Il est 4h du matin. Des voix résonnent sous mes fenêtres. On est de nouveau autorisés à remplir la nuit de nos cris de fête.
Mais pas de rue pour moi. Je suis assigné à résidence. Et ce n’est pas Castex qui l’a dit.
J’occupe le canapé du salon dans la pénombre. Je ne regarde pas la télé. Je ne lis pas. Je n’écoute pas de musique. Je somnole mais je ne vais pas me coucher.
Parce que j’ai, accroché au bras, un bébé affamé. Elle me fixe de ses grands yeux noirs pendant qu’elle descend son biberon de 4h.
Comme elle vient de finir, je l’installe sur la table à langer. Alors que je lui ai retiré la couche à peine souillée, elle choisit ce moment-là pour dégazer. Un pétrolier au bord d’une côte. Et la côte, c'est moi.
Heureusement que je ne porte pas de beaux pyjamas en soie. Je dors en t-shirt ; le plus honteux ou pourri possible. S'il a des trous, c’est mieux. C’est respirant.
Celui que je porte cette nuit-là est au mauvais endroit au mauvais moment. Il finit sa triste vie dans la poubelle. Bye-bye t-shirt Monoprix acheté il y a sept ans au moins ! Tu peux être fier de toi, tu m'auras servi avec honneur.
D’un côté, elle me rend service, cette petite. Elle me fait faire le tri dans mes vêtements. Et elle commence par mes tenues de nuit. Soit, c'est une organisation comme une autre.
Alors que je réfléchis à ça, elle est saisie d’un hoquet, le hoquet la fait régurgiter, ce qui lui provoque une crise existentielle violente constituée de larmes, de sanglots en apnée flippants et de griffures au visage.
Dans les bras, berceuse, mouvement de balancier, là, là, rassure, rassure, chuuuuuuuuuuut, chuuuuuuuuuuuut, tout va bien. Je ne compte aller nulle part de toute façon.
Elle se calme et je pense à mon t-shirt dans la poubelle.
C’est décidé, demain j’écris sur la mode et la paternité. Je le sais, il y a des pères parmi nos lecteurs. Si ça peut intéresser. Ou à défaut, si ça peut raviver des souvenirs.
Un bruit me sort de ma rêverie : elle est tombée K.O. sur mon bras et ronfle comme un bouledogue français.
Paternité et budget vêtements
C'est tout moi ça d'avoir fait un enfant au moment des soldes.
Quand elle est née, j'ai passé une heure à dire au revoir à tous les vêtements sélectionnés dans ma wishlist. Adieu ! Petits anges partis trop tôt ! On ne se connaît pas et on ne se connaîtra probablement jamais. Mais mon amour pour vous était sincère.
Car, on peut tourner les choses dans tous les sens. Mon budget fringue en a pris un sacré coup.
Avoir un enfant coûte de l'argent et, déjà que je n'étais pas exactement un modèle de bon gestionnaire financier , il me faut maintenant composer avec des frais que je n'avais pas.
Bref. Ma petite routine financière telle que je la connaissais est morte.
Je ne me plains pas, je l'ai choisi et le savais.
Mais dorénavant, il faut que je compose avec toutes ces nouvelles données. Faudrait aussi que je fasse mes comptes, histoire de savoir exactement la marge qu'il me reste pour les vêtements. Il faudrait oui. Mais de toute façon je sais que c'est peu.
Alors je me suis fait un dernier plaisir, comme pour sceller ce nouveau pacte que je faisais avec moi-même. Tel le fumeur qui sait qu'il fume sa dernière cigarette, j'ai acheté un vêtement trop cher pour mon nouveau train de vie.
Spoiler alert : je vais probablement le renvoyer car je ne suis pas convaincu par la coupe. Cela étant, je dis ça alors que je l'ai enfilé une demi-seconde entre deux occupations.
Spoiler alert bis : je le garde ! J'ai refait un essayage après avoir écrit les lignes du dessus et c'est validé. Pas par la street. Mais c'est validé. Bordeaux, tu n'as qu'à bien te tenir.
Tout ça pour dire que la théorie selon laquelle si on a un doute à l'essayage, c'est que ça ne va pas n'est pas infaillible.
Je l'ai pris sur Nitty Gritty (il était moins cher que sur Beige) mais c'était le dernier faut croire. Il n'y figure plus.
Je me vois bien déambuler dans Bordeaux avec ce pantalon sur les jambes, un t-shirt blanc ample, un blazer et des mocassins aubergine. Ah oui, et une poussette, un bébé, un sac à langer, une couverture, une sucette et j'en passe.
Mes outfits sur Instagram vont quelque peu se densifier.
Mais ce n'est pas le sujet !
En fait, si mon budget vêtements est réduit, il n'est pas non plus réduit à néant. J'aurai toujours l'occasion de m'acheter des vêtements, mais j'aurai plus de scrupules à le faire s'ils sont chers.
Mes priorités ont changé.
Ma nouvelle stratégie est de n'acheter que sur Vinted, Leboncoin, Ebay etc. et dans les friperies. La seconde main, dont j'étais particulièrement client déjà, devient mon mode principal de consommation de vêtements et l'achat neuf l'exception.
Ma fille me pousse à avoir une consommation encore plus responsable. Puisque d'une part, elle la réduit et d'autre part, elle l'oriente différemment. C'est une militante ma fille.
Mais il y a une autre chose : le budget que j'allouais d'ordinaire aux vêtements, j'ai aujourd'hui envie de le mettre ailleurs.
Et c'est dans cette optique que j'ai économisé depuis le début de la grossesse pour m'offrir un nouvel appareil photo. Car j'ai davantage envie de voir mes armoires se remplir d'albums photos que de vêtements.
Ça prend moins de place. Bonne nouvelle.
Pour ceux que ça intéresse, c'est celui-ci :
C'est un Fujifilm x100v avec un objectif 23mm (équivalent 35mm) fixe.
Pas encore reçu. J'ai hâte.
Je l'ai pris parce qu'il était compact, que je pouvais l'apporter partout, y compris en voyage, donc c'est parfait pour en faire comme une extension de moi, à dégainer rapidement.
Mais, comme dirait Benoît, "parlons vêtements". Je serais ravi de "parler photos" mais ce n'est pas le lieu. À moins que... Ça me donne une idée ça ! Bref.
Le fait que j'organise mon budget différemment ne signifie pas non plus que je veuille rogner sur le style. Jamais. Et même, plus que jamais, j'ai envie d'être ce papa qui a du style et qui aura appris à sa fille à développer son goût personnel.
Et pour cela, il faut que je montre l'exemple, non ?
Paternité et style vestimentaire
Ceux qui me connaissent et savent quel métier j'exerce m'ont tous posé la même question : "alors, tu vas changer de vêtements ?"
Et les plus techniques d'aller plus loin : "tu vas te mettre au Gore-Tex ?"
À ces derniers je réponds "non". Je préfère vivre dangereusement. Jusque-là la stratégie qui est la mienne, celle de l'évitement ou autrement appelée "la technique du pas de côté", a plutôt bien fonctionné.
Utiliser des vêtements techniques pour faire rempart aux régurgitations et autre jets me paraît un peu vexant pour ma fille. Et si ma conjointe se trouve à côté de moi au moment fatidique, ça risque de ricocher contre le puissant Gore-Tex et atterrir sur elle.
Le mot "Gore-Tex" prendrait un tout nouveau sens...
Bon la stratégie de l'évitement fonctionne dans les grandes lignes. Parfois, il y a des ratés.
Ça, c'est l'état de ma chemise Corridor (que j'aime tant) après que ma fille (que j'aime tant) s'en est occupée.
On remarque qu'elle a bien visé. Pile à côté du lange jaune.
Bonne nouvelle, ça ne tache pas. J'attends la diversification avec impatience, histoire de devenir expert une bonne fois pour toutes de l'entretien des vêtements.
"Quoi ? Une tache de vache qui rit ? Fastoche ! Tu frottes avec de la poudre de kumquat en chantant la Marseillaise évidemment !"
"Quoi ? Une tache de chocolat à la tomate ? Rien de plus facile, tu découpes la tache aux ciseaux et tu couds un patch dessus."
Je sens que je vais développer de nouvelles compétences.
Soit ça, soit je vais devenir un maître zen. Ou les deux.
Voir les choses avec détachement me paraît déjà la meilleure stratégie : il y a une tache, eh bien tant pis, c'est la vie, c'est la faute de personne.
Enfin si c'est la faute du bébé mais bon, il paraît qu'ils ne sont pas vraiment responsables de leurs actes. Même si j'ai vu un léger sourire sur la bouche de ma fille après une régurgitation. Coïncidence ou esprit démoniaque dans un corps de nourrisson, franchement mon cœur balance.
Accepter me semble donc mieux pour tout le monde. Et éviter peut-être de lui donner le biberon ou la changer avec votre costume sur mesure.
Alors comment on s'habille justement ?
Paternité et garde-robe idéale
Comme on le dit souvent la garde-robe idéale est un mythe. Disons qu'il ne saurait y avoir UNE garde-robe idéale. Elle dépend d'où vous en êtes dans votre quête du style, de votre quotidien, de vos goûts et de votre budget.
En tant que jeune père, j'avancerai cependant quelques éléments qui me paraissent importants :
- Le confort, plus que jamais. Je ne me vois pas tellement m'occuper de ma fille avec un jean 18oz neuf ou même des chaussures qu'il faut faire. Il faut pouvoir être agile. Le bon réflexe qui évite la chute. Et ainsi, plus que jamais dans mes achats, je privilégierai une certaine ampleur.
- Des matières pas trop fragiles. Oui bien sûr, car probablement que mes vêtements vont être soumis à rude épreuve. Donc peut-être ne pas porter ce cachemire délicat, cette soie sauvage ou autre quand on s'occupe du bébé.
- C'est lié au point précédent : il faut des vêtements qui passent en machine sans problème. Quand on a du temps libre, on veut faire autre chose que de laver une série de vêtements à la main.
- Des vêtements avec du caractère. Oui car les tenues se simplifient. Je n'ai plus vraiment le temps (pour le moment) de faire le tour 5 fois de ma garde-robe en me demandant ce que je peux bien faire d'inédit ce matin ! Donc il faut de l'efficace, du beau, du chien quoi, du panache bien sûr, toujours, mais un panache activable simplement.
Ma tenue principale pour ces prochains mois
- Jean Levi's 501 vintage délavé avec du confort aux cuisses. Je m'en cherche actuellement avec encore plus de confort. Peut-être tout simplement prendre une taille au-dessus.
- Un t-shirt blanc (Bronson MFG) ou gris ou une autre couleur, parce que c'est facile d'entretien et que s'il faut porter des choses lourdes, je suis immédiatement à l'aise. Et puis ce n'est pas très cher, donc s'il doit y avoir des accidents, je ne serais pas trop fâché.
- Pour sortir, une veste (Beams+) avec des poches. La sucette saute, le sac à langer n'est pas accessible, on la fourre dans la poche. Et puis ça se retire en un rien de temps une veste en cas de coup de chaud.
- Des mocassins (G.H. Bass & Co) confortables ou des tennis type Vans, Asahi, Doek. Ce genre de mocassins est aussi confortable que des tennis. Et leur avantage, c'est qu'ils se retirent facilement. On a le bébé dans les bras, on rentre chez soi, on s'assoit dans le canapé, pas besoin des mains, on est déjà déchaussés.
- Le collier, c'est pour le plaisir. C'est le dernier drop de Borali. Très réussi ! Pour l'instant, je peux me permettre d'en porter encore. Le jour où elle deviendra espiègle et qu'elle voudra m'étrangler avec, je le laisserai probablement au placard.
- La casquette (Berg&Berg) pour le plaisir aussi. Ça fait cool dad bien sûr, mais ça permet de mettre de la personnalité dans le look et surtout d'éviter d'avoir les cheveux dans les yeux. Je vous assure que ça fait la différence quand on a les mains prises.
Variante 1
On troque le blazer contre une veste en denim, le jean devient un chino large et les mocassins des tennis.
Simple, droit au but et confortable.
Variante 2
Il suffit de remplacer le blazer par une chemise. Pour faire écho aux éléments que j'énonçais plus haut sur la garde-robe idéale, il convient de choisir des chemises qui ont fière allure même quand elles ne sont pas repassées :
- Oxford
- Denim
- Chambray
- Corduroy
- ...
Ici ma chemise n'était pas repassée par exemple. Mais comme c'est une oxford, ça passe bien.
Eh oui, ces soirées où vous preniez le temps de repasser devant le film du dimanche sont parties. Plus le temps de faire ça. Il y a toujours la solution de déposer les vêtements au pressing mais c'est un budget et il faut que le pressing soit à côté.
Voilà !
Voilà ce que je peux en dire à ce stade. Cette vision de la paternité et du style est susceptible de changer bien sûr. Elle changera à mesure que ma fille grandira. Les enjeux ne seront pas les mêmes.
Et puis, même dans ce contexte, il ne faut pas oublier de se faire plaisir avec les vêtements, de s'amuser avec. Comme je le dis souvent, de la contrainte peut naître la créativité. Les contraintes sont bien là, on les connait. Alors c'est le moment d'être créatif, d'explorer de nouvelles pistes stylistiques.
La prochaine fois, je vous apprendrai à concilier amour du sport à la télé et paternité.