Un an après mon premier article test - El Ganso qui, depuis plusieurs années, fait beaucoup parler d'elle en France.
Et aussi sur BonneGueule.fr car je sais que vous avez été nombreux à nous demander un avis sur El Ganso. J'ai donc rempli cette mission avec professionnalisme et abnégation. Pour que vous sachiez tout et que vous puissiez opérer vos choix avec discernement et plaisir. Alors prenez un verre de sangria, attachez vos ceintures, on embarque pour Madrid.
La marque El Ganso, une success story entrepreneuriale espagnole
Commençons cet article par une petite remarque d'ordre linguistique : les lecteurs ne maîtrisant pas la langue de Cervantes ne l'auront peut-être pas remarqué mais sachez que "El Ganso" signifie l'Oie en castillan. Vous ne serez donc pas surpris de découvrir que le logo de la marque est une oie :
D'entrée de jeu, le parti pris "branding" est fort car, comme le dit l'adage populaire, "Nul n'est censé ignorer l'Oie".
L'histoire de L'Oie commence officiellement en 2006 avec l'ouverture d'une première boutique, en plein cœur de Madrid, par les frères Cebrian : Alvaro et Clemente. Il est toutefois intéressant de connaître ce qu'il s'est passé avant 2006 pour bien comprendre la démarche des deux entrepreneurs.
S'ils ne l'ont pas formulé en ces termes, on pourrait aisément qualifier la marque El Ganso de preppy à l'espagnol. Mais en réalité, il est plus juste de parler d'un preppy "british" à l'espagnol car la genèse officieuse de la marque remonte aux débuts des années 2000.
En effet, pendant leurs études universitaires, les deux frères Alvaro et Clemente passent plusieurs étés à Londres à travailler comme serveurs dans des cafés, dans le but d'apprendre l'anglais. Ils y découvrent un style londonien radicalement différent de ce qui existe en Espagne, qu'ils qualifient de "pijillo tirado"
Alvaro et Clémente finissent leurs études et commencent leur carrière en travaillant dans de grandes entreprises. Cependant, l'idée de créer une marque en Espagne a déjà germé dans leur esprit d'entrepreneurs et, en 2004, ils commencent l'aventure El Ganso avec l'objectif de démocratiser le style londonien chez les croqueurs de tapas.
Ce qu'il faut bien saisir ici, c'est que l'approche des frères Cebrian est une approche purement entrepreneuriale. Comme Clemente le confesse,
Mon frère Alvaro et moi, nous avions des idées mais nous savions peu de choses de l'industrie du textile.
Cette lacune fait que les débuts sont difficiles. Malgré l'ouverture d'une première boutique en 2006, ils font des erreurs mais apprennent rapidement. Plus encore, ils provoquent leur "chance"... Alors que Clemente marche dans les rues de Budapest avec sa femme - tel un séducteur romantique madrilène - il tombe par hasard, dans un magasin, sur un modèle de tennis qui lui saute immédiatement aux yeux.
La vendeuse lui explique que ces tennis sont conçues par un créateur local (Jeremy Stanford), sur le modèle de chaussures qu'utilisait l'armée tchèque pendant la Seconde Guerre mondiale. À force d'audace et de persuasion, Clemente parvient à arranger un rendez-vous avec le créateur et finit par le convaincre de collaborer ensemble sur la création d'une tennis El Ganso.
Ils reviennent à Madrid avec 900 paires. Le succès est immédiat.
"Les gens ont commencé à venir dans notre boutique juste pour ces tennis" raconte Clemente.
Prenant conscience du potentiel, les deux frères placent alors stratégiquement les tennis au bout du magasin, à l'opposé de la sortie, afin que les clients soient "obligés" de passer devant les autres vêtements proposés par la marque. L'importance du merchandising mes amis..!
Très vite, le caractère et la personnalité des pièces de la marque, avec des couleurs et des motifs très reconnaissables, gagnent les rues de Madrid puis de Barcelone. Et depuis quelques années, de l'Europe, via un développement retail important. Le reste appartient à l'histoire.
Aujourd'hui, El Ganso est présent dans 10 pays dont la France, le Portugal, la Belgique, l'Angleterre, le Chili, le Mexique, les Pays-Bas, l'Italie et l'Allemagne, pour un peu plus de 150 points de vente. En 2015, El Ganso a réalisé un chiffre d'affaires de 70 millions d'euros...! OKLM les mecs.
El Ganso, une marque "Made In Europe"
Dès les débuts, l'ambition des frères Cebrian était de proposer des vêtements "originaux et élégants pour des gens non conformistes". Dans cette optique, la maîtrise de la chaîne de distribution est aussi importante aux yeux des fondateurs que celle de chacune des étapes de production.
Ainsi, El Ganso conçoit et confectionne chaque collection 100 % en Europe, à partir de matières premières locales, et repose sur trois piliers : le design, la qualité (ce que je vais juger plus loin !) et l'innovation.
Le tissu des chemises est sourcé dans une usine en Italie, près de Bergame, tandis que le tissu des pantalons et de certaines des vestes est acheté à l'ouest de Milan.
Puis, la confection des chemises est faite en Espagne, vers Madrid.
La confection des pantalons est également faite en Espagne, dans une usine 100 km au sud de Madrid. Les vestes, manteaux, chemises et chaussures sont quant à eux confectionnés au Portugal, vers Porto.
El Ganso jouit ainsi d'une proximité géographique au sourcing matière et aux ateliers de confection, permettant à la marque de contrôler l'ensemble de sa production. Voyons voir si cela se ressent sur la qualité : c'est l'heure du test.
Un lecteur nous a fait remonter en commentaire que désormais, la marque ne faisait plus 100% de sa production en Europe (merci à lui par ailleurs !)
J'ai eu l'occasion de vérifier en boutique et j'ai en effet vu des polos confectionnés au Bengladesh.
Le Test de la marque El Ganso : la marque des "pijillo tirado"
Étant un kiffeur, j'ai voulu tester une tenue complète de chez El Ganso : chino, chemise, blazer et une petite veste matelassée façon chasseur dans le Bouchonnois, pour ajouter une touche d'excentricité à ce test.
Par chance, mes tennis étaient aussi des El Ganso, donc on a pas eu besoin de les demander (#astuce). Bref, j'espère que cet article vous aidera à y voir plus clair sur la marque. Bien évidemment, il n'a rien d'exhaustif, El Ganso propose un éventail de vêtements beaucoup plus large.
Avec l'ami Jason, on a shooté dans un jardin botanique pour créer une ambiance preppy-bucolique. Commençons par étudier le chino. Juste pour info, je mesure 1m85.
Le chino vert kaki (85 €)
Alors ne tournons pas autour du pot, le pantalon vert kaki est mon coup de coeur du test ! En fait, j'ai souvent un problème pour trouver des pantalons à ma taille, qui mettent en valeur ma silhouette, car j'ai de grandes jambes et des cuisses assez fortes (dues à un passé de coureur de jupons). Et j'ai été véritablement conquis par le travail sur la coupe de ce pantalon.
J'ai essayé de post-rationaliser pourquoi je me sentais si bien dans ce chino. J'en suis venu à la conclusion qu'il fonctionnait bien avec ma morphologie car il est ajusté comme il faut au niveau des cuisses et qu'il se resserre élégamment au niveau des chevilles. Une sorte de coupe entre le semi-slim et la coupe droite.
Deuxième truc cool du chino c'est que derrière la simplicité du produit (un chino vert kaki tout ce qu'il y a de plus classique), on retrouve plein de twists intéressants qui ont fait le succès de la marque, au niveau des boutons ou des poches :
Enfin, autre point important, la matière est très agréable au toucher. On est à mi-chemin entre le chino classique et le pantalon velours côtelé, au niveau de la sensation. Personnellement, je suis très fan de la couleur de ce modèle. Ce kaki est suffisamment sobre pour s'associer avec toutes les couleurs et toutes les matières, tirant sur des notes taupes.
Le chino est un 100% coton, fabriqué au Portugal, pour un prix de vente en magasin de 85 €.
J'estime que le prix est juste par rapport à ce qui se fait sur le marché, ne serait-ce que pour la coupe et les petits twists qui font la différence par rapport à des marques qui vont vendre des chinos ultras classiques, bien coupés, bien finis mais manquant d'originalité et d'une certaine "âme". Par delà la notion de basique, c'est aussi le "je ne sais quoi" qu'on cherche sur une pièce.
Bref, je recommande chaudement pour les physiques grands et élancés.
La chemise en coton Albini (65 €)
Ok, petite pause tapas de 30 secondes et on passe à la chemise si vous le voulez bien. J'ai opté pour une chemise à pois 100% coton, fabriquée au Portugal à partir d'un tissu italien Albini.
Avant toute chose, je m'excuse pour la qualité du visuel qui suit, la chemise s'est froissée rapidement et j'avais oublié de prendre ma centrale vapeur avec moi.
Vu que ce visuel met peu en valeur la chemise à cause d'une absence criante de repassage, passons directement aux zooms matières.
La couleur est vraiment cool, mais les boutons et la matière font un poil fragiles. Il y a un élément dont je ne suis pas fan esthétiquement, c'est l'ajout du logo.
Notez que les chemises de El Ganso n'ont pas toutes le logo inscrit. Certaines l'ont en bas à droite, certaines n'en ont pas et d'autres l'ont en haut à droite, à l'emplacement classique d'un logo (façon Lacoste, Ralph Lauren ou Sergio Tacchini).
Niveau couleur, j'aime beaucoup ce bleu / gris roi (la couleur prend mieux la lumière que sur les photos). Et ce motif à pois s'associe très bien avec un blazer uni.
Au niveau du style, je conseille de porter ce type de chemises (qui est à mi-chemin entre le formel et le décontracté) rentrée dans le pantalon. La chemise est vendue 65€ en magasin en période normale.
Je suis moins emballé au niveau de la matière et de la coupe que pour le pantalon chino. J'ai notamment peur que la matière froisse très facilement (et que ça soit la cause de cette partie du shooting raté), mais ça reste correct pour le prix, surtout qu'on est sur un tissu Albini !
Le blazer piqué marine Sondrio (195 €)
Le blazer est de toute évidence une pièce phare de l'offre de El Ganso, ils ont des dizaines de modèles différents. Celui-ci est fabriqué au Portugal avec un tissu italien Sondrio. Ce blazer est vendu 195€ en magasin en temps normal. Voyons donc ce qu'il a dans le ventre :
Ce blazer piqué présente un beau cintrage et quelques twists intéressants au niveau de la forme.
Le blazer est équipé de ganses de propreté, du coup aucun fil ne se trimballe, c'est net et bien fini. Quelques marques se permettent parfois de tout doubler pour cacher la misère, eux ne le font pas, ce sont de bons samaritains.
De même, on peut apercevoir de larges parementures, synonymes de solidité qui renforcent les coutures intérieures. Au niveau des détails, ils se sont fait plez comme dirait l'autre.
Petite parenthèse élégance : ci-dessus la seule manière pratique et cool de ranger ses lunettes de soleil dans son blazer.
Le blazer présente un beau tombé et sa belle couleur bleue prend bien la lumière. Alors, vous allez me dire : mais comment est-ce possible d'obtenir un blazer bien coupé, bien fini, avec ganses et étoffe texturée pour la modique somme de 195€ ?
Eh bien, la réponse se trouve au niveau de la composition : on est sur un 100% coton pour l'extérieur et un mix 55% acétate / 45% viscose pour la doublure des manches. À ce prix-là, pas de miracle, on n'est bien évidemment pas sur de la laine. Ceci explique cela.
Veste matelassée bleu marine (195 €)
Last but not least, la veste matelassée bleue marine. Alors, une pièce un peu plus tricky à porter et même à maitriser, comme vous allez le voir.
Une veste de chasseur du Limousin à rendre jaloux Frédéric Nihous.
On entre dans le côté technique du test, puisque cette pièce n'est quand même pas un basique et reste complexe à envisager. Au niveau du style, je la porte ici fermée comme un blazer et je le regrette : on est sur une pièce à la texture forte. Ci-dessus, le fait de la porter fermée crée un trop plein de lignes ; avec le recul, je pense que c'est plus joli portée ouverte comme ci-dessous:
Si on revient à la veste matelassée, les détails 'esthétiques' sont nombreux, comme des intérieurs de poche à pois rouges.
Ou encore sur le revers du col, à pois blanc sur fond bleu et à pois blanc sur fond rouge.
Honnêtement, je vais jouer carte sur table avec vous, je suis moins fan de ce détail à pois sur une pièce forte, ça fait un poil gadget et trop excentrique pour l'homme rationnel que je suis. Cela a néanmoins le mérite d'être un parti pris stylistique osé, le succès de El Ganso reposant en partie sur ces fulgurances et ces audaces. Même si, selon moi, celle-ci en particulier aurait pu être contenue voire évitée.
Il ne s'agit pas d'un basique - ne vous jetez pas dessus si vous n'avez aucun blazer - mais c'est une pièce qui peut apporter de la recherche à vos tenues.
Au niveau des matières, on est sur un savant mélange matières naturelles / matières synthétiques car l'extérieur, c'est du 100% polyester. Tandis que la doublure top présente un 100% coton. Ici, le polyester a donc une utilité puisqu'il est utilisé pour ses propriétés coupe-vent (en écho au design "chasse").
Mon avis sur la marque El Ganso
En conclusion, le bilan est plutôt positif. Le positionnement de la marque est très intelligent sur la plupart des pièces. Je lance un gros Big Up pour les pantalons et chinos. Et un bonus pour le blazer qui vaut le coup en entrée de gamme à moins de 200€, même si, bien évidemment à ce prix-là, on n'est pas sur de la laine.
Pour débuter, c'est vraiment une marque qui doit compter. Il est indéniable qu'El Ganso est une bonne marque située idéalement sur de l'entrée de gamme / milieu de gamme. Nul doute qu'on va continuer à en entendre parler.
En effet, la société d'investissement de LVMH a racheté 49% de El Ganso en 2015, ce qui laisse présager un développement encore plus rapide ces prochaines années et certainement de nombreuses ouvertures de boutiques.