(Crédit photo de couverture : « Le Mystère von Bülow » de Barbet Schroeder, 1990 - IMAGO/Everett Collection)
LE PITCH : UN MYSTÈRE IRRÉSOLU, UN PROCÈS SANS PROCÈS ET UN SOUPÇON D'ESPRIT DE CLASSE
Claus et Sunny von Bülow vivent dans une luxueuse demeure sur les côtes de Newport, USA. Ils sont riches, héritiers de la grande bourgeoisie. Un matin, la femme de Claus Von Bülow est une nouvelle fois retrouvée inconsciente. Elle sombre dans un coma dont elle ne se relèvera jamais.
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Glenn Close et Jeremy Irons, dans « Le Mystère von Bülow », 1990. (IMAGO / Allstar)
Son mari est accusé de lui avoir administré de l'insuline à son insu, puis condamné. Un avocat nommé Alan Dershowitz reprend alors le dossier à la demande du condamné et entend bien percer le mystère de cette étrange affaire.
Sur le papier, vous vous attendez peut-être à une enquête policière ou à un film de procès. Détrompez-vous : il sera tout autre chose. La narratrice n'est autre que Sunny Von Bülow : elle est à l'hôpital, dans le coma et sa présence fantomatique ajoute à l'aura ténébreuse qui plane tout au long du film.
Au casting : Glenn Close, Jeremy Irons, Ron Silver et Annabella Sciorra. Pour celles et ceux d'entre vous qui connaissent peu ou pas du tout le cinéaste Barbet Schroeder, disons qu'il a commencé sa carrière auprès de la Nouvelle Vague française. Sa compagne n'est autre que Bulle Ogier, une figure mythique du cinéma de Jacques Rivette. C'est aussi une possible icône de style à redécouvrir :
Pour aller plus loin : une rencontre du cinéaste avec Virginie Despentes ici. Le film de Barbet Schroeder confirme le flair et la forme de Jeremy Irons dans ces années-là. Imaginez plutôt son passage aux années 90 : « Faux-Semblants » en 1988 puis « M Butterfly » en 1993, tous deux signés David Cronenberg. Outre le jeu, on peut y admirer son art toujours bien vu de l'habillement.
On peut également jeter un œil sur « Fatale » de Louis Malle en 1992, un film dans lequel vous apprendrez entre autres à associer bandana et col roulé. Impensable ? Pas si sûr.
Ceci étant, la force du « Mystère Von Bülow » ne s'arrête pas à la seule présence du dandy Jeremy Irons. Le reste du casting est au diapason et le film pose en filigrane une question à laquelle vous êtes vous aussi parfois confrontés : que choisir entre casual et très habillé ?
CE QU'IL FAUT VOIR CÔTÉ STYLE...
Dans « Le Mystère Von Bülow », deux mondes stylistiques cohabitent. D'un côté celui de la famille Von Bülow : art tailleur, style huppé, robes somptueuses, cravates club et blazers croisés, souci des mailles habillées.
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Le personnage de Jeremy Irons et sa famille, dans « Le Mystère von Bülow », 1990. (IMAGO / Everett Collection)
De l'autre : celui du clan de l'avocat Dershowitz, plus volontiers tourné vers le casual, le sportswear et une vision plus décontractée de l'habillement.
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Autre registre de style chez Ron Silver et ses partenaires. « Le Mystère von Bülow », 1990. (IMAGO / Allstar)
Entre les deux, on essaie de se comprendre et de s'apprivoiser. Comment justement faire confiance à quelqu'un qu'on ne comprend pas ? C'est en gros toute l'histoire du film.
De notre côté, on peut éventuellement commencer par se pencher sur la manière dont les personnages s'habillent, pour tenter d'y voir un peu plus clair. Si l'aventure vous tente, voici en tout cas trois bonnes raisons stylistiques de (re)voir « Le Mystère Von Bülow » :
1. LES MAILLES ET LE COSTUME, C'EST UNE AFFAIRE QUI ROULE
Ce n'est pas vraiment une surprise : on vous vante régulièrement les mérites du pull à col roulé ou à col montant dans une tenue. Chez le personnage de Jeremy Irons, c'est une évidence. S'il a toujours un costume à portée de main, il abandonne parfois le traditionnel combo chemise-cravate pour ajuster son blazer avec un pull ou un cardigan.
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Blazer à carreaux et pull à col roulé pour Jeremy Irons, dans « Le Mystère von Bülow », 1990. (IMAGO / Ronald Grant)
C'est une variation désormais connue autour du style habillé. C'est intemporel et un peu moins contraignant si vous n'êtes pas trop porté sur les nœuds de cravate.
Notez qu'à ce sujet, Jeremy Irons a une alternative que certains jugeront un tantinet connotée : le foulard, en lieu et place de la cravate. Si cette apparente sobriété maille-costume vous ennuie, vous pouvez y ajouter de la fantaisie à travers une pochette ou un pull plus coloré par exemple. Pour tout savoir sur le col roulé, c'est par ici :
2. LA CHEMISE EN CHAMBRAY, L'ALLIÉE FIDÈLE DE TOUT VESTIAIRE
À l'opposé de la famille von Bülow se trouve le personnage d'Alan Dershowitz, à découvrir avec ses enfants ou avec ses étudiants. C'est-à-dire qu'il est à la fois père, avocat et professeur. Il maîtrise plusieurs registres stylistiques mais sa préférence semble clairement aller vers le casual voire le sportswear.
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Ron Silver et sa chemise en chambray, dans « Le Mystère von Bülow », 1990. (IMAGO / Allstar)
Vous le découvrirez par moments en costume et en trench mais aussi en jeans, Converse et sweatshirt.
Sa tenue signature se compose surtout d'une pièce incontournable du vestiaire masculin : la chemise en chambray. Elle est ici proposée dans sa version US avec poches poitrine, cravate tricot, pantalon beige, blazer en probable tweed à chevron, chaussures en suédé camel. Ou plus simplement : avec un jean.
Si vous vous intéressez aux poches et aux chemises, vous pouvez bien sûr plonger dans cet article :
Notez que la chemise en chambray n'est pas qu'une affaire d'homme : on la retrouve entre autres sur les épaules d'Annabella Sciorra, avec sneakers et pantalon beige.
Son personnage est particulièrement intéressant à observer : des pantalons de tailleur à pinces, des jeans, des jupes, des Converse, des tee-shirts et des surchemises. C'est certes un peu différent de ce que l'on retrouvera plus tard dans la série « Les Soprano » :
Dans « Le Mystère Von Bülow », elle affiche en effet des tenues volontiers décontractées. Elle suit en cela la voie de son mentor et de fait, elle est un peu à Glenn Close ce que Ron Silver est à Jeremy Irons : un genre de miroir stylistique inversé.
3. CASUAL VS TRÈS (BIEN) HABILLÉ, L'ÉTERNEL MATCH DU STYLE
Eh oui, c'est une formule que vous connaissez bien. Et c'est véritablement l'enjeu caché du film. Si les personnages de Ron Silver et Annabella Sciorra sont en mesure d'aller piocher dans le vestiaire du couple Von Bülow, difficile en revanche d'imaginer l'inverse.
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Deux visions du style, à découvrir dans « Le Mystère von Bülow », 1990. (IMAGO / Everett Collection)
Autant vous l'avouez : il y a quelque chose d'irrémédiablement snob dans l'attitude de ce Jeremy Irons vieillissant, effet renforcé par son accent dans la version originale.
Ce n'est probablement pas un hasard : c'est un homme, froid, hautain et détesté. Son attitude et sa manière de s'habiller semblent liées par un sombre secret dont on ne connaîtra jamais vraiment le fin mot.
En attendant, soyons honnêtes, c'est match nul : ces deux registres ont chacun leurs gimmicks et libre à vous de vous orienter vers l'un, l'autre ou de mixer les deux selon l'humeur et vos envies.
Notez que ce fameux match peut se jouer aussi pour les chaussures. David en avait justement proposé une variante ici :
... POUR EN ÉLABORER DES TENUES INSPIRANTES
1. POUR RÊVER D'UNE AUTRE VIE
Qui n'a jamais rêvé de robes de princesse et de smokings blancs ? C'est peu de dire que les Von Bülow affichent leur appartenance sociale jusque dans leurs vêtements : smokings impeccables pour lui, robes somptueuses pour elle. Il n'y a qu'à jeter un œil sur ce modèle rose de Glenn Close qui s'inspire de l'art floral.
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Robe rose et smoking blanc, dans « Le Mystère von Bülow », 1990. (IMAGO / United Archives)
Si ce type de tenues très chics est a priori très éloigné de notre vestiaire quotidien, il n'est pas impossible d'y goûter un peu, ne serait-ce que par la grâce d'un futur mariage :
2. POUR BÛCHER TRANQUILLE SUR SES DOSSIERS
Qui a dit que le travail à la maison devait forcément se conjuguer avec sweatshirt et jogpant? Si le homewear a définitivement le vent en poupe, on n'est pas nécessairement obligé de suivre les tendances. Vous pouvez par exemple tranquillement vous inspirer des tenues plus « old school » de Ron Silver.
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Ron Silver au travail et en semelles Vibram. « Le Mystère von Bülow », 1990. (IMAGO / Everett Collection)
Imaginez par exemple un chino beige plutôt relax, un tee-shirt, une chemise en probable velours et une paire de chaussures confortables qui indiquent Vibram sur la semelle. Elle est pas belle, la vie ?
Si le velours vous parle, une petite déclaration d'amour ici :
3. POUR S'ESSAYER AU CARDIGAN SANS MANCHES
Oui, je sais : ce n'est pas le plus moderne des vêtements et il est un peu le mal aimé chez la famille des pulls et cardigans. Et pourtant, pourquoi ne pas essayer de le réinvestir à votre manière ?
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Jeremy Irons et le cardigan sans manches, dans « Le Mystère von Bülow », 1990. (IMAGO / Prod.DB)
La tenue de Jeremy Irons est assez logiquement dans le thème de son personnage :pantalon certainement à pinces, mocassins aussi sans doute, foulard autour du cou, chemise formelle et cardigan fin sans manches. Un blazer ou un cardigan col châle pour la route ?
Si jamais vous ne voyez aucun avenir au cardigan sans manches, souvenez-vous tout de même de ceci. Une vraie patte de cinéaste, de beaux acteurs et deux visions du style qui tentent de se comprendre : voilà pour le programme du « Mystère von Bülow ».