En 2004, le cinéaste américain Steven Spielberg retrouve Tom Hanks et la comédie, deux ans après le très stylisé « Arrête-moi si tu peux ». À mi-chemin entre Franz Kafka et Frank Capra, le héros presque Robinson du « Terminal » alterne entre style rustique et costume Hugo Boss. À part ça, rien à signaler ? C’est sans compter sur un étrange petit détail qui pourrait bien nous faire réfléchir.
(Crédit photo de couverture : « Le Terminal » de Steven Spielberg, 2004 - IMAGO/Everett Collection)
LE PITCH : UN HOMME, UN AÉROPORT ET UNE MYSTÉRIEUSE BOÎTE DE CACAHUÈTES
Viktor Navorski est un touriste originaire de Krakozie. C'est un pays imaginaire, entré en guerre civile pendant son vol vers les Etats-Unis. Bloqué à son arrivée à l’aéroport JFK de New-York, le voilà désormais coincé pour raisons administratives. Il ne peut donc ni rentrer chez lui, ni entrer sur le sol américain. Que faire en attendant que la situation se débloque ?
Viktor Navorski ne parle pas bien anglais, ne connaît personne et n’a pas un sou américain en poche. Mais il est ingénieux et il a du cœur, ce qui pourrait bien faire basculer l’opinion de l’étrange « village » commercial dans lequel il est retenu. Dans ses bagages, une boîte de cacahuètes cache visiblement le secret de sa visite aux USA…
On ne présente plus le cinéaste américain Steven Spielberg. Réalisé entre « Arrête-moi si tu peux » avec Leonardo Di Caprio et « La Guerre des Mondes » avec Tom Cruise, « Le Terminal » est parfois présenté comme un film mineur à la lueur de l'œuvre du réalisateur. Il est partiellement inspiré d'une histoire vraie, qui a elle-même donné un autre film quelques années avant : « Tombés du ciel » de Philippe Lioret, avec Jean Rochefort.
« Le Terminal » est un film de type « feel good ». Mais c'est aussi une comédie plus engagée qu’il n’y paraît, qui questionne entre autres les procédures d''immigration et une certaine déshumanisation de la société. Au casting : Tom Hanks, Catherine Zeta-Jones, Stanley Tucci ou bien encore Zoë Saldana, le futur officier Uhura du « Star Trek » de J.J. Abrams.
CE QU'IL FAUT VOIR CÔTÉ STYLE…
On l'a souligné dès l'accroche : Tom Hanks affiche ici un style résolument rustique et pas tout à fait contemporain. On devine chez lui un attrait pour les matières laineuses et les pantalons larges. Son costume sombre des débuts peut éventuellement rappeler l'ampleur et le genre de texture de celui de James Stewart dans « La vie est belle » de Frank Capra en 1946 :
Autre époque certes, mais l'intention est similaire : faire un film sociable et optimiste. La différence, c'est qu'entre les années 40 et le début des années 2000, le consumérisme est pour ainsi dire devenu une activité à part entière. Est-ce à dire que le style s'est perdu avec la production de vêtements en masse ?
Rien n'est tout à fait tranché. Ou évident. Ce que l'on sait en revanche, c'est que le personnage de Tom Hanks possède des obsessions vestimentaires singulières, comme par exemple les chemises à motifs de toutes sortes. Il aime aussi tout particulièrement les teintes de marron :
D'une manière générale, vous découvrirez un certain nombre de pièces assez connotées vintage dans cette valise - des pulls sans manches ou à motifs, des vestes en laine d'une autre époque, des chemises de chemiseurs centenaires comme Forsyth Of Canada, etc.
Autour de lui : la foule des transports et des centres commerciaux, pas mal d'uniformes de travail, des costumes business tristounets et des enseignes comme Starbucks, Burger King ou Hugo Boss.
Les costumes sont signés Christine Wada et Mary Zophres. En photo ci-dessus, cette dernière est connue pour son travail sur les films des frères Joel et Ethan Coen ou sur le « La La Land » de Damien Chazelle, avec Ryan Gosling. Pour les fans, elle est aussi derrière les costumes du « Ghost World » de Terry Zwigoff, avec Thora Birch et Scarlett Johansson.
© IMAGO/Everett Collection
Tom Hanks dans « Le Terminal », 2004.
Derrière l'apparente banalité vestimentaire du film de Steven Spielberg se cache néanmoins une véritable curiosité et c'est au poignet de Tom Hanks que vous la trouverez. Trois raisons de (re)voir « Le Terminal » pour le vêtement ?
1. LE CHARME DES MONTRES VINTAGE
Les plus observateurs noteront la présence de publicités pour la marque de montres Hamilton et d'un magasin Swatch dans le centre commercial du film. Mais la geekerie ne s'arrête pas là : grâce à la fonction "arrêt sur images", certains sont allés jusqu'à identifier la montre du personnage de Tom Hanks comme étant une Omega vintage, possiblement le modèle Seamaster Memomatic produit à la fin des années 60.
Comment un homme qui semble se fournir dans les friperies et l'armoire de ses aînés peut-il posséder une montre aussi luxueuse ? Si l'on ne connaît pas la réponse, on peut cependant signaler que le fait de porter une montre vintage dans un style lui-même assez vintage est somme toute cohérent. Mais est-ce que posséder une belle montre assure nécessairement un style puissant à son porteur ?
Rien n'est moins sûr, et le personnage de Tom Hanks le prouve, notamment lorsqu'il s'essaie au style Hugo Boss. Pour d'autres illustrations, regardez par exemple chez nos hommes politiques.
C'est un des drames de notre époque : le prix de ces montres est inaccessible au commun des mortels et leur utilisation symbolique est presque systématiquement dédiée au pouvoir. En oublierait-on que leur fonction première est de donner l'heure ?! Possible. Mais tout cela détourne surtout l'attention de ce qui fait la réelle force des montres de luxe : le minutieux travail d'horlogerie et ses savoir-faire.
Ce phénomène s'est entre autres accentué avec ce que l'on a appelé le style bling bling : soit une profusion de richesse affichée dans le vêtement pour un style souvent raté, voire carrément absent. Les montres de luxe y jouent hélas un rôle prépondérant.
Reste que les montres vintage de maisons prestigieuses ont un charme évident, qui peut se révéler comme un atout de taille dans une tenue bien agencée. Pour aller plus loin sur les montres vintage, un article spécialisé ici :
2. UNE ÉTONNANTE MANIÈRE DE CHOISIR SON COSTUME
« Le Terminal » a ses petits côtés romantiques. Le personnage de Tom Hanks fait par exemple la rencontre d'une femme interprétée par Catherine Zeta-Jones. Hôtesse de l'air, situation compliquée. Une romance s'installe et il y a même un dîner aux chandelles.
Pour l'occasion, Tom Hanks se décide à investir dans un costume. Il a une technique pour le moins étonnante que vous pouvez découvrir dans cet extrait :
Vous verrez qu'il ne s'embarrasse pas de questions sur les associations chemise, cravate et souliers. Il prend la panoplie complète, chez la marque Hugo Boss de surcroît. Le costume est dit-il soldé : environ 150 dollars.
Si vous nous suivez régulièrement, vous savez déjà ce qu'on en pense. Si non : disons pour résumer qu'Hugo Boss c'est bien cher pour ce que c'est et que vous trouverez assurément de plus belles coupes et matières ailleurs.
En attendant, la technique utilisée par Tom Hanks pour choisir son costume est certes amusante mais tout à fait hasardeuse. Si vous cherchez à vous procurer un costume, vous trouverez nos conseils ici. Enfin, si vous ne savez pas bien comment le choisir à votre taille, on vous explique tout dans cette vidéo :
3. DU MOTIF, TOUJOURS DU MOTIF
Vous trouverez peut-être que Viktor Navorski a un style quelconque. Et d'une certaine manière, vous n'aurez pas tout à fait tort. Le vêtement est comme souvent au service de l'histoire - et ici, c'est moins le style que la situation qui prime.
Mais le film de Steven Spielberg a ceci d'intéressant qu'il place son personnage dans un environnement clos pour une durée indéterminée, avec pour seul vestiaire ce qu'il y a dans sa vieille valise en cuir. Comment vous débrouilleriez-vous dans une pareille situation ?
Le personnage de Tom Hanks a ses petites astuces. Il est très malin, et assez doué de ses mains. Suffisamment pour décorer son hall d'attente en home sweet home improvisé.
Pour le reste, l'essentiel de ses bagages semble composé de chemises à motifs divers et variés - petits carreaux, grands carreaux, motif à pois ou même... Paisley. C'est ce qui lui permet de diversifier ses tenues malgré la situation.
Vous découvrirez de fait une collection de chemises assez impressionnante pour une seule valise. Attention cependant, si certaines valent le coup d'œil, elles ne sont pas toutes du meilleur goût. Si jamais le Paisley vous intrigue, nos conseils ici :
… POUR EN ÉLABORER DES TENUES INSPIRANTES
Il n'est pas certain que vous trouviez réellement de l'inspiration dans les tenues du « Terminal ». Le film donne en revanche matière à réflexion sur le vêtement, et c'est souvent tout aussi intéressant.
Si vous aimez Tom Hanks, Steven Spielberg et que vous cherchez un style plus affirmé, vous pouvez par contre enchaîner avec « Arrête-moi si tu peux », avec Leonardo Di Caprio, Amy Adams ou Christopher Walken.
On a déjà évoqué ce film dans Bobine, à l'occasion d'une sélection de chemisettes au cinéma : de beaux costumes typés sixties, des pantalons blancs et autres hauts tricotés comme en fait Scott Fraser Collection. Vous devriez trouver là de quoi rassasier votre appétit pour le style et les tenues inspirantes.
Pour aller plus loin :