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vie.« Au Poste ! » raconte a priori une nuit de garde à vue. A priori, car le film est un véritable jeu de pistes. « C'est pour ça ». Le commissaire n'est autre que Benoît Poelvoorde, ici en grande forme. Quant à Grégoire Ludig, son suspect du soir, disons que c'est un homme qui a le don de se mettre dans des situations loufoques.
Il est possible que vous remarquiez ici comme un petit air de famille. Certes, l'affiche du film a quelque chose de Jean-Paul Belmondo dans l'esprit mais c'est surtout la tenue de Benoît Poelvoorde qui interpelle : pull à col roulé, holster d'épaule, pantalon classique et couleur un peu taupe. Et cette paire de chaussures, ne serait-ce pas une paire de Sanders Hi Top ? Vous l’aurez deviné : le style de Benoît Poelvoorde s'inspire ici directement de celui de son illustre aîné Steve McQueen dans « Bullitt ».
Si le physique n'est pas le même, la tenue fonctionne à l'identique. Seule différence notable, et de taille : c'est à ma connaissance le premier col roulé qui fume de l'Histoire. Ce n'est pas la seule bizarrerie à découvrir dans ce film au verbe tout ce qu'il y a de malicieux.
Mais revenons dans un premier temps sur l'histoire : Emmanuel Mouret joue ici le rôle d'un corniste un rien timide et maladroit qui entame une colocation avec le personnage interprété par Frédérique Bel. Elle aime un homme invisible. Il aime une jeune femme mutique. Un chassé-croisé amoureux se met pas à pas en place. L'histoire se déroule à Paris, et vous y croiserez entre autres Dany Brillant dans une de ses rares apparitions au cinéma.
© Imdb
Emmanuel Mouret et Frédérique Bel dans « Changement d'adresse », 2006.
La tenue du film ? Des bottines noires, un costume kaki et en velours qu'on pourra par exemple trouver chez Beatles et les Stones, Nick Drake, Nico et le Velvet Undergound. On y trouve aussi pas mal de nostalgie, de vêtements et de styles intéressants.
© Collection Christophel Touchstone Pictures / American Empirical Pictures
Bill Murray dans « La Famille Tenenbaum » , 2001.
Si le personnage de Bill Murray est ici secondaire, difficile en revanche de ne pas tomber sous le charme de sa tenue de velours : des chaussures type Wallabees comme chez Padmore & Barnes, un pantalon de velours beige, un col roulé violet et un blazer en velours dont la couleur nous ramène inévitablement musique d'Astor Piazolla pour faire tanguer l'ensemble. De Hong Kong à Buenos Aires, c'est l'histoire d'un éternel recommencement entre deux personnages qui s'attirent et se repoussent.
Parmi les grandes trouvailles stylistiques du film : de belles chemises à carreaux qui s'éloignent du style Gaucho de Scott Frazer Collection.
Il y a bien évidemment des débardeurs blancs, et peut-être un plus surprenant pour un film tourné dans ces latitudes : un col roulé. C'est Leslie Cheung qui le porte épais et vraisemblablement chaud à l'arrière d'un taxi. Pour le reste de sa tenue, du classique et un soupçon d'originalité : des boots, un jean noir comme ça et un blazer en probable laine et à carreaux. C'est une des tenues les plus séduisantes du film.
© Kino International / Everett Collection
Tony Leung et Leslie Cheung dans '« Happy Together », 1997.
S'il faudra attendre « In the Mood for Love » pour retrouver une élégance plus sartoriale chez Wong Kar-Wai, '« Happy Together » confirme au besoin que l'air argentin réussit plutôt bien au cinéma.
9. Le plus truculent : Steve Buscemi dans « Fargo » (Joel & Ethan Coen, 1996)
Pour celles et ceux qui n’auraient jamais franchi les portes du cinéma de Joel et Ethan Coen, deux premières entrées possibles : « The Big Lebowski » ou « Fargo ». Ces deux films condensent à merveille l’art un brin loufoque des frères Coen. Si vous aimez les chemisettes, on peut ajouter « Arizona Junior ». Et s’il ne fallait en choisir qu’un ? Pourquoi pas « Fargo », pour son atmosphère, ses grands espaces blancs et… les cols roulés de Steve Buscemi.
Le film raconte l’histoire d’un kidnapping qui part en sucette. Jerry Lundegaard a besoin d’argent. Son beau-père est riche mais radin. Il engage donc deux types un peu bizarres pour enlever sa femme et tenter de soutirer quelques billets à son beau-père. Pour le bon sens, on repassera. Pour le décor, imaginez un hiver franchement rugueux à Brainerd, une petite ville du Minnesota qui vit à son rythme, ici plutôt lent, comme nombre de ses personnages.
© Gramercy Pictures/Getty Images
Steve Buscemi et Peter Stormare dans « Fargo », 1996.
Si l’on ne dévoilera pas la suite de l’histoire, on peut en revanche s’arrêter sur le style de Steve Buscemi : des boots, un manteau moumoute et peau lainée, un col roulé presque rouge et un pantalon dans la même veine, une bonne ceinture marron séparant judicieusement les deux. Ajoutez une moustache et un caractère de pipelette et vous obtiendrez un personnage pour le moins nerveux et truculent au doux nom de Carl Showalter.
Ce n'est certes pas le personnage le plus stylé de notre sélection, mais avouons que tenter un genre de camaïeu dans pareilles conditions ne manque pas de panache.
10. Le plus original : Dominique Pinon dans « Delicatessen » (Marc Caro & Jean-Pierre Jeunet, 1991)
Si au début des années 90, le col roulé n'est pas encore tout à fait de retour au cinéma, le style visuel des futurs films à grand succès de Jean-Pierre Jeunet est lui déjà là.
Tandis que le nain de jardin d'Amélie Poulain attend patiemment son heure, « Delicatessen » ouvre les portes d'un univers à la fois très personnel et très stylisé. On y trouve du caractère, de l'humour noir et du rire jaune, de la nostalgie et du burlesque, du Prévert et de nombreux clins d'œil au cinéma.
Dès lors rien d'étonnant à ce que le col roulé le plus original et décalé de notre sélection soit celui de Dominique Pinon ici.
L'histoire se déroule dans un immeuble peuplé de personnages étranges : il y a des fabricants de boîtes à meuh, un éleveur de grenouilles, un boucher autoritaire plutôt flippant et bien d'autres visages aussi singuliers qu’étrangement familiers.
© Eric Caro / Photo12
Dominique Pinon dans « Delicatessen », 1991.
Dans ce décor à mi-chemin entre l'univers postapocalyptique et le Paris de carte postale, le nouveau concierge de l'immeuble est un ancien clown interprété par Dominique Pinon.
De là réside peut-être toute son originalité stylistique : il porte des chaussures sinon pointues du moins allongées, un costume marron texturé, des bretelles et un col roulé unique en son genre avec du rouge, du jaune, des motifs et un col un brin fatigué.
Ce n'est pas son unique col roulé. Il en possède en effet un autre mais à moins de vous initier au tricot, il y a peu de chances de le revoir ailleurs que dans « Delicatessen » : il est rouge, avec des éléphants et ferait assurément un beau pull de Noël. Dans la valise de notre attachant personnage se trouvent également des chaussettes de couleur, un blazer vert et une marinière.
11. Le plus surprenant : Michael Keaton dans « Batman » (Tim Burton, 1989)
Batman est-il un adepte de la ceinture Cobra ? Le costume violet est-il uniquement accessible au Joker ? Et quel peut bien être le lien entre l'ancien patron d'Apple Steve Jobs et le taciturne Bruce Wayne ? Les réponses à ces questions sont à (re)découvrir dans le ténébreux « Batman » de Tim Burton.
L'histoire, vous la connaissez : « Batman » est un justicier masqué, il aime le noir, les gadgets, les chauves-souris et la chasse aux criminels dangereux. Le décor s'appelle Gotham City, c'est une ville fictive en partie inspirée du Chicago des années 30 et le style vestimentaire est à l'avenant : pardessus, costumes et chapeaux en feutre.
Le casting est parfait, le film délicieusement rétro. Aux avants postes, Michael Keaton, Kim Basinger et Jack Nicholson assurent le spectacle rythmé par la musique de Prince et de Danny Elfman. Dans les coulisses, Tim Burton rend hommage à l'expressionnisme allemand et glisse quelques-unes de ses petites obsessions. Avouons qu'elles sont un peu différentes de celles que vous croisez habituellement ici.
Le Joker interprété par Jack Nicholson résume la question du style en une petite phrase amusée à l'adresse de Batman : « Nice outfit ! ». Et effectivement, Michael Keaton ne brille ici que par les costumes de sa vraie personnalité : si Batman a le monopole du cool, les tenues de Bruce Wayne sont autrement plus tristounettes.
Une seule exception à cette succession de costumes gris et de smokings noirs : une tenue secrète, décontractée et pour tout dire un peu surprenante, qui se révèle à un moment clé de l'histoire. Lunettes, Col roulé noir, jean bleach comme ici et probables baskets. Cela ne vous rappelle pas quelqu'un ?
12. Le plus professoral : Patrick McGoohan dans « Scanners » (David Cronenberg, 1981)
Si l'âge d'or du col roulé au cinéma est désormais derrière nous, rien n'est perdu : il reviendra bientôt, en force et à la faveur du film d'action et de super-héros. En attendant, il fait de la résistance ici et là dans les années 80.
En témoigne « Scanners », œuvre ô combien charnière dans le cinéma de corps et d'esprit de David Cronenberg. Ce film de genre fantastique date de 1981. Il est ressorti en salles il y a peu et il vieillit bien : on y découvre une société de type Big Pharma, des personnages munis d'étranges pouvoirs télépathiques et un Michael Ironside plus inquiétant que jamais en veste en cuir et col roulé.
C'est l'un des meilleurs rôles de Patrick McGoohan au cinéma, mais vous connaissez peut-être mieux l'acteur pour ses séries TV : « Le Prisonnier », série culte des années 60 et toujours d'actualité, ou bien encore « Columbo ».
Dans « Scanners », il tient le rôle du Docteur Paul Ruth : un savant un peu fou dont le style vous rappellera peut-être votre ancien prof de sciences ou de philo : ambiance automne/hiver, barbe blanchie, col roulé et pantalon sombres, mocassins noirs, blazer anthracite avec de fines rayures. C'est sobre, classique, élégant. Ajoutons les lunettes et vous obtiendrez une sorte de caricature du professeur d'âge mûr.
© CANADIAN FILM DEVELOPMENT / Ronald Grant Archive / Mary Evans
Patrick McGoohan dans « Scanners », 1981.
Le trait de style est ici à chercher dans le blazer et ses rayures, seule "excentricité" notable d'une tenue volontairement dénuée de couleurs. La barbe, la coupe de cheveux, les lunettes rondes font le reste, nous rappelant par la même occasion comme tout est lié : le corps, l'esprit, les vêtements. En toile de fond, une belle invitation à réfléchir sur la normalité et la différence.
13. Le plus flippant : Jack Nicholson dans « Shining » (Stanley Kubrick, 1980)
Ce film de Stanley Kubrick ne vous est probablement pas inconnu. Il est inspiré d’un roman de Stephen King et dans son genre, c’est un classique. C’est aussi une source d’inspirations multiples pour le cinéma, la mode ou même la musique. 40 ans plus tard, rien ne semble altérer sa force, pas même le passage du temps.
Ici, Jack Nicholson s'installe avec sa femme et son fils dans un grand hôtel perdu au milieu des montagnes. Il vient d'y décrocher un job de gardien, et toute la famille s'apprête à passer l'hiver isolé du reste du monde. Le fiston a d'étranges pouvoirs, et l'hôtel en question n'est vraiment pas un endroit comme les autres.
Vous vous souvenez probablement de la tenue phare du personnage interprété par Jack Nicholson. C’est un modèle workwear : blue jeans Lee, chemise en flanelle à carreaux, veste en velours Margaret Howell et workboots aux pieds. Pour la petite histoire, ce sont des boots type Timberland, mais d’autres paires plus qualitatives comme Un taxi mauve » (Yves Boisset, 1977)
Cela ne vous aura pas échappé : les cols roulés clairs ont la cote dans cette sélection, et pour cause, on apprécie particulièrement les tons beiges, blanc ou écru chez BonneGueule, que ce soit pour les hauts ou pour les bas comme ici.
Dans Un taxi Mauve, Philippe Noiret y va lui aussi de son pull à col roulé clair et arbore une tenue de gentleman-farmer qui pourrait tout à fait illustrer le propos de mon collègue David dans son Courrier des Lecteurs : un chapeau en tweed, une veste kaki de type Barbour, un col roulé beige, un pantalon marron solide (un velours côtelé, par exemple) et une paire de boots tout terrain.
C’est un style qui s’adapte à toutes les situations. Promenades à la campagne, virée au pub du coin, dîner entre amis ou soirée tranquille au coin du feu : dans ce film oublié d’Yves Boisset, vous ne trouverez guère que Fred Astaire pour rivaliser avec l’élégance de Philippe Noiret. C’est un des derniers rôles de la star américaine, et rien que pour ça, le film vaut encore un peu la chandelle.
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Charlotte Rampling et Philippe Noiret dans « Un Taxi mauve », 1977.
Pour le décor : les terres d’Irlande et leur folklore. Pour le reste : une galerie de personnages venus terrer leurs secrets, un film un brin suranné et en toile de fond une atmosphère qui n’aurait pas déplu au Bruno Cremer de la série Maigret. Ce n'est pas un polar, mais il y a tout de même quelques énigmes à résoudre.
Vous trouverez aussi des pulls torsadés, du Mac, du shearling et quelques bizarreries stylistiques dont on ne sait quoi penser.
À l’image du film qu’elle partage quelques années auparavant avec Sean Connery, Charlotte Rampling est une nouvelle fois troublante et glaciale. Elle est habillée par Bruce Oldfield, porte des bijoux Cartier et aussi des cols roulés clairs : c’est dire si cette pièce se joue des frontières du genre.
16. Le plus mélodramatique : Al Pacino dans « Bobby Deerfield » (Sidney Pollack, 1977)
Une fois n’est pas coutume, vous ne trouverez pas de Robert Redford dans ce film de Sidney Pollack. Vous y croiserez en revanche Al Pacino sur le territoire européen et sur une tout autre voie que celle du milieu : « Bobby Deerfield » est majoritairement un film d’amour, partagé entre le mélodrame et la Formule 1.
Parmi ce qui nous intéresse : un col roulé camel et partout ailleurs de l’orange, du beige et du marron. Si l’on excepte la reproduction de Matisse qui se glisse un temps à l’écran, ce sont là les trois couleurs à retenir de « Bobby Deerfield ».
Ce n’est pas anodin. C’est même une piste pour vos prochaines tenues, à plus forte raison si vous possédez déjà un blouson de cuir cognac ou bien encore notre blouson en cuir de cerf. Sinon, ne vous inquiétez pas : ça viendra !
Car si « Bobby Deerfield » vaut pour la rencontre d’Al Pacino avec sa future compagne Marthe Keller, il se révèle également inspirant ici et là par le prisme du vêtement.
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Al Pacino et Marthe Keller, « Bobby Deerfield », 1977.
C’est un film qui donne envie de faire le tour Mahogany » (Berry Gordy, 1975) Ce sera peut-être une surprise pour celles et ceux d’entre vous qui connaissent Diana Ross comme chanteuse : dans ce film produit par la Motown, elle est également actrice et styliste et le moins qu’on puisse dire c’est que ses créations ne manquent ni de couleur ni de vitalité. Sont également présents au casting : Anthony Perkins et Billy Dee Williams, le futur Lando Calrissian de « La Guerre des Etoiles ».
Si « Mahogany » est un film sur la mode et ses coulisses, c’est aussi l’occasion de voir d’autres idées d’associations avec le col roulé. Les premières tenues de Billy Dee Williams confirment. On peut faire plus cool encore : blouson shearling, col roulé rose, jean bleu clair, boots marron.
Voilà pour la première rencontre, et ce que nous apprend Billy Dee Wiiliams ici, c’est que le col roulé au cinéma n’est pas condamné aux tenues habillées.
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Diana Ross et Billy Dee Williams dans « Mahogany », 1975.
Dans « Mahogany », Billy Dee Williams dispose d’une très impressionnante collection de pulls. Ils sont de toutes les textures et de toutes les couleurs : rose donc, mais aussi rouge, blanc, violet, marine, marron… S’il les accorde le plus souvent avec des blousons de cuir, il tente à plusieurs reprises le col roulé blanc et le blazer gris et sans surprise, c’est très réussi.
Diana Ross elle-même ne s’y trompe pas, lorsqu’il s’agit par exemple d’emmener Billy Dee Williams faire les magasins. Si elle s’efforce de lui ouvrir les yeux sur les matières, le style et la qualité, devinez donc la pièce qu’elle garde bien précieusement de sa garde-robe ?
18. Le plus haute-couture : Helmut Berger dans « Une Anglaise romantique » (Joseph Losey, 1975)
On peut dire merci au cinéaste Joseph Losey : il a entre autres remis Un citoyen se rebelle » (Enzo Castellari, 1974)
S’il ne fallait retenir que deux choses d’« Un citoyen se rebelle », ce serait probablement ce petit bout de musique et cette image incroyable de Franco Nero ci-dessous.
Si le nom de cet acteur italien ne vous dit rien, notez juste que sa carrière s’est surtout développée autour du film de genre : des westerns pour la plupart, mais aussi des films historiques, policiers voire fantastiques. Plus récemment, vous aurez peut-être pu le voir dans « Django Unchained » de Quentin Tarentino ou « The Lost City Of Z » de James Gray. En 1974, il tourne avec Enzo G. Castelleri cet étrange polar issu de la vague poliziottesco.
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Franco Nero, sur le tournage de « Un citoyen se rebelle », 1974.
Son personnage est victime d'une agression. La police est impuissante ou corrompue. Il décide alors de mener l'enquête et de traquer les criminels lui-même. Ce n’est pas un chef-d’œuvre mais une curiosité, notamment pour sa grande variété de costumes à l’italienne. Franco Nero serait par exemple parfait dans notre costume Woody et les robots » (Woody Allen, 1973)
Si vous avez la sensation que Woody Allen réalise encore et toujours le même film et qu’on y parle qu’assez peu de style, il y a fort à parier que celui-ci ne vous fera pas changer d’avis.
Certes, à l’image de ses premiers films, c’est ici le burlesque qui prime. Mais vous y trouverez la même typographie signature au générique, le même esprit New Orleans dans la musique, les mêmes personnages drôles et gentiment névrosés au casting. Cette manière de faire du cinéma convoque aussi bien les Marx Brothers qu’Ingmar Bergman, et c’est ce qui en fait le charme depuis plus de 50 ans.
Si l'on pense rarement aux vêtements dans un film de Woody Allen, en voilà toujours un qui donne à voir ce que pourrait être le dressing de demain en plaçant son histoire dans un futur improbable : Woody Allen se réveille en 2173, après 200 ans d'un très long sommeil causé par une erreur médicale.
Impossible de savoir si la mode ou même la Terre seront toujours d’actualité. Ce qui est certain en revanche, c’est que le présent de « Woody et les robots » a tout l’air d’un cauchemar : une société de contrôle, des vêtements uniformes et sans saveur comme dans le « THX 1138 » de George Lucas, des tailleurs robots et du sur-mesure informatisé. Si cela ne vous effraie pas encore : imaginez un ensemble costume, chemise et cravate tout en blanc pour le passage obligé à confesse !
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Woody Allen dans « Woody et les robots », 1973.
Si les belles matières et le caractère ont disparu des vêtements du futur, il est cependant une pièce qui fait encore de la résistance : le pull à col roulé. Il est ici décliné en noir ou en gris sur les épaules de Woody Allen et de Diane Keaton. Si la société du film était plus libre et la couleur davantage autorisée, on pourrait se risquer à glisser une touche de bordeaux, pour aller avec le noir omniprésent des souliers et des pantalons.
Le couple est en tout cas parfait, les cols roulés plus intemporels que jamais mais les plus attentifs d’entre vous remarqueront cependant un grand absent : en 1973, personne n’imaginait en effet que la mode du futur s’écrirait avec un Le Dernier tango à Paris » (Bernardo Bertolucci, 1972)
Musique obsédante, couleurs crépusculaires. Encore tout auréolé du succès du « Parrain » de Francis Ford Coppola, Marlon Brando s’engouffre l’année suivante dans un des films les plus commentés de Bernardo Bertolucci.
« Le Dernier tango à Paris » est né d’un fantasme et il s’ouvre sur la peinture de Francis Bacon. Voilà pour les premiers indices d’un film qui s’imagine un temps revenir à l’origine du monde et transforme l’icône du « Tramway Nommé Désir » en véritable épave.
Tout est possible : deux hommes peuvent aimer la même femme et avoir la même robe de chambre, une femme peut être fétichiste des chaussures à l’écran et se révéler costumière en coulisses.
Dès les premières minutes, on découvre un homme imposant mais totalement hagard. Il a 48 ans, le pas lent, l’air défait, les cheveux grisonnants. Il a tout de l’animal blessé. Hanté par la mort, Marlon Brando va ici s’accrocher comme une sangsue à tout ce qu’il y a de vie et de lumière dans cette histoire : Maria Schneider.
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Marlon Brando dans « Le Dernier tango à Paris », 1972.
S’il a quelque chose de résolument pathétique, cet homme-là a encore French Connection » (William Friedkin, 1971)
On s’arrêtera peut-être un jour sur le style de Roy Scheider dans « Les Dents de la Mer » de Steven Spielberg. En attendant, place au film qui l’a révélé au grand public : « French Connection » de William Friedkin, une plongée saisissante dans le quotidien de la police et de la lutte contre le trafic de drogues. S’il y a de très nombreuses choses purement cinématographiques à retenir, le vêtement n’est pas en reste.
À noter en premier lieu : le chapeau pork pie de Gene Hackman, un véritable gimmick voire une référence dès qu'il s'agit d'illustrer ce type de chapeau au cinéma. On pourrait aussi évoquer l’élégance de Fernando Rey, un des acteurs clés du cinéma de Luis Buñuel. Mais le plus intéressant est peut-être à chercher dans le style versatile de Roy Scheider. Rien ne semble lui faire peur.
Il apparaît ainsi dans un registre workwear dès les premiers mouvements du film : grosse chemise en laine à carreaux noire et grise, jeans bleu clair et boots marron. À quelques variations près, c'est le même genre de tenue que celle de Kevin Costner dans « Shaft » (Gordon Parks, 1971)
« Right on ! » Autre continent, autre univers. Le décor est semblable à celui que vous pouvez découvrir dans l’excellente série américaine « musique est signée Isaac Hayes et vous la connaissez forcément : elle est plus connue que le film lui-même.
Si le nom du réalisateur Gordon Parks ne vous dit rien, notez simplement qu'il a surtout œuvré dans le domaine de la photographie, principalement du photoreportage mais aussi, et c'est intéressant pour nous, de la photographie de mode.
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Richard Roundtree (au centre) dans « Shaft », 1971.
« Shaft » s'ouvre sur un matin d'hiver. C'est un éloge aux cireurs de chaussures d'antan, au cuir et au col roulé. C'est aussi le film le plus emblématique du genre blaxploitation. Ce style, un cinéaste comme Quentin Tarantino en est particulièrement friand et pour la communauté noire du début des années 70, c'est surtout une manière d'exister enfin autrement au cinéma.
Au centre, l’impressionnant Richard Roundtree. C’est le film de sa carrière et il tient ici le rôle d’un détective roublard et solitaire qui apprécie particulièrement le cuir : regardez plutôt sa collection de vestes marron et de blousons noirs typiques des seventies.
Dans son dressing, vous trouverez également des pantalons, des blazers et des boots marron. Mais « Shaft » ne serait pas « Shaft » sans ses cols roulés épais. En matière de style, c’est même la pièce maîtresse du film, qu’elle soit beige ou noire et sachez que notre détective partage au moins deux choses avec Bullitt » (Peter Yates, 1968)
Ce n’est un secret pour personne : Steve McQueen figure parmi les acteurs les plus sollicités par la presse et les marques de mode. Jetez par exemple un œil sur votre fil Instagram : quarante ans après sa mort, l’acteur américain n’en finit pas d’inspirer l’univers du vêtement et si l’on parle désormais beaucoup moins de ses films que de ses tenues, vous trouverez dans « Bullitt » de quoi réconcilier habilement la mode et le cinéma.
Il joue ici le rôle d'un lieutenant de police en prise avec le crime, la politique et la corruption : c'est un polar et ça se déroule dans les rues de San Francisco.
C’est un film d’esthète, et ce qui marque encore aujourd’hui c’est sa mise en scène, son rapport particulier au temps et à la musique, ici inoubliable et composée par Lalo Schifrin. Si « Bullitt » a été copié des dizaines de fois au cinéma, il en va de même pour le style de son personnage principal : qui n’a jamais rêvé de ce cardigan col châle marron, de ce Mac beige ou de cette paire de chaussures repopularisée par Sanders ?.
Certains d’entre vous ont peut-être déjà franchi le pas, ne serait-ce qu’en piochant Les Créatures » (Agnès Varda, 1966)
« C’était l’hiver et rien ne semblait vivant ». Voilà peut-être une phrase qui vous restera longuement en tête et que vous découvrirez dans Les Créatures : un film on ne peut plus étrange, fantastique et insulaire qui va vous donner de furieuses envies de Une Femme est une femme » (Jean-Luc Godard, 1961)
Paris, à l’aube des années 60. Ouvrons le bal avec un portrait de femme et une illustration parfaite de ce que les cycles de la mode nous apprennent de notre époque. Parmi les grands amoureux d’Anna Karina au cinéma figure Jean-Paul Belmondo.
Bien avant d’enchaîner les cascades, les blousons de cuir et les succès populaires, l’as des as du film français tourne plusieurs pages d’histoire avec Jean-Luc Godard, Jean-Pierre Melville ou François Truffaut. Pour Belmondo comme pour Godard, les années 60 resteront comme une période d’une très grande intensité artistique. En témoigne « Une Femme est une femme ».
C’est un film imparfait, comme en perpétuel chantier, avec en son centre un triangle d’or formé par Anna Karina, Jean-Claude Brialy et Jean-Paul Belmondo. Anna Karina partage ici sa vie entre le music-hall et Jean-Claude Brialy et elle veut un enfant dans les 24 heures. Voilà pour le compte à rebours de cette histoire d'amour(s) à redécouvrir. Si le fond sociologique paraît aujourd’hui un rien daté, la forme est toujours aussi libre, moderne, pleine d’idées et de chouettes vêtements colorés.
On peut le voir de toutes les façons et toujours y trouver ce qu’il faut d’esprit, de couleur et d’inspiration. C’est d’ailleurs l'une des forces du cinéaste Godard. Si vous n’y connaissez rien à l’histoire du cinéma, de la musique, de la peinture ou de la littérature, vous trouverez dans ses films une multitude de pistes à suivre. C’est aussi vrai pour la mode, et pas seulement pour Anna Karina dont les tenues sont ici inspirantes.
Lorsqu’il tourne cette comédie musicale revisitée, Jean-Paul Belmondo n’a pas 30 ans. Nous sommes en 1961 et le style de son personnage pourrait sans peine s’inscrire au tableau de 2020 : des derbys, un manteau gris et de large revers, un pantalon habillé, un blazer marron et… un col roulé gris clair. Les coupes ont un peu changé, mais c’est une tenue très actuelle, simple et judicieusement taillée pour l’automne grâce entre autres à sa palette de couleurs.
Le col roulé joue ici pleinement son rôle : de la chaleur, de la sobriété, un soupçon d’habillé juste ce qu'il faut qui contraste avec le style plus formel et coloré de Jean-Claude Brialy. C'est un premier exemple réussi d'association col roulé + blazer. Vous allez en découvrir bien d'autres.
Quant à la phrase du film, elle revient haut la main à Anna Karina, lorsque Brialy lui fait injustement remarquer que sa robe écossaise ne lui va pas du tout : « Tant mieux, j’ai envie de plaire à personne ! ». À méditer.