Rencontre avec Christophe-Nicolas Biot, coiffeur homme à Paris

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En 5 ans de blogging, vous n'imaginez pas le nombre de mails que j'ai pu recevoir à propos de la coiffure, avec des questions du type :

  • quelle coupe m'irait ?
  • où je trouve un bon coiffeur visagiste ?
  • comment savoir quelle coupe me va ?
  • mes cheveux sont comme ça alors que je voudrai me coiffer autrement, c'est possible pour moi ?

Et à chaque fois ma réponse était la même : la coiffure, ce n'est pas vraiment le coeur de métier de BonneGueule, la meilleure chose à faire c'est de s'adresser à un spécialiste.

Entretien avec un grand coiffeur homme

Tout récemment, j'ai eu la chance de m'entretenir presque une heure avec Christophe-Nicolas Biot, un grand coiffeur parisien. Quand je dis "grand", c'est-à-dire qu'il est maintenant largement reconnu dans la profession, notamment à travers ses shows de création.

Et c'est avant tout quelqu'un absolument passionné par son métier, avec un savoir encyclopédique sur le sujet qu'il ne demande qu'à partager. C'était la première fois que je parlais à un coiffeur aussi passionné et pointu. Pour tout vous dire, ça m'a même rappelé mes premières rencontres de créateurs.

Bon alors, quand BonneGueule rencontre un grand coiffeur pour lui poser des questions, qu'est-ce que ça donne ? Eh bien une réflexion d'une portée insoupçonnée sur la coiffure masculine...

De l'utilisation du mot "visagiste"...

Christophe-Nicolas en pleine action, lors de ses shows de création.

D'entrée jeu, Christophe-Nicolas se montre très clair sur le mot "visagiste". Pour lui, c'est un mot complètement galvaudé, qui avait du succès il y a 25 ans, quand on a commencé à prendre bien en compte les lignes du visage.

Il estime que ce n'est pas la bonne approche, car si on se concentre sur le visage, on oublie le corps, l'aspect social, la manière dont la personne a de se "mover" (j'expliquerai ce mot un peu plus loin). Des paramètres qui sont d'autant plus importants à prendre en compte, car Christophe-Nicolas considère qu'un coiffeur doit penser sa coiffure en terme de globalité. Par exemple, il n'hésite pas à dire à certains clients de se laisser pousser les cheveux et de revenir plus tard afin qu'il ait plus de volume à travailler.

Selon Christophe-Nicolas, un très bon professionnel ne va peut-être pas dans le sens du client car parfois les clients ont des attentes complètement stéréotypés, et un professionnel doit le comprendre. Un bon coiffeur doit donc aller au-delà des tendances et être centré sur le client et ses cheveux, et non sur la dernière mode capillaire.

D'ailleurs, Christophe-Nicolas préfère parler de style plutôt que de coupe, car il considère la coiffure dans une vraie globalité comme nous l'avons vu. Il exprime d'ailleurs ça très bien :

"L'homme aujourd'hui veut changer de style, mais il ne veut pas que ça voit, que ça se remarque. Il veut qu'on ait l'impression que ça s'est fait naturellement. Là est le challenge d'un vrai professionnel de la coiffure. Il ne veut pas qu'on ait l'impression qu'il ait passé 3 heures dans sa salle de bain à se faire un brushing. La femme, elle, veut que ça voit quand elle sort du coiffeur. Ce sont des paramètres psychologiques très important à prendre à compte pour une clientèle masculine."

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Quand je lui demande si quelqu'un qui veut changer de tête doit proposer des pistes au coiffeur, Christophe-Nicolas est catégorique : c'est au professionnel de proposer d'abord. Il ne faut surtout pas aller chez un coiffeur avec des stéréotypes plein la tête.

Christophe-Nicolas ajoute que si l'on n'est pas capable de dire ce qu'on veut, il est au moins important de formuler ce qu'on n'aime pas, ce qu'on ne veut pas. Pensez-y la prochaine fois que vous irez chez votre coiffeur !

Christophe-Nicolas demande donc toujours en premier à un client ce qu'il n'aime pas, et surtout pourquoi.

Je lui demande ensuite si on doit apporter des photos de coupes qui nous plaisent à un coiffeur. Là aussi, Christophe-Nicolas répond sans détours : c'est hors de question, car à chaque style correspond un visage.

Et quand bien même il y aurait des visages relativement semblables, il ne faut pas partir d'une coiffure en photo, car Christophe-Nicolas souligne justement qu'on s'oriente vers de la standardisation plutôt que vers de la personnalisation en procédant ainsi. Et Christophe-Nicolas ajoute aussi qu'on n'aide pas le coiffeur avec des photos, mais on lui complique la tâche.

Et après, le coiffeur peut prendre en compte la nature du cheveux. Christophe-Nicolas insiste également beaucoup sur la question de la tenue du style (je rappelle qu'il utilise le mot style au lieu du mot coupe !), et il conseille de ne pas hésiter à demander longuement à son coiffeur comment reproduire son nouveau style chez soi.

D'ailleurs, selon lui, un cheveux très bien coupé peut tenir très longtemps. Il prend son exemple personnel, où il ne s'est pas coupé les cheveux plusieurs mois, mais il les a simplement laissé pousser. Il insiste sur le fait qu'il préfère les styles évolutifs aux styles définitifs. Mais vous vous en doutez bien, pour avoir une telle vision à terme, le coiffeur doit être sacrément doué.

Comment choisir un bon coiffeur homme ?

Je cherche ensuite à savoir ce qu'est un bon professionnel selon Christophe-Nicolas. Immédiatement, il me répond qu'un bon coiffeur n'attend jamais un client la paire de ciseaux en mains, mais qu'il l'écoute d'abord longuement sur son besoin et sa recherche de style et regarde ses vêtements et son corps.

Un autre élément qui doit vous mettre la puce à l'oreille : un très bon professionnel pose énormément de questions !

Il ouvre également une parenthèse sur le fait qu'on ne peut pas changer de look et de style tout les mois ! Car pour Christophe-Nicolas, un coiffeur correspond à une tranche de vie, une dizaine d'années, voire plus. "Un coiffeur vous correspond à une décennie car vous avez un style, une allure, une morphologie qui ne sera pas la même à 20 ans ou 30 ans."

Il fait également un parallèle avec les couturiers : les très grands coiffeurs ont une signature, un coup de ciseaux, qui un jour ne correspond plus forcément au client, car un client évolue, change au fil des années.

A l'inverse pour Christophe-Nicolas, un mauvais coiffeur ne regarde pas le client, lui fait directement un shampoing et demande au client, avec ses cheveux mouillés devant le miroir : "qu'est-ce que je vous fais aujourd'hui ?". C'est une phrase qu'un client ne devrait jamais entendre.

La question épineuse des tendances en coiffure...

J'aborde après la question des tendances de la coiffure masculine. Il me corrige de suite en disant qu'actuellement, il n'y a pas vraiment de tendances, car Christophe-Nicolas croit fermement que nous sommes dans une ère de personnalisation, et non plus de standardisation comme nous l'avons vu plus haut.

Malgré tout, il rappelle qu'il y a eu une ère "Zidane" en 98/2000 qui poussait de nombreux hommes à se raser les cheveux, alors qu'avant, c'était uniquement la communauté gay qui le faisait. C'est pour lui la dernière grande tendance masculine avec la coupe "boule" (ce sont vraiment ses mots !) que vous connaissez bien.

Et si je n'habite pas à Paris ?

Le très beau salon de Christophe-Nicolas, avec des matériaux chaleureux très bien utilisés.

Il me reste plus que quelques minutes, j'en profite donc pour demander à Christophe-Nicolas comment trouver un bon coiffeur alors que l'on n'habite pas à Paris.

Sa réponse est franche et directe : des très bons coiffeurs, il y en a partout. Il présente même un conseil surprenant : selon lui, il ne faut pas hésiter à aller une première fois chez un coiffeur uniquement pour avoir un conseil (car il pense que la dimension conseil va devenir de plus en plus importante dans la coiffure masculine).

Il dresse un parallèle avec une boutique de prêt-à-porter où l'achat n'est pas obligatoire... Christophe-Nicolas insiste donc vraiment sur le fait d'appeler ou de pousser la porte juste pour demander un conseil. Les "très grands pros" comme Christophe-Nicolas les appelle obtiennent bien souvent un rendez-vous derrière grâce à la qualité du conseil qu'ils viennent de vous donner.

À propos des coiffeurs haut de gamme hors Paris, Christophe-Nicolas insiste sur le fait qu'il y a des bons coiffeurs même dans les grandes chaînes, mais il déplore le fait que les coupes sont minutées car il y a une logique de rentabilité. Cependant, pour commencer, il affirme que le prix est quand même un indicateur de qualité, et devrait être une première piste pour trouver LE coiffeur de votre ville.

Ainsi donc s'est finie mon entrevue avec Christophe-Nicolas, riches en réflexions.

Un immense merci à Christophe-Nicolas pour sa disponibilité alors qu'il est hyper demandé !

Son salon est situé au 52, saint andré des arts, à Paris, dans le sixième. C'est un beau salon, n'hésitez pas à y faire un tour !

Benoît Wojtenka Benoît Wojtenka
Benoît Wojtenka, cofondateur

J'ai fondé BonneGueule.fr en 2007. Depuis, j'aide les hommes à construire leur style en leur prodiguant des conseils clairs et pratiques, mais aussi des réflexions plus avancées. J'aime aussi le techwear, les matières japonaises, le sport et le thé.

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