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Santoni ou Bontoni ou Italigente.LE MONTAGE GOODYEAR
© Crédits : Jacques et Demeter
Concurrent direct du Blake, le montage Goodyear dispose d’une double couture. La première (en jaune dans la figure) sert à relier la première de montage, la tige et la trépointe. La deuxième, fameuse couture "petits points" (en orange), relie la trépointe à la semelle d’usure.
Les avantages du Goodyear sont :
- Offrir un ressemelage plus aisé pour le cordonnier,
- Avoir une étanchéité accrue en cas de pluie,
- Une chaussure globalement plus résistante.
Mais du fait d’un montage plus “lourd”, des souliers montés en Goodyear seront moins fins que des Blake, et plus désagréables à porter le temps que la semelle se fasse à votre pied.
On retrouve ce type de chaussures chez les bottiers anglais tels que Edward Green.
NB : on entend parfois parler de “cousu trépointe” (handwelted en Anglais). Ce terme signifie en fait que l’ensemble du montage a été réalisé à la main, alors que le montage Goodyear est généralement réalisé à la machine, de manière industrielle. Outre la beauté du geste et la valorisation de l’artisanat, un tel montage permet d’obtenir la solidité d’un Goodyear industriel avec l’élégance d’un montage Blake.
On ne retrouve ce type de montage que dans le très haut-de-gamme (Corthay ou Gaziano & Girling par exemple).
Atelier Maubeuge.
QUEL EST VOTRE PARCOURS ET VOTRE FORMATION DE CORDONNIERS ?
Bora : "J'ai fait un CAP cordonnerie sur 2 ans, en alternance. Une semaine à l'école, une semaine en entreprise. J’ai débuté ma formation chez une grande franchise de la cordonnerie, mais le travail qu'on y faisait - qui consistait en majorité à réaliser des clés et des plaques d'immatriculations - me déplaisait. On était plus proche du métier-service que de la cordonnerie.
Après ma première année, j'ai donc quitté cette enseigne pour me rapprocher d'un grand bottier parisien, chez lequel j'ai eu mon CAP puis travaillé pendant 5-6 ans."
QUELLE EST LA DIFFÉRENCE ENTRE UN CORDONNIER ET UN BOTTIER ?
Bora : "Il s’agit selon moi de deux métiers distincts, tant au niveau du matériel que du temps.
Le bottier va créer un soulier sur-mesure, en prenant en compte à la fois la morphologie du pied du client et ses envies, qu’elles soient simplement esthétiques ou répondant à une déficience de la marche. Il ne proposera que rarement de la réparation, au mieux sur ses propres créations.
Le cordonnier est là pour réparer (quasiment) tous types de chaussures et éventuellement de la maroquinerie."
© Crédits : Atelier Maubeuge.
À L'ACHAT D'UNE NOUVELLE PAIRE DE CHAUSSURES, FAUT-IL POSER UN PATIN ?
Bora : "On peut effectivement poser un patin, qui a de nombreux intérêts lorsqu'il est bien réalisé. Il protège la semelle de l'humidité ainsi que les coutures de l'eau, en plus d’augmenter considérablement la durée de vie de la semelle. Par ailleurs, une semelle en cuir glisse, alors que le patin ne dérape pas.
L'opération est très peu coûteuse et permet de diminuer de beaucoup les frais d'entretien de la semelle.
Un soulier sans patin qui a pris l'humidité doit être posé sur la tranche, afin de laisser sécher la semelle en cuir. Avec un patin, la question ne se pose pas car la semelle ne prend jamais l'eau !
C'est une opération qu'on peut réaliser dès le début de vie de la chaussure, il peut se poser aussi bien sur une semelle neuve qu'une semelle ayant un peu vécu, mais il n'est pas nécessaire d'assouplir la semelle avec quelques ports avant de le réaliser. En revanche, plus une semelle est fine, plus il faut poser le patin tôt.
Le prix d'une pose de patin est d’environ 20€."
PEUX-TU NOUS EXPLIQUER COMMENT ON POSE UN PATIN ?
Bora : "Pour commencer, on choisit la couleur du patin, qui doit être assorti à la couleur de la lisse. Ensuite, on le taille pour l'adapter à la semelle du soulier. On gratte légèrement la partie de la semelle d'usure qui sera réellement au contact du sol, car on ne pose pas un patin jusqu'au bloc talon.
Cette opération de grattage permet de bien encastrer le patin dans la semelle. On colle les deux parties, qu'on passe sous une presse pour avoir un collage uniforme sous la semelle, puis on coupe toute partie du patin qui dépasse."
Y A-T-IL DES STYLES OU MARQUES DE PATINS À PRIVILÉGIER ?
Bora : "Personnellement je préfère les patins crêpés que je trouve plus souples et paradoxalement aussi solides que des patins Topy, une entreprise qui a un quasi-monopole sur le marché du patin."
POURQUOI POSER UN FER À L'AVANT ?
Bora : "L'intérêt du fer est que généralement, la première partie du patin - et du soulier en général - s'abîme à l'avant.
Soit parce que le patin se décolle, soit à cause de l'usure qui le rend poreux. Le simple fait de buter dans un trottoir ou une marche peut décoller l'avant du patin.
Lorsque le fer est présent, il absorbe les contraintes sur cette partie, protégeant ainsi le patin du décollement ou d'une usure prématurée.
FAUT-IL PRIVILÉGIER UN FER CLOUÉ OU UN FER VISSÉ ?
Bora : "En ce qui nous concerne, nous préférons le fer vissé pour sa durabilité. En effet, la vis est, par définition, plus adhérente qu'un clou, en plus d'être moins longue (ce qui abîme donc moins la semelle).
Le fer cloué a néanmoins l'avantage de pouvoir se poser et se retirer plus facilement, mais cela le rend également moins solide. L'ensemble patin + fer représente entre 1h et 2h maximum de travail.
La pose d’un fer peut aller de 5€ pour un fer cloué, à 30€ pour un fer vissé."
À noter que le combo fer + patin est typiquement français. Les Anglais, alors qu’ils vivent dans un pays pluvieux, ne posent que rarement des patins.
Pour résumer :
- Le patin est à privilégier sur des semelles fines qui s’abîmeront plus vite, notamment les cousus Blake, moins étanches que les souliers en Goodyear ou Norvégien.
- Le fer est à privilégier si votre marche abîme rapidement l’avant du soulier. Dans ce cas, il faut opter (de préférence) pour un fer vissé, surtout sur des souliers haut-de-gamme.
- N'hésitez pas à demander au cordonnier de voir des exemples de son travail, afin de pouvoir juger de sa qualité.
PEUT-ON EFFECTUER DES RÉPARATIONS SUR LE TALON DE SA CHAUSSURE ?
Bora : "La majorité des chaussures présentent déjà un bonbout, qui est une pièce protégeant le bloc talon à l'achat. Lorsque le bonbout est trop usé et que le bloc talon est lui-aussi abîmé, on peut être contraint de changer le bloc, ce qui coûte deux à trois fois plus cher que le changement du bonbout.
Pour changer un bonbout, il faut compter env. 20€. Pour un bloc talon, plus de 50€."
On voit ici deux bonbouts différents, à gauche en cuir avec l’arrière en caoutchouc, à droite entièrement en caoutchouc.
COMMENT PEUT-ON RÉPARER LES SEMELLES DE SES CHAUSSURES ?
Bora : "Il est possible de changer la semelle, c’est ce qu’on appelle un ressemelage. Pour cela, si celle-ci est en cuir - ou en gomme d'ailleurs - il faut commencer par dissocier le bloc talon, puis découdre 2 les fils et défaire les points un à un, appliquer un dissolvant pour retirer la colle de la semelle, puis retirer la semelle.
On enlève ensuite les anciennes coutures et on remplace éventuellement le liège (dont le rôle principal est de protéger l'intérieur de la chaussure du froid), qu'on gratte légèrement pour qu'il adhère mieux à la colle. On coupe une nouvelle semelle dans un croupon de cuir, qu'on recolle un peu comme un patin.
Enfin, si celle-ci était cousue, on coud la semelle et on repose le bloc talon.
Contrairement aux idées reçues, il est tout à fait faisable de changer une semelle cousue Blake. Pour cela, la chaussure doit avoir un minimum de forme dans sa construction 3. Si ces conditions sont respectées, le Blake peut se changer aussi facilement que le Goodyear.
D'ailleurs, une chaussure cousue Goodyear ne peut pas être ressemelée indéfiniment. Au bout d'un moment, le fait de passer les piqûres par les mêmes points va endommager la trépointe en cuir.
Le prix de cette opération est d’environ 150€."
© Crédits : Atelier Maubeuge.
L’intérêt principal du ressemelage est de donner une seconde vie à une paire de souliers, surtout si ces derniers sont de très bonne qualité. On obtient une chaussure quasi-neuve pour “seulement” 150€.
Après plusieurs années de ports et de maltraitance, la première de montage et la semelle intérieure auront pris la forme de votre pied, pour un confort optimal.
Il serait donc bête de tout recommencer à zéro en optant pour une nouvelle : votre paire de souliers aura développée une magnifique patine avec le temps, vous aurez donc tout intérêt à vouloir lui redonner une seconde vie pour continuer à développer cette dernière.
© Crédits: Atelier Maubeuge.
Oui, il est vraiment possible de faire des miracles avec un ressemelage.
À L'INTÉRIEUR DE LA CHAUSSURE, QU'EST-IL POSSIBLE DE FAIRE ?
Bora : "Il y a notamment une opération que l’on réalise, c’est la pose ou le changement d’un glissoire. Le glissoire est la pièce de cuir située au niveau du contrefort, au talon, qui est soumise à de nombreux frottements via le pied. Celui-ci peut donc être changé en coupant une nouvelle pièce de cuir.
Un anti-glissoire (conçu de cuir côté chair, comme le veau velours), assez épais, peut éventuellement être ajouté si le pied du porteur a tendance à se décoller au niveau du talon.
On peut également changer les premières de propreté si celles-ci sont en fin de vie, et mettre une pièce de cuir au niveau des plis de marche si la doublure commence à s'user à ce niveau, pour éviter que le cuir ne se troue."
Y A-T-IL D'AUTRES RÉPARATIONS QUE NOUS N'AVONS PAS ENCORE ABORDÉES ?
Bora : "D'autres réparations sont possibles comme changer l'élastique ou la boucle d'une chaussure Monk Strap. On peut également proposer des glaçages / cirages, ainsi que réaliser une patine, voire changer la couleur d'une chaussure.
Mieux les chaussures sont entretenues, plus ces opérations sont facile à réaliser."
Pour un soin "beauté" complet + un glaçage, il faut compter environ 20-30€. Pour une patine, en fonction de la difficulté de l’opération, comptez entre 40 et 100€.
Pour plus de détails sur les patines, on a écrit un article à lire ici.
AVEZ-VOUS DÉJÀ RÉALISÉ DES RÉPARATIONS INCONGRUES ?
Bora : "Oui, je me rappelle d'un cas en particulier.
Une cliente avait acheté une paire de tongs en cuir sur internet, et avait reçu deux pieds gauches (les bienfaits des soldes). Le challenge était donc de retourner une des tongs pour en faire un pied droit. D'ailleurs, au final, ça avait plutôt bonne gueule ! 😉"
Bartu : "Oui, il nous est arrivé de changer l'enveloppe en cuir du talon d'une botte, qu’un chien avait manifestement pris pour son os en plastique."
MÊME SI MON CORDONNIER EST BEAU, COMPÉTENT ET ACCESSIBLE, QUEL EST LE SECRET POUR LE VOIR MOINS SOUVENT ?
Bora : "Premièrement, ne jamais porter ses chaussures en cuir deux jours d'affilée, et systématiquement les mettre sur embauchoir lorsqu'on ne les porte pas. Ne pas hésiter à s’asseoir et utiliser un chausse-pied pour mettre ses souliers, en particulier s’il s’agit de bottines ou de bottes hautes.
Penser à crémer les chaussures avec des produits de qualité et les cirer régulièrement pour les garder imperméables, notamment avant de sortir sous la pluie.
La fréquence de crémage / cirage dépend de l'utilité que vous en avez : vous aurez davantage besoin de les entretenir si vous marchez beaucoup que si vous sortez juste pour prendre la voiture et que vous les portez en majorité au bureau ! Il n'y a aucun risque à nourrir fréquemment une chaussure, il vaut mieux presque trop que pas assez.
On parle ici du cuir lisse, mais le veau velours est tout aussi solide et facile à entretenir. Il suffit de le brosser régulièrement avec une brosse en crêpe, moins abrasive qu'une brosse en laiton. Utilisez aussi un rénovateur, en plus de les imperméabiliser avant de sortir sous la pluie.
Pour moi, il est autant solide et résistant à la pluie qu'un cuir lisse, s'il est bien imperméabilisé. Et si vraiment la pluie a été tenace, laissez les chaussures sécher sur embauchoirs loin des sources de chaleur.
On peut attendre d’un soulier de qualité qu’il tienne une dizaine, voire une vingtaine d’années, bien qu’il faille évidemment respecter les règles d’entretien pour arriver à ce résultat."
ET POUR FINIR, DANS QUELLE GAMME DE PRIX PEUT-ON TROUVER LES MEILLEURS RAPPORTS QUALITÉ / PRIX POUR DES SOULIERS ?
Bora : "Personnellement, je dirais entre 300 et 500€ !"
Bartu : "Pour moi, on peut trouver les meilleurs rapports qualité / prix entre 195 et 350€. Cette gamme est assez hétérogène, mais on peut très bien s'en sortir pour ce prix, sachant qu'on trouvera du très bon un peu au-dessus."
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Merci à Bartu et Bora d’Atelier Maubeuge, qui nous ont accueillis et ont donnés de leur temps pour cette interview. Pour découvrir par vous-même la qualité de leur travail, rendez-vous au 28 rue de Maubeuge, 75009 Paris.