Les secrets du punk et des Sex Pistols dans « Pistol », racontés par sa costumière - Bobine

Les secrets du punk et des Sex Pistols dans « Pistol », racontés par sa costumière - Bobine
Parfois décrite comme la plus grande arnaque du siècle, l'histoire du groupe britannique Sex Pistols est étroitement liée à celle de la créatrice de mode Vivienne Westwood. Disponible sur Disney + et réalisée par Danny Boyle, la mini-série « Pistol » revient sur la naissance du groupe phare du punk anglais. Entre fiction et réalité, décryptage de style en compagnie de la costumière Liza Bracey.

Sommaire

Joy Division, New Order) ou bien encore Mark E. Smith (The Fall). Le concert lui-même est organisé par Pete Shelley (Buzzcocks) et Howard Devoto (Buzzcocks, Magazine).

Cette histoire illustre à elle seule l'influence des Sex Pistols et du mouvement punk en général sur la musique et la société anglaise alors en pleine dépression. Peu importe que vous sachiez chanter ou jouer de votre instrument du moment que vous avez quelque chose de différent à transmettre : une urgence, un style, une attitude, une énergie et bien sûr quelques bonnes chansons.

Les Sex Pistols, c'est un groupe londonien formé en 1975 autour de Steve Jones, Paul Cook, John Lydon dit Johnny Rotten et Glen Matlock - ce dernier sera remplacé en 1977 par le tristement légendaire Sid Vicious. Le manager du groupe Malcom McLaren gère alors avec sa compagne Vivienne Westwood une boutique de vêtements et accessoires baptisée Sex.

« Pistol » est une mini-série de 6 épisodes crée par Craig Pierce et commandée par la chaîne FX au début de l'année 2021. Initialement diffusée en mai 2022 sur FX, la série est désormais disponible sur Disney +. Elle raconte l'histoire des Sex Pistols et s'inspire du livre « Lonely Boy : Tales from a Sex Pistol » d'un de ses membres fondateurs, Steve Jones.

Derrière la caméra : Danny Boyle, le réalisateur de films comme « Trainspotting » ou « Slumdog Millionaire ». Si vous êtes familiers de son travail, vous y reconnaîtrez sans doute sa patte de style. Au casting : Toby Wallace, Anson Boon, Maisie Williams, Thomas Brodie-Sangster ou bien encore Sydney Chandler.

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© Richard E. Aaron/Redferns/Getty Images

Les Sex Pistols en 1978 : Johnny Rotten, Sid Vicious, Steve Jones et Paul Cook (de gauche à droite).

1. Les Sex Pistols, le métier de costumière et l'éthique punk dans le vêtement.

31 Aout 2022. Liza Bracey, la costumière de la série « Pistol », me reçoit depuis Londres via Skype. Sa carrière au cinéma et à la télévision débute à la toute fin des années 90. Depuis, elle a travaillé sur des films comme « Spike Island » de Mat Whitecross en 2012 ou « Pennyworth » depuis 2019, « Fortitude » en 2015 ou bien encore « Trust » en 2018. Liza Bracey retrouve sur cette dernière série la direction de Danny Boyle, avec qui elle a d'une certaine manière débuté au cinéma - elle détaille son expérience de travail sur ces costumes Public Image. Il a été très négatif vis à vis de la série mais après tout il se devait de l’être : c’est son job d’une certaine manière. John Lydon est un très grand artiste, en opposition avec tout, tout le temps. C’est entre autres ce qui a fait les Sex Pistols, puis P.I.L.. »

« Le punk m’a en tout cas toujours intéressé : ça a été un tel changement ! Il s’est de fait passé beaucoup choses en Angleterre avec l’arrivée des Sex Pistols. Je me souviens du jour où ma mère est rentrée avec le single de « God Save The Queen » . Ça m’a beaucoup influencé.

Plus tard, lorsque ils sont devenus un peu plus commerciaux, quelqu’un m’a offert le single « Rock around the clock » sorti en 1979 alors que le groupe n'existe déjà plus. Il y avait une photo d’une carte American Express au dos. Le single a été banni du marché parce que le groupe n’avait pas le droit d’utiliser cette image. Je dois tout de même avouer que les Sex Pistols me faisaient un petit peu peur. J’étais jeune et ne serait-ce que l’idée de les voir sur scène avait quelque chose de vraiment terrifiant. Par contre, j’adorais leur style et leurs vêtements. »

« Enfant, j’avais de l’argent de poche pour m’acheter des vêtements. Mais on n’est jamais bien riche à cet âge. Donc le côté Do It Yourself et fait maison du punk me parlait beaucoup. Aujourd’hui, on parle beaucoup de Pretenders Chrissie Hynde. Steve Jones l'a répété plusieurs fois dans les médias : « Souvenez-vous, ce n'est pas un documentaire ». La série n'est donc pas exempte de passages fictionnels, à l'image de la relation entre Chrissie Hynde et Steve Jones montrée à l'écran. En revanche, le personnage de Sydney Chandler habite à la perfection les vêtements conçus par Liza Bracey.

« Sydney Chandler était vraiment super à habiller. J’ai d'ailleurs une histoire intéressante à son sujet, et encore une fois, je la dois à mon acheteuse Julia, que j’ai évoquée un peu plus haut. Lors de mes recherches, j’ai trouvé une très belle photo de Chrissie Hynde des Pretenders plus jeune - c'est le personnage que Sydney incarne à l'écran. C’est une photo en noir et blanc, avec un très beau look : elle y portait un Mac à rayures. J’ai alors dit à Julia : « Ce serait top si on pouvait trouver quelque chose comme ça mais je ne suis pas sûr que ce soit possible car c’est une pièce assez singulière. »

« Elle est revenue vers moi une semaine plus tard, m'annonçant qu'elle avait trouvé la pièce. C’était exactement la même que sur la photo ! Nous nous sommes évidemment efforcées de la mettre autant que possible en valeur dans la série. Habiller Sydney Chandler, c’est pour ainsi dire le rêve : tout lui va à merveille et elle aime les vêtements par ailleurs. Elle se les approprie tout de suite. En fait, les vêtements font bien plus que lui aller : ils sont comme une seconde peau pour elle. »

7. Le personnage de Jordan Mooney et le retour du conservatisme vestimentaire

Pamela Rooke, plus connue sous le nom de Jordan Mooney, était une des figures du mouvement punk : mannequin et collaboratrice de Vivienne Westwood, elle appartenait elle aussi au cercle des Sex Pistols. Dans la série, elle est incarnée par Maisie Williams (« Game Of Thrones ») et son personnage est assurément l'un des plus stylisés de l'équipe. On trouve également quelques personnages clés de la scène musicale en arrière plan, comme Billy Idol ou Siouxsie - sans ses Banshees. Quel souvenir Liza Bracey garde-t-elle de Jordan ?

« Je me souviens d'une scène particulièrement émouvante à propos de Jordan Mooney pendant le tournage - elle est décédée depuis. On était alors en plein Covid, il fallait manger chacun à sa table et à l’extérieur. Il ne faisait pas très beau et Jordan était venue sur le tournage.

Elle nous a beaucoup aidés, nous a raconté beaucoup d’histoires et d’anecdotes sur la boutique Sex dans laquelle elle travaillait. Je la revois encore ce jour-là, me dire à quel point elle trouvait cela bizarre de voir quelqu’un ressembler à ce qu’elle était plus jeune, habillé exactement de la même manière, avec le même maquillage. Je ne pouvais pas vraiment me l'imaginer moi-même, mais ça doit effectivement être une sensation étrange à vivre ! »

« Dans la série, son personnage choque les passants lorsqu'elle traverse la ville avec un haut transparent, qui laisse entièrement apparaître sa poitrine. Je pense qu’une femme seins nus dans l’espace public est une image encore assez choquante pour les gens de nos jours. Étrangement, je pense même qu’on peut bien plus facilement choquer les gens à travers une tenue aujourd’hui qu’à l’époque des Sex Pistols. »

« Nous avons par exemple eu quelques problèmes avec les messages inscrits sur les tee-shirts faits par Vivienne Westwood. Ils étaient faits pour être choquants à l’époque : c’était l’objectif. Aujourd’hui, il faut véritablement être prudent avec ça, les gens sont plus facilement outrés. Ce n’est pas nécessairement une mauvaise chose car il y a certaines images qu’on n’a pas envie de voir. Mais le revers de la médaille, notamment sur les réseaux sociaux, c'est que les gens ont tendance à manquer d'audace et à faire un peu tous la même chose : ils veulent ressembler aux Kardashian, etc. »

8. Inspirations et influences

Quand on la questionne sur ses influences, ses costumiers ou créateurs préférés, Liza Bracey évoque notamment le travail de la costumière Natalie Ward, avec qui elle a pu travailler sur plusieurs films. Et figurez-vous que sa passion est communicatrice : j'ai en effet revu le film qu'elle évoque plus bas précisément pour observer attentivement le travail sur l'indigo dont elle parle. Le sens du détail n'est cependant pas la seule chose qu'elle apprécie chez les autres et dans son métier.

« J’aime beaucoup le travail de la costumière Alexandra Byrne. Je suis toujours époustouflée lorsque je regarde un film sur lequel elle a travaillé. J’aime aussi ce que fait Jane Petrie, une amie à moi. Il m’est déjà arrivé d’adorer les costumes d’un film et de découvrir avec surprise son nom à la fin du générique. J’aime également le travail de Natalie Ward, une autre amie que j’ai pu assister dans son travail. Chaque fois que je suis un projet et que je me sens un peu coincée, je me demande ce que Natalie pourrait faire. Ce sont trois costumières très inspirantes.  »

« Je vous invite par exemple à jeter un œil sur le travail d’Alexandra Byrne dans « Mary Stuart, Reine d’Ecosse ». Les costumes sont sublimes. C’est un film de 2018 qui se déroule à la fin du 16ème siècle. Alexandra a utilisé beaucoup de denim pour les costumes, ce qui est très inhabituel mais cela fonctionne particulièrement bien.

Il y a notamment une scène où le personnage principal se trouve à cheval sous la pluie pendant une bataille. Dans la séquence suivante, on la voit enlever sa robe et on peut apercevoir le colorant bleu qui a traversé les vêtements qu’elle porte en dessous. C’est magnifique, très beau, très intelligent. Et puis bien sûr, parmi les personnes que j’admire, il y a Edith Head, si l’on remonte dans le temps. J’adore les vêtements qu’elle a pu faire depuis que je suis enfant.  »

« En ce qui concerne la mode, j’aime évidemment Vivienne Westwood. Elle était nouvelle et inconnue dans ce milieu. Elle n’a pas suivi de formation. Elle est simplement allée de l’avant. Son compagnon Malcom achetait des tas de chemises rayées sur lesquelles elle peignait. Il pouvait acheter toutes sortes de dead stock et elle trouvait toujours le moyen d’en faire quelque chose de tout à fait différent... Et le vendre !

J’aime aussi Margiela, même encore maintenant, Marni ou bien encore Dries Van Noten. J’aime les couleurs et les idées simples, d’une manière générale. En fait, ce qui est intéressant avec la mode, c’est que cela fonctionne de manière cyclique. À chaque nouveau cycle, on ajoute quelque chose : on peaufine, on actualise ou on personnalise. C’est bon pour la créativité.

Lorsque j’étais plus jeune, j’avais mes périodes préférées en termes de mode. Mais j’ai découvert tellement de choses avec le temps, sur des périodes très différentes les unes des autres que ma période préférée est tout simplement devenue la prochaine sur laquelle je serai amenée à travailler. »

Jérôme Olivier Jérôme Olivier
Jérôme Olivier, ciné, velours et rock'n'roll

Ex-caviste et rock critic de poche, grand amateur de films et de chats sibériens, je crée des e-mails et je m'intéresse aux petites histoires qui vont avec les vêtements.

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