Pourquoi votre jean vrille-t-il ?

Pourquoi votre jean vrille-t-il ?

Sommaire

“leg twist”  de votre jean peut avoir plusieurs explications, dont une dominante et inhérente à la nature même du jean : son tissu sergé.

Comme Nicolò vous l’a déjà introduit dans son guerre civile entre passionnés de vêtements, je vais tenter de répondre à la question en capitales ci-dessus.

Aux premiers abords, vous l’avez compris : un jean qui vrille, c’est globalement normal. C’est principalement un phénomène naturel, inhérent aux caractéristiques de cette belle toile tissée. Il fait d’ailleurs partie intégrante des origines du jean.

Pour un amoureux de denim, l’intérêt d’un beau jean brut se trouve dans la personnalisation de ce dernier : une fois acheté, chaque étape de sa vie dépendra de vous.

Chaque toile vivra différemment, se fera à vos propres jambes, suivant votre utilisation. Il en résultera une pièce unique qui laissera transparaître la manière dont vous avez vécu avec.

Le leg twist fera partie de cette aventure. Il sera lui aussi unique et personnel suivant votre usage du jean. S’en plaindre, c’est comme se plaindre d’un beau délavage, du moins pour certains. Et c’est une philosophie honorable.

Bonne gueule

Pour un amoureux de toiles indigo, le leg twist est loin d'être un problème.

Sans compter le succès parmi les puristes des jeans non-sanforisés : ces jeans qui n’ont pas subi de processus de stabilisation, afin de préserver leur aspect le plus authentique possible, peuvent rétrécir jusqu’à deux tailles au premier lavage.

Je vous laisse imaginer le tour de jambe que pourra faire la couture extérieure.

Bonne gueule

Un rétrécissement impressionnant, à exploiter avec expérience et précaution pour ajuster la pièce à sa taille.

C’est pour répondre à cet amour du leg twist que certaines marques jouent même sur la sanforisation pour contrôler la tournure que prendra la couture pendant la production.

Dans cette course à la couture tournante, et pour relancer sa marque, Levi’s a lancé au début des années 2000 sa gamme Engineered, connue pour ses coutures en spirale.

Mais le leg twist n’a pas toujours été considéré ainsi. C’est pourquoi beaucoup de marques ont déjà cherché des solutions qu’on abordera plus loin. Et le vrillage n’est pas toujours seulement issu de la nature même de la toile.

Vous pouvez tout à fait vous retrouver avec un leg twist sans que votre toile ne soit un graal de 38 Oz. Ce leg twist peut aussi venir d’une erreur de confection, et vous aurez dans ce cas raison de vous plaindre.

Par exemple, si la toile a subi une tension plus intense sur la jambe gauche que sur la jambe droite lors du montage, cette dernière vrillera plus amplement.

Il en sera de même en cas de décalage dans la couture à l’entrejambe : le sens dans lequel le tissu de votre jean sera tendu au porté différera d’une jambe à l’autre, créant un leg twist non négligeable d’un côté.

Parfois, pour accélérer la production, un atelier peut aussi découper ses patrons par piles de tissu trop épaisses. Cela créera un léger décalage dans la coupe de la toile en bas de pile, qui se ressentira forcément dans le placement des coutures extérieures.

Bonne gueule

Dans certaines conditions de production, difficile de ne pas se louper de quelques centimètres sur un découpage.

Ces irrégularités de confection qui se cumulent sont donc souvent le résultat de négligences à la production, ou de soucis d’économie d’échelle pour pouvoir compresser les prix.

Le leg twist peut donc tout à fait se retrouver sur un jean de qualité sommaire. Tout comme sur une pièce haut de gamme. Dans ce dernier cas, les erreurs de production sont bien entendu plus rares, et votre vrille aura plus de chances de venir du comportement caractéristique de la toile.

Les marques d’entrée de gamme n'hésitent d'ailleurs pas à limiter cette tendance à l’inclinaison naturelle du sergé en cumulant les procédés techniques et chimiques pour maintenir la matière en place. Ce qui donne lieu à un denim moins charmant, mais plus stable. Laissant ainsi le leg twist aux erreurs ponctuelles de découpage ou de montage.

C’est d’ailleurs au début des années 1970 qu’on retrouve l’origine de la suppression massive du leg twist sur les jeans.

Les marques à l’assaut du Leg Twist

Jusqu’aux années 60, les jeans qui vrillaient étaient aussi répandues que les émeutes féminines en concert des Beatles.

Mais avec la popularité croissante du jean, les insatisfactions liées au leg twist ont fait suffisamment croître les retours de produits pour pousser les marques à chercher des solutions.

La plus connue est celle utilisée par la marque Wrangler en 1964 : le “broken twill”  qui alterne sergé “main gauche” et “main droite” tous les deux entrecroisements de fils.

Ainsi, les fameuses diagonales du twill deviennent un enchevêtrement en zigzag qui empêche le tissu de partir en biais dans une direction ou une autre.

Bonne gueule

Adieu, les diagonales qui partent en vrille.

Au cours des années 70, les inventeurs de Levi’s mettent au point une technique visant à pré-tordre la toile, de sorte à ce qu’elle ne bouge plus après le montage du jean.

Pour faire simple, il s’agit de biaiser le tissu dans le sens de sa diagonale, en avançant un bord par rapport à l’autre.

Ainsi, l’entrecroisement des fils de trame et des fils de chaîne n’est plus perpendiculaire, mais il est pré-redressé avec environ 8% d’inclinaison : notre chère étoffe ne cherchera donc plus à se redresser par elle-même.

Bonne gueule

Un extrait du brevet déposé par Levi's, montrant la différence entre un jean vrillé et un autre sur lequel la méthode a été appliquée.

Ces méthodes sont communément utilisées aujourd’hui, et viennent souvent compléter les processus de stabilisation de matière tels que la sanforisation.

Certaines marques vont même jusqu’à incliner les coutures au montage dans le sens opposé de la vrille, afin que ces dernières soient de nouveau parallèles lorsque le leg twist aura montré le bout de son nez.

Le mot de la fin : face au leg twist, je fais quoi ?

Comme vous avez pu le constater, au cours de l’histoire du jean, le leg twist a été aussi idolâtré que rejeté.

Si le phénomène est naturel et inhérent à la charmante nature du denim, il peut aussi parfois être le résultat d’une erreur de construction.

Mais à présent, vous avez toutes les clés en main pour pouvoir déduire par vous-mêmes la nature de votre leg twist.

Si votre jean a été sur-stabilisé et sanforisé par une grande enseigne, mais que la couture extérieure longe l’avant de votre tibia, vous êtes en droit de vous poser des questions.

A l’inverse, si vous avez acheté une beauté japonaise dotée d’un relief profond rappelant les origines du denim, il est tout à fait normal que la matière bouge un peu en déplaçant les coutures.

A vous de donner son âme à ce jean, que ce soit par son délavage ou la manière dont ses coutures suivront vos mollets. N’oubliez pas que la beauté de ces pièces réside dans leurs imperfections.

Mais si vous êtes du genre à vouloir des coutures bien droites, vous pouvez donc :

  • Vous orienter vers des pièces sanforisées, limitant le rétrécissement à moins de 5%.
  • Vérifier la position des coutures à l’essayage : sont elles symétriques ?  Sont-elles bien alignées à l'arrière ? Observez-vous un décalage à l’entre-jambes ?
  • Acheter une pièce en broken twill, que vous pourrez identifier grâce aux fameux zigzags sur l’envers du tissu.
  • Vous renseigner auprès des conseillers en boutique, qui sauront vous orienter vers les éventuels jeans étudiés pour être moins propices au leg twist.

Sans oublier nos propres jeans...

Avec le denim selvedge artisanal, on ne rigole pas. Alors on est allé le chercher sur place, chez Kurabo et Kuroki, dans la préfecture d’Okayama au Japon.

Nous avons aussi une approche écologique, avec des toiles selvedge de chez Candiani, la filature la plus propre au Monde, située dans un parc naturel italien.

Et côté délavage, tout est réalisé à l’ozone, pour respecter autant la toile que la nature et l’artisan.

Michel Bojarun Michel Bojarun
Michel Bojarun,

Geek du vêtement à plein temps chez BonneGueule et geek des platines en intérim au Berghain (un jour). Amateur de pantalons droits, de débardeurs, de chaînes dorées, de ceintures western (2cm de largeur max, évidemment) et de *insérer n'importe quel vêtement rétro-kitch*.

Plus d'articles de cet auteur
LAISSEZ NOUS UN COMMENTAIRE Questions de styles, points de vue perso, bons plans à partager ? Nous validons ton commentaire et te répondons en quelques heures