Aimé Leon Dore, le streetwear chic qui ressuscite un New York légendaire

Disclaimer : On souhaite la bienvenue à Alexandre dans nos colonnes, féru de streetwear qui a roulé sa bosse outre-Altantique. Aujourd'hui, il nous fait découvrir une marque new-yorkaise avec un ADN particulier : Aimé Leon Dore. La parole est à lui ! 

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Le streetwear a le vent en poupe. Dans le creux de cette vague qui déferle sur la planète mode, le consommateur se verra forcément confronté aux dérives habituelles de la hype, prix prohibitifs pour une qualité qui n'y est pas, y compris chez des marques qui se veulent références. Difficile de s'y retrouver, au moment d'investir ses précieux deniers.

C'est dans ce contexte qu'a déboulé Aimé Leon Dore. Derrière ce nom à consonance bien-de-chez-nous, on découvre une griffe américaine qui a fait de la qualité l'un de ses mots d'ordre, en jouant sur plusieurs tableaux. Les pièces traditionnelles du streetwear côtoient d'autres classiques plus formels, dans une ambiance résolument minimaliste. Décontracté mais chic, ALD est un streetwear sophistiqué.

Je vous vois venir avec ce « déjà vu » que les Américains écriraient en Français. Après tout, on trouve bien des Homecore ou Harmony sur le même créneau. Certes, mais en fait non : un simple coup d'œil suffira à se convaincre que la marque sonne bien plus street que ses homologues se revendiquant du mouvement, mais ayant depuis basculé vers le casual chic. D’autant qu’ALD s'attache surtout à raconter une histoire particulière : celle d'un New-York mythique.

Une marque jeune qui mise sur le Old School

Teddy Santis devant chez lui.

Teddy Santis, le créateur nostalgique

Difficile à croire vu la maturité qui transpire de ses lookbooks, mais Aimé Leon Dore n'a que quatre années d'existence. Encore plus fou, son créateur Teddy Santis, 31 printemps, n'avait aucune expérience dans la mode avant de se lancer. Fils d'immigrés grecs, il a commencé par aider au restaurant familial avant de bosser dans un magasin d'optique. Pas d'école d'art ou de design en parallèle. Tout juste quelques relations.

Son background réside dans un regard affuté sur les rues de New-York, une passion pour le basket et le hip-hop, et une certaine nostalgie de son âge d'or, les années 90. Preuve en est, la rubrique « à propos » de son site internet n'a au départ comporté qu'un lien vers la page iTunes du premier album de Nas, le mémorable Illmatic. Y'a pas de secret.

Back in the Good Old Days.

Santis, qui a grandi comme son idole de rappeur dans le Queens, veut restituer ses références par le vêtement, et toute l'ambiance qu'il a su créer autour. La boutique qu'il a récemment ouverte dans le Lower Manhattan est jonchée de ballons fatigués par les terrains, de bombes de graff et de Nike Air Force. Sur le Web, les lookbooks, comme le blog de la marque, véhiculent un univers épuré clairement new-yorkais et inspirant.

Boutique André Leon Dore.

Personnellement, ça me donne envie de traverser l’Atlantique avec du Tribe Called Quest dans les oreilles, pour aller taquiner la gonfle au Rucker Park, traîner à NoLita et fredonner le « New York, New York » de Starship Orchestra sur le Brooklyn Bridge — parce qu’il n’y a pas que Sinatra, dans la vie.

Aimé Leon Dore, « conteur plus que tout »

Ce que je veux dire par-là, en allant sans doute trop loin, c’est qu’une certaine authenticité se dégage de tout ça. C’est d’ailleurs la caractéristique que le créateur défend en tout premier lieu :

« Je crois qu'on est des conteurs plus que tout, et que le produit vient après. Personne ne veut porter quoi que ce soit aujourd'hui sans croire en ce qu'il représente. Les mecs qui s'en foutent, je n'en veux pas comme consommateurs. Ils sont sur du court terme, et vont faire du tort à la marque pour cette raison.

La moitié des gens portent quelque chose parce que tout le monde le fait. Ce n'est pas à cause de ce que ça représente vraiment ou parce qu'ils l'aiment vraiment... Avec le marché d'aujourd'hui, essayer de faire ce qu'on a prévu est difficile mais si vous vous en tenez à vos armes assez longtemps parce que vous y croyez, alors aller là où vous voulez ne sera qu'une question de temps, de travail acharné et d'une approche honnête ». Teddy Santis, à End.

Belle mentalité, n'est-ce pas ?

Une success story à l’américaine

Après avoir déposé le nom d’Aimé Leon Dore , Santis lance il y a quatre ans tout juste sa première collection, exclusivement sur commande. Une ligne sobre, qui joue sur le classique jusque dans le choix des couleurs — bleu, gris, blanc, beige, avec une simple touche de rouge. Les pièces filent en quelques minutes, le test est réussi.

La première collection. Les couleurs de base du vestiaire masculin, des coupes bien dessinées. C'est parfait.

Depuis, ALD a revu son modèle économique pour basculer vers quelque chose de plus ''conventionnel'', et transféré une partie de sa production, exclusivement new-yorkaise à la base, au Canada. Les visuels ont évolué, la gamme de coloris s'est élargie, au même titre que les déclinaisons de la griffe. Certains regretteront les débuts plus minimalistes encore, mais le créateur justifie le tournant par des valeurs désormais plus fortes.

Des valeurs qui ont séduit quelques célébrités, ainsi que les médias et sites de mode masculine. Mieux, ils ont tous contribué à lui faire belle réputation, du magazine Highsnobiety qui la qualifie de « réponse de la Big Apple à APC », à Ssense et son coquin d’article « The New York we fuck with ». Sans surprise, les collaborations ont débuté : la référence new-yorkaise Kith et le géant Puma se sont déjà joints à l’enseigne pour des capsules, lui permettant d’accentuer sa notoriété.

Emballement médiatique, premiers posts d’influenceurs Instagram… Vu comme ça, on pourrait se dire que la hype n’est pas loin. À ceci près qu’ALD reste très discret sur l’aspect promotion/marketing, et que d'autres collaborations tendent à prouver qu’il cultive toujours sa différence dans le milieu, en jouant les puristes. Pas pour rien que Santis rejette le terme dans ses interviews, où il assure ne « pas être fan de la situation actuelle du streetwear » et, du coup, « satisfait de sa position ».

Dernière collab en date : ALD x Woolrich.

C’est ce positionnement, à la fois en marge des standards actuels tout en étant dans le coup, qui nous ramène à l’essentiel : là où les jeunes entreprises tâtonnent et font parfois des choix maladroits pour se démarquer, Aimé Leon Dore a su tirer son épingle du jeu grâce à un univers aussi sincère qu’épuré... et des vêtements empreints de ces valeurs.

Le style ALD : des basiques et encore des basiques

Du streetwear sublimé par les détails et les matières…

Ce qu'il y a d'intéressant chez cette marque, c'est qu'elle élève les basiques. Prenons les sweats, et notamment le hoodie. C'est LA pièce maîtresse d'Aimé Leon Dore, qu'on retrouve à chaque collection, dans un coton plus ou moins épais pour s'adapter à la saison — et pour moi, ce sera vert forêt.

Le « Kanga hoodie » d'Aimé. Une coupe originale, et 17 oz. de coton pour se garder du froid avec style.

Le molleton respire la qualité. Quant à la griffe apposée, elle reste là-dessus très discrète, tout en étant brodée. On insiste sur ce point : à l'heure des sérigraphies bas de gamme qui s'estompent dès le troisième lavage — les fanas de streetwear savent de quoi je parle —, c'est le petit truc qui fait la différence. Comme cette doublure thermique qu’on retrouve autant sur les hauts que les bas. Du coton qui, par un tissage particulier avec une texture gaufrée, présente des propriétés respirantes et isolantes. De quoi être bien été comme hiver, d’autant qu’à l'instar des sherpa et polaire (autres invités réguliers), c'est doux. Fonctionnel et confortable, ALD n’oublie jamais les préceptes du streetwear.

Le ''thermal lining'' sur ce chino permettra une meilleure isolation et surtout, un plus grand confort.

Tout le répertoire street bénéficie de cette même attention, des jogpants aux chemises baseball en passant par les bombers, régulièrement à l'honneur, et ici-bas dans une très belle laine.

Pour ne rien vous cacher, j'ai même ouvert un PEL au cas où l'un de ces deux modèles viendrait à tomber sur le net.

"De la laine", ai-je dit ? Eh oui, c'est là qu'ALD entre dans le haut de gamme. Mister Santis ne lésine pas sur la qualité des matières : il va chiner son lainage et ses cotons jusqu'en Angleterre, Italie ou Japon, avant de confectionner dans des ateliers new-yorkais ses manteaux, pantalons, mailles et chemises. C’est bien cette partie "chic" qui est restée produite dans la grosse pomme.

… Et des pièces qui ennoblissent le streetwear

On en vient à la variété des pièces : si le sweat appartient au sport et à la rue, il se retrouve ici constamment associé à des vêtements plus formels, tel un manteau droit devenu habitué des collections hivernales.

Hoodie + manteau long ?  On vous en avait parlé, et on le répète, ça fonctionne.

Ça ne vient pas forcément à l’esprit, mais accompagner un pantalon en mérinos-cachemire d’un hoodie, ou un sweatpant d’une gabardine, prend ici tout son sens. C’est là que le style se fait distingué, et les visuels en sont la parfaite démonstration.

ALD invite au layering : plusieurs pièces semblent développées uniquement dans ce sens et de petits détails, comme les fermetures-éclair double-curseur, favorisent la superposition d'éléments.

Résolument street d'un côté, élégant de l'autre. Dans les deux cas, le layering est efficace, et donne du volume aux tenues.

Pour les adeptes d'un style plus pointu en recherche de pièces fortes, notons que la marque en glisse discrètement sur chaque série. C'est cette veste déclinée sur trois coloris qui m'a frappé l'année dernière, tandis que ce pantalon à motif tartan est venu dynamiser cette collection hivernale. On a même vu des kimonos de-ci, de-là.

Alors, qui ose ?

En conclusion…

Aimé Leon Dore, par le soin qu’il accorde aux détails et matières, parvient à créer des pièces intemporelles de grande qualité. Son positionnement à la croisée des branches le rend relativement accessible : il parlera aussi bien au jeune fan de streetwear, désireux de rehausser le niveau de sa garde-robe, qu’à l’homme plus âgé en recherche de polyvalence. Quel que soit son style, on y trouvera forcément des choses intéressantes. D’autant plus si on est sensible à ce que la marque véhicule, et avec un tel brio qu’il faut lui reconnaître là sa plus grande force.

Évidemment, tout n’est pas parfait. Niveau sizing, déjà, il convient de rappeler qu’aux US, ça taille large. Pour vous donner un ordre d'idée, culminant à 1m75 pour 70 kilos, je navigue entre XS et S selon les pièces – XS pour l'indispensable qu'est le hoodie ! Alors à moins de chercher de l’oversized, certains se sentiront peut-être exclus.

Autre problématique, le prix. S’il n’est pas choquant à voir des pièces travaillées, comme un pantalon ou un manteau en laine premium, monter jusqu’à 400 ou 1000 dollars, pour les basiques street que sont les sweats et hoodies, à $180 en moyenne, il y a de quoi hésiter. Surtout quand les revendeurs européens n’appliquent pas la conversion qui nous serait avantageuse, qu’un imprimé supplante la broderie… ou qu’on sait qu’il y a deux ans, le crewneck coûtait 20 à 30 dollars de moins qu'aujourd'hui, à matières et lieux productions équivalents. La gonfle des tarifs devant la demande grandissante, malheureusement une habitude des marques qui montent...

Ce qui me fait dire qu’à l’orée d’un succès international, Aimé Leon Dore est à un tournant de sa jeune existence. Entre la politique de prix et un affichage de plus en plus présent sur ses pièces – ce qu’on pourrait interpréter comme une réponse à la tendance palpable dans le streetwear actuel –, se profilent des virages qu’il lui vaudrait mieux éviter afin de conserver son esprit affranchi de la hype environnante et le côté minimaliste et intemporel de ses produits, qui constituent son essence. Et sa force. Pour qu’il continue de donner un coup de classe et d’authenticité à un style, il serait bon qu’Aimé Leon dure tel qu’il est.

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