Cela faisait quelques temps que je pensais à traiter de sujet.
Depuis un an ou deux, lorsque le temps est clément, je retrouve un plaisir que j'avais complètement oublié au fil des années : porter une maille à même la peau.
C'est une pratique pleine de nonchalance, qui, je pense, mériterait d'être plus répandue.
Eh bien, je m'apprête à vous l'expliquer. Et ce, en trois points.
1. Pour ces moments où il fait beau, mais pas vraiment chaud
Si vous êtes parisiens, comme moi, et que vous n'avez pas la chance de vivre dans le Sud ensoleillé de notre territoire français, vous aurez sans doute remarqué que chaque année, l'été se fait un peu traître : lorsque le mois de mai touche à sa fin, on se rappelle toujours des moments de canicule des années passées, et l'on s'y prépare avec zèle, en s'équipant de moult shorts, chemisettes, et tee-shirts légers.
Mais on oublie souvent les jours, voire les semaines entières, où le temps s'était fait plus changeant : 18° ce matin là, 22° ce soir-ci, 24° en cette après-midi, pourtant si lumineuse.
Et comme nous l'avons vu ces dernières semaines, cela peut tout à fait survenir en plein mois de juillet.
Juillet, oui messieurs, juillet, alors que nous préparions nos bermudas et nos tee-shirts en lin. N'est-ce pas agaçant ? N'est-ce pas décevant, de devoir ressortir son petit blouson du mois de mai ? J'accuse le temps d'être sournois, et j'en deviendrais presque climato-sceptique, pardi !
D'autant que si les chiffres indiqués par le mercure peuvent être les mêmes que par une belle journée de printemps, le ressenti, lui, ne l'est pas forcément. Car il variera en fonction de votre exposition : ainsi, lors d'une éclaircie, ces timides 20° degrés annoncés peuvent vite se transformer en un bon 25° un peu accablant, qui vous tape malicieusement dans le dos.
Sujet des changements de températures d'ailleurs traité par Benoît dans ce Parlons Vêtements.
Figurez-vous que j'ai appris, il y a deux ans, qu'on appelait ça "l'été Indien". Mais indien ou pas, ça ne change rien à notre problème : ça reste un drôle d'été, si vous voulez mon avis.
Mais c'est justement dans ces moments que brille le port d'une maille légère, aérée, dans des fibres estivales.
Typiquement, un bon pull d'été est un peu plus chaud qu'un tee-shirt de mi-saison bien ajusté, mais sera encore plus respirant, grâce au choix de fibres incorporant du lin, du coton, ou même de la ramie par exemple. Et grâce à son tricotage, qui se voudra soit plus fin, soit plus aéré. A vrai dire, sur un poids suffisamment léger, même le mérinos ou le cachemire peuvent convenir. Cela vous permettra par ailleurs de mettre l'idée en pratique au printemps ou au début de l'automne.
Mais loin de moi l'idée de vous laisser penser que c'est une technique réservée aux citadins qui se coltinent un été capricieux (ou aux Indiens)... Loin de là !
Lorsqu'il fait beau mais qu'il vente à la mer ou à la montagne, la maille à même la peau prend également toute son utilité . Et il va sans dire que les soirs d'été y sont aussi particulièrement propices.
Quant aux français du Sud qui me lisent... Vous n'avez qu'à partir du principe que tout ce que je viens de dire sur notre été s'applique sans doute à votre printemps. Veinards !
2. Pour un tombé qui épouse le corps
Mais si ce n'était qu'une affaire de température, le port de la maille à même la peau resterait, tout au plus, une anecdote, une banale possibilité parmi d'autres, plutôt qu'un choix de prédilection.
Or, je voudrais que l'on remarque non seulement ses qualités thermiques, mais aussi son petit plus esthétique : le port de la maille à même la peau confère un air décontraction absolu, une allure de nonchalance palpable, mais que l'on ne parvient pas toujours à identifier.
Tout simplement parce que la maille tombe avec une plus grande fluidité.
Ce n'est pas pour rien que les shootings de marque en usent et en abusent pour souligner le drapé de leurs mailles fines.
La coupe idéale pour ce faire, c'est une coupe ajustée par endroits, mais surtout pas moulante.
La grosse maille épaisse d'hiver peut être choisie serrée car elle n'a de toutes façons pas de drapé : alors autant qu'elle suive directement le corps du porteur, sans quoi, elle risquerait de le "gommer".
Portée à même la peau, la maille légère doit se draper autour de votre corps plutôt que de le coller. Sa fluidité, son mouvement, suffisent à suggérer la silhouette sans avoir à la montrer.
Ma façon de le faire : dans un pantalon léger taille haute, en remontant les manches jusqu'au coude, pour accentuer l'esprit décontracté et profiter de l'air frais sur mes avant-bras.
Mais cet atout potentiel est aussi la cause de ses inconvénients éventuels, qui expliquent la rareté de cet usage : sous une maille fine au tricotage assez lâche, il n'est pas impossible que l'on puisse apercevoir, d'une part, vos rondeurs, votre minceur, ou tout autre trait que vous préférez dissimuler tout au long de l'année.
Et d'une autre, il est possible que l'on puisse apercevoir aussi... vos tétons.
Pardonnez ma ponctuation dramatique, ces points de suspensions se veulent un brin ironiques. Car je sais à quel point les opinions divergent à ce sujet.
C'est un peu comme pour les sandales en ville, les pantalons très slim, ou les débardeurs, les chevilles découvertes sous les pantalons un peu courts... Bref, tout ce qui touche au corps et à sa visibilité : les réactions se font parfois viscérales et impitoyables dans leur jugement.
Certains seront paniqués à l'idée que l'on puisse deviner, même imperceptiblement, la présence de ce signe distinctif de leur appartenance au groupe des mammifères , tandis que d'autres , n'en auront pas grand chose à faire.
Me concernant, ce n'est pas tant une revendication qu'une réelle indifférence. Mais à vrai dire, c'est aussi une question d'aisance et de pudeur, et sur ces questions, chacun voit midi à sa porte... Et c'est très bien ainsi.
Il serait, à mon avis, déplacé de faire des injonctions à se cacher, ou au contraire, à se dévoiler.
Néanmoins, on comprendra aisément pourquoi cette pratique est nettement plus représentée, dans la vie comme sur les shootings de marques, par des jeunes hommes minces, et au torse rarement velu.
Si vous êtes hésitants, j'insiste à nouveau quant à la vigilance nécessaire sur le choix de la coupe, qui, je le répète, sera choisie avec plus d'ampleur que celle de vos mailles hivernales plus épaisses.
L'aspect esthétique de la chose ayant été traité, je souhaiterais conclure sur ce qui est, à mon sens, le plus grand atout de la maille à portée même la peau, le ressenti.
3. Pour un ressenti unique en son genre
Pour ce qui est des vêtements, j'attends encore de trouver quelque chose de plus agréable que de porter une maille à même la peau.
Vous voyez cette sensation que l'on a, quand on se balade en peignoir, en sortant de la douche ? A la fois enveloppé, protégé, mais libre de respirer ?
Eh bien je dirais que porter une maille à même la peau, c'est un peu comme sortir en peignoir toute la journée. A la différence près que vous ne risquez pas d'aller en garde à vue pour outrage à la pudeur, ce qui est préférable, vous en conviendrez.
Plus sérieusement, ce ressenti s'explique par trois choses :
- Premièrement, lorsque vous portez un tee-shirt ou une chemise sous une maille, vos mouvements sont restreints par la friction et la tension engendrée entre ces deux pièces. La coupe ne sera pas exactement la même, les propriétés mécaniques ne sont pas les mêmes, et quand vous bougez toutes ces minuscules facteurs s'additionnent pour vous donnent une légère sensation d'encombrement. Cette sensation, à laquelle nous sommes habitués tout au long de l'année, disparaît lorsque l'on enfile sa maille sans rien en dessous. Et est remplacée par un sentiment de liberté de mouvement.
- Deuxièmement, contrairement au tee-shirt à manches courtes, les manches longues d'une maille vous donnent la sensation d'être couvert, emmitouflé, bref... protégé. On y est bien, tandis que nos bras nus sous un tee-shirt sont exposés au vent, au monde extérieur.
- Et troisièmement, l'ampleur nécessaire au port à même la peau renforcent ce sentiment de liberté. C'est un peu comme quand vous dormez sous vos draps : encore une fois, vous êtes couvert, mais pas "recouvert".
A me relire, j'ai l'impression que ces subtiles variations vous sembleront tout à fait triviales, et pourtant, je ne peux que vous encourager à en faire l'expérience, et à constater la différence à la fin d'une journée.
En fin de compte, il y a un seul problème à cette pratique : si vous essayez, et que vous passez outre les réticences initiales que j'ai exposées plus haut, vous risquez d'y prendre goût. Or, une fois les jours plus frais revenus, vous aurez le plus grand mal à accepter de remettre un tee-shirt sous votre pull, à perdre à la fois ce drapé visuel et cette sensation de liberté de mouvement.
Par conséquent, il me vient déjà l'idée un autre billet, pour une autre occasion : "Comment retrouver les avantages de la maille d'été à même la peau... même en hiver ?"
D'ici là, profitez bien de la saison, et n'hésitez pas à me dire quelle maille vous préférez porter à même la peau.
BONUS : Les conseils pratiques au sujet des mailles d'été
- Comme évoqué plus tôt, choisir les bonnes matières premières est central pour avoir une maille suffisamment respirante. Privilégiez donc les mélanges comportant une part importante de lin. Je vous conseille de lire ce petit "Guide Du Lin" pour comprendre les propriétés de cette matière.
- Vous pouvez considérer que le chanvre ou la ramie ont des propriétés très similaires à celles du lin. Les conseils relatifs à ces fibres sont les mêmes.
- Le coton est un choix acceptable, surtout dans un mélange avec du lin (ou fibres similaires), mais les mailles 100% coton ou presque boivent trop la transpiration, et ont un intérêt esthétique plus limité.
- Ces mailles estivales auront tendance à se détendre plus fortement et rapidement que vos mailles habituelles. D'une part du fait de ces fibres, moins élastiques, et d'une autre à cause du tricotage de la maille, souvent plus lâche pour les mailles légères. Un petit tour en machine à froid, en programme délicat, leur rendra cependant leur apparence d'origine. (Et ça tombe bien question hygiène, puisque vous les portez de toutes façons à même la peau.)
- S'il ne faut pas choisir ces d'été mailles trop ajustées, il n'est pas forcément utile d'aller chercher une taille au dessus de votre taille habituelle. Parfois, les marques adaptent les coupes pour qu'une même taille ait un tombé plus "relâché". Mais souvent, la simple différence de fibres et de tricotage s'en charge d'elle-même, via la détente : une même mesure prise à plat donnera un rendu plus ample au porté.
- Les marques produisant les mailles d'été sont les mêmes que les marques produisant... des mailles tout court. Jetez un œil ici pour voir nos recommandations. A titre personnel, je dirais cependant que sur ce créneau précis, Inis Meain est indétrônable, si votre budget le permet. Pour un budget plus raisonnable mais une belle qualité, NN07 produit pratiquement chaque Printemps-Ete quelques modèles en lin ou en coton lin, bien réalisés.