Sneakers et cheminement stylistique (partie 2) – Carte blanche à… Nicolò

Sneakers et cheminement stylistique (partie 2) – Carte blanche à… Nicolò
Cet article est la suite de l'article rétrospectif "Moi et mes Sneakers, de l'enfance à l'adolescence", durant lequel je racontais tous les souvenirs que portent les sneakers qui ont jalonné ma vie, de l'enfance jusqu'à mes 19 ans.

Dans le premier volet, je me remémorais une perspective plus "naïve", un rapport à la sneaker et au style qui était beaucoup plus façonné par des souvenirs, le besoin de s'affirmer, ou contraire, l'intégration sociale.

Ce second volet, au contraire, relate mes goûts en sneakers à partir du moment où le style est passé d'une préoccupation à l'importance plutôt secondaire, à une véritable passion qui grandissait d'année en année.

J'adopterais donc un point de vue à la fois plus "esthétique" et plus "technique" que dans le premier volet.

L'année entre mes 19 et 20 ans fut une année de profond questionnement stylistique.

C'est aussi l'année où je me suis mis à lire... BonneGueule !

Et bien que je n'aie acheté que très peu de pièces durant cette période, je ressentais un décalage de plus en plus fort entre mes vêtements et l'identité de "jeune adulte" qui commençait à peu à peu être la mienne.

Voyez-vous, la fac, ce n'est pas le lycée.

Quand vous êtes habillés de façon à la fois affirmée mais négligée et que vous passez un an en fac de droit, vous remarquez une chose : les gens font VRAIMENT plus attention à comment ils s'habillent. En tout cas, plus que moi à l'époque, pour sûr.

Était-ce l'idée de prestige qu'on associait au droit ? Une question de classe sociale et de moyens ? Allez savoir...

Ce qui me semblait certain en revanche, c'était de plus en plus d'étudiants que je rencontrais et côtoyais ne choisissaient pas leurs vêtements par simple "mimétisme", ou pour signaler une revendication quelconque, telle que "j'aime ce style de musique".

Au contraire, ils cherchaient une véritable valorisation.

Une valorisation sociale de leur image, mais aussi une valorisation esthétique de leur personne.

De 20 à 25 ans : un style plus sage, des sneakers plus haut de gamme

En observant ce changement dans mon entourage, je commençais à comprendre qu'il existait des questions d'harmonie, et de "Beau", en matière de style.

Et que les bons vêtements n'étaient peut-être pas juste ceux qui me plaisaient "parce que c'est mes goûts".

Je dois donc vous avouer que, peu importe la sincérité de ma démarche (expliquée dans l'article précédent), je commençais à me sentir mal à l'aise dans mes Nike Dunk avec "Groove" écrit dessus.

Entre mon caractère un peu décalé, mes étranges manies , je me disais j'étais déjà assez "original" comme garçon, et qu'il n'était peut-être pas utile de le signaler en deux coups d'œil à quiconque poserait le regard sur moi...

Chemise à motif paisley étrange portée n'importe comment sous un pull en cachemire, écharpe douteuse, Rolex vintage au bracelet complètement distendu... Et les grosses Dunk aux pieds.

Par conséquent, je me disais qu'un style plus élégant, plus harmonieux me faciliterait la tâche socialement.

Je ne le voyais plus comme quelque chose qui me compromettait, mais au contraire, comme un choix "tactique" qui m'autoriserait justement à moins me conformer sur d'autres aspects.

chameleon

Ce que j'ai compris que je devais faire.

Aussi, j'avais déjà développé un certain goût pour la "chaussure" à proprement parler, celle en cuir, et je la privilégiais peu à peu aux sneakers.

Bref, j'entrais dans une phase d'assagissement de mon style.

Et au départ, je pensais vraiment que la sneaker n'y avait plus sa place.

Mon désaveu soudain pour cette pièce tenait en trois mots : "manque d'harmonie".

C’est-à-dire que la sneaker me semblait toujours avoir un petit élément design qui vous sautait au visage : un gros logo rond ici, un félin qui bondit par là, un énorme swoosh, des couleurs contrastantes, toujours quelque chose d'écrit quelque part sur la pompe...

Fort heureusement, la lecture de nos guides et articles de l'époque m'avait permis de découvrir des alternatives, qui m'évitèrent de faire une croix à vie sur cette pièce, pourtant indispensable.

Et ne faisant pas les choses à moitié, j'ai commencé directement par ce que je connaissais de meilleur.

1. Ces Lanvin, premier amour perdu à jamais (20-21 ans)

Nous sommes en 2014, quand soudain...

Tout le monde...

Porte...

Des...

Adidas...

"Stan Smith".

TOUT LE MONDE !

Nul doute que vous vous en rappelez, c'était l'époque où l'on parlait de cette sneaker comme d'une véritable invasion. Ce n'est pas arrivé en un soir, mais à peine avais-je eu le temps de constater leur popularité, qu'elles étaient déjà partout.

Des années après, l'écho phonétique de leur nom résonne toujours dans mes oreilles.

"Stannesmisse". "Stannesmisse" ? "Stanneuuuhsmisseuh" !

stan smith sneakers blanche

La "Stannesmisse" dans toute sa "Standeur".

D'ailleurs j'ai ma propre théorie sur leur énorme regain de popularité à cette période : parmi les modèles "iconiques" de l'histoire de la sneaker, elle était sans doute une des plus épurées, des plus minimalistes. Mais on reparlera un peu après de la tendance de l'époque...

En attendant, moi, Nicolo âgé de 20 ans, je n'avais absolument pas envie d'avoir quelque chose qui ressemblait à des Stan Smith pour ma première sneaker "premium"...

C'est en partie pour cela que je ne me suis tourné vers les sneakers "minimalistes" que l'année d'après.

L'autre raison, était ma difficulté à apprécier l'épaisseur visuelle des semelles "Margom", qui commençaient à être perçues à la fois comme un marqueur de qualité, et comme indissociables du design de ce genre de sneakers.

J'avais l'impression que ces semelles larges étaient comme d'énormes blocs de caoutchouc, et qu'elles évoquaient quelque chose de comparable à une semelle compensée.

semelle margom sneakers

L'emblématique semelle "Serena" de chez Margom. Elle n'est pas si épaisse que ça en vérité, puisqu'elle remonte sur le cuir jusque-là où elle est cousue.

Dans l'idéal, je savais ce qu'il me fallait. Oui, ce qui me faisait, rêver, c'était une paire de Lanvin.

Le premier Guide de l'Homme Stylé me les avait un peu vendues comme le top du top de la sneaker de luxe, à l'époque.

À mon grand regret, elles coûtaient plus que l'intégralité de l'argent à ma disposition pour un mois, voire deux... Mais il ne faut jamais sous-estimer la ténacité d'un passionné doté de peu de moyens.

Ma patience avait payé, et la chance m'avait souri : pour 250 euros sur Videdressing, j'avais trouvé une paire fabuleuse, en état neuf. C'était peut-être mon achat vestimentaire le plus cher à ce jour, mais j'étais conscient que c'était une belle affaire vu leur prix en magasin.

Direction le XVIème arrondissement, donc, pour une remise en main propre.

Si d'aventure j'avais pu douter du fait que je m'achetais un produit luxe, le bref échange avec la vendeuse n'en laissait aucun.

Débraillé que j'étais, dans ma tenue approximative et mes Nike Dunk fatiguées, j'ai atterri dans un hall d'immeuble typique des beaux quartiers de Paris, où m'attendait une jeune femme à l'allure parfaitement maîtrisée, de la coiffure jusqu'au bout des souliers.

sneakers bleues lanvin

Malheureusement, seules deux photos persistent à ce jour dans mes fichiers, et leur qualité est très moyenne.

"Oui, c'est celles de mon chéri, je lui ai offert pour son anniversaire, mais elles étaient trop petites pour lui", m'expliqua-t-elle.

"Ah oui... En tout cas il paraît que ce sont des sneakers de très bonne qualité", dis-je un peu maladroitement, en voulant montrer que "je savais", moi aussi.

"Tout à fait, vous savez, mon chéri ne porte que ça en sneakers : du Lanvin, ou alors du Dior".

"Ah bah, il a bien raison hein...", répondis-je bêtement, en tâchant de ne pas trop me concentrer sur la scène que je vivais, digne d'une caricature sociale et la place peu avantageuse que j'y occupais.

Mais la gêne ne fut que de courte durée et vite remplacée par la fascination que me procurait cette dernière acquisition.

"C'est donc ça, une sneaker de luxe ?"

Qu'est-ce qui rendait cette sneaker incomparable à toute autre ? Pas mal de choses.

Tout d'abord, le fait que la matière principale (par-dessus une doublure cuir) était un tissu bleu nuit aux reflets irisés. Quand la lumière était sombre, il semblait presque noir. Et dès lors qu'on l'éclairait, il revêtait des reflets métalliques, de profondes nuances de bleu (et d'infimes reflets multicolores), se dérobant et se mouvant sous les yeux.

Il y avait aussi ses œillets métalliques grisés à la finition polie, eux-mêmes minutieusement gravés du nom de la marque.

Les ganses autour de la languette, les garants, le talon et contours du bout, qui étaient réalisés dans un cuir "Nappa" d'une qualité digne d'un sac de luxe...

Des coutures d'une précision chirurgicale, dont le fait qu'elles soient doublées participait au design de la paire...

sneakers lanvin irisées

La démarcation entre les couleurs de la semelle formait une sorte de "vague"...

Et enfin, une semelle spéciale alliant l'allure robuste et "sport" d'une Margom blanche, avec la subtilité d'un rappel de couleur.

Bien évidemment, les lignes et l'ensemble de la forme étaient impeccables. Tout était équilibré.

C'était donc ça, une sneaker de luxe ?

J'avais presque peur de marcher avec tant je les admirais, mais croyez-moi, le plaisir de les porter était bien trop grand pour m'en priver.

Déni de taille et catastrophe d'entretien

Enfin, "plaisir"... Si ce n'est que, dans ma grande ignorance, j'ai cru que les Lanvin chaussaient en "tailles italiennes". Manque de bol, ce conseil que j'avais pu lire sur divers forums n'était plus vrai pour tous les modèles, dont celui-ci qui était passé en sizing français.

Mais vous savez, un jeune de 20 ans sous le coup de l'émotion face à une paire de sneakers aussi fabuleuse, c'est capable de beaucoup de choses, dont... le déni.

Trop fier de mon achat, trop fasciné par leur beauté, je me suis convaincu, malgré la douleur qui persistait au fil des semaines (des mois, même), que c'était normal. Que ça se "ferait avec les ports".

(MàJ : Voici la paire que j'ai justement retrouvée au fond d'un carton, au bureau. Je les avais laissées là après avoir cherché en vain quelqu'un pour les réparer)

sneakers lanvin bleues abimées

Malgré leur état (talon défoncé,  cuir ramoli et fripé, lacets de remplacement...), on devine encore leur splendeur passée... Le tissu dévoile ses nuances éclatantes lorsqu'il est exposé à la lumière.

C'est quand le talon de la sneaker a fini par céder, acculé qu'il était par la tension du pied légèrement trop gros qui le remplissait, que j'ai fini par m'admettre qu'il y avait dû y avoir une erreur.

J'étais vraiment triste.

Le verdict des cordonniers était clair : "Je peux rien faire pour ça m'sieur".

gif sad

Je ne sais pas si j'ai plus souffert de la pointure trop petite, ou de leur inévitable destruction...

La structure intérieure du talon, une coque de plastique thermoformé, avait fini par rompre. Le cuir, qui plus est, mal entretenu du fait de mon ignorance ne se portait pas mieux.

Dépité, j'ai tenté de me faire une raison. J'espérais trouver, plus tard, quand j'aurais plus d'argent et d'expérience, quelque chose d'aussi beau.

"Ce n'est que le début de mon aventure vestimentaire après tout !"

lanvin captoe bleue

Les Lanvin "Captoe" classiques... Mouais. Ce n’est quand même pas la même affaire.

A ce jour, je n'ai jamais rien trouvé d'aussi beau à mes yeux, en sneakers.

Les modèles "classiques" Lanvin ne m'ont jamais autant plu, avec leur bout en cuir verni et leur allure plus "brute". Et les modèles qui vinrent dans les années suivantes, (plus street, plus sport) s'éloignaient encore plus de mes goûts.

J'ai vu, une fois, le modèle repasser en vente sur un site d'occasion, à la bonne taille pour moi... Mais je n'avais pas l'argent pour le reprendre.

Et je n'ai jamais pu, non plus, retrouver la référence du modèle.

Chers amis, tenez-le vous pour dit : 99 fois sur 100, lorsque vous laissez filer une pièce coup de cœur, ou bien perdez, ou abîmez irrémédiablement une fringue fétiche : ce n'est pas grave. Vous retrouverez mieux, un jour, avec de la patience. Même quand vous pensez avoir vu la perfection, ou la meilleure affaire, il y aura toujours une autre occasion.

MAIS, un jour...

Il y en aura au moins une que vous ne pourrez jamais remplacer. C'est l'exception, la fameuse "fois sur 100". Et vous ne l'oublierez jamais !

3. Les "trainers" Minimalistes (21-24 ans)

Toujours via la lecture de BonneGueule, je découvre National Standard, et par la même occasion, Common Projects. Deux marques qui ont occupé très tôt le créneau de la sneaker épurée et premium, mais à vrai dire, le modèle Achilles Low, pionnier du genre, était totalement hors de prix pour mes moyens.

national standard edition 3 blanches

A défaut d'une Common Projects "hypée", si vous étiez plutôt dans un budget 150-200 qu'autour des 300 euros, il y avait National Standard et son Edition 3.

Et puis, j'étais encore sous le choc de l'achat des Lanvin.

Ma première paire minimaliste fut donc une National Standard, marque qui avait des prix plutôt compétitifs à l'époque, surtout sur un marché qui était bien moins fourni qu'aujourd'hui.

Faite d'un suédé gris-beige chatoyant, dépourvue de détails inutiles, bien façonnée : cette paire était une valeur sûre.

NS beige sneakers

Devinez ce qu'il est advenu de cette magnifique paire en suédé clair ? J'ai fini par les transformer en épaves "gris sale", faute de précautions et d'entretien.

Remarquez que je parle aussi de "trainer" : ce terme, plus vieillot et (je crois) plus britannique aussi, est synonyme de sneaker, mais par usage, on l'emploie parfois pour parler de sneakers plus simples, de designs plus anciens, moins "techniques" dans leur apparence.

german army trainers sneakers

La "German Army Trainer" en est une, justement. Ce terme, connoté à la fois "vintage" et "sobre", les distingue des sneakers beaucoup plus fortes visuellement.

La distinction "Trainer" / "Sneaker" peut sembler superflue, mais elle ne l'était pas pour moi... Car c'est aussi via cet achat que je me confirmais, en mon for intérieur, que je n'étais décidément pas un amateur de "sneakers" au sens "street" du terme.

Non, finalement, les éditions limitées, l'envie de les collectionner, l'idée de porter aux pieds un objet d'expression personnelle, ça ne me touchait plus tant que ça.

Au contraire : donnez-moi une sneaker dont l'allure complète et flatte le reste de mes vêtements.

Donnez-moi du matériau noble, de la simplicité, et même, j'oserais dire, un brin d'élégance dans cette chaussure que l'on considère comme "décontractée".

Voilà, j'étais désormais converti à la sneaker minimaliste.

Et dépourvu de recul que j'ai aujourd'hui, je ne réalisais pas forcément que mes envies en matière de sneakers s'inscrivaient dans une mouvance plus large de la mode des années 2010 : tout s'épurait, se réduisait à sa forme la plus légère, fine, simple, étroite même, parfois...

La mode de 2010 : retirer, épurer, rétrécir...

Les coupes se rétrécissaient, les revers de vestes et les cols aussi, tout était bleu, gris ou blanc, plus rien ne dépassait...

C'était comme s'il fallait retirer à la mode masculine sa "lourdeur", son manque de finesse, son côté brut, trop orienté vers la fonction...

L'épure visuelle, c'était un peu une idéologie de la maîtrise, de la perfection.

La mode masculine n'était plus "une mode de bourrin" : l'homme moderne allait au-delà de la fonction, et parvenait à maîtriser la forme de façon à la réduire à sa plus simple expression.

Que voulez-vous : on avait sans doute été marqués par quelques générations d'iPods et d'iPhones, et la philosophie visuelle qu'ils portaient.

couv gimmick nicolo 2015 vs 2020

J'ai d'ailleurs réalisé un épisode de Gimmick où je me suis amusé à comparer les tenues de grands influenceurs entre 2015 et 2020.

Bien que cela puisse paraître absurde de nos jours, où les tendances tentent justement de rééquilibrer les choses dans l'autre sens , cette période a beaucoup apporté à la mode homme selon moi : elle a mis en avant des notions esthétiques qui lui manquaient cruellement.

Sneakers minimalistes : trop chères pour leur simplicité ?

Petite parenthèse débat !

L'explosion et la démocratisation de ce type de sneakers ont causé pas mal de polémiques entre les passionnés, et laissait certains néophytes de marbre, eux aussi.

"Pourquoi j'irais mettre autant de fric dans une pompe avec rien de spécial dessus ?", voilà la réaction de la plupart des gens en les voyant. Une réaction pragmatique, d'une certaine façon.

Côté passionnés, l'argument récurrent de ceux qui ont une dent contre Common Projects s'est toujours plus ou moins résumé à :

"C'est juste des Stan Smith super chères repompées".

Eh bien, je leur donne entièrement raison pour le prix excessif , même si je pense que beaucoup sous-estiment le coût d'une sneaker premium réalisée correctement, et faite en Europe.

En revanche, je ne partage pas leur avis pour le "c'est juste...".

common projects stan smith blanches

Je vois cette édition d'Achilles Low comme la façon silencieuse de Common Projects de répondre à ces remarques. Du troll tout en finesse.

Grossissons le trait : une écharpe en cachemire, "c'est juste" un pan de tissu de poil de chèvre... Un costume Bespoke, "c'est juste" de la laine avec des coutures.

Vous voyez ce que je veux dire ? Résumer un objet à son "plus simple concept" ne signifie pas que son concept "est simple". 

Et le minimalisme sera toujours un peu plus mis en cause... Parce que c'est un concept "DU simple".

Pourtant, la simplicité agréable que vous avez sous les yeux nécessite une réflexion qui est, elle, plus complexe.

C'est comme essayer d'écrire une bonne synthèse journalistique : beaucoup d'infos, et beaucoup de travail pour les réduire à une forme dont la compréhension est intuitive, contenant tout l'essentiel, mais aucun superflu.

On pourrait en dire autant de la vulgarisation scientifique, par exemple.

Par conséquent, si tant est qu'on accepte que le prix d'un produit puisse être déterminé par le travail de design et de recherche autant que par le coût des matériaux et de la fabrication , alors, un design minimaliste n'est pas forcément moins méritant qu'un design plus "exubérant".

Cela dit, cet argument à aussi ses limites : une fois qu'un design épuré s'est démocratisé, il n'est plus aussi difficile que ça de le recréer, de le changer légèrement... Du moins, pas autant que d'être le premier à l'avoir pensé comme tel.

sneakers white et off white

Une Artisan Lab (en haut) et une Common Project (en bas). Bien sûr, ce n'est pas identique non plus, et chaque marque doit repenser un peu la forme.

Et d'ailleurs le marché de la sneaker minimaliste s'est tourné de plus en plus vers des arguments de qualité et de prix, à mesure que ce segment s'est retrouvé saturé de marques qui avaient "saisi le truc".

Pour en revenir à moi et à mes pompes, aujourd'hui, je n'ai qu'une paire dans cet esprit-là : une Artisan Lab blanc cassé.

blanc cassé artisan lab blanches

Pourquoi "blanc cassé" ? Pour que la paire ne détourne pas trop le regard de la tenue. Le blanc optique attire beaucoup l'oeil.

Elle vieillit bien et me suffit. Contrairement à ce que j'aurais pu penser par le passé, je n'ai pas besoin de déclinaisons de coloris pour ce style de sneakers.

Notamment parce que je ne la porte que lorsque je trouve qu'elle est particulièrement appropriée.

À savoir, dans une tenue casual contemporaine, qui ne se prête pas à plus de détails sur les chaussures. Soit parce que l'épure est le thème général de la tenue, soit parce que la tenue est déjà trop chargée par ailleurs. Dans les deux cas, inutile pour moi d'avoirs autre chose que du blanc.

meme être malin réfléchir

Finalement, c'est peut-être ça l'étape finale du minimalisme en design : ne l'employer qu'au minimum, là où il a le plus de sens.

4. Les montantes "Premium" (21-22 ans)

Il y a également une paire qui a eu sa place durant le début de ma vingtaine.

Une place plus discrète, mais une place quand même : une paire de montantes National Standard.

national standard montantes gris blanc

Avec le temps, le cuir a vieilli en prenant une teinte plus "crème"... Ce qui les rend en fait beaucoup plus belles.

J'ai eu un coup de cœur sur celles-ci pour trois raisons, que l'on pourrait classer de la plus rationnelle à celle qui l'était le moins.

La première, c'est qu'elles étaient belles et que j'adorais leur palette de couleurs, jouant sur les nuances de gris.

national standard gris crème

Fraîchement sorti de chez Elevation Store avec ma paire neuve, j'étais trop impatient pour ne pas faire une photo dans le métro.

La seconde, c'est qu'elle me rappelait la deuxième collab' BonneGueule x National Standard, qui datait malheureusement du moment où je venais de découvrir BonneGueule, et dont j'avais compris trop tard qu'elles me plaisaient.

bgns 02 blanches sneakers

Les "BGNS-02" comme on les appelait. J'avais passé un temps déraisonnable à lire et relire leur page de vente. Notez le jeu de "triple texture" : cuir lisse, suédé, et nubuck grainé.

La troisième résultait d'un conflit intérieur : je voyais bien que sur le marché de la sneaker, les montantes perdaient peu à peu la côte qu'elles avaient eu par le passé.

Je voyais bien, aussi qu'elles étaient plus difficiles à porter, surtout avec les ouvertures de jambes de pantalons qui se resserraient... Pantalon qui, pour bien tomber sur la languette, en la dévoilant "juste assez mais pas trop" nécessitait d'être constamment rajusté, à une fréquence qui n'était vivable que pour un shooting photo, mais pas dans la vraie vie.

bonnegueule stacking

La légende dit qu'on appelait ça "Stacking" à l'époque. On voulait mettre en avant la belle sneaker, et donner du volume avec les replis de tissu...

Mais voilà, j'avais TOUJOURS porté des montantes. Les Dunk, les Supra, les Converse... C'était une "marque de fabrique" de mon identité d'ado.

Résultat des courses ? Je les ai très peu portées. Mais ce n'est pas plus mal, puisque je les redécouvre aujourd'hui avec un nouvel œil. Ces dernières années, il m'est arrivé de les ressortir, et de prendre plaisir à voir ce que je pouvais en faire avec mon expérience actuelle. C'est vraiment pas mal avec un beau jogpant en flanelle.

4. La "basket" Minimaliste (24-25 ans)

Au risque d'avoir l'air de me répéter. Si vous faites une rétrospective de vos changements de goûts personnels, observez les changements de tendance globale sur une période, et corrélez les deux. Vous verrez que même avec votre individualité, vous êtes toujours influencé, plus ou moins subtilement, par l'air du temps.

Voyez-vous, j'appréciais toujours le minimalisme et l'épure des trainers façon "Achilles Low", mais je commençais à ressentir le besoin de combiner ça avec un peu plus de détail, un peu plus de caractère.

Je me disais que j'en avais déjà pas mal, des chaussures pour faire du "simple et élégant", et que mine de rien, ce serait bien d'avoir des sneakers qui gardent cette pureté tout en leur rendant l'aspect "sport" dans lequel elles prennent racine.

Oui, décidemment, c'était plutôt ça que je voulais. Et il faut croire que Common Projects savait que je le voudrais avant que je le sache, puisque c'est à peu près au moment de ces réflexions que j'ai commencé à voir leur modèle "B-Ball" en vedette un peu partout sur les shops haut de gamme.

Durant toutes ces années, CP n'avaient pas réussi à atteindre mon portefeuille avec les Achilles, mais la B-Ball m'a pris par surprise. Ils m'ont eu.

cp bball tan sneakers

L'ultra méga coup de cœur. Ce qui les a rendues irrésistibles pour moi, c'était l'emploi de la semelle ton-sur-ton sur un nubuck camel...

Globalement, la B-Ball est à la Nike Air Force One ce que la Achilles Low est à la Stan Smith : ceux qui veulent grossir le trait parleront de "copie", mais je préfère parler encore une fois, d'une réduction "à son essence", d'une épuration visuelle.

L'enjeu, c'est de se demander quels éléments de la Air Force One leur donnent un charme qui est absent chez les autres sneakers.

air force one nike blanche

Ce qui a été retenu sur la AF1 par CP, c'est le bout de la sneaker : la forme de la découpe qui en fait le tour, les garants qui se rejoignent en bas, et les perforations.

Et en même temps, de chercher ceux qui font obstacle à une allure plus pure, plus simple et apaisante. Et puis, parfois, il faut aussi un petit quelque chose en plus : notez l'encoche qui se dessine sur les côtés de l'empiècement du bout, et qui distingue la B-Ball de la Air Force One. Ce n’est rien, mais ça change tout, vous ne trouvez pas ?

D'ailleurs, d'une édition à l'autre, cette recherche perfectionniste se poursuit via d'infimes variations.

Certaines versions ont une semelle plus "sport vintage", au dessus légèrement surélevé et couleur caoutchouc naturel.

D'autres, comme celle-ci, changent un peu le talon pour renforcer la dimension sportive tout en se distanciant encore de l'inspiration "Air Force" d'origine.

sneakers b ball nubuck bleue suede

L'autre B-Ball de ma collection. Pleine de caractère et pourtant polyvalente. Comme pour l'autre, la couleur est un argument de poids.

Ces deux B-Ball font encore partie des paires que je porte le plus souvent, et ce qui me surprend le plus, c'est non seulement la quantité de compliments qu'elles reçoivent, mais aussi le fait qu'elles séduisent aussi bien les amateurs de sneakers plus "street" que des gens portés sur un style plus habillé.

Le mot de la fin

Certains auront peut-être remarqué que quelque chose ne colle pas dans la façon dont je termine cet article.

J'ai actuellement 27 ans à l'heure où j'écris ces lignes, et cette rétrospective s'est arrêtée à 25...

Ce qui signifie qu'il reste encore deux années de sneakers, et de cheminement stylistique, dont je dois vous faire part. Et donc, qu'il reste encore un troisième volet à paraître. 

Si le premier prenait une approche naïve, nostalgique, basée sur les souvenirs de l'enfance et de l'adolescence.

Et que le second s'est voulu plus analytique, plus porté sur l'esthétique, la technique.

À votre avis, quelle sera l'approche du dernier épisode de ma rétrospective de sneakers ? 😉

Nicolò Minchillo, en mode expert

Moi, c'est Nicolò. Concepteur-Rédacteur, je suis chez BonneGueule depuis 2015. J'écris évidemment des articles, et je crée des vidéos sur notre chaîne YouTube, telles que "Sapristi" ou encore "Sape m'en Cinq". Le tout avec un certain amour pour le débat, dont je ne me déferais jamais.À côté de ça, je prête main forte au pôle produit pour qu'on développe des vêtements inspirés, dans de super matières.

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