Au sein de notre communauté de passionnés, le mot "authentique" est un peu le compliment ultime, le boss final d'années de cheminement sur le vêtement masculin.
Dans le sillage du dernier Sapristi de Nicolò qui explique comment créer un style authentique, je vais vous donner ma vision du sujet, du paradoxe qu’il comporte et de mes « recommandations ».
Un style authentique, c'est quoi ?
Pour ça, j’ai envie de partager une anecdote.
Je me souviens, lors de la première soirée organisée par Gore-Tex en janvier 2018, j'ai pu rencontrer Errolson Hugh, le fondateur de la marque techwear Acronym.
Il était évidemment habillé tout en Acronym, des pièces qui ont un design super fort, improbable, mais… Ça lui allait à la perfection, il incarnait tellement ses vêtements (normal, c'était lui le designer).
Et pourtant, il portait un improbable pantalon sarouel en tissu technique, deux vestes en Gore-Tex l’une sur l’autre, un tee-shirt qui descendait jusqu’aux cuisses et son fameux « cache cou » (neck gaiter en anglais) zippé.
Même ma compagne de l'époque, qui m'accompagnait à cette soirée et qui n'était pas du tout une fan de techwear, avait trouvé qu'il avait "un super style".
Voilà, pour moi un style authentique, c'est ça, c'est quand il y a un tel alignement entre le porteur et le vêtement que vous vous dites qu'il ne pourrait pas être habillé autrement.
Et c'est un peu le paradoxe : plus on s'habille pour soi, pour le plaisir, plus on obtient l'approbation des autres… Approbation des autres qui n'est justement plus un moteur depuis bien longtemps.
C’est le fameux truc où on se dit « tiens, il n’y a que lui qui peut porter un truc pareil ».
À ce titre, Goro, le défunt bijoutier japonais, est l’incarnation parfaite d’un style « authentique » :
Le grand paradoxe du style « authentique »
Mais vous l’avez compris, il faut d’abord résoudre cette dissonance cognitive, ce raisonnement auxquels certains débutants sont confrontés, plus ou moins consciemment :
- « Je veux être accepté et remarqué par les autres, donc je veux être « bien » habillé
- Ce qui suppose un consensus dans mon style
- Mais plus je suis consensuel dans mon style, moins on me remarque
- Mais plus je pousse la singularité de mon style, plus les chances que mon style déplaise aux autres augmentent…
- Et si je ne plais pas aux autres, je ne me plais pas à moi. »
Évidemment, on pourrait se dire qu’il suffit de ne pas prêter attention au regard des autres… Qu’il faut avant tout se plaire à soi-même.
Mouais… Je vous invite à prêter attention au style vestimentaire des personnes qui tiennent ce discours, tu verras que là aussi, une dissonance, il y en a une belle entre leur discours et leurs vêtements !
Et très franchement, quand une personne me dit fière d’être totalement affranchie du regard des autres, bizarrement je ne suis pas très fan de ses vêtements, et je trouvais que son style n’était vraiment authentique pour le coup… Car ça manquait de goût (et ça rime).
À mon sens, il n’y a pas vraiment de solution magique qui réconcilie les deux extrêmes. Ou plutôt si, il y en a une, c’est qu’à un moment, il faut se confronter au fameux « ah, je ne suis pas très fan là de ce que tu portes » des autres à propos d’une de vos pièces.
Et vous allez vous apercevoir que ça ne vous fait pas grand chose. Même pas de la fierté d’être au-dessus de ça. Ça ne vous fait strictement rien.
Et donc vous serez de plus en plus curieux et ouvert à trouver des éléments uniques de votre style, sans se presser, et sans vouloir prouver au monde entier que vous êtes singulier. Juste pour le plaisir et l’envie de la découverte.
On peut toujours théoriser ce qu’est un style authentique, où je pensais pendant longtemps qu’il fallait forcément une pièce inattendue, ou un contraste de style.
Bah, pas tant que ça en fait. Quand je vois des gens comme Hiroki Nakamura, Errolson Hugh, Alessandro Squarzi, Mattia de A.B.C.L. Garments, Michael T, Gerardo Cavaliere, ou toute la « Sarto sphère », ils ont au contraire des styles avec des pièces très cohérentes entre elles.
Par contre, ils poussent la singularité plus loin que les autres en jouant sur les couleurs, les volumes, les proportions, bref, en étant chacun dans l’exploration dans leurs niches respectives.
Ils y consacrent du temps, beaucoup de temps, mais sans s’en rendre compte tant c’est une passion et un plaisir.
Parvenir à l’authenticité : mes recommandations
Et finalement, plutôt que de vous conseiller de tenter des trucs improbables dans votre style, essayez au contraire de prendre le type de pièces que vous aimez le plus, mais de pousser la recherche encore plus loin. Par exemple, si vous aimez les blousons en denim, aller trouver la veste en denim encore plus ultime que celle que vous avez déjà.
C’est là où vous allez tomber sur des marques de niche et des petits créateurs passionnés avec une belle démarche. Là où la « mode » prend tout son sens.
C’est un peu où j’en suis dans les vêtements outdoor en ce moment. Même si, je le rappelle, je dois randonner moins de 100 km par an.
Voilà ce que j’avais à dire sur le style authentique. Et pour vous, un style authentique, c’est quoi ? Laissez-moi un commentaire, je suis vraiment curieux de vous lire à ce sujet.