Vous vous êtes déjà demandé pourquoi, en 10 ans, les vestes se sont raccourcies de 20 centimètres et pourquoi nos silhouettes semblent avoir tant fondues ? La tradition du tailoring échappe aux aléas de la mode.
C'est sûrement pour ça que votre grand-père a su conserver sa prestance d'années en années avec une veste en tweed qui a pu vous paraitre tantôt normale, tantôt trop longue et trop large pour lui
Le tailoring c’est à la fois un artisanat, celui des maîtres tailleurs, et une quête de l’élégance classique propre à chaque homme. Mais c’est en tant que style vestimentaire que nous l’étudierons. Je veux dire par là que vous pourrez adapter le tailoring à vos goûts, et le mélanger à d’autres influences (les puristes vont hurler, mais tant pis !).
Le tailoring utilise des pièces intemporelles et toujours élégantes comme des vestes, des chemises, et des pantalons autres que des jeans (pantalons en laine froide, en flanelle, ou en corduroy). Vous vous en doutez : pas de jeans semi-slims, de sneakers ou de tee-shirts ici.
En revanche, des pièces plus rares s’inviteront à la fête, comme la veste en tweed que tout bon gentleman porte à la campagne. C'est aussi le cas d'accessoires un peu oubliés comme les pochettes et les boutonnières.
Les principes de l'art sartorial
Deux facteurs principaux peuvent expliquer la pérennité du style tailloring. Le premier est la connaissance quasi mathématique de la silhouette humaine et des différentes coupes. Le second est d’être codifié selon des règles bien définies.
Je m’explique ! Ce sont, tout d’abord, les mêmes pièces qui reviennent : veste, chemise, pantalon. De plus, la palette de couleurs est limitée, principalement composée de blanc, de bleu et de gris, plus quelques tons de marron saupoudrées de touches de couleurs plus vives.
Loin de limiter la créativité, ces règles et ces palettes de couleurs bien définies permettent d’exprimer une infinité de nuances, de dégradés, et de motifs.
Pour vous donner une idée, on trouve littéralement des centaines de nuances de gris, sans compter toutes les possibilités qu'offrent les différents tissage. Une laine froide convient bien pour un tweed par exemple.
C’est un style qui s’adresse aux hommes en quête d’une vraie élégance (qui peut être aussi discrète et surannée que flamboyante et moderne). Mais aussi à ceux qui aiment les matières nobles et le travail d’artisanat fait en amont.
La tendance et le streetwear sont deux mots totalement bannis ici. S'il existait une devise du style tailoring : « À chacun son vêtement idéal, peu importe la mode ».
Les critères pour bien choisir un costume pour homme
Il y a de nombreux critères pour trouver le vêtement idéal. On joue sur toutes les dimensions possibles d'une pièce pour trouver la parfaite adéquation avec la morphologie de son porteur.
- Pour une veste, il y a un vrai questionnement sur le cintrage, la largeur des épaules et la longueur de la veste.
- Pour un pantalon, on se pose mille questions sur sa longueur, sa largeur aux cuisses et son ouverture à la cheville, ou encore sa hauteur de taille.
Ce questionnement se retrouve aussi dans la conception et les finitions.
Pour une veste, on s'attarde sur la largeur et la longueur des revers, le montage et le travail aux épaules, la présence ou non d'une poche poitrine, le nombre et l'emplacement des boutons, etc.
Enfin, on s'intéresse au motif qui contribue à définir la silhouette : rayures, carreaux ou chevrons, dans de multiples déclinaisons.
La forme et la largeur des revers, le nombre de boutons, le dessin des poches sont autant de détails subtils qui permettent de changer l’allure d’une veste.
Les détails haut de gamme du tailoring
Pour ceux qui veulent monter en gamme, voici ce à quoi vous devez vous attendre si vous avez un peu de budget d'au moins 400 € pour une veste par exemple, mais il est facile de monter beaucoup plus !
De belles matières
En effet, si le tissu vous semble complètement banal, ce n’est pas la peine.
Attention, cela suppose que vous sachiez à quoi ressemble un tissu banal et complètement fade...
Prenez également le réflexe de regarder la composition de l’étiquette, il ne doit y avoir que des matières naturelles (laine, un peu de cachemire, etc.), à part pour la doublure.
Des boutons soignés, et non un vulgaire plastique. Ils peuvent être en corne ou dans des matières moins classiques comme le bois.
De beaux détails de confection
Pour qu'un costume soit vraiment durable, il vous faut au moins du semi-entoilé, qui donne un meilleur tombé à la veste.
Des boutonnières très propres et parfois ouvertes. Plus vous descendez en gamme, et plus les boutonnières sont bâclées, parfois réduites au strict minimum.
Par contre, quand vous montez en gamme, elles sont bien nettes et souvent avec un léger relief. Encore une fois, ne faites pas une obsession maladive sur ces petits détails. La coupe, la matière et la couleur restent les éléments sur lesquels vous devez être intransigeant.
Art tailleur et morphologie
« À chacun sa morphologie, à chacun son vêtement ». Pour vraiment tirer parti du style tailoring, il vous faut identifier de manière précise et réaliste votre type de morphologie, et surtout la manière dont vous voulez la mettre en valeur.
Cherchez-vous à vous grandir ?
À paraître plus costaud ?
Ou, au contraire, à atténuer votre silhouette longiligne ?
Quelques centimètres de plus...
Pour vous grandir (et vous amincir), il vous faut de la verticalité : cela passe par les motifs (rayures verticales), les finitions (des revers longs et fins), la construction (une emmanchure haute et des manches fittées), ou encore l'assortiment (un bas et un haut d'une couleur proche, reliés par une ceinture sobre, pour ne pas créer une ligne de rupture et donc d'horizontalité dans la silhouette).
Et pour un physique plus costaud...
Au contraire, pour sembler moins grand ou plus costaud, recherchez l'horizontalité à travers les motifs (chemises et cravates à lignes horizontales), les accessoires (pince à cravate, pochette), la construction (revers larges et courts), les couleurs, et les ajustements que vous pouvez effectuer vous-même comme les ourlets ou le stacking .
L'art sartorial, un projet à long terme
Imaginez votre garde-robe comme un tout cohérent, somme de pièces intemporelles toutes dévouées à mettre en valeur votre morphologie et pouvant répondre à n'importe quelle situation, de la plus formelle à la plus détendue.
Une penderie durable
Abandonnez la logique consumériste de l’achat à court terme, revenez aux habitudes de vos grands-parents en achetant des pièces qui vous dureront des années. Aussi bien en termes de qualité que de finitions.
Bien sûr, vous pourrez tout de même utiliser ces pièces dans des tenues modernes, n’oubliez pas de mélanger les styles.
La qualité se cache dans les détails
Sachez identifier les signes oubliés qui distingueront une pièce de prêt-à-porter d'une pièce de tailleur comme nous l’avons vu pour la veste. Le travail des finitions est aussi important : des poches à rabats sont plus coûteuses à faire, surtout si elles sont boutonnées.
Attention également au nombre de coutures par centimètre et à la qualité des coutures intérieures. Le fin mot de l'histoire : plus une pièce est coûteuse, plus ses signes de qualité sont subtils.
Les vêtements intemporels
Enfin, faites le tri dans votre garde-robe et identifiez ces classiques indémodables du vestiaire masculin : une veste bien coupée, ni trop longue ni trop courte , à deux ou trois boutons.
De la même manière, bannissez ces chemises hyper cintrées, en matières synthétiques importables l'été. Idem pour les cols montants à trois boutons.
Pour les pantalons, évitez les coupes farfelues type carotte (sauf si vous avez les cuisses vraiment très musclées et la taille fine), drop crotch et skinny ; investissez dans des pantalons en laine sobres, choisis sur des tons anthracites ou bleu marine. Pour taper dans l'excentricité, visez les motifs Prince-de-Galles.
Il est possible de pousser la décontraction un peu plus loin avec un costume en lin, mais cela suppose qu’il soit impeccablement bien coupé et que vous ayez une garde-robe solide derrière...
Le style tailoring, pour quel type d'homme ?
Le style tailoring s'adresse à ceux qui évoluent dans un environnement très codifié et formel. Il sera parfait si vous évoluez dans le monde de la finance ou du conseil. Il faut alors différencier deux choses :
- le style tailoring hors contexte professionnel strict (pantalon et veste dépareillés par exemple)
- le style tailoring tel que vous l’imaginez, à savoir un costume impeccable, et les petits accessoires qui vont avec.
Il y a une marque qui s’attache à illustrer parfaitement ce style, il s’agit de Husbands, dont le vestiaire va illustrer nos propos :
Respecter les codes implicites
Attention toutefois, votre position hiérarchique vous permettra plus ou moins d'excentricité. N’en abusez pas face à un patron assez conservateur.
Pour calibrer correctement votre tenue, vous pouvez jouer sur plusieurs variables : couleurs, motifs et accessoires (boutons de manchettes et pochettes, souvent réservées aux cadres seniors de l'entreprise).
Geoffrey s’est même retrouvé un jour à travailler dans un cabinet de conseil où les bretelles étaient le seul apanage du dirigeant, toute tentative d’en porter aurait été extrêmement mal interprétée.
Apprendre les codes offre plusieurs avantages : maîtriser une notion de proportion étrangère à la mode mais adaptée à votre morphologie (car la bonne coupe est indispensable dans ce style, bien plus que suivre une tendance).
Vous développerez aussi un sens inné des jeux de motifs, pour créer des contrastes subtils qui mettront en valeur vos tenues. Vous assurerez également la pérennité de votre garderobe en choisissant des pièces intemporelles, qui vous dureront des années grâce à une qualité de fabrication dont vous aurez sur reconnaître les signes les plus subtiles.
C'est une étape indispensable par laquelle il faut passer à un moment ou à un autre, un peu comme le solfège en musique : le tailoring donne un cadre sain sur lequel appuyer son style.
Savoir s'adapter au contexte
Cependant, un beau costume formel ne trouvera pas sa place dans des contextes plus détendus. Par exemple, si vous êtes encore étudiant, lycéen ou que vous travaillez dans un environnement plus casual (créa, graphisme, etc.), les gens autour de vous risquent de ne pas comprendre « à quoi vous jouez ».
La nature des pièces sera trop sérieuse et trop décalée par rapport à votre environnement, et les notions de proportions intemporelles y resteront incomprises.
Une veste d'une longueur normale passera, par exemple, pour vieillotte. Appliquez seulement certains principes de base pour avoir une silhouette autant mise en valeur que possible, cela vous évitera déjà d'avoir le même hoodie Celio aux rayures extra larges que votre voisin de classe.
La question du budget
Vous serez forcément limité en termes de budget : acheter la veste que vous porterez encore à 30 ans vous coûtera cher, et ce n'est pas une préoccupation que vous devriez avoir tout de suite si vous n'avez pas de revenus fixes.
Tâchez simplement de réduire les dépenses superflues et mettez le cap sur des pièces peu coûteuses, mais pérennes en termes de style, des pièces indémodables comme un pantalon en flanelle gris moyen par exemple.
Pratiquez aussi la logique du 80 / 20 : une belle chemise que vous porterez souvent sera bien plus précieuse que quatre chemises que vous porterez rarement, sans réel plaisir.
Armé de ces quelques règles, vous aurez une longueur d'avance pour choisir votre premier costume pour vos stages et entretiens.
Il vaut mieux se faire plaisir en achetant une très belle chemise que vous allez porter souvent et qui va durer, plutôt que d’acheter trois ou quatre chemises qui ne vous plaisent que moyennement.
Le passage de la qualité à la quantité
Pérennité rime aussi avec durabilité. Au-delà de cette harmonie parfaite entre conception et morphologie, on va aussi chercher une vraie qualité de fabrication.
Cette culture de la qualité a disparu avec l’essor de la société de consommation : l'homme contemporain possède cinq costumes achetés en grande surface, fabriqués en usine, avec une durée de vie de quelques années tout au plus.
Nos grands-parents, eux, n'avaient qu'un seul et même costume, porté tous les jours sans faillir mais commandé au tailleur du coin qui le réalisait avec dévotion et sans compromis pendant plusieurs semaines : un vrai amour du travail bien fait.
Cette qualité authentique et sans artifices se caractérise par un raffinement discret :
- une veste entoilée ;
- des boutonnières à la main ;
- une milanaise ;
- des boutons en corne ou encore un feutre cousu main.
Ce sont des détails de connaisseurs, mais jamais ostentatoires. C’est ce qui rend d’ailleurs ce style tant apprécié des amateurs de belles choses intemporelles.
Commencer en douceur
Concernant ces indicateurs de qualité, je ne peux que vous recommander de les aborder avec un certain recul. Tout le monde n’a pas forcément les moyens de se payer un costume entoilé à 1600€.
Si vous êtes limité financièrement et que le haut de gamme vous est inaccessible, privilégiez deux choses.
- la coupe, elle doit évidemment mettre votre corps en valeur sans exagération, mais là je ne vous apprends rien,
- la couleur, ça ne sert à rien d’acheter une veste onéreuse si elle est noire (pas de noir dans votre garde-robe, sauf les très belles pièces ou le costumes dédié aux enterrements)
Tant pis pour les boutonnières montées à la main et l’entoilage en crin de cheval. Ce sera pour quand vous aurez un peu plus de budget.
Si, par exemple, vous avez 200 € de budget, ne faites pas l’impasse sur une veste bien coupée à la jolie couleur simplement à cause de ses boutons en plastique là où vous auriez voulu des boutons en corne .
Si vous êtes étudiant et qu'il vous faut un premier costume pour un stage, vous êtes particulièrement concerné et n’aurez d’autre choix que d’aller dans du prêt-à-porter d’entrée de gamme.
Alors en pratique, comment commencer le style tailoring ?
La veste
Tout commence par la veste, brique de base. Elle sera au début bleue ou grise, afin d’être sûr de pouvoir la porter facilement. La matière sera de la laine, et c’est tout.
Sachez que la flanelle de laine (laine avec un aspect doux et un peu poilu) donne un aspect très élégant à une laine. En dessous de cette veste, une chemise claire, souvent blanche ou bleu très pâle. Vous vous distinguerez grâce à une belle cravate.
À ce propos, les cravates tricotées sont souvent sous-estimées, alors qu’elles apportent un cachet qui tranche avec la banale cravate en twill de soie.
Le pantalon
Le pantalon est la pièce qui peut facilement poser problème, tant il y a des saisons où l’offre est inégale et peu fournie chez les marques. Mais depuis quelques temps, une offre plus colorée revient (grenat, brique, bordeaux, turquoise, vert d’eau ou bleu canard). Je ne peux que vous encourager à essayer ces nouvelles couleurs, combinées avec une veste de couleur très neutre.
Et vous verrez que très facilement, ces teintes ajouteront une touche des plus sympathiques.
Du côté des marques, c’est vraiment au cas par cas, mais la plupart des marques proposent des pantalons sobres en fonction des collections. Citons quand même COS qui s’inscrit dans la régularité avec des pantalons en laine intemporels, ou Gant Rugger, ligne casual de Gant, qui a un vestiaire très sympathique si vous aimez le style tailoring.
Pensez enfin au sur-mesure, pas nécessairement des plus coûteux si vous choisissez bien votre taille.
L'assemblage
L’assemblage de toutes vos pièces est relativement simple, car les chemises et les pantalons sont souvent neutres. De ce fait, vous pourrez très facilement placer une cravate tricotée rouge vif avec une veste travaillée.
Les chaussures, la pochette et éventuellement une paire de chaussettes colorées achèveront une tenue avec des pointes de couleurs.