Dans le « Joker » de Todd Philips, on découvre un véritable parcours de style où le vêtement traduit la psychologie haute en couleurs de son porteur. Et le film ? C'est une sorte d'anomalie dans la matrice hollywoodienne des comics et des super-héros. Explications.
LE PITCH : UN CLOWN, UNE VILLE, ET LA RÉVOLTE GRONDE
Dans la ville fictive de Gotham City, 1981. Les amateurs de comics, de Batman et de Robin connaissent cette ville par cœur. Mais le sujet ici est autrement moins héroïque et spectaculaire. On suit en effet le parcours d'un homme qui vit seul avec sa mère, dans un immeuble et une ville qui tombent en ruines. Cet homme s'appelle Arthur Fleck. Il souffre de troubles mentaux et vivote tant bien que mal de son métier de clown.
C'est que la vie est dure à Gotham City : violence omniprésente, chômage et misère sociale. La révolte n'est jamais bien loin. Il ne fait pas bon non plus être différent dans cet univers. Les personnes de petite taille en prennent pour leur grade. Les handicapés aussi. C'est précisément le cas d'Arthur Fleck et il va petit à petit basculer du côté obscur à force d'humiliations et d'acharnement pour devenir le redoutable Joker.
Voilà pour la petite histoire, très fataliste. Si « Joker » a quelque chose d'un peu étonnant parmi les productions hollywoodiennes, c'est en partie lié au parcours de son réalisateur et à la dimension sombre et psychologique du « Joker ». Jetez un œil à sa filmographie : rien ne semblait jusqu'alors indiquer qu'il puisse un jour accoucher d'un tel film. C'est une première surprise.
La seconde, c'est que Todd Phillips est aussi particulièrement bien entouré. Au casting : Joaquin Phoenix, Robert de Niro ou bien encore Frances Conroy. La performance de Joaquin Phoenix est tout à fait bluffante. Mais ce n'est jamais qu'un des atouts du film.
Car il faut compter sur une distribution au diapason et une mise en scène débarrassée des tics de l'ère moderne. La photographie est tout à fait dans l'esprit early eighties et on peut également noter la musique, superbe et judicieusement confiée à l'Islandaise Hildur Guðnadóttir.
Quant aux costumes, ils sont supervisés par Mark Bridges, en photo ci-dessus. C'est un habitué du cinéma d'esthète de Paul Thomas Anderson. Les plus cinéphiles le savent : cette information est déjà un indice en soi sur le vestiaire du film. Souvenez-vous par exemple de « Phantom Thread » avec Daniel Day-Lewis. Vous trouverez en tout cas dans « Joker » du vintage, du sur-mesure et des tailleurs habitués du costume de cinéma comme Yvette Helin ou Lawrence Bell.
CE QU'IL FAUT VOIR CÔTÉ STYLE…
« Joker » est l'histoire d'un homme qui se révèle à lui-même. Le vêtement joue un rôle capital dans son parcours. À la sortie du film, le costumier Mark Bridges livrait à la presse sa volonté de capturer le personnage et son époque - la fin des années 70, le début des années 80.
D'un point de vue stylistique, « Joker » est à cheval entre deux mondes : celui de l'adolescence un peu attardée, des vêtements synthétiques alors très en vogue et celui des adultes en tenues plus habillées, avec des matières un peu plus nobles.
© Imago / Cinema Publishers Collection
Joaquin Phoenix dans « Joker », 2019.
Ce passage d'un monde à l'autre, vous le découvrirez en même temps que l'antihéros incarné par Joaquin Phoenix. Il s'accompagne de violences en tout genre et de fous rires nerveux. « Tout doit disparaître », à commencer par Arthur Fleck et son costume de clown rapiécé. « Soigne ton look ! » lui disent ainsi les passants. C'est précisément ce qu'il va faire.
Depuis, le costume du Joker a fait le tour du monde. On a même fait de ce personnage et de son look une icône des révolutions sociales. À l'heure où des couleurs plus vives reviennent ici et là sur le devant de la scène, seriez-vous prêts de votre côté à endosser le costume rouge, le gilet jaune et la chemise verte ?
Pour celles et ceux qui hésitent, voici toujours trois bonnes raisons de (re)voir le film phénomène de 2019 à travers le vêtement :
1. LE CARDIGAN EST VOTRE AMI
Avec la veste à capuche camel tendance jaune,le cardigan est un des marqueurs de style les plus forts du personnagede Joaquin Phoenix avant qu'il ne devienne le Joker. Il en possède plusieurs. Il les porte le plus souvent avec souliers, pantalon et chemise.
© IMAGO / ZUMA Press
Une chemise, un cardigan avec de la texture et une veste à capuche, une des tenues de Joaquin Phoenix dans « Joker », 2019.
C'est classique, mi-habillé mi-décontracté selon qu'il porte le cardigan ouvert ou fermé. C'est un des avantages de ce vêtement par rapport au pull : son adaptabilité. Mais ce n'est pas le seul. Si jamais cette pièce vous intrigue, Jordan vous donne quelques pistes et inspirations dans Panache.
En attendant, si les vêtements de Joaquin Phoenix ne brillent pas spécifiquement par la beauté de leur matière, il est possible que son vestiaire ait au moins contribué à remettre le cardigan au goût du jour. De nombreuses marques s'y attellent, en tout cas. Vous n'êtes définitivement pas trop porté sur ce vêtement ? Quelques alternatives ici :
2. LE COSTUME COMME UNIFORME ET SYMBOLE
On l'a dit plus haut : le costume du Joker a fait le tour du monde. C'est même devenu un motif de cosplay. Dans le détail :un pantalon et un blazer rouge, un gilet de costume jaune, une chemise verte, des souliers marron et des chaussettes blanches, toujours. Possible que le gilet de costume jaune soit un des détonateurs de sa nouvelle identité stylistique.
Toujours est-il qu'à l'échelle du personnage d'Arthur Fleck,le costume symbolise l'achèvement de sa révélation stylistique. Quand il quitte son cardigan et sa veste à capuche pour embrasser le costume rouge, il se met soudain à exister pleinement. Son corps danse. Ses vêtements lui donnent une nouvelle assurance. Comment en est-il arrivé à cette tenue ? Il est possible qu'il s'agisse d'un mariage entre son métier de clown et sa fascination pour les costumes du présentateur TV incarné par Robert de Niro.
Entre les deux : une sorte d'équilibre dédié au spectacle et à la couleur dans le vêtement. Quant aux chaussettes blanches, si elles sont ici une récurrence de style, elles peinent encore à trouver de l'écho dans nos tenues habillées d'aujourd'hui. Mais le Joker n'est-il pas né pour briser les règles ? Sur ce sujet, Jordan vous donne quelques indications ici :
3. LE CHEMIN VERS LE STYLE EST LIBÉRATEUR
L'exemple du Joker est assurément extrême. Mais parce que nous sommes au contact du vêtement à longueur de journée, on ne peut nier qu'il joue un rôle essentiel dans nos vies. Après tout, trouver son style, c'est aussi se trouver soi-même.
Pour le personnage de Joaquin Phoenix, sa « libération » provient tout à la fois d'un trop-plein et d'une forme de minimalisme. Vous ne le verrez pas essayer mille vêtements : avec le recul, le style du Joker est simplement une évidence. Il raconte ce qu'il a été et ce qu'il veut devenir.
© IMAGO / Everett Collection
Joaquin Phoenix dans « Joker » de Todd Phillips, 2019.
Le minimalisme n'est pas tant dans les couleurs, les coupes ou les matières que dans la silhouette elle-même : si vous pensez au Joker de Joaquin Phoenix, vous ne visualisez probablement que la tenue de l'affiche du film : un personnage fantasque, grimé, costumé et ultra coloré qui descend gaiement ces fameux escaliers situés dans le Bronx new-yorkais, entre Shakespeare Avenue et West 167th Street.
C'est une tenue unique. Elle se suffit à elle-même et dit en même temps beaucoup de la psychologie de son porteur. S'agit-il d'une tenue originale ? Nicolò vous en dit plus sur l'originalité dans le vêtement ici :
… POUR EN ÉLABORER DES TENUES INSPIRANTES
1. POUR L'ESPRIT CHARLIE CHAPLIN
Si vous regardez bien, vous trouverez dans « Joker » toutes sortes de clins d'œil au cinéma. Chez le personnage de Joaquin Phoenix, il y a parfois un peu du vagabond Charlot de Chaplin. Regardez ce cliché délibérément choisi en noir et blanc pour ne pas vous laisser distraire par l'excès de couleur :
Le pantalon est ample et plutôt court. Le gilet de costume est un peu plus ajusté et bien boutonné. On distingue en dessous une chemise à motif et une cravate. Chaussettes blanches et souliers en cuir pour conclure. Alors oui, les chaussettes qui tombent, ce n'est pas le summum de l'élégance.
Mais ce qui est intéressant ici se trouve plutôt dans la gestion des volumes et de la silhouette. La coupe du pantalon en particulier intrigue. Si le sujet de la longueur des pantalons vous parle plus particulièrement, vous pouvez entre autres jeter un œil ici.
2. POUR LE MARIAGE DU CAMEL ET DE L'ÉCRU
Pour celles et ceux d'entre vous qui sont familiers de l'univers Batman, vous connaissez assurément Bruce Wayne. Il est interprété ici par Dante Pereira-Olson. C'est un personnage mineur dans « Joker » et vous ne le découvrirez qu'enfant, dans quelques scènes seulement. Alors pourquoi se pencher sur ce personnage en particulier ?
Eh bien tout simplement parce qu'il démontre en une tenue tout ce qui fait le charme du pull à col roulé écru. Il est ici associé avec un manteau camel et un pantalon plus sombre. Ce n'est pas le look le plus excentrique du film. Mais il fonctionnera parfaitement au quotidien.
C'est aussi ce qui fait l'intérêt vestimentaire du « Joker » : ses personnages secondaires et leurs vêtements de tous les jours, loin des excès. Nul doute que vous y trouverez ici et là de quoi inspirer votre propre style.