Note de Benoit : Romain Rousseau, qui s'est déjà illustré chez nous avec son dossier pour choisir un blouson en cuir ou celui sur le perfecto pour homme, reprend sa plume pour écrire sur sa passion : les maisons de luxe, particulièrement quand elles sont italiennes.
Mais soyons bien clairs, Romain est un féru du produit, de sa fabrication, du design, des matières et des influences, et non des soirées huppées ou des paillettes de cette industrie. De plus, il fait preuve d'une très grande lucidité (et virulence) contre les excès actuels du luxe : marketing aberrant, communication hypocrite, et marges totalement déconnectées du produit.
Il nous livre donc ici un véritable état des lieux des maisons de luxe. Passionné, mais aussi très nuancé, et bien conscient que certaines maisons ne jouent plus en faveur du client...
Pour vous les autres parties du guide :
- Guides des marques de luxe (D-M)
- Guide des marques de luxe (M-Z)
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Je vous propose un petit aperçu non exhaustif des Maisons les plus influentes du moment. J'aurai l'occasion très prochainement de pouvoir faire un focus sur certaines d'entre elles, en revenant sur leur histoire, leur savoir-faire et leurs produits.
ACNE
Ambition to Create New Expression (Acne) est née de la passion pour le jean de Jonny Johansson, qui commencera par lancer un jean 5 poches unisexe. En faisant de ce dernier son fer de lance, il se fera rapidement remarquer, et apparaîtra vite dans des enseignes comme Colette ou Barney’s. Aujourd’hui, il n’y a que sur les podiums que la marque expérimente de nouvelles coupes/matières, celle-ci reposant plutôt sur la vente de vêtements casual bien coupés, mais très basiques.
Problème : les prix ont totalement flambé sur les jeans, ce qui révèle la volonté farouche d'Acne de se placer comme une vraie maison de luxe.
ALEXANDER MCQUEEN
Aujourd’hui disparu, Alexander McQueen a laissé derrière lui une Maison avec une identité très forte et un style unique. Il a scindé son nom en 2 entités distinctes, aussi bien en termes de style que de prix !
LIGNE ALEXANDER MCQUEEN
Britannique, donc décalé, McQueen s’adresse avant tout aux initiés : amateurs d'architecture sartoriale et d’imprimés en tout genre (la tête de mort est l’emblème de la marque). Le rapport qualité/prix est vraiment bon concernant les chaussures et les accessoires. Le prêt-à-porter, en revanche très cher, est également de bonne qualité : la virtuosité de certaines coupes est effarante. C’est aujourd’hui Sarah Burton qui assure avec brio la direction artistique de la marque.
LIGNE MCQ
Punk, rock et… de qualité aléatoire. Les collections McQ adoptent un style différent de la première ligne, inspiré de l’esprit cosmopolite de Londres. On y trouve aussi de très belles chaussures, dont la qualité est vraiment bonne pour le coup !
AMI
C’est une des nouvelles marques les plus en vogue du moment. Le créateur propose « des vêtements pour la vraie vie », comme il le dit lui-même. Il propose ainsi un vestiaire simple (couleurs unies, coupes confortables, etc.), dans le but de permettre l’intégration de ses pièces aux tenues de tous les jours.
Adepte des matières naturelles, qui doivent être vos meilleures amies, ce label est intéressant pour investir dans une pièce pilier de votre garde-robe : un beau blazer, un manteau… En revanche, on peut regretter un design jouant trop sur la hype et les prix qui ne sont pas particulièrement attractifs.
ANN DEMEULEMEESTER
Véritable instigatrice d’une culture belge de la mode (avec d’autres camarades, comme Dries Van Noten) et figure de proue du mythique mouvement "antifashion", elle a répandu sur les podiums un style dark ; le noir et les influences gothiques faisant partie intégrante de son ADN de créatrice.
Parfois torturées, les silhouettes qu’elle propose sont très reconnaissables à leur sens poussé de la construction (asymétrie, drapés et empiècements, notamment). Cela étant, de nombreuses pièces restent parfaitement acceptables pour concevoir une tenue racée malgré des prix très élevés !
ARMANI
Beaucoup disent de lui qu’il est le « Maestro » de la fashion week milanaise. Disons que c’est un point de vue. En tout cas, à 80 ans (!), Giorgio Armani s’est hissé à la tête d’un empire colossal de plusieurs griffes, dont voici les principales.
LIGNE GIORGIO ARMANI
Dans la construction pyramidale du nom Armani, cette ligne est tout en haut, juste sous la haute couture (qui n'existe que pour femme). Jouant toujours sur un sens certain de la décontraction avec ses lignes épurées et légères, l’Italien a aussi un don pour la tenue de soirée, avec des costumes parfaitement réalisés, et des matières luxueuses. Vous trouverez systématiquement du bleu marine, car c’est la couleur de prédilection de cette ligne intemporelle.
LIGNE ARMANI COLLEZIONI
Deuxième ligne (mais sans défilé), son ADN est clairement le vestiaire formel, adressé à une clientèle plus âgée. Costumes, chemises, pulls, tout y est très sobre et parfaitement adapté au travail, ou aux événements mondains. Ça a longtemps été l'un des meilleurs rapports qualité/prix du marché… avant que la production ne soit délocalisée. Désormais, il est plus difficile de trouver un produit dont le prix soit vraiment justifié.
LIGNE EMPORIO ARMANI
Ligne résolument jeune et branchée, c’est un laboratoire pour Giorgio Armani. Il y expérimente des coupes asymétriques proches du corps, des matières techniques innovantes, ou encore des tissages de pulls complexes. Là encore, avec la démocratisation et la délocalisation, les pièces sont très belles sur le papier, mais peuvent laisser à désirer en magasin. Cela dit, vous trouverez encore de jolies mailles et chemises, avec des coupes vraiment originales.
LIGNE ARMANI JEANS
Pas de concept ici, l’idée est simplement de surfer sur le nom du designer pour vendre des produits bas de gamme surpricés. Les jeans ne sont pas de mauvaise qualité, mais trop chers pour ce qu’ils sont. Comptez sur des logos trop imposants sur les T-shirts et les hauts en général, et pléthore de chaussures collées et mal montées. À éviter.
LIGNE ARMANI EXCHANGE
À ma connaissance, cette ligne est disponible seulement à Londres (sur Regent Street), pour le vieux continent. Il s’agit d’une ligne de diffusion plus abordable que les autres qui, pour être clair, se rapproche d’un Zara au niveau de la qualité...mais en plus chère ! Cela ne vaut pas vraiment le coup, même si vous pouvez tomber sur un T-shirt au design vraiment sympa, pour un prix qui ne devrait pas vous faire hésiter très longtemps.
BALENCIAGA
Fondée par Cristobal Balenciaga, aujourd’hui propriété du groupe Kering, la marque parisienne a connu son âge d’or avec le designer Nicolas Ghesquière. Bien qu'initiée chez des créateurs comme Gianfranco Ferré, il a amené une vision totalement novatrice de la mode, en s'appuyant sur un design architectural et très cérébral. Un style dessiné au scalpel, qui se traduisait dans les collections masculines par des pièces minimalistes, certaines étant marquées par des alliages de matières (cuirs, tissus techniques…) structurants.
Suite au départ de Ghesquière, c’est Alexander Wang qui a pris les rênes de la Maison, ce qui laisse perplexe sur le tournant que pourrait prendre l’Homme Balenciaga…
BALLY
Ayant intégré le rouge et l'écru à son identité visuelle, Bally est une marque suisse qui affiche haut et fort ses origines. Le prêt-à-porter est assez récent pour la marque, mais ne suscite pas d’engouement particulier. On y trouve de belles matières, notamment des cuirs, bien que le style paraisse finalement très lisse.
En revanche, les accessoires sont plus intéressants, surtout au niveau de la réalisation et des peaux utilisées. Pour une paire de chaussures sobres, ou un portefeuille élégant à garder longtemps, voici une marque parfaitement à propos !
BALMAIN
C’est dans cette grande Maison que Karl Lagerfeld a entamé sa carrière, mais ce n’est que depuis quelques années que ce nom est redevenu une pointure de la mode.
LIGNE BALMAIN
Avec les prix les plus délirants du marché (jeans à 800 € et plus, entre autres), la Maison parisienne aime l’exclusif et le spectaculaire. Heureusement, la qualité de fabrication est souvent très bonne, même si le prix reste ce qu’il est.
L’archétype de l'Homme Balmain est un biker à la fois moderne et punk, avec un jean plein de surpiqûres et d’applications, un T-shirt fin à encolure large, et un perfecto en cuir destroy.
Avec l’arrivée récente d’Olivier Rousteing, les collections tendent à se rapprocher d’un style plus raffiné, inspirées ces dernières saisons du kimono. Avis aux amateurs de pièces travaillées, il vous faudra être munis d’une bourse conséquente pour faire plus que simplement regarder !
LIGNE PIERRE BALMAIN
Géré par Ittiere SpA en Italie, ce label a clairement pour objectif de reprendre l’esprit rock de Balmain - et de surfer sur sa réputation - pour proposer des pièces moins chères.
Moins bien réalisés, et moins « forts » en termes de style que ceux de la première ligne, les vêtements et accessoires Pierre Balmain permettront tout de même de s’approprier plus facilement une partie de ce design si particulier.
BERLUTI
Sans conteste le plus célèbre chausseur pour homme du monde, Berluti est aujourd’hui propriété du groupe LVMH, et se lance dans le prêt-à-porter. Le raffinement y est remarquable, les chaussures affichant des patines colorées assez exceptionnelles, et les costumes se parant de matières luxueuses sans complexes. Les prix sont élevés, mais la qualité est particulièrement excellente, en partie grâce à une distribution qui reste encore exclusive.
Cela dit, Hugo de PG a dénoncé ouvertement une augmentation des prix et une baisse de qualité...
BOTTEGA VENETA
Propriété du Groupe Kering, voici une Maison peu connue, voire secrète, dont la marque de fabrique est « l’intrecciato » : un cuir tressé selon une méthode bien spécifique, à la fois sobre et très raffinée. Les peaux sont toujours fabuleuses, et l’élégance du prêt-à-porter ou des accessoires, comme pour les chaussures, ravira les amateurs d’un style luxueux à l’italienne.
Chère, mais méritant sans hésitation d’être considérée comme une marque de luxe, la griffe Bottega Veneta vaut vraiment le détour ! Idéale pour investir dans une paire de chaussures « originales », ou même dans un accessoire tel que le portefeuille.
BRIONI
Elle aussi intégrée au groupe Kering, la marque Brioni est une référence en matière de tailoring. Réputée pour son immense savoir-faire et pour la perfection de ses produits, la belle Italienne reste cependant difficilement accessible, avec des costumes à plus de 2 000 €.
On notera cependant que depuis quelques saisons, la marque a engagé une certaine modernisation de ses designs, proposant des collections moins classiques, avec des matières plus innovantes et des coupes plus « jeunes », à qualité constante.
BURBERRY
Thomas Burberry a fondé sa maison en 1856, spécialisée dans les vêtements de pluie, avec pour emblème les fameux carreaux noirs et rouges sur fond beige (iconic check).
De fil en aiguille (c’est le cas de le dire), il en est venu à créer, pour l’armée britannique, un imperméable adapté à la vie dans les tranchées. Le trench-coat est ainsi né, restant d’ailleurs la pièce la plus emblématique de l‘illustre marque, qui le réinterprète à souhait. Mais plusieurs entités composent la pyramide Burberry.
LIGNE BURBERRY PRORSUM
La 1re ligne de la marque est la seule à présenter ses collections sur un podium, mais c’est la seule à en être digne ! Christopher Bailey, le designer, joue parfaitement sur les codes de la Maison, en y apportant le brin de folie so british qui va bien.
Des imprimés petits cœurs, du caoutchouc et de la soie métallisée : il détourne les trenchs, pulls classiques, et autres pantalons de lainage, avec un talent incontestable. Il a à son service des manufactures britanniques et italiennes, qui vous offriront des pièces impeccables et des matières splendides. Idéal pour apporter une touche aristo à votre style, en tout bien tout honneur.
Note de Benoit : c'est de loin la plus belle ligne de Burberry, avec quelques défilés entrés dans la légende.
LIGNE BURBERRY LONDON
Cette ligne s’inspire des classiques de Burberry, tout en leur apportant un style jeune et branché : tout y est assez cintré, avec des imprimés géométriques, des empiècements en cuir, etc.
Cela dit, cette ligne reste classique. Attention à la qualité, qui est bonne sur certaines pièces fabriquées en Italie, mais qui peut laisser à désirer sur le reste, et surtout à des prix non justifiés. Si vous devez mettre 1 000 € dans un trench en coton, assurez-vous au moins d’avoir "Made in Italy" ou "Made in England" sur l’étiquette.
LIGNE BURBERRY BRIT
C’est la ligne la plus démocratique et la plus jeune de la marque, qui reproduit à souhait le motif à carreaux en géant sur les chemises, les pulls, etc. Trop chère pour ce qu’elle est, cette ligne est plutôt à éviter, car la conception et la qualité peuvent décevoir (poches mal montées, matières trop fragiles…).
CALVIN KLEIN
La marque bénéficie aujourd'hui (à juste titre) d’une réputation assez médiocre, notamment à cause d’une fabrication plutôt aléatoire. Mais à l’origine, Calvin Klein est avant tout un des créateurs les plus avant-gardistes de sa génération, qui a imposé un style minimaliste et conceptuel très novateur. Aujourd’hui revendue, la marque américaine comporte plusieurs griffes distinctes.
LIGNE CALVIN KLEIN COLLECTION
Ligne des défilés, c’est celle présentée comme étant la plus luxueuse. Avec de très nombreuses matières techniques, coupes innovantes et emblématiques, la qualité de fabrication reste correcte. Certaines pièces, comme des vestes ou des manteaux, viendront apporter une grande sophistication à vos tenues plus classiques.
LIGNE CALVIN KLEIN
Disponible essentiellement en Amérique du Nord, cette ligne se veut plus urbaine/jeune, et se compose de produits typiques du minimalisme de Calvin Klein. En Europe, elle est plutôt distribuée sous le nom de CK Calvin Klein.
LIGNE CK JEANS
Affichant des logos gigantesques sur des T-shirts, encore un exemple typique de ligne qui ne cherche qu’à attirer vers elle une clientèle qui n’y connaît pas grand-chose, mais veut montrer du logo. Totalement dénuée d’intérêt, même si à son lancement, beaucoup adulaient ses jeans pour leur qualité et leur classicisme.
CARVEN
Fondée en 1945, elle fut une de ces Maisons qui ont bénéficié de l’appellation Haute-Couture. Après plusieurs années de gloire, la marque s’est éteinte jusqu’à l’arrivée du jeune Guillaume Henry et le lancement d'une ligne destinée à l'homme.
Abandonnant l’idée de luxe, il dessine des collections plutôt classiques, abordables et branchées. Un peu dans l’esprit d’un dandy sage, l’homme Carven est toujours coloré, aime les imprimés et la fantaisie. Certaines pièces peuvent apporter du pep’s à un style classique.
CHANEL
Il est ici question de marques pour homme, pourquoi Chanel donc ? Parce que la célèbre Maison, qui est au sommet (avec Hermès) d’un luxe raffiné et très qualitatif, fait l’honneur à la gent masculine de lui produire quelques pièces.
Presque uniques, ces vestes, pantalons et souliers masculins ne sont vendus qu’à la boutique originelle de la rue Cambon. Niveau prix, comptez minimum 600 € pour les chaussures, et généralement plus de 1 500 € pour les vêtements.
L’avantage est que vous serez probablement l'un des seuls au monde à pouvoir porter les pièces inimitables d’une marque au paroxysme de son art (et de son marketing).
CHRISTOPHER KANE
Designer émergent de la scène londonienne, il est connu principalement pour ses imprimés massifs sur des sweats ou des T-shirts : photos d’une galaxie, de déchets, dessins de visages 3D très graphiques… Il impose chaque saison un thème fort qui ne passera pas inaperçu.
S'il fait preuve d’une grande capacité d’innovation et de réalisation pour la ligne féminine, il se concentre sur des coupes et matières classiques pour la masculine, misant avant tout sur le design. Le prix est particulièrement excessif pour des sweats en coton à imprimés.
COSTUME NATIONAL
Après un passage par les Beaux Arts et la maison japonaise Yamamoto, Ennio Capasa fonde la marque CoSTUME NATIONAL avec son frère. Dans un style très artistique, et en rupture avec les codes, il s'inspire de sa formation et du Japon. La ligne homme privilégie des teintes unies comme le blanc ou le noir, et peut parfois se rapprocher du style Dior Homme ou Demeulemeester.
Généralement difficiles à porter, les créations de CoSTUME NATIONAL s’assagissent au sein de la seconde ligne C’N’C, plus jeune et moins audacieuse. La qualité de fabrication est bonne, la griffe s’adressant surtout à une clientèle avertie, adepte d’un style dark.