Vidéo - Les secrets de... l'indigo ! #5

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Sommaire

disponible jusqu'en mai 2022.

POURQUOI PARLER DE L’INDIGO ? 

Le seul moyen d’avoir une teinture bleue de façon 100% naturels, c’est l’indigo. 

C’est une teinture qui tient bien sur les fibres naturelles comme le coton mais aussi des fibres animales comme de la laine, ce qui est assez unique pour une teinture végétale.

Alors oui, la teinture s’éclaircit un peu au fur et à mesure des années, mais elle reste d’un beau bleu, contrairement à d’autres teintures végétales. En témoignent notamment, les parties bleues de la tapisserie de Bayeux.

tapisserie de bayeux

Ce que j'apprécie surtout, c'est la capacité de l'indigo à se mélanger à d’autres teintures, on obtient un spectre de couleur vraiment diversifié. À tel point que cela va devenir une teinture indispensable chez les teintureries médiévales, notamment pour avoir des couleurs plus durables dans le temps.

Le processus pour l’extraire est assez unique et l’utiliser tient presque de l’alchimie. Il n’est pas à la portée du premier venu, ce qui a contribué à créer sa légende.

Parce que dans la nature il n’y a pas de plantes bleues. Pour obtenir de l'indigo, il faut de l'indican ou de l'isetan b. Selon le type de plantes, il arrive que la couleur soit invisible. 

Il faut donc extraire le pigment de la plante. Or, il n’est pas soluble, ce qui est très embêtant pour un colorant. Finalement, pour lui donner sa couleur bleue si particulière, il faut le mettre en contact avec l'oxygène. 

feuille indigo

Crédit : Toiles de Fond

LA DÉCOUVERTE DE L’INDIGO 

Comment tout a commencé ? 

Nous n'avons toujours pas de réponses claires ! Il y en aura sûrement jamais d'ailleurs. 

A priori, plusieurs civilisations l’auraient découvert un peu chacun de leur côté, pas forcément en même temps.

Ce qui est étonnant c’est que c’est une couleur où il faut quelques manipulations pour l’utiliser en tant que teinture, donc c’est assez remarquable de voir que chacun a pu le découvrir à sa manière.

Peut-être que des feuilles d’indigotier qui ont été trempées dans de l’urine ou touchées par un liquide rempli de cendres ont pu “accidentellement” colorer les feuilles en bleu. 

Ce qui est encore plus curieux c’est qu’on retrouve l’indigo dans certaines légendes, comme en Asie du Sud-Ouest ou au Liberia par exemple. Pour ces civilisations, on trouve des récits qui racontent le processus de transformation d'une plante dans une teinte bleue. 

Imaginez la révélation, à un moment où il n’y avait pas beaucoup d’autres coloris naturels à part du rouge, de l’ocre, du noir et du brun. 

C'est donc une couleur pratique pour les arts et le textile. En effet, les plantes poussent un peu partout sur le globe. 

L’INDIGO ET L’ANTIQUITÉ 

Le mot indigo vient du mot grec indikon, qui est devenu indicum en latin pour désigner une substance venant d’Inde, ce qui laisse à penser que les Gallo-romains importaient cette substance dès l’antiquité. 

On a même retrouvé des traces d’indigo utilisées 3000 ans avant JC, notamment en Egypte où certaines momies étaient teintes avec de l’indigo.

À l'époque, c'est un coloris qui est signe de richesse car il est difficile à obtenir mais surtout il tenait bien dans le temps. 

Cette fois-ci, on ne parle pas de plante mais de crustacés. Cet indigo était extrait d’un petit coquillage, le Murex épineux ou le Murex tinctorial. Sachant qu'il fallait tuer 10 000 coquillages pour extraire un gramme d’indigo !

murex epineux

On faisait aussi du pourpre de Tyr avec ce coquillage, mais comme c’était coûteux c’était une couleur réservée aux élites. 

Selon Pline l’Ancien, le colorant était extrait en écrasant les coquillages, en laissant putréfier le tout pendant trois jours dans de l’eau salée et alcaline. Ensuite, il faisait bouillir le tout pendant dix jours. On peut imaginer l’odeur ! 

Si en Europe et en Asie l’indigo était utilisé depuis longtemps, c’est aussi le cas pour l’Amérique centrale et l’Amérique du sud, et ceux dès -700 ans avant JC.

Alors petit détail amusant, ils maîtrisaient bien la teinture rouge grâce à la cochenille, un insecte. En revanche, l’indigo était une teinte plus rare, plus compliquée à obtenir et donc plus mystérieuse, elle était réservée qu’aux symboles de pouvoir et de religion.

C’est comme ça que l’indigo a acquis au fil des siècles une telle symbolique, tout simplement parce que c’était la couleur pour colorier les dieux.

artemis

Représentation d'Artemis

Côté Afrique, il y a aussi une culture de l’indigo mais on ne savait pas vraiment quand elle est apparue, notamment à cause d’un climat peu propice à la conservation des textiles, jusqu’à une découverte archéologique intéressante. 

Dans les années 60-70, une expédition a eu lieu dans le pays Dogon au Mali et là on a trouvé des étoffes avec de l’indigo du XIe siècle qui prouve que les autochtones de cette époque avaient déjà un niveau avancé dans la conception de cette teinture. 

L'INDIGO AU MOYEN-ÂGE 

Côté Europe, au XVIe siècle, avec le développement des routes commerciales vers l’Inde, l’indigo de l’indigotier était un bien de luxe. Faire venir des produits d'Indes, tels que le poivre ou d'autres épices, était réservé à des usages prestigieux. 

L’indigo de l’indigotier était très recherché car il donnait un bleu plus profond que le pastel des teinturiers. Auparavant, le pastel était le seul moyen d’obtenir une teinture bleue, qu’on appelle aussi la waide ou la guède. Celle-ci était cultivée un peu partout en Europe, en France, en Italie, en Allemagne et même en Angleterre.

A priori au début on la cultivait pour des vertus médicinales, notamment pour son usage antiseptique.

Bonne gueule

En France, c'est le Languedoc qui était la région la plus réputée pour la culture de cette plante, ce qui a largement contribué à en faire une région riche.

Les marchands de cette plante possédaient de grande fortune, en raison de leurs grandes propriétés, notamment leurs champs, mais aussi car ils s'occupaient personnellement de la commercialisation de la teinture. On les appelait les pasteliers. 

Bonne gueule

Portrait de Jean de Bernuy (1664) - Hilaire Pader - Chateau de Merville

L'ARRIVÉE DE L'INDIGO EN PROVENANCE D'INDE

L'arrivée de l’indigotier d’Inde met un énorme coup au commerce du pastel. C'est alors que le prix du pastel s'effondre totalement après deux générations dorées, surtout avec le développement des colonies européennes en Inde.

Malheureusement, étant donné la charge de travail importante pour produire de l’indigo, ils exploitent des esclaves venues d’Afrique. Sans cette main-d’œuvre totalement exploitée et peu coûteuse, l’histoire de l’indigo aurait sûrement été bien différente.

récolte esclave indigo

On en était à un tel point que quand les prix de l’indigo étaient au sommet, l’indigo pouvait être échangé avec un esclave, à poids égal, c’était du délire total.

Pour satisfaire la demande de l’Europe pour du bleu, de nombreux esclaves l’ont payé de leur vie. 

L'INDIGO NATUREL 

L'indigo vient de plusieurs plantes et même de plusieurs animaux.

Côté plante, la plus connue c’est l’indigotier mais tu en as d’autres ! L’indigotier est de la famille des indigofera, qui regroupe près de 800 espèces, dont 600 en Afrique.

C’est un petit arbuste avec des feuilles roses, qui ne sont absolument pas bleues. La spécificité de cette plante est sa capacité à pousser dans de nombreux endroits.

Indigofera tinctoria

L’autre type de plante qui produit l’indigo, c’est le pastel, qui est une petite plante qui fait des fleurs jaunes et là aussi absolument pas bleues. C'est un crucifère, donc au même titre que les radis, la moutarde ou les choux.

Vous l'avez donc compris, il existe une multitude de plantes qui permettent l'émergence de la teinture indigo. Voyons à présent ces plantes à travers les continents :

  • Au Japon et en Chine, c’est une autre plante herbacée qui s’appelle Persicaria tinctoria, la renouée des teinturiers (ou persicaire à indigo). Les feuilles ne sont pas bleues non plus !
  • En Asie du sud il existe une autre plante : Strobilanthes cusia ou indigo de l'Assam
  • En Afrique il utilise le Philenoptera cyanescens, appelé également Yoruba Indigo +
  • En Inde et Birmanie on parle du Wrightia tinctoria ou laurier des teinturiers

LA PRODUCTION DE LA TEINTURE 

Une fois qu'on a les feuilles qui sont bien vertes et pas du tout bleues, comment fait-on pour en extraire l’indigo et teindre notre jean ? 

Vous n'êtes pas les seuls à vous poser cette question, et son extraction a suscité énormément de curiosité tout au long de l’histoire. 

QUELLE EST LA CHIMIE DERRIÈRE ÇA ?

Pour faire simple, quand on trempe les feuilles dans de l’eau, l’indican se transforme en indoxyl, et quand on secoue vigoureusement ce liquide pour y apporter de l’oxygène, l’indoxyl se transforme en indigo, si je résume très très très grossièrement.

Pendant très longtemps, on ne savait pas trop comment se passait cette réaction chimique, c’était l’inconnue totale.

Pour le pastel c’est encore différent, car ce n'est pas le même précurseur. À la place de l’indican, il y a de l’isetan B, une molécule plus fragile qu'on peut laisser macérer dans de l’eau tiède, comme pour les plantes tropicales. 

molecule indican

En pratique, tu as trois méthodes, attention, on part sur un cours de chimie niveau cinquième.

1. À PARTIR DE FEUILLES FRAÎCHES

La première, celle utilisée dans les sociétés traditionnelles, il suffit de mettre des feuilles fraîches dans un pot, avec de l’urine ou de l’eau avec des cendres pour initier la fermentation, afin de réduire la teneur en oxygène. C'est la décomposition des feuilles qui va entraîner la production d’indoxyle incolore.

On enlève ensuite les feuilles pour ne garder que le liquide qui je rappelle est toujours incolore.

Après on met les vêtements ou les fibres à teindre dedans, on les ressort et au contact de l’oxygène ça devient bleu ! 

indigo

Le souci de cette technique est le fait que ce ne soit pas très concentré en indigo. Donc il faut vraiment les tremper plusieurs fois et pendant des heures pour obtenir un vêtement bleu. De plus il faut être près du lieu de culture de l’indigo pour avoir des feuilles fraîches. 

2. À PARTIR DE FEUILLES SÉCHÉES

On sèche les feuilles afin de pouvoir les transporter et les stocker plus facilement.

C'est la méthode traditionnelle au Japon et en Afrique de l’Est. Mais le problème c’est que même si la feuille est séchée, elle peut quand même moisir et c’est peu adapté pour un voyage entre deux continents, ce qui nous amène à la troisième méthode d’extraction, jalousement gardée par les Indiens qui l’avaient découverte dès l’Antiquité, la macération. 

3. À PARTIR DE LA MACÉRATION

En fait, de ces feuilles, ils avaient réussi à en faire une sorte de boue bleue, et en la faisant sécher, ça faisait des morceaux d’indigo qu’il fallait ensuite réduire en poudre. C'était un gros travail, mais ça permettait un transport bien plus aisé de l’indigo entre les pays, et c’est devenu une activité économique très importante pour l’Inde.

CONCRÈTEMENT COMMENT ÇA SE PASSE ?

Les feuilles sont mises dans une citerne d'eau pendant 12 heures, puis le liquide est transvasé dans une autre citerne. Après on remue vigoureusement ce liquide pour apporter de l’oxygène et l’indigo va tomber au fond de la cuve sous forme de boue.

Une fois obtenue, on l'a fait sécher afin de la réduire en poudre ou en bloc. Pour le transport, certains peuples gardaient la boue humide dans des jarres ou des seaux étanches comme en Asie.

Si vous êtes curieux, vous pouvez aller voir toutes les étapes de cette extraction traditionnelle dans cette Indigo, périple bleu d'une créatice textile de Catherine Legrand (éditions de La Martinière)

  • Indigo, Egyptian mummies to blue jeans de Jenny Balfour-Paul (The Britich Museum). Celui-ci est écrit en anglais.
  • Honnêtement ces deux livres sont remarquables, le travail effectué est monstrueux.

    Benoît Wojtenka Benoît Wojtenka
    Benoît Wojtenka, cofondateur

    J'ai fondé BonneGueule.fr en 2007. Depuis, j'aide les hommes à construire leur style en leur prodiguant des conseils clairs et pratiques, mais aussi des réflexions plus avancées. J'aime aussi le techwear, les matières japonaises, le sport et le thé.

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