Ce qui a changé en 16 ans de BonneGueule

Ce qui a changé en 16 ans de BonneGueule
Est-ce parce que j’ai eu 35 ans cette année que je me prends à regarder plus souvent dans le passé ?À me rappeler les toutes premières années de BonneGueule ?En effet, le premier article de BonneGueule a été publié en 2007. A cette époque, en France, l’état du vêtement masculin était bien différent, et certains de nos conseils aussi.Pour cet article, j’ai eu envie de partager les évolutions qui m’ont le plus marqué, mais aussi quelques conseils que je donnerai différemment, après 16 ans à écrire sur le vêtement masculin.

Crédit photos de couverture : Balmain et Drake's

Le rapport des hommes au vêtement

La situation en 2007

Il faut se souvenir que BonneGueule est né à une époque où les réseaux sociaux n’existaient pas. Un monde sans Instagram, Facebook, ou TikTok. Quant à Youtube, il n'existait que depuis deux petites années.

Autant vous le dire : il y avait très très peu de contenus pour les hommes désireux d’en apprendre plus sur le vêtement.

Peu de contenus = peu d’idées qui circulent = peu de possibilités d’améliorer son style et de trouver des marches de niche.

Une petite exception existait en ce qui concerne l’art sartorial. Il y avait déjà des contenus expliquant comment choisir un costume ou une chemise à sa taille, mais il fallait les trouver, car Parisian Gentleman est né en 2009 (bonjour à Hugo d’ailleurs !).

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© Parisian Gentleman

Hugo Jacomet, fondateur de Parisian Gentleman. Un des pionniers des blogs mode homme en France.

BonneGueule s’est construit sur une base d’hommes qui avait souvent une garde-robe à (re)construire de zéro, mais curieux et respectueux des savoir-faire et d’une pièce bien faite.

Des hommes prêts à s’informer sur la qualité d’une finition et qui en comprenait la valeur. Eh bien si vous nous lisiez déjà cette époque-là, sachez que vous étiez précurseur de ce qui allait suivre !

À l’époque, s’intéresser au vêtement était presque bizarrement vu, avec une offre peu excitante.

Quant au marché français, n’en parlons pas ! Il n’y avait pas grand-chose pour les hommes qui ne voulaient pas s’habiller en fast fashion, mais qui n’avait pas envie d’aller dans le luxe.

Côté pile, c’était l’époque où les “sous labels” des marques de luxe régnaient en maître : D&G pour Dolce & Gabbana, PS by Paul Smith, Armani Jeans pour Armani, etc.

Côté face, avant l’arrivée d’Uniqlo, de Zara ou de COS, les marques françaises d'entrée de gamme étaient confortablement installées : Celio, Brice, Armand Thierry, Jules ou Devred parsemaient les centres-villes français. Mais disons le franchement, leur offre n’était pas très attractive, et leur absence de positionnement créatif allait, 15 ans plus tard, précipiter leur perte.

Quelques marques de niche existaient cependant, comme APC, Hartford, ou même Bill Tornade, mais le marché “premium accessible” était très timide.

Ce qui a changé en 2023

C’est un bouleversement total.

Il y a maintenant des influenceurs spécialisés en vêtement masculin bien établis, et Instagram a rendu célèbre des hommes avec un style bien à eux.

Les contenus se sont multipliés, il y a maintenant des chaînes Youtube et Tik Tok sur le sujet et, ô miracle, de nombreux sites anglo saxons ont émergé, plus ou moins nichés : du workwear héritage au vêtement technique, en passant par du style contemporain.

Côté marché, aujourd’hui, il y a de très belles marques (et j’espère que BonneGueule en fait partie !), pour tous les goûts et les budgets. Alors que le marché français traverse une période compliquée, il n’en est pas moins vivace, avec de nombreuses “micromarques”.

Au moment de lancer BonneGueule, je rêvais d’une offre masculine plus riche et variée, et le moins que l’on puisse dire, c’est que mon vœu s’est réalisé !

L’entretien du jean

La situation en 2007

À l’époque, le conseil était simple : on lave le jean le moins possible, ou sinon, on le fait tremper dans une baignoire avec un petit bouchon de lessive !

C’était aussi l’époque où certains puristes du denim conseillaient même de dormir avec son jean ou de se baigner à l’eau de mer avec pour le “faire”, comme une paire de chaussures neuve.

Honnêtement, on était un peu hardcore et aujourd’hui, je n’hésite pas à mettre mes jeans en machine à laver. J’ai eu des jeans bruts qui se sont magnifiquement délavés naturellement, et maintenant j’ai envie d’explorer un délavage plus diffus, caractéristique de plusieurs lavages machine.

Ce qui a changé en 2023

Donc en 2023, ma recommandation est la suivante : lavez votre jean machine si vous le souhaitez, mais ayant juste en tête que ça sera au détriment d’un délavage naturel plus subtil. Mais c’est ok de vouloir un jean avec un délavage très uniforme façon machine à laver.

Notez qu’on vient juste de sortir une vidéo à ce propos.

Le rôle du blazer

La situation en 2007

Une chemise, un blazer, un jean, et une paire de boots : c’était ma tenue type à la création de BonneGueule. Sûrement un héritage lointain du style Dior époque Slimane qui avait tant bouleversé le prêt-à-porter masculin…

look benoit chemise blazer bleu jean boots marron

Un look exactement comme ça. Celui-ci date de 2015.

Bref, j’aimais beaucoup les blazers et je les recommandais à tour de bras. Était-ce une manière inconsciente de marquer mon arrivée dans la vie active et de couper définitivement avec mon style étudiant ? De m’habiller comme un “adulte” ? Je ne sais pas, mais aujourd’hui, je continue à aimer les beaux blazers, un des vêtements masculins les plus flatteurs pour la silhouette qui soit de mon point de vue.

Sauf que j’en porte beaucoup moins, car c’est un vêtement peu pratique pour porter un sac à dos avec mes affaires de sport.

Et si c’était un basique indispensable à mes yeux en 2007, je ne suis pas sûr de le recommander autant en 2023.

Ce qui a changé en 2023

Même si le Covid a mis à mal le blazer, je ressens quand même un frémissement, et on nous demande de plus en plus souvent des costumes et des blazers dans nos boutiques, plus qu’en 2020 - 2022 en tout cas !

Mais que porter à la place du blazer ? Cela m’amène au point suivant…

Eh oui, ce sont les workwear jacket (veste de travail, ou “chore jacket”) qui ont largement remplacé le blazer. C’est un vêtement plus décontracté, moins précieux, plus résistant, et moins contraignant qu’une veste de costume ou qu’un blazer, même si c’est peu moins compatible avec le port d’une “chemise de travail”, de chaussures et d’un pantalon habillés.

Michel a d’ailleurs écrit un article sur ces nouvelles formes de costumes qui sont en train d’émerger, où l'on voit beaucoup de vestes de travail prendre la place du blazer traditionnel.

Bonne gueule

Un bon exemple ici chez De Bonne Facture.

Les surchemises (=overshirt en anglais) sont une alternative solide aux workwear jacket, et c’est maintenant une brique fondamentale et incontournable d’un vestiaire masculin intemporel, j’en suis convaincu.

Conviction qui m’a d’ailleurs amené à donner une place plus importantes à ces pièces dans notre gamme.

Les cols de chemises

La situation en 2007

À l’époque, les cols de chemise étaient plutôt petits, sûrement un effet collatéral de la patte slim/skinny d’Hedi Slimane, encore lui...

Pour faire souffler un vent de nouveauté, et pour se poser en contre-pouvoir aux chemises de bureaux classiques, bon nombre de marques proposaient ces petits cols.

Bonne gueule

Un col étroit quand on en a vu beaucoup dans la première moitié des années 2010.

Et il y avait le contre-pied du contre-pied : des chemises avec des cols vraiment immenses, aux boutons carrés, aux pieds de cols contrastés, et autres liserés sur la gorge de la chemise… Qui se souvient encore des chemises Xoos ?

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Cette marque existe encore !

Ma recommandation était de conseiller des cols en fonction de la taille du visage et de la carrure : éviter par exemple un tout petit col sur une personne très costaude, et vice versa.

Ce qui a changé en 2023

L’heure semble revenue à une certaine intemporalité et à un équilibre, où petit à petit, les cols de chemise retrouvent des tailles d’antan, avec un vrai volume certes, mais sans tomber dans les excès des années 2010.

Aujourd’hui — et sûrement parce que je n’ai plus 20 ans — je conseillerai de se tourner des tailles de col qu’on se verrait porter tout au long de sa vie : à 30 ans, mais aussi 40, 50 ou même 60 ans.

C’est en raisonnant ainsi qu’on se tourne vers des cols aux proportions équilibrées.

Me concernant, j’aime par exemple les cols entre 7 et 9 cm, c’est un repère facile à retenir, et c’est ainsi qu’on a mis au point le col de notre chemise Volpaia.

Les coupes de pantalons

La situation en 2007

C’est pour moi le plus gros changement en 16 ans. Autant les coupes des chemises pour homme sont globalement restées à peu près les mêmes (avec un peu plus de coupe droite, et encore) autant les coupes de pantalon se sont beaucoup diversifiées.

Bonne gueule

Une tenue pour un défilé Gucci en 2010.

En 2007, c’était la coupe ajustée qui régnait en maître, et aujourd’hui, il est bien plus facile de trouver des coupes droites et/ou des tailles hautes assumées comme telles. Ça tombe bien, David a justement établi un guide des pantalons coupe droite.

On conseillait donc une coupe ajustée, car bon nombre d’hommes s’habillaient trop grand, un phénomène qui semble avoir drastiquement diminué aujourd’hui.

Ce qui a changé en 2023

Pour un débutant complet, je continue à penser qu’un jean semi-slim est une pièce de choix (à part morphologie très particulière), mais il est clair que je n’hésiterai plus à conseiller d’essayer d’autres coupes, avec des ouvertures de jambes plus élevées, dans les 20-23 cm vs 18 cm pour un semi-slim.

Les chinos sont évidemment concernés par ces évolutions, mais ce sont les pantalons en laine qui ont connu une émergence d’une grande variété de coupes.

En France, De Bonne Facture et Officine Générale ont été les marques qui m’ont le plus interpellé avec leurs coupes de pantalons qui tranchaient avec le reste du marché.

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© De Bonne Facture

Un pantalon coupe droite De Bonne Facture.

Vraiment, si vous n’avez pas encore essayé de pantalons plus larges, passez le pas, vous serez surpris de ce que ça apporte à une silhouette !

Un de mes regrets avec notre marque, c’est d’avoir mis du temps à explorer d’autres coupes plus droite. C’est désormais quelque chose que nous avons bien corrigé, avec par exemple la coupe du Paris ou du Princeton :

La convergence du streetwear, du luxe, de l’outdoor, et du militaire

La situation en 2007

Bien que le luxe commençât timidement à s’approprier les sneakers (coucou les célèbres sneakers Lanvin avec le bout en cuir verni), les styles étaient bien segmentés. Ainsi, les grandes maisons de l’avenue Montaigne étaient globalement dans un style élégant et créatif.

Même Givenchy, avant d’arborer ses tee-shirts avec l’imprimé rottweiler, présentait des défilés ne comportant quasiment que des costumes !

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© Givenchy

À une époque, Givenchy, c'était ça.

Le streetwear restait cantonné à une petite frange de passionné, sans s’être vraiment démocratisé.

Quant aux influences outdoor et militaire, elles étaient quasi inexistantes auprès du grand public. Arc’Teryx et Patagonia n’étaient connus qu’auprès des randonneurs les plus pointus, et étaient vendus uniquement dans des magasins de randonnée.

Ce qui a changé en 2023

Désormais, tout se mélange. Avec l’émergence de la culture urbaine, et la nomination de directeurs artistiques en ce sens, il y a ce que j’appelle la Grande Convergence.

De la même manière qu’il n’y a pas si longtemps, l’électro, la pop et le rap pouvaient cohabiter dans un seul morceau de musique, il y a désormais des marques de luxe qui utilisent allègrement les codes de l’outdoor, du streetwear et du militaire. Je pense à :

  • Dior qui fait une collaboration avec la marque américaine Mystery Ranch, et qui utilise intensivement un dérivé de la boucle Cobra :
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© Dior

La boucle cobra, interprétée par Dior.

  • Louis Vuitton qui nomme Pharell Williams en directeur artistique, et qui marque le coup en réinterprétant le camo lors de son premier défilé :
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La casquette pour le côté streetwear, le camo pour l’inspiration militaire, le costume pour le côté élégant et les bijoux pour le luxe : cette photo symbolise pleinement la Grande Convergence.

Les matières synthétiques

La situation en 2007

Dès le début de BonneGueule en 2007, j’ai toujours été farouchement opposé aux matières synthétiques, en prônant un usage le plus réduit possible.

16 ans après et une passion du vêtement technique qui s’installait entretemps, quel est mon avis ?

Eh bien à peu près toujours le même, à quelques nuances près…

Ce qui a changé en 2023

Pour un usage quotidien, je reste fermement convaincu que du polyester n’a pas grand-chose à faire dans une chemise… à part si vous cherchez absolument une chemise avec du stretch.

Parce que les tissus les plus beaux que j’ai vus et touchés étaient toujours dans des matières naturelles.

Idem pour la maille : un pull 100% laine sera plus luxueux en termes de main qu’un pull avec 50% d’acrylique, en plus d’offrir une meilleure régulation thermique.

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© Armor Lux

Un pull mi-laine, mi-d’acrylique chez Armor Lux.

Quant à un manteau, un drap 100% laine présente souvent plus de charme qu’un 70% laine 30% polyester ennuyeux.

J’écrivais que les matières synthétiques allaient vous faire crever de chaud. Et effectivement, avec une chemise qui contient une quantité non négligeable de polyester sur un tissu non technique, un 100% coton sera clairement plus confortable et respirant.

Sur un pull contenant du polyester, c’est la même chose. Pour avoir essayé, ça tient chaud, mais quand la température varie beaucoup (froid dehors, et surchauffé à l’intérieur) c’est comme si votre pull avait du mal à suivre l’évolution des températures et était trop chaud.

Tandis qu’un 100% laine, avec une épaisseur à peu près égale, va mieux s’adapter, même si, je le rappelle, il n’y a pas de miracles. Si vous êtes très couvert, et que vous courez derrière un bus, ce n’est pas les propriétés thermorégulatrices de votre pull en laine qui vont faire que vous n’allez pas sentir de coup de chaud.

MAIS… parce que tout n’est pas tout noir ou du blanc, le polyester peut avoir de l’intérêt pour renforcer un tissu (tout en faisant baisser le prix) et/ou ajouter des effets de texture particuliers, comme des microbouclettes.

Dans ce cas, il ne devrait pas y avoir plus de 15-20% de synthétique dans votre vêtement. C’est en tout cas la limite personnelle que je me fixe pour le peu de vêtement que j’achète à présent.

Personnellement, si j’ai un énorme coup de cœur pour une matière et qu’il contient 10% de polyester, je considère l’option sérieusement.

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Pull Anonymous Ism 94% laine, 6% nylon. Un pourcentage faible et acceptable de synthétique pour un rendu assez unique.

Il y a une exception à cette règle : les mélanges de coton et de polyester pour de l’outerwear. Le polyester permet un séchage beaucoup plus rapide qu’un 100% coton, car c’est une fibre qui ne retient pas du tout l’eau et qui va donc en limiter l’imprégnation du vêtement.

Bonne gueule

Softshell Theory 60% coton, 40% nylon.

Le synthétique ajoute aussi du stretch à du vêtement (comme l’élasthane) et pour des questions de confort évidentes, ça peut faire sens d’en choisir. Croyez-moi, avec 2 ou 3% de polyester pour le stretch, ça ne va pas changer grand-chose à la main et à la responsabilité de votre tissu.

Donc, vous pouvez choisir un vêtement avec des matières synthétiques pour :

  • avoir du stretch, donc du confort
  • avoir plus de durabilité
  • ou, en le mélangeant à certaines fibres très précises comme du mohair ou de l’alpaga, avoir des effets de texture

Mais notez bien que ça sera forcément au détriment d’un beau drapé d’un 100% laine, ou de la variété de textures d’un 100% coton.

En effet, on ne va pas se mentir, la plupart des matières contenant du synthétique sont visuellement plates et pas très excitantes. Ce ne sont pas elles qui vont apporter quelque chose en plus à votre tenue.

En clair, une chemise en chambray japonais aura toujours bien plus de charme qu’une chemise en matière synthétique.

Par contre, pour du vêtement technique, les matières synthétiques sont incontournables grâce à leur rapidité de séchage, de confort, leur respirabilité ou les multiples usages possibles.

Voilà pour ce panorama que j’ai pris beaucoup de plaisir à brosser.

Si jamais vous aimez le vêtement depuis aussi longtemps que moi, je serai curieux d’avoir votre avis sur les grands changements auxquels vous avez assisté !

Benoît Wojtenka Benoît Wojtenka
Benoît Wojtenka, cofondateur

J'ai fondé BonneGueule.fr en 2007. Depuis, j'aide les hommes à construire leur style en leur prodiguant des conseils clairs et pratiques, mais aussi des réflexions plus avancées. J'aime aussi le techwear, les matières japonaises, le sport et le thé.

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