Guide pour se mettre au mocassin

À l'occasion de la sortie de nos nouveaux mocassins Wembley noirs et bordeaux, nous vous emmenons à la (re)découverte d'une chaussure qui a bien des choses à raconter. Voici nos conseils pour que vous puissiez trouver (que ce soit chez nous ou ailleurs) la paire qui donnera un nouveau souffle à votre style.

Les temps changent.

Alors qu’avant on me crachait au visage à cause de mes pieds mocassinnés, on m’ovationne aujourd’hui dans la rue.

Cette phrase d’introduction est peut-être UN PEU exagérée. La vérité, c’est que s’il y a peu le mocassin vous plaçait directement et injustement dans la case “bourgeois” ou encore “de droite”, aujourd’hui les frontières sont floues. On ne sait plus sur quel pied danser (ni avec quelles chaussures, du coup).

Toujours plus difficile de coller des stéréotypes sur des gens qui n’ont rien en commun sinon l’amour qu’ils portent au mocassin.

Il suffit d’ouvrir TikTok pour voir que le cliché ne tient plus. Le mocassin est partout. Les utilisateurs l’aiment et le twistent.

D’ailleurs, il n’y a pas qu’eux : avant eux, il y avait A Kind of Guise.

homme en pull sans manche marine et pantalon marron

Et plus mémorable encore, il y avait Aimé Leon Dore. Cette marque new-yorkaise du Queens créée en 2014 et vers laquelle tous les yeux se tournent aujourd’hui.

homme en costume et mocassins bi-colores

Et sans dire que c’est entièrement grâce à eux non plus qu’il revient en grâce, disons que la marque a largement participé à son retour. De plus que le retour en grâce du style vestimentaire “old money” qui cartonne sur TikTok.

(Et j’aime à penser que j’ai aussi ma part de responsabilité, si infime soit-elle, dans l’ultra microcosme qui a vu le mocassin à mes pieds depuis que je les ai montrés sur les réseaux.)

“I see you” dirait Jake Sully dans Avatar. Désolé, je l’ai regardé hier soir.

Pour revenir à Aimé Leon Dore, ce n’est pas seulement eux, puisque ce n’est pas seulement le mocassin propret comme eux l’aiment qui revient (le penny loafer), c’est aussi le rock à la Dr. Martens ou Solovair, et c’est aussi le tout-terrain, muni de semelles commando.

mocassins à frange et pampille bordeaux

Bref, le mocassin quitte les salons pour se retrouver dans la rue et c’est avec une joie rugissante que j’écris ce texte pour ceux qui veulent le porter mais ne savent pas par où commencer.

Mais d’abord laissez-moi essayer de convaincre les autres.

4 raisons (objectives) qui prouvent que le mocassin est la forme de chaussures suprême :

1. Son histoire est riche

Porter un mocassin, c’est arpenter les couloirs des Universités Américaines dans les années 1930.

Le mocassin est un étendard du style Ivy League, conçu empiriquement et porté par les étudiants des Universités américaines dans les années 1920.

Les étudiants cherchent à porter des vêtements qui les singularisent de l’homme de Wall Street, toujours en gris, très austère. Ils cherchent une manière de s’habiller plus en corrélation avec leur manière de penser.

En 1936, les mocassins sont perçus comme bizarres et pourtant les étudiants les adoubent. On ne sait pas bien pourquoi, elles deviennent le symbole d’un des styles les plus reconnaissables et à la fois portables du XXème siècle, le style Ivy League (père fondateur du casual chic).

Billet – Ce que je ne vous ai pas dit sur le mocassin

Je m’arrête là pour l’histoire car on pourrait remonter encore plus loin mais cela devient incertain. Toutefois, je peux vous dire qu’on trouve des traces du mocassin en Arménie, au Canada, en Angleterre et en Norvège.

2. Pour la pureté de sa forme

Elle ne complexifie pas le pied car elle n’est pas complexe elle-même. C’est une forme pure qui allège le pied, sauf exceptions, et le propos stylistique.

On n’a pas le pied lourd en mocassin. Subitement, on est un danseur. On virevolte.

marty mcfly retour vers le futur mocassins costume noir gris

Le pantalon se finit par des pieds non déguisés. Le mocassin enveloppe le plus simplement et modestement du monde ce pied dont il ne cherche pas à trahir la forme.

Bref, pour le dire autrement, comme il est simple, il vous donne le loisir d’être plus complexe dans le reste de votre tenue. Plus libre en somme.

3. La puissance de son registre

Yasuto Kamoshita avec des mocassins

Le vestiaire général se casualise. Les CEOs de la Sillicon Valley sont en hoodies. Et les sneakers sont portées par tous. Dans ce contexte, on peut considérer que porter des Richelieu ou des Derbys éloigne trop de nos contemporains.

C’est là que le mocassin tire son épingle du jeu : plus formel que des sneakers, moins que des derbys, il vous habille juste un chouïa plus sans opérer de fracture trop grande avec les sneakers avec lesquelles il partage la souplesse et la facilité de port.

Personnellement, je considère les mocassins comme des sneakers mais en mieux. Je vous ai dit que c’était des raisons objectives ? J’ai menti.

4. Il s’enfile en un rien de temps

Peut-être que ce n’est pas un argument qui fait mouche. Que vous avez un lifestyle où rien ne dépasse et que votre quotidien est calculé juste pour avoir les 3 minutes qui vous permettent d’enfiler et lacer vos combat boots mais de mon côté :

  • parfois, la sonnette retentit car le livreur est là et je suis pied nu…
  • parfois (toujours), je suis en retard pour aller emmener ma fille chez la nounou…
  • parfois, j’ai mal au bas du dos à cause d’un faux mouvement au bowling…
  • parfois (jamais), ma Porsche est garée en double-file et je dois aller la déplacer car la fourrière arrive.

Pour toutes cette situation : mocassin > toutes les autres chaussures.

Par où commencer ?

Ou quel mocassin est fait pour vous ?

Une forme à éviter, le mocassin à picots

La connotation l’emporte sur une esthétique trop faible.

Les mocassins à picots sont appelés car shoes en anglais donc “chaussures pour conduire votre voiture”. Et c’est là où la connotation l’emporte, c’est que si vous avez des chaussures spéciales pour conduire votre voiture, cela vous singularise trop de la grande majorité des gens qui, soit prennent les transports en commun, soit ont effectivement une voiture mais n’imaginent pas d’avoir des chaussures spéciales pour la conduire.

Cela induit qu’on a plusieurs voitures et le lifestyle qui va avec. Bref, là le mocassin ne devient pas la chaussure de tout le monde mais d’1% de la population. Ce qui selon moi va à l’encontre des 4 raisons objectives relatées ci-dessus.

Et puis pardon mais des petits crampons de couleur criarde contrastant avec une cuir velours criard lui aussi, ce n’est pas de l’élégance, c’est porter le vêtement de tous les jours comme on porte un maillot de foot. La philosophie vestimentaire coince ici, à mon humble avis.

N°1 à avoir : le mocassin casual pour le quotidien

C’est le mocassin que j’ai le plus porté, surtout du printemps à l’automne : le penny loafer américain. C’est le modèle emblématique de l’Ivy et plus précisément représenté par un modèle : le Weejuns de G.H. Bass.

mocassin marron

On trouve aussi des penny loafers similaires chez Sebago, Septième Largeur, Orban’s, Velasca, Yuketen.

L’idée c’est d’avoir une chaussure molle, pratique et qui s’intègrera dans tous les styles. Vraiment tous. Je parle aussi bien de porter un jogging, qu’un jean, chino ou costume.

Quelques détails à bien choisir :

  • La forme : prenez quelque chose de relativement rond, pas pointu, quelque chose qui fasse naturel. Votre pied est en courbe, il n’est pas pointu. La chaussure doit lui rendre hommage.
  • La couleur : le marron foncé est une bonne option. Personnellement, je trouve que l’aubergine est encore mieux. Il donne plus de profondeur à vos tenues tout en allant avec toutes les couleurs de votre garde-robe.
  • Le cuir : un cuir lisse semble le plus approprié d’abord. Juste parce que c’est plus polyvalent dans le style que le cuir velours.
  • Le montage : l’idée ici est d’avoir quelque chose de très souple comme un blake ou un cousu mocassin.
  • Autre détail : sur ce type de mocassin je ne mets pas de patin ni de fer. Je préfère que ça reste bien souple. Même si ça veut dire que la semelle va se détériorer plus vite et que je ne vais pas forcément les porter quand il pleut. Pour ça, j’ai mon mocassin tout terrain : le Reims de Paraboot.

N°2 à avoir : le tout-terrain pour toute l’année

Pour moi, c’est le Reims de Paraboot. C’est celui que je porte le plus de l’automne au printemps. Quand le temps est moche, il est parfait.

chaussures en cuir marron rouge

Les caractéristiques que doit posséder ce mocassin :

  • Un cuir à l’épreuve de la pluie. Ici, c’est un Suportlo (de chez Degerman - sauf erreur de ma part, je n’ai pas réussi à confirmer l’information). Par Suportlo, comprendre “supporte l’eau” donc un cuir conçu pour résister à l’eau.
  • Un montage robuste et étanche. Ici, c’est un cousu Norvégien :
cousu norvégien schéma explicatif

Avec ça, les gouttes ne passent pas.

  • Une semelle anti-dérapante. Ici les semelles en caoutchouc de Paraboot font bien le job. Peut-être un peu moins que des semelles commando cela dit. Mais dans 99% des cas, c’est largement suffisant.

En alternative moins rustique à ces Reims, j’ai ce modèle qui coche pas mal de case également :

chaussures sans lacet mocassins noirs à mors argenté

C’est la même base que le tout premier mocassin Weejuns (d’ailleurs ce sont des G.H. Bass également) mais montée sur une semelle commando. Elles sont aussi dotées d’un cuir rectifié, donc enduit d’une membrane plastique, qui repousse l’eau efficacement.

Seul bémol : le montage n’est pas aussi solide et étanche que le cousu norvégien de la Paraboot.

Le mors sur le cou-de-pied est une fantaisie qu’on ne trouve pas sur tous les modèles de ce type, chez G.H. Bass, je précise.

N°3 à avoir : mocassin pour vos tenues formelles

(Par “tenue formelle”, j’entends costume ou alors un dépareillé vraiment habillé.)

Quand on aime le mocassin, on veut le porter tout le temps. Il y a toujours un avantage à porter le mocassin je trouve. Et avec un costume, on se distingue gentiment de la foule.

Le mocassin c’est pas aussi formel qu’un derby et beaucoup moins qu’un Richelieu. Pour faire les choses bien, avec un costume bien formel, il faudrait mettre des Richelieux et certains voient comme une hérésie de ne serait-ce que penser à y associer des mocassins.

Mais personnellement, j’aime justement jouer dangereusement avec les registres esthétiques. Toutefois, il ne faut pas faire n’importe quoi.

Si votre costume est décontracté : coupe ample, matière molle pas forcément en laine, pas de padding dans les épaules, pas de structure rigide nulle part, la première paire de mocassin est tout à fait possible ici.

Cependant, si vous aimez les costumes formelles, le bleu marine, deux ou trois pièces, avec de la structure, une coupe au scalpel, de la tenue, alors je pense qu’il vous faut des mocassins un peu plus formels que les premiers et surtout beaucoup plus que les deuxièmes.

Pour cela, je conseille :

pantalon noir et mocassins noirs

Un penny loafer épuré. Celui-ci vient de chez Morjas. Alternative à trouver chez Septième Largeur (le Nicodème et Classic Moc), Velasca, Crockett and Jones (le Boston, le Sydney, Grantham 2), Aubercy (le Lupin), Carmina (le Penny Loafer (ou full strap penny loafer), John Lobb (le Lopez).

Les caractéristiques du mocassin qu’il vous faut pour ce type de tenues :

  • Un cuir lisse pleine fleur (non rectifié) dans une couleur sobre et sombre : un noir par exemple ou aubergine ou marron foncé.
  • Une semelle en cuir (munie d’un patin et d’un fer pour plus de longévité et éviter de glisser sur les parquets et trottoirs humides).
  • Un cousu blake ou goodyear discret. Le cousu Norvégien est vraiment très imposant dans l’esthétique de la chaussure. Là, il faut privilégier l’épure.
  • Pour la forme de la chaussure, quelque chose de profilé si vous aimez ces formes et sinon un bel oval, à l’image de ces Morjas ci-dessus.
  • Les coutures et détails

Avec ces trois paires, vous pouvez portez des mocassins dans toutes les situations. Tout le reste est superflu. Mais c'est là que le plaisir (coupable) commence.

Florilège de silhouettes avec des mocassins :

Mes contributions précédentes sur le mocassin :
- Panache : comment bien les porter

- Éloge du mocassin

Jordan Maurin Jordan Maurin
Jordan Maurin, Monsieur Panache

"Les vêtements sont là pour s'amuser, alors amusez-vous", c'est la phrase que j'ai prononcée le plus dans mes vidéos. Le style n'est pas un ensemble de règles, c'est un champ des possibles. Vous pouvez tout porter, il suffit de trouver votre manière !

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