Avez vous remarqué le timing de la sortie de cet article ?
Le 12 février ?
Hmmm... C'est deux jours avant la Saint-Va...
Non, ne dites rien !
Assez de cette fête dédiée à ceux qui s'aiment !
Je m'adresse à ceux qui, comme moi, se débrouillent toujours pour être célibataires à ce moment là, année après année. Immanquablement.
Que vous n'ayez jamais trouvé la bonne personne, que vous ne réussissiez jamais à la garder, ou que le couple en tant que tel ne vous intéresse pas... Peu importe la raison de votre célibat : n'en avez-vous pas marre, d'être nargués ainsi à chaque 14 février ?
Moi si.
Et c'est pour ça que, par pur esprit de contradiction, j'ai décidé que cette fois-ci, on n'aurait pas un article dédié à ceux qui sont en couple, mais à ceux qui ne le sont pas.
D'ailleurs, si vous n'êtes pas célibataire, je n'ai pas écrit cet article pour vous.
Je suis sûr que vous en trouverez plein d'autres ailleurs, remplis "d'idées de cadeaux à offrir à votre moitié", de "comment s'habiller pour un dîner en tête-à-tête", et d'autres mièvreries en tout genre.
...
Vous êtes toujours là ?
Bon eh bien... Vous pouvez rester après tout. Si vous avez envie de lire un article qui parle de séduire via les fringues, qui suis-je pour vous l'interdire ?
Mais sachez-le : ceci n'est pas un guide.
C'est plutôt... Un essai. Une réflexion.
En préambule...
Parce que le sujet de la séduction est un sujet intrinsèquement délicat, déchaînant les passions et les outrages, je vais lister ici toutes les petites infos nécessaires à la bonne lecture de cet article.
Elles nous permettront de poser quelques postulats d'entrée de jeu, et éviteront, je l'espère, des débats inutiles en commentaires.
1. Je n'ai pas la prétention d'être un "coach en séduction"
... Ni quoi que ce soit du genre. Je suis juste un passionné de fringues qui a son expérience, et un avis soutenu par des arguments.
Je pense sincèrement qu'il peut en intéresser certains, alors je le partage. Mes prétentions s'arrêtent là.
2. Cet article est alimenté par mon propre vécu
Et étant un homme hétérosexuel, je suis navré que, par la force des choses, mes anecdotes et exemples ne puissent pas être plus inclusifs.
Je pense cependant que les principes généraux que l'on peut en retirer ne se cantonnent pas à un genre ou orientation, mais qu'ils s'appliquent aux dynamiques sociales entre les humains, quels qu'ils soient.
3. Les vêtements ne sont pas indispensables pour plaire
Voilà, comme ça c'est dit.
J'en avais déjà parlé dans une vidéo il y a fort longtemps , où j'expliquais, en substance, qu'il y avait plein de choses qui passaient avant, que c'était hyper relatif, et qu'il n'existait pas de recette magique.
4. Je n'y connais rien en mode féminine
Il me paraît important de le préciser.
Quand je regarde le style d'une femme, je ne suis pas dénué d'avis, et une partie de ce que je sais concernant le style masculin peut être transposé.
Mais je ne peux pas du tout prétendre à une compréhension aussi fine des proportions, des codes et des silhouettes, que celle que j'aurais chez l'homme.
J'ai donc une certaine forme de "naïveté".
Et j'ose également affirmer que cette naïveté fonctionne dans les deux sens : si vous demandez à une femme comment un homme doit s'habiller, neuf fois sur dix, elle vous dira comment ELLE préfère qu'un homme s'habille.
Ce qui, comme nous allons le voir, ne présage absolument pas un consensus ni auprès des autres femmes, ni auprès d'autres hommes.
Et ce même si vous estimez qu'elle sait bien s'habiller, elle.
Trois femmes, trois compréhensions du style
Je vais révéler une part de ma vie personnelle ici.
J'ai hésité, j'ai pesé le pour et le contre, et j'ai décidé que cette rupture supplémentaire de la barrière de ma vie privée permettrait de mieux qualifier mon propos.
Alors je l'ai fait.
Je vais vous parler de trois femmes, dont les prénoms ont été changés.
Ce sont soit des femmes que je fréquente/ai fréquenté, soit des femmes avec lesquelles j'entretiens/ai entretenu une conversation qui va au delà de l'amitié....
Et on s'en tiendra là pour les précisions.
Ces trois femmes accordent une certaine importance à l'esthétique et aux vêtements, soit en raison de leurs goûts personnels, soit du fait de leur métier.
Et évidemment, ces trois femmes ont de grandes différences de goûts, mais aussi de contexte social, culturel, et d'histoire personnelle.
A travers une présentation rapide, en rapportant leur avis sur mon style vestimentaire, et quelques anecdotes pour compléter, je vais essayer de vous dresser trois tableaux très différents.
Et j'espère, à travers ceux-ci, pouvoir laisser filtrer des bribes de sagesse sur comment les humains se valident et se plaisent les uns les autres, en décodant l'implicite derrière le vêtement.
1. Éléonore
Eléonore est étudiante en droit.
Bosseuse, très attachée à la culture générale, un parcours scolaire jonché de grandes écoles et universités.
Sur son Instagram alternent photos de vacances, d'elle dans des tenues très élégantes (d'aucuns diraient "trop" ?), ainsi que des publications et sondages sur l'actualité politique et juridique.
Je dirais que l'expression "être sur son 31" n'est pas de trop pour désigner son style au quotidien.
(Bien évidemment ce n'est pas elle. Mais elle pourrait tout à fait être habillée comme ça)
Elle a une véritable foi dans les institutions, les règles, la Loi et le Droit, et c'est quelque chose qui se ressent dans n'importe quelle conversation avec elle.
Elle préfère, de son propre aveu, une politesse un peu fausse, à une franchise sans tact.
Enfin, au quotidien, elle est habituée à voir des hommes en costume et son environnement est formel. De jeunes avocats et politiciens en herbe , voilà le genre d'hommes qui lui font régulièrement la cour.
Au vu de tous ces éléments, je n'ai donc pas été si surpris de voir que mes tenues qui tiraient sur le plus habillé lui plaisaient d'avantage. Et qu'à choisir entre deux tenues décontractées, elle préférait celle qui incorporerait une chemise ou un pantalon bien repassé avec des pinces.
Il me semble que quelque chose dans ce goût là reste encore dans ses critères.
Elle semblait également plutôt favorable à mes petits plaisirs sartoriaux, mes costumes sur-mesure, le port d'une cravate, et une paire de souliers glacés.
Pas surprenant non plus : en plus d'être répandues, ce sont des pièces qui ont une symbolique positive dans les milieux au sein desquels elle évolue.
Non pas parce que ça représente forcément "le pouvoir", comme on a l'habitude de l'associer au costume, mais plus parce que ça représente une tradition, la représentation d'une fonction, d'une compétence et bien évidemment une certaine appartenance sociale.
Elle a malheureusement été trop polie pour me dire si certaines de mes tenues lui déplaisaient, ce qui nous prive d'un élément d'analyse de plus. (Mais peut-être qu'elle n'en pense pas moins !)
Bref, rien d'extrêmement choquant, à mes yeux, dans l'exemple d'Eléonore, dont les goûts et réactions ne m'ont pas surpris...
Mais là où ça devient amusant, c'est lorsqu'on le prend comme point de comparaison avec les suivants.
2. Angela
Angela vient d'un pays où la scène dite "alternative" est très vivante.
Ces fameux styles "dark" ou "gothiques", que vous percevriez sans doute comme le summum de la marginalité en France, représentent des sous-cultures stylistiques, musicales et culturelles de proportions non-négligeables.
Le métal et ses nombreux sous genres musicaux y sont une véritable institution. La techno et toutes ses variantes aussi.
Angela définit son style vestimentaire comme "une version plus atténuée" de ces fameux styles des scènes alternatives.
C'est une personnalité un peu à part. Alors qu'elle a fait des études de sciences, elle a choisi d'être écrivain et artiste.
Elle a un sens critique acéré, remet constamment en question à peu près tout ce qu'il est possible de remettre en question, y compris les conventions sociales.
Cela se reflète sur ses goûts vestimentaires chez les hommes.
Bien qu'elle dise ouvertement ne pas y accorder une grande importance, je l'ai tout de même déjà entendue dire :
"Non mais bon, si un mec a un style normal, banal, y'a 90% de chances que ce soit un mec normal, banal."
Ce que j'en ai compris, contrairement à d'autres, ce n'est pas tant qu'elle s'intéresse à comment le vêtement "met en valeur" son porteur, qu'à comment il laisse percevoir d'autres choses sur lui.
En l'occurrence, c'est quelqu'un qui accorde une grande importance à l'originalité.
Pour certaines personnes, là où des vêtements bien identifiés et codifiés rassurent, valorisent, vous désignent comme appartenant au même cercle, pour d'autres, ce qui compte le plus, c'est que vous sortiez du lot.
Cette opposition de valeurs est quelque chose que j'avais déjà longuement décortiqué dans les épisodes de Sapristi n°5 où j'opposais le "Goût" et "Bon Goût", ainsi que l'épisode 10 sur l'Originalité.
Pour revenir à Angela, un jour, nous avons eu une conversation au sujet de nos styles respectifs.
En quelques mots, cela pouvait se résumer à :
- Tu sais, je t'apprécie, mais si je devais te présenter à mes potes, ton style... Ils ne comprendraient pas. Faudrait pas leur en vouloir !
- Bah oui c'est pareil pour moi. Tu imagines si je te présente à mes potes biker tatoués, avec ta dégaine ? Ils vont me demander pourquoi je traîne avec toi.
Aïe.
Une part de moi ressentait l'envie de montrer que "mais si, je pourrais tout à fait m'intégrer, d'abord !", en sortant mon perfecto et un gros jean brut...
Mais quel intérêt, au fond ?
J'aurais peut-être été un peu plus "lisible" pour ses amis, mais n'aurait-ce pas été une forme de singerie ? Une sorte d'imitation comique malvenue ?
Un peu comme ce que percevrait un passionné de sartorial s'il voyait quelqu'un dans un costume thermocollé trop grand ou trop petit, avec des chaussures pointues.
"Poseur !"
Voilà ce qu'il penserait !
D'ailleurs, son avis sur mon style vestimentaire est le suivant :
"C'est joli, mais c'est trop classique"
... Comment ça "classique" ?! Non mais ho !
Moi, il m'arrive de multiplier les prises de risques sur mes tenues, de porter des foulards, des gilets, des perfectos, des...
Comment ose-t-elle ?! Elle et son jean taille basse troué aux genoux, là...
Bon, cela dit, en y réfléchissant de plus près...
Pour quelqu'un qui évolue dans un milieu où des pièces en latex ne choquent personne, où les jeans à l'aspect "usé" et les tee-shirts de groupes de métal sont des basiques parmi d'autres...
Oui, effectivement, vu comme ça je suis "trop classique", je ne peux pas le nier.
Comme je l'ai déjà dit maintes fois par le passé...
L'originalité des uns est la banalité des autres, et la banalité des uns est la marginalité des autres.
3. Léa
Léa est directrice artistique et graphiste, ainsi que modèle photo à mi-temps.
Sa grille de lecture du style repose beaucoup sur la "High Fashion".
On entends par là cette mode qui défile, qui propose des tendances, et dans laquelle on se repère avant tout par saisons, collections, et dont les designers sont traités comme on traiterait un réalisateur : on les crédite d'une intention culturelle, d'un propos créatif, et leur présence ou absence font et défont l'identité d'une marque.
C'est un domaine et un univers qui la passionne, et elle le prend souvent comme référent.
Quand je lui ai montré le dernier épisode de Gimmick sur les pièces militaires, je l'ai déjà entendue dire, en commentant une des tenues exposées :
"Mouais, on dirait un style de début 2012".
"Début" 2012, ah ouais ? Carrément, on est à ce niveau de précision là ?
Continuons son portrait...
Si vous lui montrez un film d'animation, elle prêtera à peine attention au scénario, et se concentrera avant tout sur la patte visuelle et la direction artistique.
Elle apprécie la diversité stylistique de la même façon qu'un cinéphile apprécierait de nombreux types de cinémas : comme des petits univers bien codifiés, et bien séparés, avec leurs règles et leurs attentes.
On ne fait pas une comédie comme on fait un film d'action. On ne fait pas un film d'horreur comme on fait un mélodrame. Et faire un juste mélange de genres est un défi difficile à relever.
Alors forcément, la recherche d'une cohérence globale d'univers prime pour elle.
Montrez lui un look d'inspirations trop variées, et elle dira :
"C'est un grand méli-mélo"
Pas surprenant, quand on réfléchit à ce qu'est le travail d'un directeur artistique : créer une identité visuelle cohérente, qui correspond à une image de marque.
Elle tend d'ailleurs à catégoriser rapidement les gens en fonction de leur style, comme un pro de la communication décrypterait une stratégie publicitaire derrière une campagne.
"Ah lui ça fait mec timide, pas sûr de lui" ; "lui on dirait un mec d'école de commerce"...
Et vous savez quoi ?
J'ai beau trouver ça très énervant, il lui arrive d'avoir raison, dans ses analyses. J'ai pu le constater.
Ce qu'elle fait, ce décryptage socio-esthétique, c'est en fait un peu le propos de cet article.
Mais il lui arrive tout autant de se tromper en allant trop vite en besogne et en ne doutant de rien... Et c'est tout autant le propos de cet article.
Poursuivons d'ailleurs sur ce qu'elle pense de mes vêtements.
Léa suivait BonneGueule avant que je la connaisse, ainsi que le travail que je fais chez nous.
Et elle avait beau l'apprécier, ça ne l'a pas empêchée de me faire savoir très clairement ce qu'elle pensait de mes costumes.
Mon croisé Atelier Mesure marron à rayures craie a provoqué un gloussement qu'elle a peiné à retenir, tout en me disant :
"Désolé mais tout ce que je vois c'est un mafieux des années 30. Le Parrain quoi."
J'étais UN PEU vexé.
J'avais beau lui expliquer que "mais non mais regarde, là, j'ai mis un foulard avec une chemise à col mao, c'est quand même un choix original ! Il mettrait pas ça un mafieux, hein !", elle ne voyait que ça.
Quant à mon costume bespoke à carreaux gris Sidney Nichols si elle semblait le trouver "beau" en lui même, elle m'a avoué :
"Je te trouve mieux en tee-shirt ou en pull".
"Ça fait plus naturel" a-t-elle ajouté.
Elle a d'ailleurs jugé que ce col roulé Altea Milano dont je venais de faire l'acquisition était "magnifique".
Elle a même dit :
"Je porterais tellement ça si j'étais un mec !".
... Mais j'ai eu du mal à la remercier, j'avais encore le goût amer de la remarque sur le Parrain en tête.
Dernière anecdote avec Léa pour vous.
Un jour, j'ai mis sans trop y penser des sneakers Common Projects B-Ball en nubuck bleu en portant notre manteau ceinturé gris.
Je voulais juste sortir acheter deux trois courses, pas me préparer pour un shooting.
Et là, juste devant la porte, j'entends :
"Les chaussures là, ça va pas du tout avec le reste...".
A ce moment là, je n'ai pas pu m'empêcher de lâcher un petit "Chuuuut. Laisse moi tranquille, d'accord ?".
En bonne D.A. qu'elle était, la vision d'une paire de sneakers inspirée du basketball combinée à un manteau gris un peu plus habillé , a immédiatement déclenché un sentiment d'incohérence chez elle.
En pratique, je trouve qu'on voit passer mille et une associations plus incongrues que ça.
Mais bon, si la high fashion a dit que c'était bien, "alors ça va", je suppose.
Pour finir, je vous ai dressé un tableau d'elle qui la montre comme la plus critique des trois envers mes vêtements...
Mais paradoxalement, c'est aussi la seule des trois qui m'ait dit clairement que, oui, mon style vestimentaire et ma passion pour le vêtement l'avaient séduite.
De plus, si je devais définir son style à elle, je dirais que c'est quelqu'un qui cherche la réinterprétation des classiques...
Ce qui, finalement, est la vision qui ressemble le plus à la mienne.
Allez-donc comprendre pourquoi : malgré toutes ces similitudes, le débat au sujet des vêtements en fut d'autant plus crispé.
Pourrait-on supposer que plus vous êtes susceptibles de plaire à quelqu'un pour votre style, plus vous êtes en capacité de décevoir également ?
Le consensus n'existe pas...
Que retirer donc, de cette présentation de ces trois personnes, et de leurs points de vue concernant le style, et mon style à moi en particulier ?
Que je m'habille si mal que je ne suis pas fichu de plaire totalement à une seule ? Peut-être bien !
Plus sérieusement, s'il semble évident que les vêtements véhiculent des valeurs, ce qui rendrait l'exercice d'un véritable "guide" impossible serait de mettre tout le monde d'accord sur lesquelles.
L'exemple du costume est on ne peut plus parlant :
- Pour une personne, ce sera rassurant, valorisant, symbole de sérieux, de compétence, d'appartenance à une certaine classe sociale.
- Pour une autre personne, ce sera vu comme "de trop", comme de la surenchère.
- Pour quelqu'un d'autre, ce sera un simple déguisement.
- Et pour une autre encore, ce sera beaucoup trop classique pour ne pas être ennuyeux.
Vous voyez comme il existe 36 façons de percevoir un même vêtement, en bien ou en mal ?
Oui, certains vêtements sont plus consensuels, c'est vrai... Mais après ?
Qu'arrive-t-il si vous êtes face à quelqu'un qui n'apprécie pas le consensus vestimentaire, ou quelqu'un qui le trouve insuffisant ?
Ah et aurais-je oublié le "cas particulier" le plus évident ?
Le cas où la personne à qui vous voulez plaire n'en a strictement rien à faire ou presque des vêtements, du moment que vous êtes "propre sur vous". Ne le sous-estimez pas, il n'est pas si rare que ça.
Mais alors, pourquoi est-ce qu'on a tant de mal à se mettre d'accord sur le sens implicite du style ?
... parce que nous sommes tous biaisés
Eléonore a ses biais et ses préjugés.
Angela a ses biais et ses préjugés.
Léa a ses biais et ses préjugés.
Vous en avez aussi. J'en ai aussi. Le voisin d'en face, votre boulangère, votre collègue du bureau..
L'idée n'est pas de savoir qui a les meilleurs préjugés stylistiques, ou la meilleure vision du monde dont ils découlent.
J'aimerais souligner que cet article n'a pas la prétention d'être une "grille de lecture" pour savoir quoi porter pour séduire qui.
Gardez bien à l'esprit que ce ne sont QUE trois personnes.
Trois femmes avec qui j'ai, semble-t-il suffisamment en commun culturellement et socialement pour créer une entente, un échange.
J'aurais souhaité avoir le temps, l'expérience et le génie nécessaires pour vous faire ce décryptage pour dix personnes, pour cent, pour mille.
Nous aurions probablement pu voir à quel point les goûts et les avis des gens sont aussi prévisibles qu'imprévisibles.
Et puis que se passerait-il, s'il s'agissait de personnes avec une culture et un milieu que je comprends moins ?
Si je m'adressais à une passionnée de sneakers et de streetwear ? Que penserait-elle de mes pantalons à pinces bien repassés et de mes cols roulés ? Et de ma culture rap qui se cantonne aux Etats-Unis jusqu'aux années 2000 ?
Et si j'allais, disons, au Japon, où les codes vestimentaires sont différents ? Mes vêtements joueraient-ils en ma faveur ? M'handicaperaient-ils ?
Ma réponse à ces questions hypothétiques, c'est que je n'en ai pas la moindre idée.
Biaisés, encore plus qu'on ne le croit
J'aimerais donner encore un autre exemple pour développer l'idée des biais dans nos perceptions des vêtements.
J'ai un ami, amateur de sapes, et accessoirement lecteur de BonneGueule, qui a grandi en cité, dans un milieu beaucoup plus difficile que le mien.
On débat souvent de tout et de rien, dont de vêtements. Et moi, j'essaye de le convaincre de passer un costume au moins UNE FOIS dans sa vie.
Juste pour tester. Je lui dis qu'il serait super beau avec, j'essaye de l'encourager.
Mais à chaque fois il me répond très sincèrement :
"Je sais que t'as raison, que je devrais tester au moins par curiosité, mais j'arrive pas à me défaire de l'image que ça véhicule."
Et comment pourrais-je lui en vouloir ? Comme il me l'a si bien souligné, je ne suis pas sûr qu'on me voit de sitôt en survêtement des pieds à la tête.
Pourtant, ça pourrait m'aller, y'a pas de raison.
Alors, lequel de nous deux est le plus limité par ses biais ?
Voilà une vérité difficile à accepter : même en étant conscients du relativisme socio-culturel qui régit nos rapports, vous ne pouvez pas vous extraire totalement de vos propres biais, ni totalement maîtriser ceux des autres, qui vous observent par leur prisme.
Je profite du sujet de la séduction pour faire passer mon idée, car il interpelle, il stimule, il motive...
Mais cela vaut pour toutes les interactions sociales, de l'entretien d'embauche à une soirée étudiante où vous chercheriez à vous faire des potes.
Aucun stéréotypage, aucune création d'archétype ne peut vous permettre de prévoir avec certitude ce que chaque personne que vous rencontrerez pensera de vos fringues.
Parfois ce sera l'indifférence totale.
Parfois, ça vous rendra charmant.
Parfois, ça vous rendra ridicule.
En pratique, que faire ?
Vous l'avez compris, dans mon esprit tordu, l'idée était tout autant de décrypter l'importance du vêtement dans le processus de séduction...
Que de vous montrer le peu de contrôle que vous avez réellement dessus.
Frustrant ? Sans doute.
Mais si vraiment vous étiez en attente de savoir "quoi faire", vous pouvez retenir ces cinq points.
1. Ne misez pas trop sur les vêtements
Une fois tous les 36 du mois, un soir d'éclipse solaire, oui, il arrive que vos fringues fassent une partie du travail à votre place.
Mais c'est tellement imprévisible et difficile à contrôler que vous feriez mieux de vous concentrer sur autre chose.
Par ailleurs je crois sincèrement qu'il est plus rentable de vous habiller de façon à vraiment vous plaire à vous-mêmes.
Pas forcément parce que ce seront vos vêtements en eux-mêmes qui plairont, mais parce que le bonus de confiance et d'estime de vous que cela peut apporter, est potentiellement bien plus séduisant que d'avoir "pile le bon style" aux yeux d'autrui.
D'ailleurs la démarche de "chercher" le style est, en elle-même, quelque chose de séduisant pour beaucoup de gens.
Elle témoigne d'une curiosité, d'une capacité à se prendre de passion pour quelque chose, d'une faculté à voir la beauté des choses .
Mais c'est quelque chose qui vaut pour toutes les passions. Le vêtement n'a rien de spécial à ce sujet, à part, peut-être, le fait de pouvoir se remarquer dès les premières impressions.
De plus, vous focaliser sur les vêtements risque de vous rendre aussi à côté de la plaque que ce bon vieux Hubert.
2. Quel que soit votre style, cherchez "le Beau"
Loin de moi l'idée de repartir, après un si long article, sur un sujet d'art et de philosophie aussi vaste et complexe que "Le Beau".
Je soulignerais juste que dans toutes les choses qui nous plaisent, il y a une part de subjectif, et une part d'inné.
Cette part d'inné qui va au delà de la construction sociale, parfois, on arrive à l'atteindre un peu.
Et elle permet de plaire au delà de la subjectivité des uns et des autres.
Alors évidemment, c'est plus facile à dire qu'à faire, mais en matière de style, il faut à la fois être ouvert d'esprit et voir le beau au delà des conventions, et à la fois rester critique face à ce que les conventions nous font passer pour beau.
SURTOUT quand vous suivez une tendance, quelle qu'elle soit.
3. S'adapter sans singer
A travers les portraits et les histoires que j'ai relaté plus tôt, je n'ai pas essayé de créer des archétypes socio-culturels figés, ni de vous dire "choisissez votre camp", pour ensuite vous calquer vestimentairement dessus.
L'idée, c'est juste d'être capable de vous mettre dans la peau de votre interlocuteur, de la personne à qui vous voulez plaire, pour décoder son environnement social et ses goûts... Dans la mesure du possible.
Libre à vous, ensuite, de placer le curseur où vous voulez.
Si vous meniez une telle analyse sur une certaine personne, ou sur un certain environnement fréquenté, et que cette analyse vous permettait d'affirmer que "oui, si je porte ce vêtement, ça va plaire", alors ne vous en privez pas.
Surtout si c'est quelque chose que vous avez déjà, une tenue dans laquelle vous êtes déjà à l'aise.
Cependant, restez digne...
Je veux dire par là qu'il est inutile, selon moi, d'utiliser le vêtement pour essayer de vous faire passer "pour quelqu'un d'autre".
Ca se verra, tôt ou tard.
Parce que la personne verra les maladresses dans votre interprétation de codes qu'elle maîtrise mieux que vous, en tant qu'imitateur.
Ou parce que le reste de ce que vous dégagerez et raconterez semblera trahir votre déguisement.
Et puis sincèrement, pour être à l'aise dans une tenue où l'on se sait soi même déguisé, il faut un sacré sang froid, ou un très bon jeu d'acteur.
4. Attention à la morphologie
Il y a quand même UN vrai conseil pratique que je peux donner.
Oui, le style, c'est très relatif. Les goûts, les couleurs... Certes.
Mais j'ai remarqué qu'une chose transcendait un peu tout ça : la coupe, et comment elle sied (ou non) à une morphologie.
- Que ce soit ma mère.
- Ma grand mère.
- Mes petites soeurs.
- Mes exs les mieux habillées.
- ... Mes autres exs.
Toutes ont toujours été capables de donner un avis (plus ou moins construit), sur la coupe et la taille d'un vêtement.
Je pense d'ailleurs que les hommes sont tout aussi capables de mener la même analyse dans l'autre sens.
C'est presque primal : ce n'est plus tant une question de vêtements, ça renvoie directement à comment nous percevons nos corps.
Tant que vous ne faites pas des erreurs de débutant grosses comme le nez avec des vêtements beaucoup trop grands, ou beaucoup trop petits, les fringues seront rarement un facteur déterminant.
Alors à la limite, si vraiment il fallait optimiser les choses : choisissez les vêtements qui vous "vont" le mieux plutôt que ceux que vous trouvez "les plus cool".
Ce ne sont pas toujours les mêmes. 😉
5. Le vêtement comme filtre social ?
Certains feront remarquer que le style "peut" et "doit" agir naturellement comme un "filtre".
Il repousserait les gens qui sont trop éloignés de vous sociologiquement parlant, et attireraient ceux qui vous ressemblent.
Ce faisant, il vous aiderait à séduire les personnes "bonnes pour vous", et à passer à côté des "mauvaises".
J'ai moi-même longtemps partagé cet avis, et j'en ai été ardent défenseur.
Mais aujourd'hui, ma vision à ce sujet est plus nuancée.
Qu'en est-il des fois où vous trouvez des multitudes de points communs avec des personnes qui diffèrent de vous dans les codes et les apparences, mais vous ressemblent en creusant un peu ?
Ou de la simple liberté de vouloir explorer au delà de son milieu, et de ce qu'on a toujours connu ?
Laissez en effet agir ce "filtre" , mais ne faites pas tout pour vous ranger dans une case, et y enfermer les autres.
Voilà, du moins, ce en quoi je crois.
Quant à vous...
Qui sait, peut-être que l'année prochaine, vous aurez une bonne raison de lire un article sur "Les Meilleurs Cadeaux à Offrir pour le 14", à la place ?
D'ici là, bonne chance !