« Parasite » : palme d’or, vêtements de classes et style coréen – Bobine

« Parasite » : palme d’or, vêtements de classes et style coréen – Bobine
Palme d'or du Festival de Cannes 2019, le film « Parasite » de Bong Joon-ho n'est pas qu'une leçon de cinéma. On y redécouvre en effet avec force la fonction sociale du vêtement et ce qui fait le charme si particulier de la mode coréenne. Et si un nouveau monde stylistique s'ouvrait à vous ? Place à la découverte !

(Crédit photo de couverture : Choi Woo-sik, Song Kang-ho, Jang Hye-jin et Park So-dam dans « Parasite », 2019 - IMAGO / ZUMA Wire)

LE PITCH : DEUX MONDES, DEUX FAMILLES ET UNE RENCONTRE FORCÉE

Séoul, Corée du Sud. La famille Kim s'affaire à ses petites combines quotidiennes. Les parents et leurs deux enfants vivent ensemble dans un minuscule appartement en sous-sol. « Au pays des matins calmes, pas un bruit ne sourd... » chantait Alain Bashung. Ce que l'on découvre ici est pour ainsi dire tout autre, selon que l'on vive dans les quartiers chics ou populaires.

La famille Kim est justement l'exact contraire de la riche famille Park. La rencontre est aussi hasardeuse que forcée : passée maîtresse dans l'art de l'incruste, la première va peu à peu investir à force de stratagèmes tous les emplois liés à la vie domestique de la seconde...

Les cinéphiles le savent : la Corée du Sud regorge de cinéastes talentueux comme Park Chan-wook, Hong Sang-soo ou bien encore Kim Ki-duk. Mais comme nous allons le voir par la suite : ce n'est pas le seul domaine où le pays excelle. La musique ? Figurez-vous qu'on a déjà abordé le style de BTS dans Gimmick ! La mode ?! Vous brûlez.

« Parasite » est le septième long métrage du réalisateur Bong Joon-ho. Si le cinéma sud-coréen vous est un peu familier, vous découvrirez quelques visages connus au casting, à commencer par Song Kang-ho.

Il tient ici le rôle du père de la famille Kim mais vous pourrez également le voir dans d'autres films de Bong Joon-ho ou dans « Thirst, ceci est mon sang » de Park Chan-wook en 2009, déjà évoqué ici.

Parasite bong joon ho palme or tenue homme femme

© IMAGO / ZUMA Wire

La famille Kim au complet dans « Parasite », 2019.

Également de la partie : Lee Sun-kyun, Cho Yeo-jeong, Choi Woo-shik, Park So-dam, Jang Hye-jin ou Lee Jung-eun. Le film a remporté la Palme d'Or du Festival de Cannes en 2019 et il est vous le verrez plein de rebondissements. Par ailleurs, et ça tombe à pic pour ce qui nous concerne, il joue à la fois du décor et de l'habillement pour servir son histoire.

CE QU'IL FAUT VOIR CÔTÉ STYLE…

« Parasite » s'ouvre sur une vue de la « fenêtre » de l'appartement sous-sol de la famille Kim. La première chose à voir, c'est une paire de chaussettes de sport Asics, qui sèche tant bien que mal. Puis la caméra nous présente les enfants et les parents : tous sont en tenues décontractées que l'on qualifiera d'homewear par défaut.

Comme le soulignera à la presse la costumière du film Choi Se-yeon, les gens ordinaires ne portent pas vraiment de pyjamas dans la culture coréenne. On retrouve en revanche ce type de vêtements en soie chez la famille Park. Plus riche, plus occidentalisée, elle dispose d'un vestiaire bien plus élégant et sophistiqué que celui de la famille Kim.

C'est ce contraste de classe(s) et de moyens que souligne le film de Bong Joon-ho à travers les costumes et le design des intérieurs. Mais c'est aussi très précisément ces stéréotypes que la famille Kim va s'évertuer à briser, en singeant à la quasi-perfection le style de leurs hôtes.

Chez la famille Kim, on appelle ça se fondre dans le décor.

Cet art du déguisement est un des enjeux narratifs et vestimentaires du film. Mais ce n'est pas le seul. Car « Parasite » nous ouvre aussi les portes d'un nouveau monde stylistique. Geoffrey s'était déjà penché sur les spécificités du style asiatique dans cette vidéo :

Si vous aimez les coupes oversize de la marque COS, vous découvrirez dans les crédits de fin d'autres pistes oversized, une foule de marques inconnues et de possibles belles découvertes dédiées aux volumes. Alors, trois bonnes raisons de (re)voir « Parasite » pour le vêtement ?

1. UN BEL APERÇU D'UN CERTAIN STYLE CORÉEN

Vous l'avez compris : le style est plutôt à chercher chez la famille la plus gourmande en vêtements, les Park. Mais comme on l'a souligné plus haut, la famille Kim ne manque pas de ressources. Les enfants en particulier sont de véritables caméléons.

Que découvre-t-on au juste dans le vestiaire du film ? Des lignes épurées, des couleurs bien senties, des cols officiers et des costumes homme, des chemisettes femme et des pantalons larges. Les tenues femme, celles de Cho Yeo-jeong en particulier, valent à elles seules le détour.

Certains parmi vous connaissent peut-être de la Corée les marques Wooyoungmi ou Bastong. Les plus curieux découvriront une multitude de marques asiatiques passionnantes dans les crédits du film.

Parmi elle, il y a la maison japonaise Snow Peak, bien connue des amateurs d'outdoor. Mais on fait également des découvertes plus locales, comme FrizmWorks ou J.Rium, chacune proposant son lot d'ampleur et de jolies matières.

Si la Corée du Sud vous intrigue, vous pouvez aussi jeter un œil sur les excellentes marques Document ou Sortie, ou plus proche de nous, vous rapprocher de See-Fan à Paris, qui distribue uniquement des marques de mode coréennes.

Pour compléter, et parce qu'on a déjà testé au moins une des belles marques listées plus haut, Jordan vous parle de sa parka Bastong ici :

2. LA FONCTION SOCIALE DU VÊTEMENT, LE RETOUR

Si « Parasite » nous fait découvrir une autre vision du vêtement, il développe aussi son histoire autour de la notion toujours tenace de classes. Les Kim sont pauvres, les Park richissimes et vous ne tarderez pas à comprendre tout ce que cela implique dans le vestiaire de chacun.

Mais les Kim sont rusés : le vêtement est ici un véritable cheval de Troie. Pour infiltrer la maison des Park, ils n'hésitent donc pas à en utiliser les codes culturels et l'illusion est à ce point parfaite qu'ils parviennent tous à incruster la luxueuse maison de leurs hôtes. Peut-on réellement se déguiser sans trahir ses origines ?

Le film illustre ici à merveille la fonction sociale du vêtement. C'est une vieille rengaine, qui trouve encore un certain écho dès lors qu'on s'approche des sphères les plus puissantes et aisées de la société.

Pour la famille Park, c'est une évidence liée à une certaine éducation. Pour les Kim, c'est un apprentissage opportuniste et accéléré : ils apprennent les mots et les manières sur le tas, en grande partie sur Internet. Alors, le vêtement a-t-il réellement des super pouvoirs ? Un début de réponse ici :

1. LA MODE ET LA DÉCO, TOUJOURS MAIN DANS LA MAIN

« Parasite » joue sur les oppositions de la même manière dès qu'il s'agit de nourriture et de décoration intérieure. Il suffit de voir l'écart abyssal qui sépare le sous-sol miteux des Kim et la très spacieuse maison des Park.

C'est bien évidemment volontaire. Bong Joon-ho et son équipe ont particulièrement travaillé ce point - la maison est une histoire en soi, qui plaira aux fans d'architecture et de design.

Chez les Park, tout est donc décoré avec goût, luxe, calme et volupté. Ils possèdent en outre un bel espace vert, de larges baies vitrées, un salon grand comme un appartement et, petite coquetterie supplémentaire,des rangements cinq étoiles pour les vêtements, les sacs à main ou... la vaisselle.

Pour autant, il y a là une cohérence évidente. D'une certaine manière, leur foyer est à l'image de leur style et de leurs tenues : un subtil mariage d'aisance, de matières naturelles et de couleurs apaisantes. Ce qui nous amène à une autre évidence : la décoration intérieure et la mode sont complémentaires.

Petite astuce personnelle : quand j'hésite sur une association de couleurs, je vais généralement chercher la réponse sur des sites de déco. Pour d'autres conseils sur le sujet, c'est ici :

… POUR EN ÉLABORER DES TENUES INSPIRANTES

Les plus belles tenues du film, vous les trouverez chez les actrices, Park So-dam et Cho Yeo-jeong en particulier. De beaux volumes, des pièces élégantes. Avis à nos lectrices : vous aurez possiblement envie de vous mettre à la chemisette et à l'ampleur cet été.

Mais le conseil fonctionne aussi pour les hommes - un aperçu , pour rester dans le cinéma. Ceci étant, l'histoire de « Parasite » ne s'arrête pas tout à fait au cadre du film.

Car on retrouve Cho Yeo-jeong en couverture du magazine de mode W Magazine peu de temps après : elle est assise dans un fauteuil recouvert de plastique, porte une combinaison noire et blanche Céline par Heidi Slimane avec des gants de type ménager.

Ce shooting a été dirigé par Bong Joon-ho lui-même, avec l'idée de proposer à travers ce travail une sorte de suite à « Parasite ». Sans surprise : même souci de la mode et de l'esthétique. La série de photographies est toujours à découvrir ici et témoigne si besoin était des liens étroits entre la mode et le cinéma

Jérôme Olivier Jérôme Olivier
Jérôme Olivier, ciné, velours et rock'n'roll

Ex-caviste et rock critic de poche, grand amateur de films et de chats sibériens, je crée des e-mails et je m'intéresse aux petites histoires qui vont avec les vêtements.

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