Les montres vintage : pourquoi c'est mieux quand c'est vieux (Partie 1)

Les montres vintage : pourquoi c'est mieux quand c'est vieux (Partie 1)
Parler des montres vintagec'est évoquer les plus belles heures de l'horlogeriemais c'est aussi revenir sur notre passé. Pas seulement celui des livres d'histoire mais celui de nos propres souvenirs et ceux de nos chers parents.

Je me souviens avec affection des moments passés avec ma famille : ce sont mes parents qui m’ont réellement donné le goût de l’histoire et aussi le goût pour les belles choses de leur époque.

Je peux dire que mon père m’a transmis cette fascination pour les années 50-60-70. Nous dévorions ensemble les films de cette époque. Ces derniers m’ont donné à leur tour le goût pour cet esthétisme si beau et si particulier.

Voir Gregory Peck dans le film de 1956 The man in the gray flannel suit ou Georges Peppard dans le film de 1968 House of Cards ou encore L’homme de Rio (1964) ou Les tribulations d’un chinois en Chine (1965) avec notre immense Jean-Paul Belmondo, sans parler de la série Amicalement Vôtre (The Persuaders, 1971) avec Tony Curtis et Roger Moore… Ces films et séries d’époque représentaient et représentent toujours à mes yeux une forme d’idéal dans le style.

La forme était à la hauteur du fond, le contenant épousait le contenu pour sublimer le meilleur de ces décennies. Si mon père m’a donné en héritage ces références, ma mère m’a amené avec elle dans les salles de vente : je découvrais avec un petit œil curieux les objets du passé, nous parcourions ensemble les galeries et les ventes aux enchères. Je peux dire qu’elle m’a appris à observer et à découvrir ce qu’étaient de beaux objets. Elle m’a légué le goût pour les beautés cachées.

montre zenith world timer

Exemple même d'une beauté cachée : une magnifique Zenith World Timer vintage avec son bracelet d'origine dans un état de compétition. Photo prise chez Antoine de Macedo rue Madame à Paris

Et puis un jour, je me suis pris moi-même de passion pour les montres et pour les modèles du passé en particulier. Bien des années après, j’ai compris ce qui m’avait conquis chez elles. C’est l'objet de cet article : non pas l’histoire d’une spéculation mais les raisons d’une passion.

J'ai la passion des montres vintage. Je ne me lasse jamais de découvrir de nouvelles pépites et surtout celles d'autrefois. Pour moi, rien n’est pire que de bazarder le passé. J'ai bien conscience qu'à de nombreux égards nous vivons une époque qui privilégie l’instantané au détriment du regard d’en haut, l’hyperprésent au détriment du passé.

Je ne néglige pas le présent, je m'intéresse au futur mais, pardieu, qu'est-ce que j'aime apprécier les beautés du passé ! Je contemple l’œuvre de nos prédécesseurs, le fruit de leur travail continue de séduire des décennies après aussi il faut saluer leurs efforts et les beautés qu'ils nous ont légués.

Mais, dans notre environnement actuel, quel est l’intérêt de ressortir des pièces horlogères qui datent de plus d’un demi-siècle ? Le monde a changé depuis. En bien et en mal. De nombreux codes ont été bouleversés : les codes stylistiques et vestimentaires entre autres alors en quoi est-ce pertinent de revenir vers de vieilles tocantes au poignet à notre époque ?

Bonne gueule

Superbe Lip Genève "Top Time" des années 1960, née d'un accord entre Breitling et Lip.

PARCE QUE L’HISTOIRE EST UN CYCLE

Si le monde de la mode observe des cycles souvent très courts, celui de l’horlogerie observe des cycles plus longs en comparaison. Un exemple : après avoir connu une apogée dans les années 60, les années 70 ont vu le bouleversement de l’horlogerie avec l’arrivée massive du quartz.

Les belles mécaniques ont été pratiquement renvoyées aux oubliettes pour deux décennies de prédominance des piles… Puis, les années 90 ont vu le retour progressif des montres mécaniques jusqu’à réoccuper le devant de la scène.

Autre exemple avec les diamètres des montres bracelets : la tendance longue a été depuis le début du 20ème siècle jusqu’au début des années 2010 vers des diamètres sans cesse plus grands. Les montres bracelets sont passées du 30mm de diamètre au 47mm.

Puis, à partir des années 2010, cette tendance s’est inversée. Exit l’ère des montres sans cesse plus imposantes, l’ère est au 38-39mm. Cela reste toujours plus grand que le 34-35mm des années 60 cela dit en passant mais néanmoins les diamètres actuels se sont beaucoup rapprochés des anciens standards, du moins de ceux de la fin des années 60 et des années 70.

Bonne gueule

Sublime Omega Constellation du début des années 60 surnommée "Pie Pan" pour la forme de son cadran. Il s'agit de 35mm de diamètre de pure beauté : l'une des pièces les plus recherchées en vintage. Ici, elle est montée avec son bracelet d'origine, une autre rareté car souvent les bracelets en or de cette époque ont été revendus pour être fondus... Photo prise chez Antoine de Macedo à Paris

Je voyais encore au début des années 2010 des magazines de mode parler de diamètre « féminins » en évoquant le 36mm par exemple… diraient-ils le même genre d’inepties aujourd’hui alors que la mode est revenue sur des diamètres plus contenus ou simplement moins excessifs que les 47mm atteints par certains modèles de marques célèbres ?

Je n’ai pour ma part jamais été séduit par ces commentaires sur les diamètres sur le papier qui n’ont que peu de valeur en réalité et j’ai toujours recommandé d’essayer les modèles quels que soient les diamètres affichés des montres pour se rendre compte que le diamètre compte peu - relativement je précise, il convient d'éviter les cas extrêmes - au moment de l’essayage.

A titre personnel, je porte des montres vintage de 34, 35, 36 ou 37mm qui apparaissent nettement plus importantes au porter du fait des autres caractéristiques de ces montres. De même, j’ai porté des montres actuelles de 39 ou de 42mm voire même de 44mm sans aucun problème.

Il n’en demeure pas moins que les montres vintage reviennent encore davantage dans l’actualité avec des proportions qui se rapprochent, par un retournement de tendances, de nos standards actuels. Mais, au-delà du cycle des modes, il y a un élément encore plus important : le pouvoir de séduction des grands classiques en horlogerie.

LES CLASSIQUES DE L’HORLOGERIE

Bonne gueule

La très belle Universal Genève Polerouter : un exemple parfait de la beauté classique des pièces horlogères de cette époque. Photo prise chez Antoine de Macedo à Paris

Dans l’art, il existe de nombreux courants qui ont tour à tour dominé une période. Il existe entre autres un courant classique et néo-classique. L’art "classique" est un art qui tire son inspiration de l’époque gréco-romaine ou du moins de la vision que les hommes du XVIIème siècle se faisaient de l’antiquité. Cet art classique reviendra en force par la suite au XIXème siècle avec le courant dit "néo-classique".

Dans l’horlogerie, « l’art classique » si je peux me permettre une comparaison c’est principalement la période allant des années 50 jusqu’au milieu des années 70.

C’est précisément à cette époque que les grands classiques sont conçus. Du chronographe Speedmaster d’Omega à la Submariner de Rolex en passant par la Legend Diver de Longines, le chronographe Navitimer de Breitling ou la Royal Oak d’Audemars Piguet et la Nautilus de Patek Philippe.

La liste des modèles de référence des marques horlogères émanant de cette époque est très longue mais elles ont toutes en commun d'avoir imposé des modèles de référence qui sont encore très présents aujourd'hui pour ne pas dire dominants.

Même encore aujourd’hui, ces modèles représentent des canons de la beauté horlogère : le design, les proportions, l’harmonie entre tous ces éléments assemblés que sont un boîtier, un cadran, des aiguilles, un verre, un mouvement, un fond de boîte, un bracelet, une couronne… est telle que ces montres continuent à séduire aujourd’hui.

Bonne gueule

Une pièce d'exception : une Patek Philippe qui illustre à merveille la maîtrise de la marque en matière de complications horlogères. Photo prise chez Antoine de Macedo à Paris

D’ailleurs, le capital de séduction de ces montres d’époque est tel que l’immense majorité des marques se sont mises depuis des années à rééditer ces modèles ou du moins à proposer des réinterprétations qui conservent peu ou prou les dimensions de l’époque avec une simple réactualisation du mouvement les équipant.

Le marché du vintage a littéralement explosé devant le succès de ces références et les prix des modèles les plus célèbres ont atteint des pics qui laissent rêveurs surtout si on sait que ces modèles étaient plus abordables jusque dans les années 2000.

Ce qui fait la force de cette séduction qui dépasse les générations, c’est tout simplement le résultat du travail des horlogers et des designers qui avaient atteint leur but à l’époque. Il faut saluer le travail de nos anciens car ils ont remarquablement réussi en produisant de très très très belles pièces.

Et c’est la beauté de ces pièces qui est intemporelle et qui continue à nous parler encore aujourd’hui, plus de 50 ans après avoir été conçues.

Bonne gueule

Chronographe d'Omega des années 40. Oui, cela paraît incroyable car la montre dispose de proportions très actuelles mais il s'agit en fait ce qu'on appelle en vintage d'un modèle "jumbo" ou "oversize" conçu dans des dimensions supérieures par rapport aux standards de l'époque. Photo prise chez Antoine de Macedo à Paris

En dehors de l’intérêt esthétique pour ces pièces, il y a aussi un autre élément à tenir en compte : ces montres sont les représentantes d’une époque qui avait atteint une forme d’équilibre presque parfait entre, si je puis dire, la forme et le fond.

LE PARFAIT ÉQUILIBRE ENTRE LE CONTENANT ET LE CONTENU

L’époque actuelle est riche en innovations mais elle est à mon sens un peu déséquilibrée. D’un côté nous avons une entrée et un milieu de gamme qui emboîtent des mouvements, soit asiatiques pour le premier, soit suisses pour le second.

Ces mouvements sont faits pour être industrialisables en masse et être fiables. Puis il y a le haut de gamme et le luxe avec des modèles qui peuvent être innovants au niveau des calibres utilisés. Les mouvements haut de gamme sont souvent beaux à regarder, peut-être même davantage que ceux du passé - à certains égards.

Si l’actualité horlogère n’est pas en reste et que des marques restent à la pointe de l’innovation, quelque chose semble manquer à mon sens. Je vois les montres actuelles souvent comme étant des réussites sur le plan technique mais, très souvent, je peux avoir du mal à m’enthousiasmer pour toutes les nouveautés.

C’est peut-être même pour cela que je me tiens raisonnablement à l’écart du buzz des grands lancements. Je vois beaucoup de modèles qui, au porter, me donnent un rendu qui me laisse assez froid.

Tout semble maîtrisé, chaque élément semble irréprochable mais il manque quelque chose… C’est peut-être pour cela que j’ai tendance à préférer certains modèles d’époque par rapport aux modèles actuels.

Bonne gueule

Un grand classique : une Submariner 5513 de 1983. Il faut rappeler que Rolex, avant d'être devenue une marque de luxe, était une marque qui a forgé sa réputation à travers des modèles réellement faits pour les hommes qui avaient besoin de montres solides, précises, fiables, prêtes à vivre avec eux dans leur quotidien. Aussi, rares sont les modèles d'époque qui sont restés dans des états de compétition comme cet exemplaire. Photo prise chez Antoine de Macedo à Paris

De plus, dans le passé, il y avait moins de tartufferies sur les calibres appelés de nos jours « de manufacture » : beaucoup de marques produisaient leurs propres calibres et beaucoup de ces mêmes marques emboîtaient d’autres calibres issus d’entreprises spécialisées dans ce domaine.

Si Omega concevait et produisait ses propres calibres comme la série des 56X pour ne donner qu’un exemple, la marque recourait à un calibre produit par Lemania pour animer sa Speedmaster.

Aujourd’hui, pour avoir un « calibre maison », il faut disposer des reins très solides pour le concevoir et le produire sans risquer les errements d’un Pequignet qui a eu besoin de plusieurs recapitalisations et reprises pour assumer en grande partie les coûts de développement et de fiabilisation de son Calibre Royal.

Bonne gueule

Un exemplaire historique et militaire : une Type XX de Breguet des années 1960, l'un des rares modèles ayant équipé les pilotes de l'aéronavale française, son précédent propriétaire était ainsi réellement un ancien pilote sur l'un des deux portes-avions français de l'époque. Mais savez-vous que ces modèles rares étaient équipés de calibres Valjoux 7730 ? Certaines des plus belles pièces emboîtaient des mouvements non "manufacturés" par les marques elles-mêmes

A tous les égards, il faut voir cette période bénie de l’horlogerie comme étant un aboutissement lui-même étant la résultante d’une conjonction des astres avec une période synonyme de bouillonnement intellectuel, de créativité, d’innovations et d’une compétition très saine entre des marques qui donnaient le meilleur d’elles-mêmes pour attirer la clientèle en innovant et en cherchant à faire mieux que ses concurrentes sur le terrain des produits qui étaient d’ailleurs positionnés en majorité sur le même segment avec des prix relativement comparables.

Pas nécessairement bon marché mais avec des prix qui ne tiraient pas non plus vers les extrêmes que nous connaissons aujourd’hui.

Mais nous voyons qu’à travers toutes les qualités des montres de cette époque se dessinent les contours de quelque chose de plus vaste qui dépasse la beauté des designs et la maîtrise mécanique : la fascination qu’exerce toute une période de notre histoire commune ainsi que sa transmission.

LA TRANSMISSION D’UN PASSÉ SUBLIMÉ

C’est une chose d’être nostalgique en regardant des films et des séries d’époque ou inspirées par cette période et c’est une autre chose d’épuiser les livres d’histoire et d’entendre le témoignage direct des personnes qui ont vécu cette époque.

Ce n’est pas une vulgaire coïncidence de voir en même temps l’horlogerie atteindre son âge d’or et de voir une société prospère – sans être idéale sur tous les plans – confiante en elle-même et dans l’idée qu’elle se faisait du progrès.

Personnellement, je pense que la fascination qu’exercent les montres de cette époque est intimement liée avec la fascination qu’exerce l’ensemble de cette période. Porter une montre de cette époque c’est aussi un peu porter de cette période à notre poignet. Nous touchons alors du doigt une idée majeure : celle de la transmission entre les générations.

Bonne gueule

Avec l'Hamilton Titan des années 60, nous touchons à une montre qui a appartenu à un courant à mon sens sensationnel dans l'histoire de la marque américaine : les montres influencées par l'ère spatiale. Les designs sont plus audacieux par rapport à de nombreuses marques helvétiques de l'époque tout en restant d'un goût excellent

Quand je porte une montre d’époque, je songe (un peu) à ce que nos prédécesseurs ont pu vivre et connaître en leur temps, je goûte un peu de leur vision du monde mais aussi des choses de leur quotidien. Quand je porte une Omega Seamaster DeVille ou une Hamilton Titan ou une Zenith Defy ou un Chronographe Lip Genève, je ne m’imagine pas en Grégory Peck, en Roger Moore ou en Jean-Paul Belmondo.

En revanche je porte avec plaisir un tout petit morceau d’histoire à mon poignet et je contribue à ma toute petite échelle à la transmission de cette histoire : celle de nos pères et de nos grands-pères, de ceux qui nous ont précédés.

Pourquoi porter des montres vintage ? Je dirais pour un triple plaisir : pour la beauté de ces montres, pour la période qu’elles incarnent et pour transmettre également à son tour la symbolique et l’esthétique de ce qu’il y avait de mieux des hommes de cette époque.

Comme je l’avais écrit dans cet article rédigé en hommage à quelqu’un qui aimait raconter les morceaux d’histoire liés aux montres, nous avons besoin de points d’accroche pour nous rattacher à des souvenirs, nos montres servent de véhicules de nos souvenirs, la montre mécanique est peut-être le seul élément légué que nous pourrons continuer de porter au quotidien et donc de nous permettre de nous rattacher plus facilement à nos beaux souvenirs ou du moins aux souvenirs de ceux qui nous ont précédés. Peut-être est-ce cela la véritable raison du succès des montres vintage.

Bonne gueule

Vacheron Constantin affichant une petite seconde à 6h. Un trois aiguilles élégante : et si la véritable beauté se cachait dans le classique ? Photo prise chez Antoine de Macedo à Paris

J'aimerais posséder toutes les références présentes dans cet article mais c'était déjà un privilège d'avoir pu porter ces pièces magnifiques et surtout historiques. Très rares sont les collectionneurs avertis qui peuvent se targuer de posséder autant de belles références aussi je tiens à remercier Antoine de Macedo pour m’avoir permis de prendre des clichés de la superbe collection de montres vintage de sa boutique au 28 rue Madame à Paris dans le VIème arrondissement.

Don, le maître des montres

Passionné d'Histoire, de montres et d'accessoires masculins, je souhaite établir un pont entre le monde de l'horlogerie et celui du style.J’apprécie l'écriture, les Golden Sixties, les lunettes de soleil, les cravates, les pochettes, les boutonnières, les boutons de manchette... Sans oublier Betty.Et Rachel. Et Megan.

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