Aujourd'hui j’ai envie de te parler de souliers !
Je sais que l’on ne m’attend pas trop sur ce terrain, surtout après avoir fait un Parlons Vêtements et un Gimmick sur le techwear, mais j'en ai envie, notamment parce que c’est un domaine avec beaucoup de passion et de savoir-faire.
Là j’ai envie de parler de souliers habillés uniquement, et non de sneakers ou de chaussures workwear, et encore moins de tongs ou d’espadrilles.
Et je ne vais pas non plus parler de botterie : la botterie, c’est le fait de fabriquer des souliers sur mesure, donc l’opposé du prêt-à-porter,qu’on appelle aussi prêt-à-chausser. C’est exactement comme un tailleur pour un costume en grande mesure face un costume en prêt-à-porter. Place à la vidéo.
Mon coup de gueule contre les dogmes
Il y a du fondamentalisme chez certains amateurs de souliers et c'est ce qui m’énerve de plus.
À savoir des dogmes, où tout écart de pensée est violemment puni !
Et Internet n'a fait qu'empirer le phénomène, en favorisant les attentes irréalistes de certains au regard du budget qu’ils ont à consacrer à une paire de chaussures.
Me concernant, je me pose plutôt comme un “cherchant” qu’un “sachant” parce que je considère qu’une vie ne suffirait pas pour tout connaître du soulier.
Mais attention, il y a aussi ceux qui se posent en tant que grands manitous dénonçant les dogmes, mais pour en ériger un autre à la place.
De toutes façons, quelles que soient vos connaissances, quelle que soit la paire que vous portez, vous en aurez toujours un pour te dire que tu vous vous êtes fait avoir ou que vous n’avez pas de goût.
Et je suis convaincu que dans tout ce que je vais vous raconter, les marques que je vais citer, on me dira en commentaire que j’ai des goûts affreux, qu'il y a 100 fois mieux pour moins cher, etc.
Vous pourriez vous dire que c’est un tableau bien sombre que je dresse, mais ça ne l'est pas. Car maintenant, place à mon cri d'amour…
Un milieu de passionnés
Parce que le soulier, ce sont aussi des personnes super adorables et généreuses !
J'ai toujours en tête mon voyage à Northampton avec l’équipe de la marque Point de Paris, une jolie marque de passionnés qui ont écrit un long article sur la genèse de leur marque dans nos colonnes.
Et franchement, alors que j’étais celui du groupe qui s’y connaissait le moins, ils ont été d’une très grande pédagogie avec moi.
J'ai appris une tonne de trucs, et c’était un plaisir de les voir disserter sur un mur gravé ou collé.
Et le soulier pour moi ça devrait ça : de la passion et du partage, et un respect des autres qui ont un goût et des connaissances différentes.
Et c’est un peu ça que j’ai envie de vous partager dans ma vidéo, cet amour des savoir-faire, des jolies formes, des petites marques de niche.
Ce que je regarde sur une paire de souliers
Là, vous allez être déçus…
En vrai, maintenant, je fais mon travail de recherche sur internet bien avant.
Avec toute l’info disponible, les marques recommandées de manières récurrentes, honnêtement ça devient simple de choisir une marque réputée et une forme qui vous plaît dans votre budget.
Je sais que chez ces marques-là, il n'y a pas de risques d’avoir un faux goodyear par exemple et je sais globalement à quoi m’attendre.
Comme je l'ai dit, je suis allé à Northampton dans des magasins d’usine qui vendent des paires qui n’ont pas passé le contrôle qualité. Dans 95% des cas sur ces paires, le défaut est vraiment mineur, il faut être très passionné et aguerri pour le voir.
Et dans 99% des cas, c’est un défaut qui ne change rien à la durabilité ou à la forme de la chaussure, c’est purement un défaut esthétique.
Ma réflexion fut la suivante :
Même sur des chaussures qui n’ont pas passé le contrôle qualité, j’ai du mal à voir les défauts, donc autant me concentrer sur des choses simples, comme la qualité du cuir, les coutures, les finitions que j’aime bien, la forme qui me plaît et on y va !
Pour moi, choisir les bonnes marques, les connaître et savoir à quoi s’attendre dans ton budget chez ces marques et à quoi NE PAS s’attendre, c’est 90% du boulot au moment de choisir une paire de souliers.
Est-ce que pour autant je dis qu’il faut y aller au feeling sans se soucier de la technique ? NON !
Parce que rejeter l’aspect technique de la chaussure, pour moi c’est rejeter une partie du plaisir de ce domaine.
Malheureusement, les vrais indicateurs sur le soin et la qualité d’une fabrication sont souvent cachés, je pense notamment à la propreté des coutures, ou la qualité du mur de montage.
Et parce que moi, même si j’accepte un facteur chaos et de l’imperfection, j’ai malgré tout envie de comprendre ce que j’achète, comment c’est fait, pourquoi, les limites à mon budget, etc.
Donc j’ai une approche qui mélange le “c’est la vie, y aura toujours des petits défauts” et “j’ai envie de comprendre pourquoi la vie est comme ça”
Ce que je pense des défauts du cuir
Soit vous vivez dans l’angoisse en vous disant “mon dieu je vais choisir une paire avec un micro défaut sur le cuir tout le monde va penser que je suis un nul d’avoir fait ce choix”
Soit vous vous dites que la vie doit continuer à vivre, le soleil continuer à se lever, et que même il y a une trace de veine sur un cuir, une petite cicatrice si on colle le nez dessus, cela n’entache pas forcément la durabilité de la chaussure, et qu’une fois aux pieds, ça ne se voit plus.
Et si on veut du zéro défaut, soit il faut y mettre le prix, soit il faut prendre du cuir suédé ou du cuir grainé, tout simplement.
Je le dis et je le redis, la course à la paire avec zéro défaut au niveau du cuir, on ne peut pas la gagner, en tout cas moi je m’en suis détaché, parce que c’est sans fin.
Les plis de marche en question
Parlons-en !
On est tellement habitué à voir des photos de chaussures absolument parfaites sur les réseaux, toutes neuves, ou des chaussures faites sur mesure, avec des cuirs exceptionnels qui plissent très peu que dès que des plis apparaissent sur une paire à 300€ on a l’impression de s’être fait avoir.
C'est un vrai souci entre le décalage d’une chaussure fantasmée sur Instagram et la réalité.
Donc je ne le répèterai jamais, il y aura toujours des plis sur une chaussure portée régulièrement, fin de l’histoire.
Et même sur des chaussures fabriquées par des bottiers ou à plus de 1000 €, ça plisse aussi !
Oui la qualité du cuir peut entrer en jeu, et encore, mais c’est surtout si la forme de la chaussure est adaptée au pied qui va provoquer des plis plus ou moins marqués.
Là aussi, la course à la chaussure avec zéro plis de marche, on ne peut pas la gagner, c’est vain !
J'essaye juste de prendre une chaussure où mon pied ne flotte pas au niveau des orteils et ça fait déjà 80% du travail pour limiter les plis de marche.
Donc le pli de marche qui va apparaître sur votre chaussure, considérons que c’est une occasion de travailler notre lâcher-prise !
La bonne forme de la chaussure
J'ai un pied plutôt facile à chausser, avec une largeur normale, un coup de pied sans surprise, donc je n’ai jamais eu vraiment de mal à trouver chaussure à mon pied.
Mais c’est vrai qu’il fut un temps où j’aimais beaucoup les formes très effilées, alors qu'à présent je préfère quand c’est plus équilibré, un peu plus arrondi, sûrement parce que je suis influencé par des amis qui aiment beaucoup les souliers anglais.
Et c’est complètement OK d’avoir des goûts qui ont évolué, qui évoluent et qui vont évoluer, ça s’appelle juste la vie.
Mais si vous avez un pied un peu pénible à chausser, par exemple très large, court, avec un coup de pied fort, il est indispensable d'aller chez des marques à 300 € la paire et que vous essayez plusieurs formes jusqu’à trouver et comprendre ce qui vous va le mieux.
Souliers anglais, français ou italien ?
Vous le savez, je suis un grand généraliste et très curieux, donc je vais dire que j’aime les trois !
D’ailleurs, ça s’illustre par le fait qu’on fait fabriquer nos chaussures :
- en Angleterre et à la fois
- en Italie
- et au Portugal pour les sneakers
Dans le soulier anglais, j'aime :
- le côté robuste et confortable du soulier anglais,
- avec la semelle en Dainite qui ne craint rien,
- le côté des gentlemen-farmers d’une paire de brogues.
Et j’aime aussi le côté plus racé, plus flamboyant d’un soulier italien.
D’ailleurs, ma première "vrai"e paire de souliers, c’était une marque italienne qui s’appelait Dario Dodoni que j’avais achetée quand j’avais 19 ans, soldées à - 50% au Printemps de Tours. Une paire que j’ai encore, un collé qui a tenu incroyablement bien, surtout au regard la mauvaise réputation de ce collé. Comme quoi !
Le soulier français est un juste équilibre entre les deux, je pense notamment à Aubercy qui est la marque qui exprime le mieux cet ADN français, mais on y reviendra
Pour l’anecdote, lors d’une soirée assez épique avec les joyeux lurons de la marque Point de Paris, on était chez Philippe Atienza, un grand bottier français, et après quelques verres, je lui avais demandé c’était quoi pour lui une belle forme de souliers à l’ADN français.
Il m’avait simplement répondu : "c’est une forme pas trop pointue, et pas trop ronde". Et je trouve qu’il ne pouvait pas mieux résumer l'esprit français !
Quelle couleur choisir ?
Alors déjà, je ne vais pas me faire des amis, mais je suis pas un très grand fan du soulier noir, je trouve que la vie est trop courte pour la vivre avec des souliers noirs.
Alors on me dira que c’est un immense classique masculin et c’est vrai !
Mais je préfèrerai toujours un soulier en bleu marine très foncé qu’un soulier noir, je trouve ça plus original, plus distingué, tout en étant tout aussi facile à porter, à part si on se trouve dans un environnement avec des codes vestimentaires très stricts.
Mes marques préférées
1. Entre 100 € et 150 €
Entre 100 et 150 €, il y a Rudy’s. A ce prix, vous avez quand même une fabrication et un cuir portugais. Pour moi, si vous avez un peu de budget, je pense notamment aux étudiants qui vont faire leur premier stage, et que vous avez envie de tester de nouvelles formes, ou simplement d’acheter un soulier que vous allez porter occasionnellement, par exemple à de grands évènements trois ou quatre fois par an, c’est une très bonne option.
Là par contre, il faudra être vigilant sur l’entretien, notamment sur la présence d'embauchoirs, parce que ça va énormément impacter leur vieillissement, en bien ou en mal.
Par contre, en dessous de 100 €, je ne vois pas ce que vous pouvez acheter qui tient encore la route en matière de fabrication et de pays de production, autant chercher de la seconde main.
2. Entre 150 € et 250 €
Entre 150 € et 250 €, c’est une tranche de prix où ça commence à avoir beaucoup de choix, je pense à Meermin, Orban’s, Bobbies ou Velasca.
Bon là c’est clair qu'il n'y a pas de miracles, vous n’aurez que des formes plutôt simples, très consensuelles, et sans risques, idem pour les cuirs.
On peut aussi voir ça du bon côté et se dire que c’est une gamme de prix où l’offre est simple et efficace, et facile à porter.
Et encore une fois, si vous n’en demandez pas plus, ou si vous n'êtes pas un grand passionné du soulier, vous pouvez tout à fait trouver satisfaction dans ces gammes de prix.
C'est la gamme où vous avez des souliers "sympas", point final.
Mais ce n’est pas encore là où vous pourrez vivre vos premiers grands frissons
3. Entre 300 € et 400 €
Dans les gammes des 300 - 400 €, là il commence à se passer des trucs, là des premiers coups de foudre peuvent apparaître…
Je trouve que c’est le bon sweet spot pour un jeune actif qui a envie de s’acheter sa première vraie paire de souliers, celle où le plaisir fait partie de l’achat et où la chaussure n’est pas (seulement) vue comme un objet utilitaire.
J'aime bien Septième Largeur, un vétéran de la chaussure “accessible” avec qui on avait fait une collab il y a bien longtemps.
D'ailleurs, j’ai une paire, couleur aubergine que je mets souvent pour des mariages parce que qu'elle est très jolie et très confortable .
Puis vient Malfroid, où j’apprécie vraiment une certaine originalité, et j’aime beaucoup le fait qu’il ose franchement aller sur des designs très très casual, comme cette bottine que je n’avais pas vue venir.
Et enfin, mon petit bon plan caché, c’est la marque de Monsieur Chaussure, une enseigne qui vend à l’origine du cirage et des brosses.
Ils ont leur petite ligne de chaussure, fabriquée par les ateliers de Carlos Santos,
Charles, le fondateur, est un immense passionné de chaussures, il adore ça, il aime les formes bien racées, dont le serre d’aigle.
Et je trouve que c’est un excellent rapport qualité-prix si tu as envie d’avoir des souliers visuellement plus forts avec une patine bien visuelle.
Il y aussi Carmina aussi, qui est réputée, mais pour moi c’est un poil un peu trop classique. Depuis 2 ans, TLB Majjorca commence à avoir son public de fidèles, toujours dans cette gamme de prix sous les 400€.
4. Entre 500 € et 600 €
Honnêtement pour moi, c’est un peu une gamme de prix compliquée, parce que ça là, cela s’adresse nettement plus à des passionnés, et je serai bien en difficulté de répondre qu’est-ce qui justifie que ça coûte deux fois plus cher que ce que l’on vient de voir, à part le pays de fabrication.
Mais cela dit, j’ai craqué. Oui j’ai craqué, car je me suis offert il y a deux une paire de Crockett and Jones, les Islays, celles de James bond dans Spectre parce que je trouvais le confort.
Et franchement, je ne le regrette pas : je voulais un beau soulier, bien confort, avec lequel je peux marcher des heures même en cas de pluie, avec un flair anglais et un peu décontracté, et je l’ai eu. J’en suis super content, et le fait de voir sur les forums comment le cuir vieillit me rassure beaucoup sur la longévité.
Mais chez Crockett c’est peut-être la seule paire que j’aime, car je trouve le reste vraiment trop classique.
Et citons Jacques et Demeter, qui fabrique en France, avec des formes spécifiques, et surtout, qui a un super blog.
5. A partir de 800 €
Autour des 800€, je trouve qu'il y a assez peu de marques, à part Point de Paris. J’en ai déjà parlé, cet article signé de Charlie raconte leur histoire, c’est super intéressant et inspirant.
6. Plus de 1000 €
Puis après on entre dans la zone des 1000 € par paire.
Bon là c’est coup de cœur obligatoire à l’achat ! Là c’est le vrai et le très très grand frisson, et c’est une tranche de prix que j’aime bien chez les souliers italiens, parce que vous verrez des choses avec beaucoup de personnalité comme chez Di Bianco, Bonafé, ou Paolo Scafora.
Et en France, il y a Aubercy, et c’est important que je vous en parle.
Aubercy, quand je me suis installé définitivement à Paris, après mon retour de Montréal, en 2012, c’est cette adresse qui m’a redonné beaucoup d’intérêt au soulier.
On avait une connaissance commune et surtout la boutique était à deux pas de nos premiers bureaux dans le Sentier.
Entre le cousu trépointe, les contreforts en cuir au niveau de la voûte, j’ai été émerveillé.
Et j’ai compris pourquoi c’est une passion pour certains. Parce qu’avec un soulier Aubercy au pied, vous avez envie de vous comporter comme un gentleman, d’être très élégant. Mais une vraie élégance à la française. Et c’est cet équilibre unique que j’aime beaucoup chez Aubercy.
Je me suis dit, enfin une marque française avec un peu d’originalité et des formes bien racées.
Regardez-moi cette paire ! Regardez-moi cet équilibre qui sera encore parfait dans 30 ans.
Je suis anti souliers noirs, mais là je les prends de suite.
Bref, Aubercy aura toujours une place spéciale dans mon cœur.
Et je ne remercierai jamais assez Xavier qui m’a poussé à remettre en question tout ce que je pensais savoir sur le soulier.
Je me souviens notamment où il m’a montré une paire en cousu blake qui avait 20 ans, ressemelé pour la troisième fois, une anomalie dans ma petite tête du mec qui avait lu que le blake ce n’était pas bien et pas durable.
Du côté anglais, il y avait une autre marque que j’ai essayée, c’est Gaziano and Girling. Là aussi quand j'ai enfilé la chaussure, il se passe vraiment quelque chose et j’ai vite compris pourquoi c’était une marque culte dans le monde entier.
Elle ne ressemble à rien d’autre de ce que j’ai pu voir du soulier anglais : c’est plus racé, plus fort, plus audacieux.
Mais là aussi le prix dépasse facilement les 1000 €
Acheter des chaussures à 1000 € : une hérésie ?
D'ailleurs, j’aimerais vous dire ce que j’en pense sur le fait d’acheter des souliers à plus 1000 €.
Si vous gagnez très bien votre vie, et que ça ne vous pose aucun souci, c'est une bonne chose parce que cela permet de faire vivre de petites maisons hors des grands groupes de luxe.
Pour les autres, je dirai que ce n’est pas tout noir ou tout blanc.
Oui c’est vrai que c’est un investissement, mais ne vous attendez pas à pouvoir les porter trois fois plus longtemps qu’une paire de chaussures workwear qui coûte trois fois moins cher.
Ce n'est pas du tout le propos.
Mais évidemment, vous achetez une paire resemellable et qui peut vous faire 20 ans si vous les entretenez bien, donc oui, il y a de la qualité derrière : ce sont plus belles peaux sélectionnées, vous avez vraisemblablement le meilleur montage industriel possible, bref, vous as un produit d’une qualité indéniable.
Mais c’est surtout un énorme plaisir que vous achetez, celui d’avoir une très belle forme, et un chaussant unique, bref un soulier vraiment singulier.
Et pour finir…
Enfin, impossible de finir cette vidéo sans citer le livre d’Hugo Jacomet, "Souliers : une passion masculine", qui est un livre magnifique à avoir pour Noël qui a l’ambition de photographier les plus beaux souliers du monde, que tout amateur de souliers devrait avoir dans sa bibliothèque.
Dans cette vidéo, je porte notre cardigan Steven et une chemise Barbanera.