Quelques années après cet excellent article de Romain, notre rédacteur Jordan s'est à nouveau penché sur le vaste sujet, parfois polémique, de la qualité du cuir et des chaussures. Voilà le guide (presque) complet :
- Partie 1 : pourquoi le cuir est-il cher ?
- Partie 2 : la méthode pour savoir si vos chaussures vont durer
- Partie 3 : la méthode pour choisir les bonnes pointure et forme
- Partie 4 : comment trouver votre style de souliers
- Partie 5 : entretenir et réparer ses chaussures pour les faire durer
- Partie 6a : quelles marques faut-il acheter ?
Bonne lecture ! Tu n'es pas à l'abri d'apprendre pas mal de choses. 😉
Choisir des souliers n'est pas toujours chose aisée : un design peut attirer l’œil et déclencher le coup de cœur, mais comment faire pour s'assurer que la paire de vos rêves ne va pas dépérir après seulement quelques ports ? Il y a plusieurs critères à prendre en compte. 😉
Le prix est déjà un indicateur. Une paire de souliers à 90 €, ce n'est pas (et ne sera jamais) "normal". Peaux et autres matériaux, main d’œuvre, transport, marketing, vente, taxes : pas de miracles !
Les fabricants de chaussures à bas prix tirent sur tous les coûts, à commencer bien sûr par les salaires de ceux qui les fabriquent (sans oublier les matières, les types de montage)... N'oubliez pas qu'un produit bien fabriqué, en plus d'être clairement plus beau, durera aussi beaucoup, beaucoup plus longtemps.
Le lieu de fabrication peut aussi donner une bonne indication de la qualité des chaussures. Malgré ce que l'on essaie constamment de faire croire pour flouer le client, l'Italie, la France et le Royaume-Uni demeurent les plus grands experts en souliers du monde, sans oublier l'Espagne et le Portugal (plus récemment).
Pourquoi ? Simplement parce que c'est dans ces pays que se sont créés les savoir-faire. On peut tout à fait tomber sur une paire Made in Italy mal fabriquée, c'est certain, mais force est de constater que c'est souvent un gage de qualité. La main d’œuvre mérite amplement d'être reconnue pour le travail qu'elle est capable de proposer.
Enfin, il n'y a pas de formule irréfutable pour dire si oui ou non un soulier est de qualité : je partage simplement avec vous quelques conseils qui m'ont été transmis par de bons cordonniers.
Dans la première partie de cet article, nous nous intéresserons au cuir, qui constitue la matière de base du soulier de qualité. Si vous voulez rentrer dans le détail, j'avais écrit il y a quelque temps le guide du cuir, qui fonctionne pour les vêtements comme pour les souliers.
Comment reconnaître un cuir de qualité pour des souliers ?
Hormis quelques exceptions ou choix en matière de style, les bonnes chaussures sont fabriquées à partir de cuir. Pouvant être teint de toutes les couleurs possibles et imaginables, il offre une texture inégalable et peut durer très, vraiment très longtemps.
Une distinction s'opère entre les différentes qualités de peaux, puis entre les traitements (couleur, protections éventuelles...) qu'elles reçoivent ensuite pour véritablement devenir cuir. Petit rappel synthétique...
Par ordre décroissant de qualité :
La pleine fleur. Toutes les couches de la peau sont conservées, et surtout la partie supérieure du derme, la plus belle et la plus douce ! En termes de finitions, on les retrouve souvent anilines ou plongées, c'est-à-dire seulement baignées dans un bain de pigments ou de colorants : leur texture est exceptionnelle, mais ces peaux demeurent très exposées aux salissures.
Le boxcalf (veau tanné avec des sels de chrome, plus approprié que le tannage végétal niveau souliers) en est l'exemple le plus répandu, avec un rendu lisse parfait. Cette couche est aussi excellente pour tous les cuirs velours : le ponçage des suédés ou nubuck révèle la moindre petite imperfection !
La fleur corrigée. La couche supérieure du derme est retirée car elle comporte des imperfections, mais son aspect ne sera jamais aussi beau qu'un pleine fleur. Le plus souvent, elle reçoit des traitements pour être pigmentée, et lissée / protégée par une fine pellicule transparente.
La croûte de cuir. On ne garde que les couches inférieures, les plus solides mais aussi les moins belles. La finition "pigmentée" momifie la peau dans un sarcophage de colorants opaques dans le but, là encore, de l'uniformiser. Ce traitement génère souvent une brillance assez surnaturelle, qui sera désagréable à voir et à toucher.
Aspect d'un bon cuir
Les cuirs "lisses"
De nombreuses peaux sont exploitées pour la finesse de leur grain et leur aspect très lisse. Le veau (très utilisé), l'agneau (plus rare), mais aussi le buffle ou le cerf avec leurs gros grains, nous gratifient de leurs superbes textures.
Bien travaillées, leur aspect sera de mât à brillant selon les finitions, mais l'élément essentiel d'un cuir de qualité sera sa régularité. Que le grain de la peau soit fin ou accentué (cuirs grainés / foulonnés), il doit être le même sur toute la surface.
Le boxcalf, que nous avons évoqué, est un cuir raffiné et élégant : à la vue, il offre une brillance naturelle. La lumière se reflète de façon diffuse sur cette matière, révélant parfois certaines nuances de couleur selon les effets voulus.
Les cuirs velours
Comme leur nom l'indique, les suédés et autres nubucks ont un aspect velouté grâce au ponçage qu'ils ont subi. Alors évidemment, à vue d’œil, plus on se rapprochera d'une texture "peau de pêche", meilleure la qualité sera !
Évitez tant que possible les aspects trop grossiers, même s'il est rare de retrouver sur des souliers la finesse du "grain" que l'on retrouve en prêt-à-porter.
Un bon "test" de la qualité et de la régularité d'un cuir suédé : passez votre doigt dessus. Si vous obtenez une trace bien nette, vous pourrez en déduire que la finition est bonne !
Enfin, ce type de travail du cuir ne pardonne aucune imperfection : le ponçage révèle absolument tous les petits défauts d'une peau. Inutile, donc, de préciser qu'il faudra être vigilant sur ce point, car cela peut vraiment nuire à l'esthétique de la chaussure !
Toucher d'un bon cuir
Les cuirs lisses
Rien de plus simple pour reconnaître au toucher un cuir lisse de qualité : il est doux et régulier. À noter que pour les cuirs glacés, la sensation lisse sera poussée à l'extrême.
J'ai déjà eu l'occasion de vous livrer ce ressenti, mais le cuir est vraiment une matière "sensuelle" : en passant la main sur une belle peau, elle va très vite se réchauffer à votre température. C'est important de ressentir une certaine "chaleur" en touchant un cuir, même si cet élément est finalement assez difficile à décrire.
Retenons simplement qu'un cuir de qualité est extrêmement agréable à toucher !
Les cuirs velours
Là encore, douceur duveteuse, et régularité de la texture, garantissent une matière et un travail de qualité. A contrario, les textures rugueuses voire rêches sont tout simplement à bannir : elles risquent de s'abîmer bien plus vite que les autres, si ce n'est carrément se lisser d'une façon affreuse !
Les cuirs suédés et nubuck sont aussi des finitions qui doivent mettre en valeur la "chaleur" et la sensualité du cuir, et procurer en sensation agréable là aussi.
Dans la seconde partie de l'article, je vous proposerai un zoom sur les différents types de montages de chaussures qui existent, pour enfin comprendre ce qui les distingue les uns des autres, et leurs avantages / inconvénients. Enfin, nous terminerons par l'examen des détails qui peuvent faire la différence.
Sans oublier nos propres chaussures habillées...
Grâce aux Tanneries d'Annonay et notre atelier Barker Shoes, nous avons développé un vrai savoir-faire bottier : montage en Angleterre de A à Z.