DJs, style et platines : 11 looks épiques à découvrir

DJs, style et platines : 11 looks épiques à découvrir
Y a-t-il une vie pour le style derrière les platines ? Un des stéréotypes vestimentaires de la musique électronique voudrait qu'il ne soit question que de tee-shirts, de casquettes ou de hoodies. Qu'en est-il ? Réponse en musique et en images dans ce nouvel épisode de Pochette avec invité « surprise ».

(Crédit photo couverture : le duo Justice en concert à Paris, AccorHotels Arena, 2017 - IMAGO / PanoramiC)

Petite séquence nostalgie. Il y a un peu plus d'un an, je glissais le premier épisode de Pochette dans les colonnes de BonneGueule, avec l'envie de tisser des liens entre la musique et le vêtement à travers l'exemple d'une pièce iconique : le Perfecto. Depuis, pas mal d'articles ont suivi, souvent autour du rock mais pas seulement. Et c'est parfois même devenu un sujet de podcast.

Malgré mon background estampillé « indie rock », ce n'est pas nécessairement ce que j'écoute le plus chez moi. J'ai par exemple une affection particulière pour la musique ambient et ce qu'on appelle l'IDM. Si je devais me lancer dans une playlist dédiée aux musiques électroniques, il y aurait donc probablement des disques du duo Boards Of Canada ou du label allemand Kompakt et bien d'autres petites choses comme celle-ci :

Mais ce n'est pas cette playlist-là que je vais vous présenter aujourd'hui. Car je ne suis pas le seul à m'intéresser à la musique électronique chez BonneGueule.

Mon invité surprise, vous le connaissez bien : il s'appelle Ed Bangers Records.

Ils portaient des Électro, de Kraftwerk à Daft Punk » issu de l'exposition du même nom à la Philarmonie de Paris ».

S'il fallait résumer la passion de Michel en une dizaine de looks et de morceaux, ça donnerait ce que vous allez découvrir maintenant : des évidences, des découvertes et quelques surprises vestimentaires. De quoi peut-être casser les images d'Epinal sur le style de ceux qui font la musique electro, ici volontiers explorée sur son versant épique.

LA PLAYLIST, 11 LOOKS ET MORCEAUX À (RE)DÉCOUVRIR

1. JUSTICE

Justice est un duo français formé par Gaspard Augé et Xavier de Rosnay. Leur premier album déboule en 2007, porté par le tube « D.A.N.C.E. ». Tout un programme, qui ne s'arrête pas à la musique : l'esthétique du groupe est puissante et aisément identifiable, notamment en concerts.

Du noir, une croix lumineuse, et comme vous allez le (re)découvrir à travers les mots de Michel un sens du style en partie hérité des groupes... à guitares. Une hérésie ?

À vrai dire, Justice n'a aucun mal à jouer sur les scènes des festivals de rock. Même énergie. Depuis la French Touch inaugurée à la fin des années 90 par Air, Daft Punk ou Etienne de Crecy, la musique électronique française s'est par ailleurs très largement démocratisée. Le style aussi.

Pour autant, si la French Touch rayonne à l'international à la fin des années 90, la mode n'est pas nécessairement une préoccupation majeure pour tous. Contacté pour les besoins de cet article, Dimitri From Paris nous explique ainsi n'avoir « pas vraiment de lien personnel entre la musique et le vêtement ».

Étonnant ? Peut-être. Après tout, cet habitué du label Yellow Productions de Bob Sinclar arbore régulièrement costume et nœud papillon. Nul doute en revanche qu'on pourrait faire du classique « Free ton style » une sorte d'hymne national pour notre série GESAFFELSTEIN

Gesaffelstein est un DJ et producteur originaire de Lyon. Son premier disque sort en 2008. Depuis, il a travaillé avec Kanye West, The Weeknd ou bien encore Jean-Michel Jarre.

Son électronique sombre et puissante a non seulement conquis les dancefloors mais aussi en travaillant avec Balmain qui lui a fait un costume intégralement noir (couvrant la tête) aux reflets argentés. Il brillait de mille feux dans l'ombre sur scène (un peu comme un miroir). C'était impressionnant ! »

3. THE KILLS REMIXÉS PAR SEBASTIAN

SebastiAn est un des producteurs de musique électronique les plus en vue du moment. C'est un des piliers actuels du label Ed Bangers Records et pour la petite histoire, il a découvert l'électro avec la musique de Daft Punk.

Depuis, il a entre autres travaillé avec Philippe Katerine dont on apprécie la passion du pull Fair Isle ou avec Charlotte Gainsbourg.

Le CV de ce jeune quarantenaire est impressionnant, et son lien avec la mode est loin d'être anodin : il signe par exemple les bandes-son des défilés Yves Saint Laurent depuis 2017. «Cheap and cheerful », le morceau choisi par Michel, est un remix de SebastiAn du duo anglo-américain The Kills :

Au début des années 90, la pratique du remix était encore considérée comme une abomination par les puristes du rock à guitares. Mais les choses ont bien changé : l'électronique est désormais partout. En revanche, pas sûr que cette avalanche de noir dans le vêtement soit toujours au goût de tout le monde. Pourquoi ce morceau, cet artiste ?

« Ce morceau synthétise bien l'esprit SebastiAn avec les kicks et les percussions très compressés, le côté "électro-rock". C'est une patte que l'on retrouve dans le premier album de Justice d'ailleurs. Beaucoup pensent qu'ils ont travaillé ensemble - ce qui peut s'entendre et se comprendre.

Et ce combo build-up/drop... juste épique !

SebastiAn, c'est des tenues full black. On l'a par exemple vu porter le bomber, la veste en denim ou le blouson aviateur en cuir, avec col moutonné. Tout en noir. Tout ça lui va bien, il a les cheveux noirs. C'est intéressant qu'il se soit enfermé dans cette couleur. Il explique d'ailleurs pourquoi dans le OVERWERK

Overwerk est un DJ et producteur canadien. 32 ans et en piste depuis une bonne dizaine d'années maintenant : il est lui aussi un habitué des podiums, des marques de luxe comme Gucci ou des magazines comme Vogue.

Vous l'avez certainement déjà remarqué vous-même : la musique électronique est particulièrement prisée du monde de la mode. Tous les artistes mentionnés par Michel y sont d'ailleurs d'une manière ou d'une autre connectés. Est-ce une preuve de bon goût ? Les artistes de l'electro sont-ils Presence » dans lequel on le voit sillonner une route californienne au volant d'une voiture de collection. Le motif du costume et la couleur chaude du col roulé incarnent parfaitement l'esprit rétro du voyage qu'il nous propose. »

5. APASHE

John de Bucke alias Apashe est un DJ et producteur belge. Ses premiers disques voient le jour au début des années 2010. Il qualifie lui-même son style de « Majestic », un hybride entre la musique classique et l'electro. C'est singulier, très épique, avec beaucoup de vêtements noirs et tout cela s'accompagne d'un certain sens de la mise en scène.

Ce qui se dégage progressivement de certains des looks retenus par Michel, c'est que l'electro n'est plus qu'une simple histoire de musique : certains DJs sont aussi des personnages à part entière. Ils ont inventé leur propre monde, leurs propres codes. Le vêtement y est un outil, presque un élément de décor. Michel confirme tout en nous expliquant la singularité de l'artiste :

« Ce qui est intéressant chez Apashe, c'est son style musical qui mélange de la trap, de la musique symphonique et de l'électro avec des notes de drum'n bass et de dubstep. Il a mixé des choses qui n'avaient rien à voir entre elles et c'est très beau, notamment sur le morceau « Time Warp ».

C'est un style qui lui est propre, que l'on retrouve dans tous ses sons. De la même manière, il a créé un univers visuel très personnel, avec des illustrations qui font écho à des sculptures grecques, à la musique classique...

Côté vêtement, Apashe porte souvent KAVINSKY

Si vous avez vu « Drive » avec Ryan Gosling et Carey Mulligan, vous connaissez probablement Kavinsky : il a en effet composé le morceau emblématique qui figure dans le film. Proche de Daft Punk et de Quentin Dupieux, Vincent Belorgey alias Kavinsky s'est constitué un personnage propice au cosplay, parfois proche de l'animé.

Son style est un genre d'uniforme. C'est-à-dire que ce n'est plus seulement une association de vêtements mais une carte de visite. Michel fait ainsi la distinction entre les artistes mentionnés jusqu'ici et ceux qui vont suivre :

« Avec Kavinsky, on entre dans une deuxième phase de cette playlist où le vêtement tourne davantage autour du déguisement plutôt que sur un style vestimentaire applicable à la vie quotidienne. Mais c'est encore un peu entre deux : jean délavé, sweat-shirt, baskets de type Nike Dunk, lunettes de soleil (très pratiques pour conduire dans la nuit) et son iconique Varsity jacket rouge.

Avec son fameux bolide, c'est très attaché à l'univers synthwave et à l'imagerie américaine de monuments audiovisuels comme « DANGER

Frank Rivoire officie sous le nom de code Danger depuis 2007. Outre les synthétiseurs et la musique électronique, il est aussi passionné de jeux vidéos. Sa particularité ? Il porte un masque et son premier album est sorti dix ans après ses débuts, en 2017. Et le vêtement dans tout cela ? C'est plutôt dark.

« Danger rentre dans la catégorie des artistes électro masqués. C'est un masque qu'il tire de « Final Fantasy ». Je crois me souvenir qu'il s'agit d'un petit mage dans le jeu vidéo. C'est un beau lien qu'on retrouve dans ses morceaux dans lesquels on entend souvent des sonorités de jeux vidéo.

Il porte ce masque sous une capuche, avec une tenue d'explorateur à l'aura presque DAFT PUNK

On ne présente plus Thomas Bangalter et Guy-Manuel de Homem-Christo. Si Daft Punk n'est plus, leur musique fait toujours danser la planète entière et ce depuis 1995. S'il est encore trop tôt pour réellement apprécier les contours de l'héritage musical laissé par le duo, on peut en revanche glisser qu'à défaut d'être tout à fait portable dans la rue, leur look n'a jamais vraiment laissé indifférent.

daft punk casques tenues cuir noir

© IMAGO / Le Pictorium

Le duo Daft Punk et ses tenues en cuir. (IMAGO / Le Pictorium)

Costumes, casques, tenues en cuir voire même cellophanes pour masquer leurs visages, les membres de Daft Punk ont su préserver leur image en inventant la leur, à mi-chemin entre les univers du manga, de la moto ou de la conquête spatiale. Vous remarquerez que le choix musical de Michel est particulièrement précis. Il nous explique pourquoi :

« Il y aurait plein de choses à dire sur le vêtement chez Daft Punk mais je dirais simplement ici que la tenue que je préfère chez eux, c'est vraiment celle de leur tournée de 2007. Ils portaient des blousons en cuir avec le logo Daft Punk clouté dans le dos, un peu comme sur une ceinture de (robot) rockeur. Une fois de plus, les genres se rencontrent.

daft punk casques tenue cuir noir argent

© IMAGO / Le Pictorium

Les mêmes Daft Punk, casqués et toujours en cuir ici. (IMAGO / Le Pictorium)

Quant au morceau que j'ai choisi, « One More Time / Aerodynamic » de cette même tournée, c'est un mash-up très épique, juste magnifique. Quand on écoute ça, on a juste envie de fermer les yeux et d'être là, en plein concert. Peut-être en 2027, du coup, qui sait ? »

9. F.O.O.L.

Un autre vengeur masqué ? Chez le Suédois Rasmus Hermansen aussi la musique electro se joue à visage couvert. Son univers est très imagé, urbain et jamais très loin de la science-fiction.

Ceux qui ont vu « Phantom Of Paradise » de Brian de Palma ne seront peut-être pas surpris par cette avalanche de casques et de masques en tout genre dans cette frange de l'électronique contemporaine. L'influence du jeu vidéo ou des mangas est aussi très présente.

Côté style, on y trouve des influences militaires, techwear et par extension pas mal de noir. Est-ce à dire qu'on est définitivement passé du côté obscur de la force ?

« F.O.O.L., c'est un mélange de plusieurs choses déjà abordées plus haut : il porte un masque d'anti-héros, qui fait penser à un masque à gaz, avec une tenue d'explorateur un peu comme Danger. Mais dans un environnement urbain cette fois-ci, souvent représenté graphiquement sur ses pochettes d'album dans un monde dystopique façon Cyberpunks.

En fait, d'un point de vue style, c'est presque un mix entre Danger et Kavinsky du coup. Il y a là aussi un univers très identifié. J'aime beaucoup le morceau « Escape Plan » pour ses influences synthwave justement, mixées dans des passages qui nous rappellent la complextro des années 2010. »

10. KLOUD

Quand Michel nous annonçait une deuxième partie plus propice au déguisement et à la mise en scène, il ne plaisantait pas : on ne sait pas grand-chose de Kloud si ce n'est qu'il avance lui aussi masqué. D'une certaine manière, cette tendance suit l'approche anonyme de la musique électronique des débuts. À ceci près qu'il y a ici un (gros) sens du spectacle à l'œuvre.

C'est sombre, comme si Darth Vader était de retour aux platines only. Et bien sûr, il n'est pas interdit de faire un parallèle avec les looks futuristes du VLADIMIR CAUCHEMAR

Dernière étape de ce périple épique en terres électroniques : on joue ici aussi la carte du mystère bien qu'on connaisse l'identité de Vladimir Cachemar. Il s'appelle Guillaume Brière et il est proche d'un certain nombre de musiciens en vue de la scène française contemporaine comme Lomepal ou Orelsan.

Dans le morceau sélectionné par Michel, vous découvrirez des bribes du « Thriller » de Mickael Jackson. Quant au personnage, imaginez un masque de type horreur et Halloween porté avec des vêtements de luxe d'inspiration streetwear et des Nike ou des Converse. Doit-on y voir une allégorie de l'industrie du monde du luxe et de la mode ?

« Vladimir Cauchemar est très présent en ce moment sur la scène électro française. Sur le plan vestimentaire, il s'est créé aussi son identité avec un masque de tête de mort qu'il ne quitte jamais, non sans jouer de son anonymat.

À côté de cela, il porte un style très streetwear, qui gravite autour du luxe et de la culture hype. On peut citer des marques comme Etudes et Vêtement, ou le chèche Dior qu'il porte sur la couverture de son EP "Brrr".

C'est un univers vestimentaire très différent de celui de BonneGueule mais je trouve intéressant d'y jeter un œil, de voir comment c'est représentatif de ses codes musicaux.

Car il travaille beaucoup avec la scène rap française. Le mélange entre style streetwear/hype et masque traduit justement bien la rencontre entre le rap (dont la culture bling n'est jamais très loin) et l'électro (souvent représentée par des artistes masqués) dans sa musique.

« Dancer » est un morceau composé avec une rappeuse ukrainienne. La rencontre est parfaite et la musique dégage quelque chose d'unique. »

C'est sûr : on navigue ici très loin de l'univers stylistique habituel de BonneGueule. Mais à l'image du précédent Pochette dédié au genre metal et comme le souligne très justement Michel, on gagne toujours à s'intéresser à d'autres formes de cultures musicales et vestimentaires. Bref, pour mieux comprendre les vêtements et les styles qui nous entourent, restons curieux : gardons les yeux et les oreilles ouverts.

Jérôme Olivier Jérôme Olivier
Jérôme Olivier, ciné, velours et rock'n'roll

Ex-caviste et rock critic de poche, grand amateur de films et de chats sibériens, je crée des e-mails et je m'intéresse aux petites histoires qui vont avec les vêtements.

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