"Selvedge".
Voilà un mot que l'on entend régulièrement lorsque l'on s'intéresse de près à la mode masculine.
"Tu veux commencer une nouvelle garde-robe ? Commence par un bon jean selvedge !"
Tout le monde vous en parlera, de l'amateur fraîchement initié jusqu'au vétéran de la sape. C'est presque un mot mystique qu'on invoque, une forme d'argument d'autorité.
Les néophytes se demanderont peut-être : pourquoi absolument du selvedge ? Et qu'est-ce que c'est au juste ? Est-ce que c'est vraiment mieux que du denim normal ?
Nous allons ici prendre le temps pour répondre à ces questions.
Commençons par la base.
QU'EST-CE QUE LE SELVEDGE ?
Le mot "selvedge" est la contraction de l'expression "self-finished edge", ce qui signifie littéralement "bordure finie sur elle-même".
Une toile selvedge désigne donc une toile dotée d'une bordure finie, à l'opposé d'une bordure non finie donc, sur laquelle la toile s'effiloche. Et c'est cette bordure qui forme le fameux "liseré selvedge".
Il parcourt toute la longueur de la toile, des deux côtés.
Mais une image vaut mille mots :
A gauche, la toile selvedge. Le liseré vient finir le bord de la toile.
A droite, une toile non selvedge. Vous voyez que les bords ne sont pas finis, et qu'ils s'effilochent (une petite couture a été ajoutée pour stopper l'effilochage).
POURQUOI LA TOILE SELVEDGE EST AUSSI CHÈRE ?
Il vient naturellement une question : "comment une simple bordure de toile peut justifier une telle différence de prix ?"
On trouve rarement des jeans selvedge sous les 100€, exception faite des grandes chaînes d'entrée de gamme qui réussissent à les proposer à 50-60€ (on en parlera plus en détails après). Ce sont généralement des toiles turques, parfois italiennes pour les rapports qualité/prix les plus intéressants.
En comparaison, le marché foisonne de jeans industriels -non selvedge- à 40€.
Si vous cherchez spécifiquement une toile japonaise, c'est quasiment impossible d'en trouver en dessous de 130€. C'est déjà un progrès par rapport au temps où les bonnes toiles japonaises étaient introuvables en dessous de 150€.
Concrètement, ce n'est pas la bordure en elle-même qui rend votre jean cher : c'est tout ce qu'implique la fabrication des toiles selvedge.
DES MÉTIERS À TISSER LENTS ET PEU RENTABLES
Voyons d'abord comment le denim est tissé.
Comme pour n'importe quel tissu, le fil de trame (sur le denim, c'est le fil blanc, qui ressort plus sur la face intérieure) doit faire des aller-retour de chaque côté du métier à tisser, à grande vitesse, ce qui l'enchevêtre dans le fil de chaîne (sur le denim, c'est le fil bleu, qui ressort plus sur la face extérieure), et crée le tissage.
Les fils de chaîne (en noir) sont alignés sur le métier en parallèle, et ce sont les fils de trame (en blanc) qui bougent pour les traverser.
Sur les métiers vintage, l'objet qui transporte le fil de chaque côté est appelé une "navette". Et cette petite navette, réalisée en bois lisse pour ne pas abimer les fils, n'est capable de réaliser "que" 100 allers-retours par minute. Sa particularité est de passer par le dessus du métier à tisser, puis en dessous.
Sur l'illustration C, vous pouvez voir ce moment où la navette "enroule" le fil de trame au tour du dernier fil de chaîne, ce qui termine la bordure ! Crédits : Encyclopédie Britannica.
Lorsque la navette fait ce "tour", elle crée une sorte de boucle sur le bord de la toile. C'est cette boucle qui finit le selvedge, verrouillant ainsi la bordure du jean.
Vu comme ça, c'est beaucoup plus simple : vous voyez, la navette va emmener les fils blancs dans le sens de la largeur pour traverser les fils bleus, faire le tour et repartir dans l'autre sens, ce qui créera la bordure finie. D'ailleurs, on obtient différents types de liserés selvedge en juxtaposant différentes couleurs de fils sur les bords du métier à tisser. Ici, le classique blanc-rouge-blanc.
Maintenant, comparez ça à un métier industriel moderne.
Finie la navette : à la place, les fils sont propulsés par un jet d'air à forte pression dans une séquence qui permet de reproduire cet enchevêtrement qui forme la toile, mais sans faire le tour du métier. Ils ne font qu'un aller simple au lieu d'un aller-retour ! Et qui dit "pas de tour" dit "pas de bordure finie", et donc... pas de selvedge !
En contrepartie, ces métiers à tisser modernes offrent l'avantage colossal de réaliser 600 à 1.000 projections par minute.
Les métiers à tisser vintage sont donc au moins six fois plus lents.
Et comme pour n'importe quelle autre industrie, "le temps, c'est de l'argent". Une toile plus lente à produire doit être vendue plus chère pour amortir le coût du travail supplémentaire.
En plus de ça, les rouleaux de toile selvedge ont une laize normalement comprise entre 70 et 80cm... Contre 150 à 160cm pour une toile industrielle, dont les métiers à projectiles tissent des rouleaux bien plus larges.
En résumé, les métiers vintage produisent deux fois moins de tissu, au moins six fois moins vite...
Si on grossit vraiment le trait on pourrait dire que c'est douze fois moins rentable.
A votre avis, quel jean coûtera le plus cher à produire ? Celui dont la toile est produite par une machine qui tisse 1m60 de tissu à la fois, ou celui dont la toile est faite par une machine qui tisse 80cm à la fois ? Et plus lentement, qui plus est.
"On ne peut pas moderniser les métiers à selvedge grâce à la technologie pour les faire aller plus vite, et augmenter le rendement ?"
Très bonne question.
Effectivement, on pourrait en théorie faire des machines plus performantes, dont la navette irait encore plus vite, et qui produiraient sur des rouleaux plus larges, tout en étant selvedge quand même.
Le problème est que la lenteur du tissage est intimement liée au grain de la matière.
Si vous accélérez la vitesse du métier à tisser, la trajectoire des fils sera alors plus stable. Si la trajectoire est plus stable, alors elle sera plus droite... et donc plus régulière.
En d'autres termes, plus votre denim est tissé à haute vitesse, plus vous obtenez une toile lisse et régulière... soit tout le contraire du charme authentique qui fait la réputation du selvedge.
Pour encore compliquer l'affaire, si l'on veut que le liseré selvedge apparaisse sur le jean, il faut que chaque côté de chaque jambe (faite chacune de deux grandes pièces de denim) soit découpé de façon à ce que le liseré soit présent dans toute sa longueur.
Conséquence : le tissu ne peut pas toujours être utilisé de la façon la plus économique possible. Sur chaque jean, quelques dizaines de cm² sont inutilisables.
Cela peut vous paraître négligeable à l'échelle d'un seul jean, mais sur la production de centaines ou de milliers d'unités, toute cette toile peut représenter un sacré budget.
Ici, le tracé du découpage des différentes pièces d'un jean dans un rouleau de tissu sevledge.
Chaque pièce qui compose la jambe doit obligatoirement être découpée sur le bord pour que le liseré selvedge apparaisse, ce qui complique la tâche quand il s'agit d'optimiser au maximum l'emploi du tissu. (En bas, les parties avant des jambes droite et gauche, et en haut, leurs faces arrière correspondantes)
C'est aussi pour cela que sur des jeans ou des vestes en denim haut de gamme, l'ajout de détails selvedge appréciés des amateurs (intérieur des poches, gorge de la veste, pocket ticket...) entraîne un coût supplémentaire. On comprend mieux pourquoi certaines marques les rendent les plus apparents possibles, afin de faire de l'œil aux initiés.
Le selvedge est parfois détourné comme une "signature" par les marques, ou comme un moyen d'afficher le soin donné aux détails. Les jeans Gustin, par exemple, ont tous un passant de ceinture doté d'un liseré selvedge. Crédits : Gustin.
Maintenant que vous savez tout ce qui fait qu'un tissu selvedge est cher, abordons maintenant ce qui rend les selvedge japonais encore plus recherchés... et onéreux !
LE SELVEDGE JAPONAIS : SAVOIR-FAIRE EXCLUSIF ET RÉALITÉS ÉCONOMIQUES
Si les arguments de la lenteur de production et des faibles quantités de toile utilisable s'appliquent toujours, il faut aussi tenir compte des facteurs inhérents à la situation économique au Japon.
Tout d'abord, cette main d'œuvre textile japonaise est rare et vieillissante (de moins en moins d'hommes et de femmes savent opérer sur ces machines).
De plus, le coût du travail d'un ouvrier travaillant dans un pays avec une économie développée et mondialisée ne peut pas être le même que celui d'un ouvrier travaillant dans un pays en voie de développement.
Pensez-y la prochaine fois que vous essayez de comprendre le prix d'un jean selvedge japonais à côté d'un jean fait dans une toile turque.
Mais si c'est si cher, me direz-vous, pourquoi ne pas tout simplement faire du selvedge comme les japonais... mais ailleurs qu'au Japon ? Eh bien ça se fait, mais il y a certaines limites.
© Crédits Heddels
Ce n'est pas qu'une question de matériel... La qualification de la main d'œuvre a un impact primordial sur l'aspect qu'aura votre denim
Voici une petite anecdote.
Benoît, le cofondateur de BonneGueule, visitait l'usine d'un tisseur français, producteur de denim "made in France". Il lui a demandé pourquoi, malgré le fait qu'il utilisait des métiers selvedge vintage, il ne parvenait pas à recréer un grain et une texture aussi marqués que ceux des japonais.
Le patron lui répondit tout simplement que même en utilisant les mêmes métiers à tisser que les japonais, l'aptitude à les paramétrer était une compétence essentielle pour créer du relief dans le denim.
Or ces aptitudes sont peu répandues en dehors des usines japonaises : ce sont des secrets professionnels jalousement gardés.
De plus, il lui fit remarquer qu'avoir un denim texturé n'est pas qu'une question de tissage : avec tout le savoir-faire dans la sélection de la variété des cotons, le filage, et la teinture, les fils des tisseurs japonais jouent un rôle primordial dans l'aspect final qu'aura la toile.
Le filage est donc tout aussi important que le tissage.
Un métier à tisser selvedge actionné manuellement. On ne fait pas plus vintage, ni plus lent et compliqué. Crédits : Momotaro Gold Label.
POUR RÉSUMER
Voici ce qui fait que la toile selvedge est beaucoup plus chère que la toile denim standard :
• Des rouleaux de tissus deux fois moins larges,
• Une production six fois plus lente,
• Une main d'œuvre qualifiée de plus en plus rare et coûteuse,
• Un savoir-faire difficile à reproduire en dehors du Japon si l'on veut le même aspect (fils japonais, connaissances techniques peu diffusées).
Vous savez maintenant pourquoi c'est une denrée si coûteuse.
Abordons maintenant ce qui a fait le succès du selvedge.
LE PETIT LISERÉ QUI MONTE, QUI MONTE...
Nous n'allons pas nous attarder sur l'histoire du selvedge, car elle ne sert pas au propos de cet article.
Pour être brefs : originaire des états-unis, la toile selvedge a été repris par les japonais qui ont voulu reproduire l'esthétique "vintage" américaine, pour au final l'emmener encore plus loin que l'originale.
Ce parcours, c'est l'histoire de tout le style "Ametora", qui est expliquée en détails dans le livre du même nom, "Ametora: How Japan Saved American Style", par W. David Marx. C'est un ouvrage que l'on vous recommande chaudement depuis des années chez BonneGueule. Si vous voulez comprendre l'histoire du selvedge, mais aussi de la mode au Japon dans un sens plus large, c'est le livre qu'il vous faut !
Amateurs de denim et de style japonais vintage... Lisez absolument ce livre ! Toute l'histoire est là.
Pourquoi le selvedge a été élevé au rang de must-have ? Comment est-ce qu'un mot de pur jargon textile désignant une technique du passé est devenu une sorte de standard du marché ?
Jusqu'au début des années 2000, pratiquement personne n'était capable de dire ce qu'était le selvedge, à part quelques professionnels du textile et des fous de vêtements de reproduction vintage.
Ce sont en fait les blogs de mode masculine et les forums qui ont été à l'origine de sa démocratisation.
La toute première collab' de BonneGueule avec Renhsen, une marque à l'époque réputée pour être une des rares à proposer du selvedge en France. C'était en 2012... Le marché a beaucoup changé depuis.
Désireux de comprendre le style masculin à une époque où il est totalement délaissé des médias, plusieurs amateurs se sont mis à essayer d'établir des standards, des conseils à suivre pour les hommes avides de soigner leur style : quelle est la bonne longueur d'un manteau ? Quelles couleurs porter ? A quoi ressemble un trench-coat ?
Dans cet élan de curiosité, certains se sont intéressés aux racines du jean - peut-être le vêtement iconique de notre ère - pour tenter d'en trouver la quintessence.
Aux alentours des années 2010, les forums puis les blogs ont fini par laisser leur empreinte sur le marché : de plus en plus de marques haut de gamme se targuent de proposer du denim japonais ou de la toile selvedge. C'est devenu un objet de désir aux yeux du consommateur un peu pointu.
Pendant très longtemps, le selvedge était l'apanage d'une poignée de marques de puristes telles que Big John. Même les labels "maîtres" du denim japonais tels que Momotaro ou Pure Blue Japan sont finalement assez récents (moins de 20 ans). Crédits : Big John
Et tout naturellement, le phénomène n'a fait que s'amplifier...
C'est aux alentours de 2015 que le selvedge était devenu quelque chose de commun.
Après Uniqlo et ses selvedge japonais à 80€, Gap s'y était mis. Des marques comme Gustin se lançaient, et le concept entier reposait sur la faculté de la marque à vendre des jeans en selvedge américain à moins de 100€.
Finalement, la popularité du selvedge est intimement liée au changement de notre façon de consommer l'information : sans l'accès à internet dans tous les foyers, sans cette façon qu'a le consommateur de s'éduquer lui-même avec des recherches toujours plus pointues, de s'organiser en communautés, en forums... nous n'aurions jamais été témoins de l'avènement du "phénomène selvedge".
Porter le jean avec un revers apparent, plus court... Une silhouette qui vous paraîtra on ne peut plus normale de nos jours. Si les puristes du denim n'avaient pas été là pour retrousser leurs jeans et montrer le selvedge, cette façon de faire ne serait peut-être jamais passée dans les mœurs.
QUELS SONT LES ATOUTS DU SELVEDGE ?
"On a compris pourquoi le selvedge était cher, et pourquoi c'était très recherché. Mais concrètement, quels avantages a-t-on en achetant du selvedge plutôt que du denim standard ?"
Voici une autre question tout à fait légitime. Allons-y point par point.
PLUS DE DURABILITÉ
Tout d'abord, les selvedge ont la réputation d'être un peu plus solides.
On lit un peu partout sur internet que le liseré y est pour quelque chose, puisque la toile ne s'effiloche pas lors de son tissage. Son intégrité serait donc mieux préservée, et il en serait plus durable.
Or, ce qui fait que les selvedge sont souvent plus résistants, c'est surtout que ce sont souvent des toiles plus lourdes.
Mécaniquement, ces matières plus denses augmentent la durée de vie de vos jeans.
Un jean Unbranded Brand 16oz. Ce genre de toiles très épaisses est évidemment beaucoup plus résistante que la toile industrielle non selvedge que l'on trouve en entrée de gamme. Crédits : Unbranded Brand.
UN CHARME AUTHENTIQUE
Lorsqu'elles sont respectées, la tradition et l'histoire du vêtement confèrent une authenticité à nos pièces.
Aux yeux des amateurs, ce simple petit liseré, c'est le signe d'un vêtement qui a été fabriqué pratiquement de la même façon depuis des décennies. Ce petit morceau d'histoire confère une âme au vêtement qui ne laisse pas tout le monde indifférent.
UN SIGNE DE QUALITÉ... OU PRESQUE
Si vous voulez les cotons les plus agréables, qui vieillissent le mieux, les plus belles teintures, les meilleures coupes, les jeans aux détails les plus soignés... Il y a de fortes chances que votre tout cela se trouve sur un jean à la toile selvedge.
En revanche, ça ne vous empêchera pas de tomber sur quelques toiles selvedge très moyennes, parfois même moins bonnes que les meilleurs denims industriels.
Ce jean Pure Blue Japan à plusieurs centaines d'euros est "selvedge". Le jean Uniqlo à 40€ est "selvedge" aussi. Mais évidemment, vous n'aurez pas le même rendu, le même grain et la même qualité sur le premier que sur le second. Crédits : Pure Blue Japan.
IL S'EMBELLIT AVEC LE TEMPS
La patine n'est pas tout à fait inhérente aux jeans selvedge, mais plutôt aux jeans bruts. On confond souvent l'un et l'autre (notamment parce que beaucoup de jeans bruts sont selvedge, et vice-versa), mais une toile brute est une toile qui n'a pas subi de lavage industriel, et dont la teinture (souvent bleu indigo) va progressivement déteindre de façon à laisser une patine progressive, qui embellira le jean avec le temps.
Dans notre article sur l'entretien du jean brut, nous vous expliquons ce phénomène plus en détail et nous vous donnons tous nos conseils pour bien faire vieillir vos jeans.
LES SELVEDGE D'ENTRÉE DE GAMME VALENT LE COUP ?
Nous arrivons à la dernière grande question que vous vous posez probablement : "Est-ce que ça vaut le coup d'investir une somme plus importante pour un jean selvedge ?"
En général, les selvedge d'entrée de gamme valent le coup. Lorsque vous les comparez à des jeans en toile industrielle du même prix, le détour vaut souvent le coup.
Au mieux, vous aurez tous les avantages listés plus haut pour pas cher. Et au pire, vous n'en aurez aucun sans pour autant avoir d'inconvénients particuliers. À choisir, autant le prendre.
Par contre, gardez en tête que cela n'atteindra pas "la même qualité" qu'un jean à trois fois son prix (à moins bien sûr de parler des marques qui sont trois fois trop chères pour ce qu'elles sont, mais elles sont rarement mentionnées dans nos colonnes...). Et ce même s'il y a écrit "denim japonais" sur l'étiquette.
Les marques de prêt à porter les moins vertueuses ont réussi à contourner le prix du selvedge : production délocalisée, compromis sur l'éthique, qualité intrinsèque moindre ... Gardez cela en tête au moment de l'achat.
FAUX SELVEDGE : CINQ FAÇONS DE SE PAYER VOTRE TÊTE
Nous allons vous montrer cinq exemples d'entourloupes sur le selvedge.
Comme nous sommes taquins, nous allons même noter sur 10 le niveau de fourberie de chaque jean.
Vous allez voir, certains fabricants peuvent aller loin dans la créativité pour imiter le selvedge...
Premier cas : "La Couture Sournoise"
Un bel exemple de la part de Polo Ralph Lauren... Une simple couture en bord de jambe, à laquelle on rajoute une seconde couture rouge pour faire illusion... Plus ou moins. 5/10 pour la créativité. Crédits : Polo Ralph Lauren.
Second cas : "La Technique du Masque"
Une bande de tissu épais ressemblant à un liseré selvedge est rajoutée par dessus la couture de jambe, en la masquant presque entièrement. Seuls les fils de confection jaunes qui pointent le bout de leur nez la trahissent. Une fourberie qui mérite un beau 8/10.
Troisième cas : "Les Ganses du Diable"
Une variation un peu plus crédible du premier cas présenté. Au lieu d'une couture blanche, on rajoute une ganse blanche sur la bordure, toujours surpiquée par une couture rouge pour rappeler les couleurs du selvedge. 6/10 pour l'effort.
Quatrième cas : "La Cordelette du Mal"
Ce jean est apparemment un faux selvedge taïwanais.
En rose et bleu vifs, vous voyez les petits poins de couture ton sur ton qui ont été posés pour souder la bordure de ces petites "cordelettes" à la couture de bas de jambe.
10/10 pour ce faux si travaillé : pourquoi, quitte à faire autant d'efforts, ils n'ont pas juste pris du vrai selvedge ?
Cinquième cas : "Le Négociateur"
C'est un des cas les plus fréquents, mais on ne peut pas parler exactement de "faux selvedge".
Ici, la marque monte bien un jean dans un vrai tissu selvedge mais, pour diminuer ses coûts d'emploi de matière, elle ne découpe pas la forme des jambes directement près du liseré. Au lieu de cela, elle récupère les chutes de tissu, et "greffe" le liseré après coup, en bas de jambe. 3/10 parce que vraiment, il manquait pas grand chose pour avoir l'air honnête.
PAYS D'ORIGINE ET FOURNISSEURS
Vous savez désormais reconnaître les supercheries par vous même.
Au-delà de la qualité de confection, voici les infos que vous devez garder en tête quand vous tombez sur du "vrai selvedge pas cher"...
Tous les selvedges ne sont pas japonais, ni américains (l'autre pays de renom pour du selvedge haut de gamme), ni italiens (moins haut de gamme que les deux autres, mais toujours bien reconnus, particulièrement pour le fournisseur Candiani).
Certaines marques peuvent très bien jouer la carte de l'ambiguïté : que penser par exemple d'un "selvedge réalisé dans la plus pure tradition" ? Ce sont des phrases que vous pourrez trouver sur les argumentaires de vente des marques et dont le but est de laisser entendre "japonais", sans explicitement le dire.
SANS OUBLIER NOS PROPRES JEANS...
Avec le denim selvedge artisanal, on ne rigole pas. Alors on est allé le chercher sur place, chez Kurabo et Kuroki, dans la préfecture d’Okayama au Japon. Nous avons aussi une approche écologique, avec des toiles selvedge de chez Candiani, la filature la plus propre au Monde, située dans un parc naturel italien.
Et voilà ! Vous maîtrisez désormais toutes les subtilités des toiles selvedges. En théorie, vous n'achèterez plus jamais un jean de la même façon. N'hésitez pas à nous donner votre précieux avis dans les commentaires, nous y répondrons avec grand plaisir.