Manufacture Métis : vous avez dit authentique ?

Manufacture Métis : vous avez dit authentique ?

La semaine prochaine, nous vous présenterons nos espadrilles un peu particulières, en collaboration avec une marque que nous allons dévoiler d'ici peu. En plus de leur construction atypique, c'est un tissu tissé en France qui les habille.

Et le tisseur derrière, Manufacture Métis, a une histoire assez incroyable, faite de ténacité, de persévérance, d'auto-formation, mais aussi d'épreuves en tout genre.

Avant de vous parler du tissu nos espadrilles de la semaine prochaine, on s'est donc dit que l'histoire de Manufacture Métis valait la peine d'être racontée, et partagée, car elle illustre à quel point la France peut accueillir des savoir-faire uniques et singuliers, quand on fait preuve d'une bonne dose de courage et de résilience.

Et c'est Mathieu qui va vous raconter son histoire.

Benoît

Bienvenue en Franche-Comté, dans la ville d’Etupes, où Cédric Plumey a installé sa Manufacture Métis et s’emploie à donner une nouvelle vie à de vieilles machines. Un objectif : donner au tissu son lustre d’antan.

La Manufacture Métis, c’est la rencontre de deux histoires, celle de machines à tisser oubliées et celle de Cédric, que la recherche de l’authentique a mené jusqu’à ces engins d’une autre époque.

L'aventure débute en 2014, avec un master de gestion en poche à la sortie d’une école supérieure de commerce et deux années passées chez Vuitton, Cédric Plumey opte pour une autre vie, un autre décor. Son objectif est clair : faire du tissu.

Il décide alors de quitter Paris et la carrière qui l'attend, de retourner dans sa région d'origine et de monter son atelier de tissage.

"Je suis revenu chez moi pour lancer mon projet. Tu ne peux pas avoir un atelier de 300 m2 à Paris et travailler tout seul. L'environnement serait en plus moins agréable. Je ne me voyais pas vivre là-bas."

Sans formation particulière dans le domaine mais avec une envie débordante, il commence son apprentissage théorique en se plongeant dans des livres anciens des années 30 et 40 de cours d’ingénieurs textiles trouvés sur le Bon coin ou Amazon. Il rencontre aussi des personnes du métier.

La particularité de la Manufacture Métis ? Elle repose sur d’anciennes machines textiles rénovées et remises en état de fonctionnement.

Cédric Plumey a couru le monde pour acheter, démonter, remonter et adapter des machines à tisser, des bobinoirs, un ourdissoir et d’autres machines dont l’origine remonte au début du XXe. Sa dizaine de machines provient de France, du Royaume-Uni, de Belgique, de Suisse.

Il se familiarise avec la mécanique pendant des mois entiers, retape les machines (un travail qui prend 2 semaines pour les plus simples, deux mois pour les plus compliquées) avant de démarrer sa production.

L’ensemble des étapes de préparation et de tissage sont réalisées en interne, depuis les bobines de fils jusqu’à l’étoffe. Les premières commandes arrivent fin 2017.

Un des premiers tissus qu’il a produit est du tissu selvedge avec d'anciennes machines à navette. Pour lui, l’ancien a cet avantage de créer une plus grande densité de tissage, avec un caractère, un toucher et un aspect plus affirmés, visibles sur les tissus anciens, et qu'il essaie de reproduire.

Mais "au début la réalité m'a rattrapé, j'ai fait ce qu'on me demandait pour pouvoir vendre et m'en sortir" concède-t-il avant de rappeler que sa base de travail repose sur tout un archivage de tissus anciens français, des collections faites au fil du temps, des échantillons anciens des années 1900 à 1960.

« D'un point de vue technique, ces tissus sont tout simplement plus beaux que ceux produits sur les machines modernes. A ceci s'ajoute toute l'histoire qu'ils racontent. ».

ourdissoir tissu

Ourdissoir sectionnel.

Les tissus sont développés à partir de sélection de fibres naturelles dont font partie les cotons, les lins, les laines et les soies, en provenance de filatures européennes.

"J'essaie de choisir de manière la plus écologique et responsable possible" avec du coton bio, du coton recyclé, en faisant beaucoup de tests pour choisir les matières.

La laine est achetée en Angleterre et en Italie, le coton acheté en Allemagne mais pousse en Turquie (dont la certification est plus sûre), le lin pousse en France et est filé en Pologne.

Et bien sûr, les tissus « métis », fabriqués à partir de fibres de natures différentes (coton/lin), ont une bonne place. « C’est tout simplement ce que j’aime faire, et c’est pour cela que j’ai donné ce nom — en plus du fait que ça sonnait bien — un tissu produit de divers mélanges pour créer des textures plus intéressantes ».

Bobinoir pour soieries.

Bobinoir pour soieries.

On le sent quand on discute avec Cédric, la recherche de la qualité passe avant tout, un perfectionnisme qui explique une telle témérité. "Je ne suis jamais content de ce que je fais mais c'est essentiel si tu ne veux pas stagner".

Depuis le départ, c’est la persévérance qui semble être le fil conducteur de son destin de tisseur. Car la marche fut longue, parfois douloureuse, il lui a fallu environ un an et demi pour se rôder.

« Des obstacles au point de vue technique, surtout, et commercial, tu en as plein dans le tissage.
Je ne les compte plus. Plusieurs fois je me suis posé des questions, j’ai voulu arrêter, donc il faut persévérer, se donner des objectifs et les moyens de les réaliser coûte que coûte, avoir un plan ».

Il a vécu la production de son premier tissu - « une toile blanche toute simple » me dit-il -, comme une véritable victoire. Il l'a gardé en souvenir d'ailleurs.

Mécanismes d'un métier à tisser Picanol.

Mécanismes d'un métier à tisser Picanol.

Depuis fin 2019, Cédric peut  "vivre de son travail" et a trouvé son rythme de croisière. Touche-à-tout, un brin solitaire, il s’occupe à la fois de la production en atelier, des relations commerciales, de la comptabilité, de la communication, de son site web.

Les journées sont longues et chargées.

"Travailler seul ne me dérange pas, après je ne dis pas que je travaillerai avec personne mais ce n'est pas à l'ordre du jour, je m'en sors bien comme ça".

Il ne faut pas oublier en plus les difficultés de recrutement dans le textile, "il y a très peu de jeunes qui se lancent, la moyenne d'âge c'est plutôt 50/60 ans, donc ce ne serait pas évident de trouver d'autres salariés de toute façon". Le confinement ne lui a donc pas posé de problème, c'était facile de faire de la distanciation sociale...

Les carnets de commandes sont pleins malgré la crise sanitaire. La demande n'a pas faibli, seulement quelques clients ont eu des difficultés à payer.

Dans les prochains mois, la Manufacture Métis devrait étoffer sa gamme, avec de nouvelles machines, et commencer à vendre aux particuliers ou aux semi-professionnels, notamment à des petits créateurs qui font des petites quantités, et après pourquoi pas des produits finis, du type linge de maison ou accessoires.

L’histoire ne risque donc pas de s’arrêter : "toute création authentique est un cadeau pour le futur" écrivait Camus. La Manufacture Métis le prouve.

A suivre…

J’espère que la découverte de cette aventure vous a autant touché que nous.

De notre côté, quand on a vu tout ça, on s’est promis de travailler avec Cédric un jour.

On l’a fait pour nos espadrilles en collaboration avec E**a***l**, avec trois tissus que je trouve superbes ! Je vous garde la surprise 😉

À la semaine prochaine

Benoît

Benoit

Mathieu Z, contributeur BonneGueule

Plus habitué au costume-cravate des Copil, Comex et autres Codir qu'aux looks stylés de BonneGueule, vous me verrez plus écrire sur l'éco et la RSE que sur la flanelle ou le port des sneakers. Je me donne deux mois chez BonneGueule pour remonter la pente du style. J'y crois.

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