Dans un deuxième article, il t'explique comment savoir si une chaussure va être durable ou non.
Le montage désigne la méthode grâce à laquelle le soulier est construit. À titre indicatif, comme le précise la marque britannique Crockett & Jones, une paire de souliers en Goodyear, c'est plus de 200 opérations manuelles...
Le montage va, le plus souvent, déterminer la façon dont est assemblée l'empeigne (le "dessus" du soulier) à la (voire aux) semelle(s). Si de gros progrès ont été faits avec les colles, un montage cousu reste la référence en terme de solidité, de qualité et de durabilité.
Je vous propose donc un bref récapitulatif des techniques les plus courantes, avec leurs signes particuliers, et quelques schémas clairs gracieusement fournis par Jacques & Déméter.
Les différents types de montage de chaussures
Avant tout, permettez-moi une petite précision concernant le montage dit "sous gravure" : il peut intervenir à chaque fois qu'une couture apparaît sous la semelle extérieur (typiquement sur du Blake).
La technique est simple : au lieu de laisser la couture apparente à l'extérieur, une fine gorge est creusée dans le cuir pour accueillir les points de couture, puis elle est refermée.
Elle reste souvent visible, mais pour confirmer n'hésitez pas à regarder à l'intérieur de la chaussure !
Le montage Blake
Il déchaîne les passions, suscite la haine des uns, l'admiration des autres, mais garde à travers son élégance une perturbante distance. Accusé de simplisme, on lui reproche une durée de vie plus courte que son frère ennemi Goodyear.
Encensé pour la finesse qu'il est seul à autoriser, il ravit les amateurs de souliers profilés et élégants. N'allez pas croire que c'est un débat rationnel : il n'est que passion, bien plus que raison.
Concrètement, le Blake est un montage, comme l'illustre le schéma, grâce à laquelle toutes les parties du soulier (tige, semelles...) sont liées par une solide couture, comme le point navette. La tige est généralement collée, d'où l'autre appellation du Blake "cousu-collé".
Pas besoin de points sur les bords extérieurs de la chaussure, ce qui aboutit à une finesse caractéristique du montage Blake.
Les critiques viennent du fait que le ressemelage est compliqué par ce point de couture unique, qui solidarise la semelle extérieure de tout le reste. Dans les faits, sans être pleinement impossible, la pose d'une nouvelle semelle demeure compliquée et fragilise le soulier.
Néanmoins, des bottiers de légende tels que Berluti utilisent depuis toujours ce montage, et ont montré que sa qualité est incontestable, lorsqu'il est évidemment bien réalisé. Ajoutez un patin pour protéger la semelle, plus la règle "jamais les mêmes souliers deux jours de suite", et vous aurez LARGEMENT le temps avant d'en arriver au point du ressemelage !
Signes particuliers :
- La présence inévitable de points de couture sous la première de propreté, à l'intérieur de la semelle.
- Sauf cas particuliers ou volonté du créateur, la semelle extérieure est souvent fine et moins voyante que sur un goodyear.
Le montage Bolognese
Le montage Bolognese est une variante du montage Blake qui est principalement caractérisée par une absence de première de montage. Pour ce faire, la doublure, après avoir été montée sur forme, est tirée puis cousue. Ensuite, la même manœuvre est faite avec le dessus qui est collé en dessous sur la doublure.
Après quoi, la forme est retirée et la semelle d'usure peut ainsi être collée pour réaliser la couture Blake afin d'assurer son maintien. Le montage Bolognese confère aux souliers une souplesse et bon confort, mais en raison de sa fragilité ne durera pas dans trop le temps.
Signes particuliers :
- Contrairement au cousu Blake, il n'a pas de première de propreté. C'est la tige (dessus + doublure) qui fait le tour du pied.
- La couture dedans-dehors est liée avec la semelle d'usure par la tige.
Le montage Goodyear
Il est présenté comme le Saint Graal des montages. Moins cher qu'un cousu norvégien ou autres confrères complexes, le cousu trépointe - comme on l'appelle aussi - serait le meilleur compromis entre durabilité, fiabilité, prix et qualité.
Son avantage réside dans la présence d'une trépointe (bande de cuir) qui vient s'intercaler entre la tige et la semelle : le soulier est alors quasi imperméable, là où le Blake est plus sujet à prendre l'eau. Il présente aussi l'avantage d'assurer un ressemelage bien plus facile, car la semelle d'usure est cousue à l'extérieur du soulier.
Signes particuliers :
- Les coutures "petits points" à l'extérieur du soulier sont la caractéristique principale du Goodyear. Mais pour être sûr de ce que vous avez entre les mains, il y a un deuxième critère cumulatif essentiel.
- Les coutures à l'intérieur sont invisibles, souvent sous la semelle de propreté. Le schéma ci-dessus est éloquent à ce sujet !
Avertissement : certaines marques n'hésiteront pas à essayer de vous flouer. Si certaines enseignes ne cherchent même pas à essayer de faire croire que leurs produits sont de qualité, d'autres n'assument pas du tout leur fabrication bas de gamme :
Vous tomberez alors sur un modèle sans couture à l'intérieur, et avec des points sur la semelle à l'extérieur. Goodyear ? Non, montage intégralement collé, avec des points purement décoratifs à l'extérieur.
Le montage mocassin
Le mocassin a beaucoup évolué niveau style, s'est parfois doté de semelles en cuir, voire même de cousus Goodyear ou Blake. Mais il reste de nombreux modèles fabriqués à partir de la technique "traditionnelle", très simple : le pied est littéralement enveloppé dans une pièce de cuir.
La tige sera cousue à la semelle du dessous (souvent très souple), mais aussi sur le dessus de la chaussure, ce qui lui donne cette ligne très reconnaissable.
La qualité et la robustesse du cuir sont particulièrement importantes : si la peau est trop fine, ou marque beaucoup le pli d'aisance, cela peut être problématique... La régularité des coutures et le fait qu'elles soient rapprochées / serrées est aussi important pour ce type de souliers.
Bien que parfois douteux sur le plan esthétique, les mocassins ont en revanche l'avantage d'être extrêmement confortables.
Signes particuliers :
- Sur les mocassins "traditionnels", une seule pièce de cuir forme un demi-tube sur lequel repose le pied...
- ...et justifie la présence d'une couture sur tout le dessus de la chaussure.
Le montage norvégien
Il est presque légendaire, sa robustesse n'égalant que le savoir-faire et le temps nécessaires pour sa réalisation (qui peut durer plusieurs jours). Vous remarquerez, comparé au Goodyear, que la couture de la tige et de la première de propreté traverse aussi la trépointe, et ressort à l'extérieur. La présence d'une semelle intermédiaire en plus garantie une totale étanchéité du soulier.
Il a justement été conçu pour des environnements "extrêmes" et une utilisation intensive (marche, travaux agricoles...). Cependant, et même si les points de couture alourdissent la "silhouette" d'une chaussure, on voit le cousu norvégien utilisé pour des modèles "urbains". Typiquement ? La combat boots !
Signes particuliers :
- Deux lignes de coutures visibles à l'extérieur.
- Pas de points à l'intérieur, rigidité et épaisseur de la semelle.
Le montage vulcanisé
Je vous prie de m'excuser pour ce visuel un peu artisanal, mais c'est le meilleur que je suis parvenu à trouver. En rouge, je suis repassé sur la tige (ici en tissu) pour bien montrer qu'elle vient se glisser sous la semelle intérieure, et sur la semelle extérieure. Pour maintenir (et surtout cacher) le tout, une bande de caoutchouc vient faire tout le tour de la chaussure par simple collage.
Pour terminer, la semelle rougeâtre sous la chaussure est réalisée en injectant un mélange qui va prendre forme en refroidissant. On parle de vulcanisation, en référence au procédé chimique selon lequel on ajoute un peu de soufre à un élastomère pour le rendre encore plus élastique.
Ce montage reste faible niveau qualité, il a pour seul avantage d'être fabriqué automatiquement à la chaîne. Néanmoins, on voit certaines marques comme Vans utiliser ce procédé avec des résultats corrects.
Si vous devez en acheter, assurez-vous que la bande de caoutchouc et la semelle sont solidement collées : pliez la chaussure, cela peut suffire pour déjà constater des signes de faiblesse... et surtout, gardez le ticket de caisse !
Signes particuliers :
- Pas de coutures, juste de la colle.
- Bande de caoutchouc faisant tout le tour de la chaussure.
Les finitions d'une chaussure de qualité
Le diable se cache dans les détails, alors prenez le temps de les observer. Ils sont généralement très révélateurs du niveau de finition, de maitrise et de l'état d'esprit d'une marque quant à la fabrication de ses produits.
Les coutures
Elles sont absolument fondamentales, puisque c'est grâce à elle que l'on peut donner une forme à un soulier. Comme sur les chemises, la clé de points de couture réussis est la régularité, preuve d'un travail soigné et maîtrisé.
En revanche, s'ils doivent être rapprochés les uns des autres et bien serrés, ne vous attendez pas à trouver autant de points que sur un article textile : cela risquerait tout simplement de fragiliser le cuir sur toute la ligne de couture, et de le déchirer.
Sur et sous la semelle, les points sont plus gros (et réalisé avec un fil poissé très épais), ce qui n'empêche pas qu'ils doivent également être réguliers !
Les renforts / contreforts de la chaussure
Il y a des zones du soulier qui ont besoin d'être renforcées, ne serait-ce que pour bien maintenir le pied. À l'arrière au niveau du talon, il est donc important de s'assurer qu'il y a des renforts solides, qui vont rigidifier l'arrière de la chaussure.
Ils se voient souvent à l'intérieur, mais le meilleur moyen de s'assurer qu'ils sont bien là est tout simplement d'appuyer sur la partie de cuir enveloppant le talon : elle doit vraiment être dure et ne pas se déformer.
Les perforations et autres designs divers
Certains détails (ciselages, perforations, cloutages...) peuvent personnaliser un soulier et lui apporter du caractère. Là encore, un maître mot : la régularité. De près, tout doit sembler net et propre, les motifs / clous bien alignés et harmonieux... Faites attention aux deux souliers de la paire, bien entendu !
Les fermetures
Un petit coup d’œil sur le zip utilisé s'impose. Facilité à ouvrir et fermer le zip, sensations de butées, branches irrégulières ou fermeture qui redescend toute seule une fois la chaussure enfilée : tous ces petits détails peuvent vite devenir gênants au quotidien, donc autant s'assurer que tout est parfait à ce niveau-là !
L'intérieur de la chaussure
L'intérieur du soulier est également très important, notamment niveau confort ! Semelle intérieure en cuir : un indispensable. Le synthétique peut vite devenir une étuve et vous faire vivre un l'enfer durant l'été !
Même sur des sneakers, l'idéal est une belle semelle intérieure en peau, exception faite des chaussures de sport dont les multiples aérations et semelles innovantes sont souvent en synthétique.
Si possible également, le cuir intérieur doit être aussi beau que celui à l'extérieur : une matière rugueuse et mal travaillée peut vite être désagréable, voire irritante en cas de port prolongé. Ne pas hésiter à passer la main à l'intérieur de la chaussure...
Les œillets
Ils se raréfient mais sont pourtant utiles, parfois même indispensables. Il s'agit de ces petits anneaux de fer qui viennent entourer les passants de vos lacets.
Sur les sneakers, ils peuvent être posés à l'extérieur et à l'intérieur, alors que sur des souliers élégants, on aura tendance à les placer à l'intérieur uniquement, pour des raisons esthétiques.
Ils évitent que le frottement des lacets ne vienne agrandir le passant, ce qui serait particulièrement inélégant. Les œillets sont indispensables sur des matières comme le cuir de mouton, souple et presque élastique, donc exposé au risque de se déchirer ou se détendre.
Sous la semelle de la chaussure
Il est très fréquent de poser un patin sous vos souliers habillés pour protéger votre semelle de cuir, mais aussi de gagner en confort : une semelle lissée par les ports devient vite extrêmement glissante.
Néanmoins, cette opération ne sera pas utile sur le talon s'il comporte un insert en gomme. C'est un détail qui n'est pas indispensable, mais bien pratique et fréquent dans le haut de gamme / luxe.
La présence de petits clous sur l'avant de la semelle est aussi un très bon signe concernant le soin apporté à la fabrication : sans être indispensables, ils renforcent la semelle à un endroit où elle est très exposée aux griffures, chocs, etc.
Maintenant que vous avez trouvé la paire de vos rêves, n'oubliez pas l'importance d'entretenir ses chaussures !
Sans oublier nos propres chaussures habillées...
Grâce aux Tanneries d'Annonay et notre atelier Barker Shoes, nous avons développé un vrai savoir-faire bottier : montage en Angleterre de A à Z.