Conseils : Loose fitting et oversized, la mode des vêtements portés larges

Plusieurs années après l'écriture de cet article, on s'intéresse toujours autant aux variations de volumes et aux looks déconstruits. Par ici pour l'update !

Bonjour, vous avez appris ce mois-ci que le forum BonneGueule est à nouveau ouvert... depuis plusieurs mois. Oui, on vous l’avait caché ^^. Alors pour nous faire pardonner (et vous donner envie de faire un tour sur notre forum mode homme), voici un article sur les silhouettes directement inspiré du meilleur de ce qu’on a pu lire sur... le forum.

Il a été écrit à 8 mains : les miennes, celles d'Antoine et Guillaume, deux forumeurs aussi actifs qu’éclairés. Et par Gill bien entendu...

Des silhouettes fitted : okay, mais après ?

On vous parle souvent de cette pièce-ci ou celle-là, de comment la choisir, et donc le plus souvent du fit.

La couture aux épaules, le semi-slim, tout ce que vous rabâchent sans relâche Benoît et Geoffrey (et à raison hein, c’est la base quand même !) ça vous rappelle quelque chose ? J’espère bien ! Mais voilà, tout ça nous fait perdre de vue l’autre aspect de la mode, non pas telle ou telle pièce, qui fera que, mais plutôt le rendu général.

On commence par enfoncer des portes ouvertes :

Quand on commence à mieux s'habiller, voilà vers quoi on va tendre, forcément :

En règle générale, la mode scandinave nous fournit quelques chose de très fitté. Par exemple, Filippa K. et Bruuns Bazaar. Les silhouettes sont très bien définies ; toutes les pièces sont bien choisies et le rendu est bon. À Copenhague, tous les modeux portent des pantalons très fittés, à la limite du legging qu’ils rentrent dans leurs bottes ou font des ourlets suffisamment grands que pour que cela s’arrête, sans stacking au-dessus d’une sneakers montante.

C’est la silhouette du tout fitté, instaurée par Hédi Slimane, lorsqu’il a pris les rênes de Dior. Pour rappel, Dior dans les années 2005-2006, c’était ça:

Et c’est celle-là qui est dans la rue maintenant: les slims démocratisés et l’ère du métrosexuel, ce dont tout le monde nous parle, mais personne ne voit ce que c’est.

Edit : durant l'écriture de l'article, nous avons appris que Hedi Slimane reprend du service dans la création (il n'a plus fait de design depuis sa fin de contrat chez Dior Homme en juillet 2007) pour prendre la tête de la direction artistique de la maison Yves Saint Laurent.

Reprenons donc : la silhouette de l’intégralement fitté, c’est bon et c’est même indispensable à maîtriser avant de tenter la suite. Mais qu’est-ce que c’est commun... on ne voit que ça ! Ca manque d’un peu de sel, de personnalité et de testostérone.

Le loose-fitting, c’est quoi ?

Le loose-fitting, c'est porter des vêtements qui vous laissent une liberté de mouvement, sans pour autant faire de vous des sacs de patates. L'idée derrière est de conjuguer du confort (pas de bouton de chemise prêt à exploser / veste qui menace de craquer sous les aisselles ou dans le dos) avec le style, et de se situer en équilibre entre les 2.

Les coupes au scalpel, les cintrages d'une veste, et la construction délicate de costumes coupés comme des feuilles de sushis, c'est cool. Mais le loose fit, une fois qu’on y goûte, permet de redécouvrir des sensations de confort plus naturelles. Au début on peut trouver ça moche car les proportions ne sont pas toujours respectées, et ça peut donner un sentiment de négligence lorsqu'on s'habitue à la rigueur des coupes / silhouettes cintrées de Dior sous l'ère Slimane. Ou plus récemment, son fils spirituel japonais, N-Hollywood.

N-Hollywood : des costumes fittés pas vraiment taillés pour les gros.

Pour quelle morphologie, me direz-vous ? Eh bien sachez que le loose-fitting va à tout le monde. C'est notamment un bon moyen de camoufler de l'embonpoint, des hanches trop fortes... pour à côté restructurer des parties du corps pas assez dessinées ou musclées avec des pièces fittées et structurées (épaules tombantes, bras fins : la blazer est la solution).

Mais attention, il ne s’agit pas de porter des vêtements trop grands (même si ça peut). Car acquérir du style, bien que cela reste avant tout une question de personnalité et de vécu, dépend également de la "rigueur" des coupes et des mesures de "tailor". Je mets par exemple au défi quiconque de porter du jean baggy, ou un vêtement qui fait 3 fois votre taille et d'arriver à une silhouette convenable.

On peut facilement fait le parallèle avec l’architecture : les constructions aériennes en tubes de carton du Japonais Shigeru Ban tiennent debout car elles sont le fruit de longues expérimentations sur le traitement des matériaux et leur résistance à l’effort. Essayez un peu de faire pareil sur un coup de tête, et je ne donne pas cher du résultat.

Pavillon japonais de l’exposition universelle de Hanovre... en carton
- Shigeru Ban, 2000

Bref, c’est pareil si vous voulez vous habiller loose : relisez d’abord vos classiques. Apprenez à maîtriser la silhouette fittée, puis expérimentez petit à petit.

Dissoudre une moitié de la silhouette (en oversized)... pour garder l’autre bien définie

Une bonne manière de se lancer dans les silhouettes destructurées, c’est de s’intéresser d’abord à une seule partie de la silhouette: soit le haut, soit le bas.

Haut fitté / bas loose

S’il y a bien un défilé qui m’a marqué, c’était le Printemps-Ete 2011 de Martin Margiela

Les gens n’en ont pas trop parlé mais le collectif Margiela avait vraiment bien géré sur les pantalons loose mais avec une tenue incroyable.

Ce pantalon parlera à très peu de monde, et pourtant c’est quelque chose de vraiment subtil (et compliqué à trouver !). Le rendu de la silhouette est aérien, elle semble toucher terre, comme portée par un nuage ou une tornade. Le blazer et la pièce en cuir sur le buste (ce n’est pas le revers de la veste) viennent redéfinir l’ensemble et le structurer :

Au final on a quelque chose d’à la fois élégant, décontracté et vraiment confortable.

Autres exemples de bas déstructurés par ces pantalons amples chez la Margiela team.

Dans un autre registre, on peut lier un pantalon très large, voire même bouffant, avec une chemise très fittée. Apparaît alors un contraste intéressant entre le haut et le bas (les vêtements portés larges ont parfois un intérêt insoupçonné par les néophytes). Par exemple, chez Dior sous Kris Van Asche :

Dior (Kris Van Asche), Automne - Hiver 2008

Dans un style un peu plus avancé, on peut également regarder une des dernières collections de Ann Demeulemeester où le bas est très déstructuré, très loose (y compris les chaussures) alors que le haut est plutôt très fitté (le lecteur attentif appréciera la jolie fleur dans la poche) :

Ann Demeulemeester, Printemps - Été 2012

De même chez Rick Owens pour la même période (mais, mais... c’est une jupe ? Je vous avais bien dit que c’était un peu plus “advanced”, à porter tous les jours, on oublie !).

Rick Owens himself à gauche.

Toujours dans l’idée de fluidifier le bas, il y a le jodhpur. Pantalon porté large au niveau des cuisses qui se resserre au niveau des mollets et des chevilles. Par exemple, chez Galliano. L’exemple est extrême (et peu subtil) mais au moins, vous avez compris l’idée (et avec ça, tu cherches tes clés, ton smartphone, ton carnet, tes bics et tout dans tes poches... adios le sac !).

John Galliano, Automne - Hiver 2012

Dans un style plus sage (et plus portable) on retrouve l’idée chez Giorgio Armani (SS2012) où la limite entre le fit et loose est quand même plus faible que là au— dessus.

Giorgio Armani, Printemps - Été 2012.
Notez que les défilés n'ont rien à voir avec la plupart des daubes en perdition
que l'on peut trouver sous la même griffe.

En farfouillant l'ancien blog de Gill, Sushi is not Maki, j’me suis pris une sacrée claque en voyant ces photos de loose fitting :

Je trouve ça juste incroyablement dingue. DINGUE.

Et hop on inverse : haut loose / bas fitté

Peut-être que vous le faites déjà sans le savoir de temps à autre... un cardigan un peu tombant laissé ouvert ou un trench un poil trop grand qui floute vos proportions sont déjà autant de déstructurations de la silhouette.

Dans l’esprit, voilà ce qui insuffle directement une bouffée de caractère dans votre tenue. Ici, l’opposition est hyper marquée, un peu trop je trouve, dans le sens où si jamais je vous aperçois avec des collants de collégiens comme ça, je vous brûle ! D’autant qu’en parlant de confort du bas, on a probablement vu mieux...

Cette tension loose-fit du bas vers le haut est ce qui donne un certain caractère à la tenue. C’est aussi le plus courant et sans doute le plus facile à faire en première approche.

Source: Lookbook de Raimundo H.

Source: Lookbook de Paul G.

Encore un autre exemple où le loose est apporté par l’écharpe très grande et très fluide. Après on peut remettre en cause le reste... mais gardons l’idée de l'écharpe en tête !

Source: Lookbook.nu de Lucas C.

Unconditionnal. Ici, la notion de loose est différente. Le pull l’est indéniablement, mais seulement en longueur ce qui déstructure complètement la silhouette : la ligne de la taille est abaissée, et ce n’est pas mauvais.

Après, si vous avez de petites jambes pour un long torse, il vaut mieux assumer en portant ce pull. Il n’est pas toujours nécessairement question d’ajuster les proportions vers un idéal mais bien parfois de jouer avec (notons que cela demande une certaine sensibilité artistique pour faire un ensemble harmonieux).

Dans d’autres styles, on peut retrouver des tensions plus subtiles entre le fit/loose. Par exemple, chez Dior où la distinction entre fit et loose n’est pas si évidente.

Dior, Automne - Hiver 2009.

Mais ça l’est nettement plus ici, avec un haut très fluide et un legging d’Airobic :

Ann Demeulemeester, Automne - Hiver 2011.

Plus sérieusement, c’est parfois le manteau qui apporte cette note de fluidité à l’ensemble. Comme chez Paul&Joe :

Paul & Joe, Automne - Hiver 2012.

Mais le pull/cardigan reste toujours un élément relativement facile à avoir en loose. Comme dans cet ensemble très maitrisé de chez Burberry Prorsum :

Burberry Prorsum, Automne - Hiver 2012.

Ou dans ce pull de chez B.Scott :

Il y a toujours moyen de faire nettement moins subtil et beaucoup plus osé. Par exemple, chez Lanvin, (FW2012). Le coté oversized et ses courbes propose un mélange entre fit-loose assez intéressant (mais immettable, on est d’accord; à nouveau, on ne garde que l’idée !) Notons toutefois que la démarche n’est plus tout à fait la même...

On est dans une démarche très "artistique" ici.

Total loose ne rime pas forcément avec total loose : attention à l'oversized à outrance

Comme on l’a vu, les oppositions loose/fit donnent de bons résultats dans les looks. Cela ne signifie pas pour autant que vous ne puissiez avoir des looks valables en floutant l’ensemble de la silhouette. Mais cela reste un exercice plus délicat, la frontière en élégant et patate est ténue !

Le label suédois V Ave S.R. (Fifth Avenue Shoe Repair) - Automne - Hiver 2012.

Sans tomber dans cet extrême, voici par exemple comment Benoît (fitté) et moi (plutôt loose) étions habillés à l’atelier-coachingBonneGueule (ps. on en prépare un nouveau plus accessible !).

La principale idée pour faire fonctionner un look entièrement en loose-fitting, c’est de garder une silhouette définie par ses extrémités : la tête et les pieds. Pour y arriver, les pantalons un peu fuselés et les chaussures montantes sont vos meilleures amis, même si ce n’est pas absolument indispensable.

B.Scott propose aussi de très bonnes choses sous un angle plus streetwear :

Yohji Yamamoto est un expert en assemblage de pièce très loose. Le résultat est parfois bluffant. Après, avec des épaules de crevette de combat ou si t’es musclé comme un flan, faut assumer le style total loose qui risque vite de ne plus ressembler à grand-chose...

La version pirate n'est pas la plus réussie...

Plus sobrement.

Ou tout en couleur !

On peut même aller chercher du très long, qui donne un esprit total loose alors que le bas est quand même relativement fitté. Comme ici chez Damir Doma :

C'est bon, vous pouvez reprendre votre souffle !

Voilà, vous en savez plus sur le loose-fitting. Nous espérons vous avoir fait découvrir que des possibilités existent aussi en dehors des vêtements coupés au scalpel, et que cela a donné des idées à certains. N’oubliez pas que le fit est à maîtriser avant d’aller vers des choses plus loose, on n’invente pas le Paris-Brest de P. Conticini sans maîtriser la pâte à choux ! Et le mieux pour progresser, c’est d’essayer !

Soyons fou ! mais respectons quand même certaines limites 😉

Un article écrit par :

Antoine Cailliau

Guillaume Soudé

Geoffrey

 

Gill

PS. Pour plus de concepts avancés, la troisième partie de notre livre papier regorge de nombreuses autres techniques de stylistes, faciles à appliquer sur soi, et diablement efficaces.

Geoffrey Bruyère, aux origines de BonneGueule

Je suis un des deux fondateurs de BonneGueule. Je crois aux contenus de qualité, au digital qui n'oublie pas l'humain, et aux marques positives. Et c'est moi qui trouve les surnoms dans l'équipe !

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