment trouver son style en un temps record ? Si l’on en croit Arnold Schwarzenegger et Michael Biehn, il faut du flair, de la chance, de l’opportunisme et un certain sens de la persuasion.
Tandis que le premier fait son marché chez un groupe de punks, le second vole son pantalon à taille élastique à un sans-abri. La suite tient plus ou moins du miracle post-moderne : un trench militaire, un tee shirt rayé et une paire de baskets Nike Vandals.
L’air de rien, le personnage de Kyle Reese donne à travers ce tuto de style improvisé un tout autre sens à son rôle de héros fondateur : dans «Terminator», il ne sauve pas seulement le monde des machines, il propulse le trench dans un futur qui ressemble finalement pas mal au nôtre.
Car oui, désormais le trench ne se porte plus seulement avec des tenues formelles. Promenez-vous en ville, regardez les quelques passants qui portent encore cette pièce. Il y a toujours quelques hommes affairés en trench et en costume.
Plus rare, on peut également apercevoir des nostalgiques des décennies passées, parfois même des adeptes assumés de Sherlock Holmes.
Et puis on peut aussi trouver des tenues réinventées entre autres à partir du streetwear : joggings, jogpants, sneakers, tee-shirts et autres sweats avec ou sans capuche. Pour les perplexes, un exemple ici :
Alors, devons-nous céder les rênes du prochain Panache au personnage de Kyle Reese ? Peut-on sérieusement s’inventer un style en quelques minutes ? Des questions qui trouveront peut-être réponse auprès du sage qui suit.
18. La double vie de Jean-Claude (et le trench aware)
«Double Impact» (Sheldon Lettich, 1991)
En voilà un que vous ne vous attendiez certainement pas à retrouver ici. Et pourtant, vous ne rêvez pas : Jean-Claude Van Damme aussi porte l’imperméable, et figurez-vous qu’il a même deux ou trois trucs intéressants à nous apprendre sur le style.
Entendons-nous bien : «Double Impact» est un film de série B, pas un chef d’œuvre du cinéma, et pour l’apprécier il faut bien sûr goûter aux prises de karaté.
Il fait partie de cette série de films que l’on peut qualifier très sérieusement de « période dorée » pour Jean-Claude Van Damme : «Bloodsport», «Kickboxer», «FullContact» ou bien encore «Coups pour coups» .
Que dire du scénario si ce n’est qu’il raconte la vengeance de deux frères américains sur le Milieu hong-kongais ? Nous sommes au début des années 90 et le cinéma de John Woo est encore relativement confidentiel dans nos contrées.
En revanche, Jean-Claude Van Damme a le nez fin en plaçant le cœur de son histoire à Hong Kong, place forte des films d’action et d’arts martiaux. «Double Impact» est à sa manière un film ambitieux : vous y découvrirez deux Jean-Claude pour le prix d’un.
Car les frères jumeaux, Chad et Alex, c’est lui. Autant dire que c’est extraordinaire, ne serait-ce que parce que chacun de ses personnages adopte un caractère et un style vestimentaire différent.
Oublions deux minutes les coupes et matières pour nous concentrer sur les propositions de style. Notre premier Jean-Claude est du genre sensible et délicat. Il aime aussi s’habiller, et de préférence en couleur : rose, bleu, vert, ocre, violet, beige et marron par exemple. Vous le verrez porter des pantalons à pinces et à volumes, des chaussures et blousons en cuir suédé et des pulls à col cheminée.
Notre second Jean-Claude est quant à lui du genre brut et volontiers grognon. Son style s’en ressent presque naturellement : boots, tee-shirt, jeans ou pantalons prêts au combat, imperméable façon trench. Un peu de vert, beaucoup de gris ou de noir.
Son moment de gloire stylistique est une ode miniature au layering : imperméable de style militaire, chemise sombre par-dessus ce qui pourrait bien être un pull à col cheminée gris. Étonnant ? Peut-être pas.
Le pull à col cheminée est de retour ici et là. S’il se prête particulièrement bien au layering, on note qu’il s’agit d’une proposition d’association intéressante avec l’imperméable. Si cette option vous inspire, vous voilà peut-être bientôt aware comme Jean-Claude.
Pour le coup suivant, révisez vos classiques et rendez-vous entre autres dans les rayons des bibliothèques.
19. Le Mac et le cheveux blanc
«Seven» (David Fincher, 1995)
Ainsi donc nous voilà presque arrivés au bout de cette Bobine. Vous voyez désormais un peu mieux le tableau : si l’imperméable peut se porter de différentes manières et pas que sous la pluie, il n’est pas que l’apanage des businessmen et des vieux messieurs.
Pour autant, le personnage que nous allons maintenant redécouvrir vous montrera si besoin comme cette pièce va bien aux hommes d’expérience. Notre nouvel exemple est ainsi grisonnant, posé, réfléchi et il s’habille probablement chaque jour à l’identique.
On a certainement connu plus joyeux que l’imaginaire de «Seven». Mais à l’inverse de Jean-Claude Van Damme, le style n’est pas qu’une affaire d’action. Il peut aussi souligner un caractère, une ambiance.
«Seven» est un film pessimiste : une enquête policière qui navigue entre bibliothèques et scènes de crime, un serial-killer inspiré par «La Divine Comédie» de Dante, deux policiers que tout oppose (physique, style, traits de caractère) et peu de motifs de joie ou de lumière.
On y trouve partout des corps et des formes en lambeaux, des poubelles et détritus en vrac, des couleurs ternes et poisseuses à dominante jaunes ou vertes. Oui, le film a quelque chose de sale et pourri, comme si l’esprit du mal s’était répandu partout en ville. Mais tout n'est pas si désespéré : la tenue de Morgan Freeman semble par exemple comme épargnée par ce phénomène. Elle est rassurante, aussi.
En attendant, le film de David Fincher est moins un thriller qu’un film d’autopsie : on y analyse et dissèque les victimes évidemment, mais aussi la ville, l’Amérique et ses valeurs, la fin du siècle… et d’une certaine manière le style urbain de la fin des années 90 – un cauchemar ?
Au centre de cette histoire, un homme d’âge mûr à quelques pas de la retraite. Il aime la lecture et les énigmes à résoudre. Interprété par Morgan Freeman, il est évidemment tout le contraire de son jeune partenaire campé par Brad Pitt et qui synthétise à lui seul l'esprit des années 90.
Ici le style de Morgan Freeman est à la croisée du détective et du gentleman anglais. Certains diront qu’il s’agit d’un style immuable à la grand-papa, et peut-être que son côté rassurant vient de là. Pour autant, n’est-ce pas un brin intemporel ce que l’on découvre chez lui ?
Imaginez plutôt : un mac beige, des blazers en laine, flanelle ou tweed, une chemise blanche, une cravate et des bretelles, un pantalon habillé et très certainement une belle paire de souliers. Vous pouvez également ajouter un chapeau et un cardigan en maille, une paire de lunettes et une pile de bouquins posée sur un coin de bureau.
Morgan Freeman est-il libraire ou enquêteur ? C’est une énigme en soi, suivant ce qu’il tient dans ses mains : un livre ou un revolver. Si l’homme passera vraisemblablement la main à la fin de cette enquête infernale, nul doute que son Mac ne prendra jamais sa retraite : c’est un intemporel.
Bien. Nous voilà au bout de cette histoire et bien sûr, vous avez certainement beaucoup d'autres imperméables au cinéma en tête. En attendant de découvrir vos inspirations dans les commentaires, que diriez-vous d'un poème, pour finir ?
20. Le trench, le poème et la guitare
«The Limits of control» (Jim Jarmusch, 2009)
Comment conclure cette épopée à travers le trench, le mac et l’imperméable au cinéma sinon avec un film lui-même en forme de jeu de pistes ? C’est l’idée de cette Bobine : vous proposer des idées de films et de tenues, des pistes à relier selon votre rythme et vos envies.
Le style, c’est un passionnant travail à faire sur soi et son vestiaire - un travail au long cours et peut-être même sans véritable fin.
Pour l’illustrer, on pourrait prendre exemple sur «The Limits Of Control», un film de Jim Jarmusch qui voyage, rencontre, expérimente et ne s’arrête pas.
Il est ainsi question d’un homme en costume moiré qui va de ville en ville, d’indice en indice, jusqu’au terme supposé de sa mission. C’est un éternel recommencement, se dit-on alors.
Ce pourrait être un troubadour, sauf que son métier, on le comprend bien vite, est loin d’être aussi bohème et recommandable : c’est un tueur professionnel et il est interprété par Isaach de Bankolé, un habitué du cinéma de Jim Jarmusch et de Claire Denis .
Son voyage bien sûr a quelque chose du road-trip, de la devinette et de la Carte au Trésor : il n’est même pas tellement question de la finalité de sa mission. Il voyage, attend, recueille des informations, des messages codés et des boites d’allumettes.
Ses costumes sont toujours impeccables, inspirés par Tom Ford. Parmi ses petites habitudes : la méditation, et boire deux cafés dans des tasses séparées.
C’est toujours un peu mystérieux, et le film a quelque chose qui rappelle bien d’autres cinéastes : Michelangelo Antonioni, Jacques Rivette, Alfred Hitchcock, Aki Kaurismaki…
Parmi ses étranges rencontres, chacune a son style bien à elle et ça ressemble parfois à un défilé de mode : raincoat transparent et nudité pour Paz de la Huerta, ensemble western blanc et beige incluant trench, boots et chapeau de cowboy pour Tilda Swinton, esprit denim et western pour Gael Garcia Bernal ou bien encore costume pour le fidèle Bill Murray.
Aucun d’eux n’arrive cependant à la cheville du personnage vieillissant de John Hurt. On ne sait rien de lui si ce n’est qu’il porte une magnifique guitare dans son étui, un trench camel, une écharpe à carreaux, un chapeau et des lunettes noires.
C’est un personnage avec un truc en plus, et s’il n’y a qu’une chose qu’on attend de cette rencontre, c’est bien qu’il sorte la guitare de son étui et commence à jouer quelques notes. Cet instant n’arrivera jamais.
Alors à défaut, et puisqu’il faut bien inscrire un poème de fin sur cette guitare, un classique du maitre brésilien Baden Powell. Juste pour vous dire que le soleil, l’été, tout cela n’est plus très loin. D’ici là, profitez-en pour essayer ou porter encore un peu le trench, le mac ou un autre imperméable. A vous de jouer.