Disclaimer : On accueille une nouvelle plume dans nos colonnes, aujourd'hui. Bienvenue à Séga, grand amateur de vintage. Sensible aux problématiques environnementales et aux dérives de la mode, il nous fait découvrir "l'upcycling" pour une consommation plus responsable. La parole est à lui !
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On s’est tous déjà retrouvé devant son dressing débordant de vêtements plus que de raison. La scène, vous la connaissez par coeur. Elle se finit souvent par la fameuse phrase “c’est le bazar, je ne sais pas quoi me mettre”. Cette occasion vous a permis de réaliser que vous aviez peut-être acheté beaucoup trop de pièces…
Pour éviter ce genre de débordement, mieux vaut vous concentrer sur les basiques de votre armoire. Néanmoins, si le mal — ou le trop bien, plutôt — est déjà fait, une alternative s’offre à vous : l’upcycling.
On pourrait le traduire par l'expression "recyclage par le haut". L'idée ? Récupérer de vieux vêtements dans votre dressing, ou en friperie, et leur offrir une seconde vie...
Peut-on se lancer seul dans l'upcycling ?
Votre dressing est une mine d'or, d'autant plus s'il est plein à craquer. L’upcycling peut alors servir à le rafraîchir. Seul impératif : avoir suffisamment d’imagination pour réinventer les pièces de votre armoire.
Plusieurs retouches sont possibles sur un vêtement. Brièvement, vous pourriez changer :
- La forme d'un col : par exemple, éliminer un col mao si ce style de chemise ne vous plaît plus.
- La longueur et les coutures des manches : pourquoi ne pas envisager une veste avec des manches 7/8, pour casser la longueur de vos bras ?
- Ajuster le buste, en cintrant une veste que vous ne souhaitez plus droite, par exemple.
- La coupe d’un pantalon, pouvant être réajustée sans trop de difficulté.
Lorsque vous avez une idée précise de ce que vous souhaitez, passez par l’un des retoucheurs présents dans votre région pour que la pièce “upcyclée" puisse voir le jour. Concrètement, elle ne vous coûtera que le prix de la retouche.
Si vous n’avez aucun a priori sur la question, les friperies, les vides-greniers et les dépôts-vente sont un terrain de jeu non négligeable. Vous pouvez vous y rendre pour y acquérir des vêtements de seconde main puis les (faire) customiser.
Le bon compromis : acheter des vêtements déjà upcyclés
Vous ne vous sentez pas l’âme d’un créateur ? Vous aimez les beaux vêtements et vous souhaitez limiter votre impact écologique en participant à une économie circulaire ? Vous êtes donc un consommateur raisonnable.
En France, Internet a permis l’éclosion de nouveaux acteurs avec une forte conscience écologique.
Vous avez remarqué ? Les prix sont souvent plus élevés que pour des vêtements vintage classiques, à cause du coût de main d'oeuvre supplémentaire.
La Draft Paris est un autre label empruntant la voie de l’upcycling. Chaque semaine, les créateurs de cette marque urbaine se rendent dans des friperies parisiennes et sélectionnent des pièces selon leur qualité. Elles sont ensuite travaillées en collaboration avec un atelier parisien pour leur offrir une seconde vie.
Présente uniquement sur Internet, la marque propose un service de retouche. Vous pouvez modifier vos vêtements afin qu’ils correspondent à leur univers.
Pour upcycler, une marque peut également récupérer d'anciens tissus, voire des chutes. C’est le pari de Saudade de Paris. L’ensemble des tissus utilisés provient de fournisseurs spécialisés, détenant des rouleaux récupérés auprès de Maisons de couture.
Quand les géants de la mode flairent le filon...
Fast-fashion et upcycling : l'émergence d'un paradoxe
Aujourd'hui, on retrouve l’upcycling partout. Côté fast-fashion, l’enseigne Uniqlo organise régulièrement des collectes de vêtements depuis 2012. Les plus usagés sont désassemblés pour créer de la matière isolante.
Pêle-mêle, on peut mentionner Urban Outfitters et H&M, entre autres… L’upcycling reste une manière pour ces marques de continuer de produire (et donc de vendre) des vêtements à moindre coûts. Restez donc attentif à la qualité de ces vêtements.
Certaines marques, plus haut de gamme, se lancent également dans le recyclage par le haut. Depuis 2011, A.P.C (pour Atelier de Production et de Création) n’a jamais aussi bien porté son nom. Son programme "A.P.C Butler" est destiné aux propriétaires d’un de leurs jeans. Le principe est le suivant : A.P.C récupère votre ancien modèle, le traite à nouveau (voire le remet en état) et le revend à moitié prix.
En 2015, le groupe de luxe Kering a annoncé un partenariat avec la société Worn Again. La start-up, spécialisée en recherche et développement, a mis au point une technologie de recyclage capable de séparer et extraire le polyester, et la cellulose de coton, des vêtements anciens ou usagés. Les matériaux servent ainsi à fabriquer de nouveaux textiles et vêtements. En somme, l’upcycling quasi-parfait, sauf qu’on attend toujours d'en voir l’application concrète dans nos armoires…
À nos amis parisiens, la boutique "Episode" propose une ligne de vêtements retravaillés : c’est la gamme "Reworked". Plus loin dans la même rue, "Kiliwatch" propose le même concept avec sa gamme "Culture Vintage". Néanmoins, vous devrez vous délester de 60 euros minimum pour des pièces intéressantes…
La difficulté de mieux consommer
Un effort de la part des marques
Upcycler passe par un changement de comportement des marques.
Par exemple, Patagonia a été la première marque de vêtements de plein air à fabriquer des toiles en polyester à partir de bouteilles en plastique. En 2017, elle a décidé de rationaliser ses gammes de tee-shirts, si bien qu'à partir du printemps 2018, elle offrira seulement deux options : un 100% coton biologique, et un mélange coton / polyester recyclé. L’enseigne reconnaît explicitement que le coton biologique a un impact négatif sur l’environnement et agit à son niveau pour limiter son empreinte.
Revoir nos habitudes
Upcycler passe également par un changement de comportement des consommateurs. Soyons clair : pas de fast-fashion sans fashion victims. Pour vous aider à décrocher, Love Your Clothes, une initiative de l'association Wrap, offre des informations aux consommateurs à chaque étape du processus, allant de l'achat plus intelligent, la réparation, la personnalisation du vêtement, jusqu'à son upcycling.
En fin de compte, la meilleure chose à faire est de garder vos vêtements plus longtemps en investissant dans des pièces de qualité — et d'acheter moins de vêtements neufs...
"Oui, mais l'upcycling n’est pas si nouveau que cela !"
L’upcycling n’est pas une idée nouvelle. Vous l’avez compris, le principe est simple : le déchet (le vêtement ou le tissu usagé) est un matériau comme un autre, destiné à intégrer un process de production.
En 2002, le chimiste allemand Michael Braungart et l’industriel américain William McDonough publient le livre référence sur le sujet : Cradle to Cradle : remaking the way we make things.
Seize ans plus tard, l’upcycling n’en reste qu’à ses balbutiements en France. Le défi reste de convaincre la majorité des fabricants et des consommateurs qu’un vêtement récupéré et upcyclé peut être stylé et, surtout, durer.
Malheureusement, force est de constater que les marques sont peu nombreuses sur le segment. Quant à celles que l'on trouve :
- Elles offrent peu de choix au consommateur .
- Les prix restent relativement élevés, y compris pour un e-shop comme ASOS. L’upcycling reste un phénomène de niche. Les marques passent souvent par un atelier de création tierce, ce qui limite leur marge de manoeuvre dans la fixation des prix. Les prix oscillent entre 50 et 150 euros, pour les plus abordables, et peuvent rapidement grimper.
- Enfin, certaines enseignes jouent clairement la carte “fast-fashion faussement éco-responsable”. Il nous appartient alors d'être vigilants.
Le mot de la fin…
Selon l’Institut Danois de la Mode, il s'agit de la deuxième industrie la plus polluante au monde, après celle du pétrole. Upcycler ne fait certes pas tout, mais cela permet de créer, produire et consommer de manière un peu plus éco-responsable.
Si vous avez des suggestions ou des marques à partager, n’hésitez pas à les mentionner en commentaire !