Après un premier article sur la marque Chevignon, avant de rentrer dans les détails, et étant donné que nous n'avons jamais parlé de shearling (= peau lainée) sur BonneGueule, j'aimerais bien détailler ce qu'est cette matière, et d'où vient le blouson aviateur.
Et ensuite, on passe aux photos !
Le shearling, c'est quoi ?
Depuis la nuit des temps, les Homo sapiens que nous sommes ont utilisé des peaux d'animaux afin de se protéger du froid de l'hiver. Dans ce contexte, le mouton a toujours été un choix plébiscité, car il s'agit d'une peau très robuste.
La veste en shearling, plus connue sous le nom de "veste aviateur", c'est une peau lainée retournée. Je dirais même plus : c'est la peau d'un mouton ou d'un agneau récemment tondu, qui a ensuite été tannée.
En effet, le mot "shearling" désigne un jeune mouton âgé d'environ un an, qui a été tondu une fois. C'est un élément important, car les vêtements en peau de mouton "standards" sont plus rugueux au toucher qu'un shearling, car ils sont élaborés avec des peaux de moutons adultes, ces dernières étant moins douces et soyeuses.
Le shearling peut être fabriqué à partir de peau de mouton véritable ou avec des fibres synthétiques (mais dans ce cas, la peau respire moins). C'est une matière douce et chaude, bref : très agréable à porter.
On a vu de très beaux modèles chez Balmain, Burberry ou encore Dior ; et ils sont proposés dans une grande variété de formes et de longueurs.
Gardez à l'esprit que jusqu'à trois peaux peuvent être nécessaires pour un manteau long. Les peaux doivent être taillées à la main par un artisan spécialisé, puis cousues ensemble pour façonner le manteau.
La veste en shearling est donc réellement douce mais surtout elle tient très chaud ; plus encore que le duvet issu d'oies ou de canards. Elle représente donc un investissement plus qu'utile lorsque les températures chutent ; d'autant plus que ces vêtements sont robustes et à l'épreuve du temps : vous pourrez les porter pendant des années (à condition de lui administrer les soins appropriés) ! En effet, c'est une matière si épaisse qu'elle vieillit sans problème. À l'instar d'une toile selvedge, plus la matière va se patiner avec le temps, plus elle va s'embellir.
La "flying jacket" : une naissance dans les airs
C'est dans les années 20 que le parachutiste américain Leslie Leroy Irvin a conçu ce blouson, suite à un exploit fort courageux. En effet, c'est le premier homme à avoir osé faire un saut en chute libre : on est en 1919, l'homme se découvre des ailes. À l'époque, ces blousons d'aviateur sont entièrement en cuir (de toutes façon, les textiles synthétiques n'existaient pas vraiment).
L'essor de la veste aviateur arrive ensuite lors de la Seconde Guerre mondiale, dans les années 40. Ce sont les pilotes d'avions américains (les bombardiers) de l'US Air Force qui l'adoptent en tant qu'uniforme (associée aux fameuses Rayban "Aviator") : la "flying jacket" est née ! Cette veste en peau retournée séduit également les pilotes de chasse allemands de la Luftwaffe et les Britanniques de la Royal Air Force pour des raisons évidentes.
Concrètement, ce vêtement est pensé pour lutter contre les conditions rigoureuses : les températures sont très basses pour les pilotes en altitude et leur tenue doit résister à la pluie, au froid et au vent. Le mouton étant une matière épaisse et protectrice, elle était toute indiquée dans le cas de l'armée de l'Air.
Sa conception est aussi un plus : un large col associé à des poignets et à la taille qui sont fourrés : le tout empêche bien le froid glacial de rentrer. Dans les années 50, les aviateurs sont devenus de véritables héros d'après-guerre aux États-Unis, et sont alors considérés comme des icônes par la culture populaire : il en va de même pour leur style : le blouson en shearling devient iconique.
Les années 70 marquent l'apogée du shearling, il devient un produit phare, très tendance, vu sur toutes les célébrités (toujours américaines essentiellement) qui s'exhibent avec une belle peau de mouton sur le dos.
Il faut attendre les années 80 pour que le blouson bombardier gagne la France, où il devient à la mode grâce à Chevignon. À cette époque, on est toujours sur des coupes aux volumes imposants qui feraient ringard dans le paysage de prêt-à-porter masculin d'aujourd'hui.
Par contre, l'année 2010 marque un vrai retour de la veste aviateur, grâce à Burberry Prorsum. Aujourd'hui, le shearling est toujours présent sur les défilés : Burberry, Balmain, etc., tandis que les pilotes de l'US Air Force le portent toujours.
Test du blouson en peau lainée (shearling) Chevignon
Maintenant qu'on a planté le décor, enfilons une de ces fameuses peaux lainées, grande spécialité de Chevignon.
Il faut savoir que c'était une pièce pour laquelle j'avais de lourds préjugés : je trouvais systématiquement les blousons en peau lainée trop larges aux épaules, trop tombantes, trop voyous, trop cheap... Bref, on ne peut pas dire que je partais d'un a priori neutre.
Ce qui me dérangeait, c'était la coupe qui était systématiquement large, à croire qu'un blouson en peau lainée fitté n'existait pas.
Une coupe qui s'en sort honorablement étant donné les contraintes de la matière
Mais dès que j'enfile le blouson, je comprends immédiatement les contraintes liées à la matière. En effet, le cuir est si épais que la moindre manche trop fittée en peau lainée peut devenir très peu pratique (au point de vous empêcher de plier le bras complètement). Et si la manche serre trop, la peau à l'intérieur de la manche agrippe la manche de sweat au moment de l'enfilage.
Mais cela dit, avec une matière aussi compliquée à travailler en coupe, Yoann s'en est admirablement bien sorti. Certes, ce n'est pas aussi fitté qu'un blouson en cuir d'agneau de chez Balmain, mais on est sur une coupe ajustée, aux épaules nettes.
J'insiste sur les épaules, car d'habitude, elles sont systématiquement tombantes sur ce type de pièces chez les autres marques, sûrement par facilité de patronage. Mais comme l'explique Yoann dans son interview, il a voulu aller à contre-courant des habituelles coupes oversized sur ces produits pour rendre la pièce - je cite - "sexy".
Au niveau de la coupe, c'est donc une réussite. D'un point de vue design, Yohann a eu le bon goût ne pas faire apparaître de peau lainée au niveau des manches, du bas ou de la fermeture éclair centrale.
De nombreux empiècements réhaussent le blouson
Afin d'avoir un design plus travaillé, Yoann a ajouté des empiècements d'un très beau cuir d'agneau sur les bras qui vont s'embellir avec le temps. Il a aussi structuré la pièce en y ajoutant quelques minces bandes de cuir afin de bien dessiner la carrure.
Bon alors, comment on se sent dans une telle pièce ? Eh bien ce n'est pas compliqué, vu l'épaisseur du cuir, c'est l'une des pièces les plus chaudes que j'ai pu porter (et c'est un fan de Canada Goose qui vous dit ça).
La peau lainée est définitivement l'une des protections les plus efficaces contre le froid que Dame Nature ait inventé. C'est chaud et douillet ! On sent qu'il ne peut rien nous arriver, même face à des températures négatives. Si vous êtes en pleine tempête, vous pouvez également relever l'imposant col, avec un effet "Bane" en bonus.
Un shearling de bonne qualité
La peau est de très bonne qualité, bien dense et fournie, avec cet effet légèrement jauni que j'aime beaucoup. Bref, l'ensemble respire le haut de gamme et la robustesse et on sent que Chevignon n'a pas cherché à faire des économies sur la matière, bien au contraire.
À qui s'adresse ce genre de pièce ?
Définitivement pas à ceux qui veulent une pièce "polyvalente" à tout prix et avoir un style qui ne se fait surtout pas remarquer.
Par contre, ceux qui veulent un cuir chaud avec une présence imposante et masculine, presque sauvage, c'est tout indiqué pour vous. On peut difficilement faire plus baroudeur...
Yoann donne de très bonnes pistes pour le porter : il faut mixer de l'élégant (chemise en oxford, pantalon en laine) avec du décontracté (sneakers basses, tee-shirt). On évitera juste l'effet voyou en mettant de côté des sneakers trop sophistiquées type Air Max ou des vêtements trop ostentatoires (et évidemment, pas de pantalon de survêt !). Il faut vraiment rester simple avec ce genre de design.
On a donc une bonne coupe + un bon design + une belle matière = une pièce très réussie. Voyons maintenant l'autre spécialité de Chevignon pour vous protéger du froid : la doudoune.
Test de la doudoune en duvet Eldeven
Le label Eldeven
Eldeven est un label déposé et développé par Pyrenex pour le traitement des plumes et des duvets.
Le duvet, c'est la partie la plus précieuse du plumage : elle en représente 10 %. Elle est ainsi plus rare, et donc utilisée pour des produits plus haut de gamme.
La qualité du duvet utilisé dépend de la sélection stricte des oies et canards dont il provient ; car les animaux sont issus des meilleurs élevages en France (différentes régions : Aquitaine, Pyrénées et Poitou).
Le duvet Eldeven assure donc un standard de qualité, grâce à sa très bonne isolation thermique, associée à la légèreté et durabilité de ses produits.
Ce duvet est rigoureusement traité au préalable : il est lavé avec des savons anti-bactériens, puis stérilisé et enfin dépoussiéré. Toutes ces étapes garantissent une pureté de la matière, et sont réalisées dans un strict respect de l'environnement. D'ailleurs, le duvet Pyrenex a la certification officielle : Oekotex, qui est un label reconnu en éco-conception.
Le blouson Tog's tient ses promesses
Une fois la pièce enfilée, le duvet joue parfaitement son rôle isolant. Vous n'aurez pas froid au buste, il est bien protégé. Cela dit, n'oubliez pas de prendre votre écharpe et vos gants !
D'un point de vue design, on est sur des influences vintage (d'où les couleurs et le motif en losanges) mais avec une coupe assez courte. Cela fait de cette doudoune un blouson matelassé relativement ajusté pour ce type de produit et très facile à porter par-dessus un sweat ou un cardigan. Je suis d'ailleurs très satisfait de la coupe.
Petit bémol sur une fonctionnalité
Un petit bémol cependant : j'aurai apprécié que les poches repose-mains aient une doublure polaire. Là, quand on n'a pas de gants et qu'il fait froid, le polyamide ne retient pas vraiment la chaleur des mains.
La matière a un traitement déperlant, et la doublure semble être en tissu "ripstock", donc résistant aux déchirures. Au niveau des matériaux, tout semble bien résistant.
Pour moins de 400 €, vous êtes face à un bon rapport qualité/prix, car d'habitude, les pièces avec un duvet de qualité sont beaucoup plus chères (c'est un poste de dépense sur lequel une marque ne peut pas tricher).
Conclusion du test Chevignon : un renouveau de la marque réussi
Avec Yoann à la direction artistique, la marque semble très bien partie pour se positionner comme une alternative casual à prix accessibles. Si elle garde une vraie spécialité dans le cuir et les pièces d'outerwear, j'ai pu m'apercevoir que Yoann est très pointilleux sur certains détails de jeans ou de chemises.
Bref, pour une marque âgée de plus de 35 ans, elle est en train de s'offrir une nouvelle jeunesse. Nous leur souhaitons de poursuivre dans cette direction !