Pourquoi votre pull a-t-il rétréci au lavage ?

Pourquoi votre pull a-t-il rétréci au lavage ?

Il était pourtant si beau.

Vous vous souvenez encore de ces instants magiques que vous passiez avec. Vous vous sentiez si bien quand vous le portiez, lui qui savait vous mettre en valeur.

Lui qui était à votre taille.

bonnegueule pull sourire bleu

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Vous étiez si heureux à ses côtés.

Mais ça y est, c’est du passé, car vous voilà devant un ramassis de laine désintégrée en taille 12 ans, prêt à être légué à votre petit neveu.

Après vous avoir expliqué pourquoi votre jean s’est déchiré et comment votre pull a bouloché, je vais vous raconter ce qu’il s’est passé dans les coulisses de ce rétrécissement.

pull retreci vert

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On va voir ensemble ce qui s'est passé là-dedans.

Et comme d’habitude, nous ferons un petit tour des précautions et solutions que vous avez sous la main, histoire de vous éviter une collection de mailles bouillies pour lutins.

Enfin, sauf si c’est votre passion. Aucun jugement.

MAIS QUE S’EST-IL PASSÉ DANS CE PULL EN LAINE ?

Trois facteurs principaux entrent en jeu dans le rétrécissement d’un pull en maille :

  • La chaleur
  • La friction
  • L’humidité

Or, surprise : ces trois éléments se trouvent justement dans votre machine à laver.

machine a laver orange

Voici une rare photo de trois tueurs de pulls en série réunis dans la même pièce. (Crédit photo : Tina Bosse - Unsplash.com)

Mais avant de découvrir comment ils peuvent réduire de moitié les dimensions de votre compagnon tricoté, penchons-nous sur la constitution de ce dernier.

Avant d’arriver sur vos épaules, un pull en laine est tricoté à partir de fils, qui sont eux-même constitués de fibres issues d’un pelage animal.

Ces fibres sont donc naturelles. Elles vivent et disposent de tout un ensemble de petites écailles à la surface, conférant à la laine ses divines propriétés isolantes.

fibres laine microscope noir

Une vue au microscope bien parlante : à gauche, on peut distinguer les différentes écailles que peut avoir chaque fibre de laine.

Mais ces écailles sont un peu capricieuses.

En effet, elles ont tendance à vouloir servir de “pont” d’une fibre l’autre, liant ces dernières entre-elles. On parle de liaisons hydrogènes.

LA MINUTE SCIENCE : UNE LIAISON HYDRO-QUOI ?

Vous avez sûrement déjà assisté à un cours de chimie sur les molécules, saupoudré de quelques équations sur les liaisons qu’elles peuvent avoir entre elles. Le tout accompagné de quelques maux de tête sans doute.

Une liaison hydrogène est tout simplement une liaison moléculaire impliquant un atome... d’hydrogène. Dans ce cas particulier de liaison, c’est ce dernier qui fera le pont entre les deux autres atomes. L’exemple le plus parlant étant l’eau.

Dans nos pulls, les atomes d’hydrogène seront là pour faire le pont entre les protéines des fibres de laine (issues du poil animal) ou la cellulose des fibres de coton (qui est végétale.).

Lorsque la maille est tricotée, des liaisons hydrogènes se créent et maintiennent les fibres entre elles. De l’air est également emprisonné entre ces fibres, marquant les distances entre ces dernières.

Pour schématiser, votre pull en maille de laine dispose donc :

  • De fibres de laine ayant des écailles sur toute leur longueur,
  • Qui sont en majorité séparées les unes des autres par l’air se situant entre les fils,
  • Mais dont une partie est enchevêtrée par une liaison hydrogène.
nomorewashin coton gris

Ici, il s'agit de coton mais on peut clairement comprendre comment se répartissent les fibres : avec l'air se situant entre elles et les liaisons hydrogènes qui se créent entre celles qui sont en contact. (Crédit photo : University of Plymouth - phys.org).

Mettons à présent tout cela dans une machine à laver, pour un programme “destruction massive de pulls” à 40 degrés.

La première chose qu’il arrivera à votre maille, c’est un bon bain d’eau chaude. On retrouve donc ici déjà deux de nos trois facteurs mentionnés plus haut : l’humidité.

Tandis que celle-ci fera gonfler les fibres tout en les détachant les unes des autres, la chaleur se fera un plaisir de désorganiser leurs écailles : elles se lèveront pour ressortir et se mélangeront dans tous les sens pour se comprimer dans le sens de la longueur des fibres.

fibre laine noir

Au contact de l'eau et de la chaleur, ces petites écailles se redressent et deviennent complètement anarchiques (Crédit photo : Darbymade.com).

Les écailles ne demanderont alors qu’une chose : trouver celles de leurs voisines pour s’y lier par enchevêtrement. Et ça tombe bien (ou mal, pour nous), puisque dans ce bain de lessive, il n’y a plus d’air pour séparer les fils.

C’est donc là que les fibres se resserrent entre elles, laissant intervenir notre troisième facteur : la friction provoquée par les mouvements de tambour. Ces frictions permettront aux écailles de faire tranquillement le lien d’une fibre à l’autre.

Mais c’est à l’étape du séchage que vient le coup de grâce : l’eau s’évapore, et les nouvelles liaisons hydrogènes bien plus nombreuses se créent pour former un réseau plus dense et compact.

Et quand un essorage à 2600 tours par minute s’en mêle, je vous laisse imaginer à quel point la compression par force centrifuge qu’elle implique aidera les fibres à se rejoindre pour toujours.

test force centrifuge gris

Voici un aperçu à grande échelle de ce que vit votre pull à cet instant.

Pour lui donner le coup de grâce, un petit tour en sèche linge ne ferait qu’aggraver “l’effet chaleur” sur la fibre, tout en l'endommageant au passage.

Une fois sèche, votre maille est donc complètement resserrée, compacte et pleine de liaisons hydrogènes qui lui ont fait perdre deux tailles.

On dit ici qu’elle a feutré.

Un feutrage qui n’ira d’ailleurs pas beaucoup plus loin aux prochains lavages, puisqu’il ne restera pas énormément de liaisons de plus à générer.

ET SI JE PRENDS UNE AUTRE MATIÈRE ?

Comme vous avez pu le lire plus haut, les pulls en coton sont aussi sujets aux liaisons hydrogènes via les atomes de cellulose que contiennent leurs fibres.

On pourrait donc penser qu’il se passera la même chose si vous choisissez cette composition.

Et c’est vrai : une maille en coton sera aussi sujette au rétrécissement lors de son premier lavage. Mais ce rétrécissement sera nettement moins marqué.

Pour vous donner un ordre de grandeur, un lavage à 40 degrés peut faire perdre une vingtaine de centimètres à un pull en laine, contre un à cinq centimètres pour son homologue en coton (le lin pourrait bouger légèrement plus, mais on restera sur l’ordre d’un ou deux centimètres de différence par rapport au coton).. Aux lavages suivants, le coton ne bougera presque plus.

Si on peut constater cette différence de rétrécissement entre deux pulls, c’est tout simplement parce qu’il ne se passe pas tout à fait la même chose dans leurs entrailles.

La constitution même des fibres et de leurs écailles étant différentes, le processus de rétrécissement de la laine que je vous ai décrit plus haut impacte nettement moins le coton.

Cependant, les fibres de coton, avant d'atterrir dans un pull, sont étirées pour en faire un fil. Ces fils sont ensuite tricotés pour obtenir l’armure de votre pièce. Lors du premier bain d’eau chaude, les fibres vont chercher à reprendre leur forme initiale, resserrant le tissu sur lui-même.

fleur coton trisha downing blanc

C'est à partir de ces petites fleurs blanches que l'on étire les fibres pour en faire des fils (Crédit photo : Trisha Downing - Unsplash.com).

Ce phénomène est aussi présent pour les pièces en coton tricoté que pour les denims et autres tissus, tels que le jersey ou encore la popeline. Il peut aller jusqu’à une perte de 30%.

Et c’est pour anticiper cet effet que certains fabricants de pièces en coton procèdent à des prélavages pour rendre sa forme définitive au tissu avant la vente. Ce qui explique pourquoi la majorité des vêtements en coton bougent très peu au lavage à la maison.

D’autres marques vont jusqu’à ajouter un ou deux centimètres, aux manches d’une chemise par exemple, pour anticiper ce rétrécissement éventuel.

Si un pull en coton sera nettement moins thermorégulateur en cas de climat rude, il aura cependant moins tendance à bouger au cours de ses tours en tambour de machine.

LA QUESTION DES FIBRES SYNTHÉTIQUES

C’est d’autant plus le cas pour un pull en fibre synthétique : d’origine plastique, ses fibres n’ont pas d’écailles.

fibre acrylique noir

© Sur ces fibres d'acrylique, vous pouvez constater l'absence d'écailles à la surface. (Crédit photo : University of Plymouth - phys.org).

De plus, les traitements de stabilisation thermique qu’elles ont subis les rendront peu sensibles à la chaleur de l'eau.

Pas d’écailles, pas d’enchevêtrement d’une fibre à l’autre.

Pas de réaction à l’eau chaude, pas de transformation des fibres.

Pas de fibre vivante, pas de rétrécissement significatif.

Une maille de pétrole sera donc la moins propice à perdre une taille au lavage. Mais si vous choisissez le côté plastique de la force, vous pourrez oublier tous les avantages d’une matière naturelle : votre pull vous tiendra moins chaud, il sera moins respirant et vieillira nettement moins bien que son homologue en laine.

Tant pour le coton que pour la laine, la méthode de tricotage peut aussi influencer, dans une moindre mesure (la nature de la fibre restera le premier facteur)., la “marge de rétrécissement” d’un pull.

Par exemple, une maille de laine plus ouverte ou plus “lâche” aura plus d’air entre ses fibres, la marge de compression sera donc plus importante lorsque les nouvelles liaisons hydrogènes se créeront. Mais ces mailles sont aussi souvent les plus lourdes : une fois étendues, elles auront plus facilement tendance à s’étirer de nouveau sous leur propre poids.

POUR PRÉVENIR LE RÉTRÉCISSEMENT, JE FAIS QUOI ?

Là, je ne peux que vous renvoyer vers nos conseils d’entretien du vêtement, qui éviteront aussi bien les catastrophes pour vos pulls que les légers incidents pour vos autres pièces en coton.

pull laine victoria bilsborough ecru

Il faudrait vraiment manquer de cœur pour jeter cruellement cette douceur au sèche-linge, non ? (Crédit photo : Victoria Bilsborough - Unsplash.com).

Notre voyage au pays des fibres peut d’ailleurs vous faire comprendre l’intérêt d’un programme laine en machine, visant tout simplement à réduire l’impact de deux facteurs de rétrécissement sur trois :

  • La chaleur, en réduisant tout simplement la température de l’eau
  • La friction, en limitant le nombre de tours par minute tout en adaptant leur vitesse pour cajoler votre maille. Ce qui limite les occasions de frottement des fibres et donc de formations de liaisons hydrogènes entre elles.
sachet lessive bleu

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Pensez aussi à ce petit bonus : un sac à linge pour limiter les frictions.

Ces avantages se retrouvent d’autant plus dans le lavage à la main, où les frottements seront les moins présents (à noter que votre pull rétrécira d'au moins 1 centimètre au premier lavage, quoi qu'il arrive.).

Dans ce dernier cas, je peux vous partager une leçon tirée d’une expérience personnelle (si quelqu’un cherche un pull De Fursac pour son enfant de 8 ans, il peut me contacter en commentaires) : lavez vraiment à froid, et ne passez pas votre pull en cycle d’essorage. Étendez-le directement à plat (car si vous la suspendez, elle se déformera sous son propre poids)..

En effet, si vous lavez votre pull à l’eau légèrement chaude, et que vous enchaînez avec un tour de manège à 400 tours par minute, le peu de chaleur, d’humidité et de compression par force centrifuge suffiront pour faire perdre quelques centimètres significatifs à votre précieux compagnon.

ET POUR LE GUÉRIR ?

Sur les vastes contrées du web, vous trouverez plusieurs méthodes récurrentes pour réduire les dégâts sur un pull en laine rétréci. Elles suggèrent, au mieux, l’utilisation de shampoing ou d’adoucissant.

Nicolò vous propose d’utiliser un shampoing à la lanoline, huile naturelle présente dans la laine de mouton.

lanoline jaune

Certains après-shampoings en contiennent, mais vous pouvez aussi ajouter quelques gouttes pures de lanoline dans l'eau de votre bassine.

Mais je suis désolé de vous l’apprendre : à moins que vous puissiez délier les écailles enchevêtrées des fibres au microscope, vous ne pourrez lui rendre sa taille initiale.

Ces méthodes peuvent toujours faire gagner quelques centimètres, si les pertes ne sont pas trop importantes :

  1. Trempez votre maille dans une bassine ou une baignoire d’eau tiède avec une dose d’après-shampoing ou d’adoucissant.
  2. Laissez plusieurs heures, le temps que les fibres gonflent à nouveau et que l’adoucissant permette à une partie des écailles de lâcher prise, détachant certaines liaisons hydrogènes.
  3. Sortez le pull et commencez à tirer progressivement sur les manches et le corps, en insistant sur les zones les plus compactes. Le fait de tirer dessus tant qu’il est encore humide séparera une partie des fibres et les empêchera de se lier à nouveau entre elles.

L’opération peut être réitérée, mais votre pull en sera forcément déformé.

MAIS DU COUP, QUAND IL PLEUT EN ÉTÉ, LES MOUTONS RÉTRÉCISSENT AUSSI ?

Je pense que non, car il s’agit de blocs de fibres et non pas d’un tissage. Mais vous avez sûrement votre théorie à nous partager en commentaires.

Michel Bojarun Michel Bojarun
Michel Bojarun,

Geek du vêtement à plein temps chez BonneGueule et geek des platines en intérim au Berghain (un jour). Amateur de pantalons droits, de débardeurs, de chaînes dorées, de ceintures western (2cm de largeur max, évidemment) et de *insérer n'importe quel vêtement rétro-kitch*.

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