Chers amis, nous nous retrouvons aujourd'hui pour le dernier épisode de Sapristi avant une petite pause estivale.
Notre thème d'aujourd'hui est une question qui me préoccupait à mes tous débuts, et que j'avais un peu laissée de côté depuis :
Pourquoi la mode homme est différente de la mode femme ?
C'est vrai ça, pourquoi ?
Vous avez remarqué que je ne demande pas "en quoi", mais "pourquoi" ?
Car ce n'est pas un secret : les exigences du marché féminin sont différentes.
Discutez quelques minutes avec un chef produit qui a travaillé aussi bien sur le marché masculin que féminin, et il vous dira que du côté de la femme, on a moins d'attentes en terme de solidité par exemple, mais que le travail de coupe et de design supporte beaucoup moins d'approximation du fait de l'exigence des clientes.
Il vous dira sans doute aussi que le besoin de variété, de renouvellement esthétique, est beaucoup plus fort au sein des collections.
Bref, demander "en quoi" est très intéressant aussi, mais ce sont des infos déjà disponibles à quiconque irait chercher des études de marché, sur lesquelles je pense que nous ne serions finalement pas surpris du résultat.
Par contre, peut on expliquer "pourquoi" ? C'est à dire, quelles sont ces différences de conceptions, d'idées et de mœurs qui ont finalement mené à des comportements de consommation différents ?
Vous remarquerez aussi que je tourne la question de façon à m’intéresser à la mode homme avant tout, parce que c’est là notre sujet. Plutôt que de tenter d'expliquer totalement les raisonnements derrière la mode féminine, on va plutôt s'aider de la mode femme pour définir la mode homme à travers ce qui les sépare.
Commençons donc par essayer d'expliquer ceci : pourquoi acheter en plus grande quantité, en faisant la part belle à l’esthétisme, est un comportement admis comme féminin plutôt que masculin ?
1. Le besoin d’esthétisme de variété
Nous verrons ici que l'homme tend à justifier tous ses achats par une fonction, et que par conséquent, nos cultures tendent à amalgamer l'achat "par plaisir esthétique" à un comportement exclusivement féminin.
Nous verrons aussi que l'homme passionné de mode peut se retrouver un peu embarrassé socialement lorsque sa passion le pousse à acheter aussi par besoin de variété, par plaisir visuel, et qu'il se sentir obligé de s'en justifier.
2. Le rapport à la coquetterie
On entend beaucoup qu’un homme élégant, c’est un homme qui sait “ne pas en faire trop ni trop peu”.
Et on reproche souvent à ces hommes coquets d’être “trop apprêtés”.
Rappelons que le mot "apprêté” vient du mot “prêt”, c’est à dire “préparé”. Ce qu’on reproche à un homme qui s’habille trop, c’est donc d’avoir “trop fait exprès”, d’avoir “trop calculé”.
A l’inverse, on dit souvent des femmes qu’elles sont “bien apprêtées”, et la préparation, l’envie de paraître belle, et perçue comme positive. On l’accepte chez elles comme quelque chose qui va de soi.
Pourtant, même des hommes qui passent leurs journées à penser "fringues" persistent dans ce numéro d’équilibriste, dans cet air de ne "pas en avoir trop fait" alors même que le vêtement est au cœur de leur vie.
Bref, on tient là une très forte contradiction qui est peut-être à l'essence même de l'idée d'un style masculin.
2. La coquetterie selon les pays
Dans cette partie de la vidéo, nous prendrons les exemples de l'Angleterre et de l’Italie, pour voir tout cette même problématique de la coquetterie sous un angle différent, en les comparant à la France.
Car même si en parlant de cette coquetterie à demi assumée on désigne quelque chose de plutôt "mondial", j’ai aussi la conviction que ça ne s’exprime pas du tout aux mêmes niveaux et avec la même intensité selon les cultures.
Les italiens sont connus pour une certaine exubérance décomplexée, et mon expérience me laisse penser qu’ils ont, de nos jours, beaucoup moins de questionnement vis à vis de cette coquetterie, que les français…
Alors que l’élégance classique anglaise, elle, est pétrie de suggestions sur l’apparence de sobriété que se doit de dégager un homme.
4. Le “détail fonctionnel masculin”
Enfin, dans la quatrième partie de la vidéo, on s'attaque au design même de nos vêtements :
Ce qui est communément reconnu comme “beau” dans le vêtement de l’homme, ce sont très souvent des éléments de design qui s’auto-justifient par une fonction, ou du moins une apparence de fonction.
Exactement comme pour la façon dont il construit sa garde robe.
Ainsi, l’homme use à tort et à travers de poches redoublant de formes géométriques pour faire preuve de subtilité, mais redoute un peu les broderies florales par exemple. Et il aura l’impression de franchir un grand pas s’il se met à porter des bagues. Ou un foulard.
Un designer homme, pour trouver une nouvelle poche, un nouveau détail esthétique, se doit donc de parcourir les archives de vêtements militaires, de vêtements de travail, de vêtement traditionnel, et d’aller chercher dans l’histoire de tout ce qui a été “utilitaire” dans le vêtement, quelque chose d’esthétique, qu’on puisse justifier par un usage, un e tradition, une fonction. Quand bien même tout ça serait complètement révolu.
C’est peut-être aussi pour ça que les hommes sont particulièrement sensibles à l’histoire des vêtements, et à l'idée d'authenticité: d’une part, c’est objectivement intéressant pour tout le monde, mais en plus, pour nous, ça nous rassure dans leur fonction.
Par exemple, une fois son histoire expliquée, le perfecto n’est plus perçu un vêtement bizarre avec un cuir noir brillant et du métal partout, mais une veste de protection que mettaient les motards. Et ça nous fait sentir plus légitimes à le porter.
Et c’est donc ainsi que, jusque dans la conception même de nos vêtements, on peut dresser un parallèle avec ce rapport à la coquetterie dissimulée dont on parlait plus tôt : l’homme veut du beau, mais puisqu’il ne peut pas tout à fait ouvertement dire qu’il veut du beau, alors il doit trouver une raison extérieure d’avoir du beau, et très souvent, c’est la fonctionnalité.
En résumé, on peut dire qu'en règle générale, la mode femme est tout simplement plus libre dans les mœurs.
Chez les femmes, les choix stylistiques feront objet d'un débat de goût, ou de "bon goût", mais en revanche la question de si “une femme a le droit de porter ça” se pose beaucoup moins.
Par conséquent, si on veut parler d'un vêtement “féminin”, théoriquement, il est beaucoup plus juste de le définir dans l’autre sens : de nos jours en matière de vêtement, tout est potentiellement féminin, mais tout n’est pas potentiellement masculin.
En fait, dès lors qu’un vêtement perd son aspect fonctionnel, ou du moins qu’il devient oublié à une époque, il commence à être considéré par les hommes comme féminin par défaut, quand bien même il aurait été surtout porté par des hommes dans le passé.
5. Conclusion :
Pour conclure, comme le sujet est un peu spécial, et qu'il peut toucher à des sujets de société, et même d'identité je dois apporter une ou deux précisions :
L’analyse que je porte ici, ne représente peut-être pas l’exacte situation du marché de la mode et des mœurs sociales à un instant T, dans ses moindres détails et nuances, mais plutôt une vision globale en regardant ce que je moi je connais du monde, à travers une période de temps plus ou moins large.
Autrement dit, je tente de généraliser, simplifier et montrer ces phénomènes, et de trouver leurs origines dans nos moeurs, nos croyances et notre histoire, sans les justifier, ou les condamner.
Je n'ai pas d'idéologie ou d'opinion sur comment "devraient" être les choses, et je ne fais qu'en dresser un constat.
Et comme tous les Sapristis, cet épisode est conçu avant tout dans un but d’invitation à la réflexion, et sans certitudes absolues de ma part.
Libre à vous ensuite de vous approprier mes hypothèses, mes conclusions, et d'en faire ce que bon vous semblera. L'important, pour moi, c'est que nous ayons réfléchi ensemble. 🙂
Bon visionnage !
Dans cette vidéo, je porte...
- Une chemisette Percival Clothing
- Un pantalon Officine Générale
- Des sneakers Artisan Lab
- Des mi-bas en lin Mazarin
- Des solaires Jacques Marie Mage