Ah, le prêt-à-porter (PAP) d'entrée de gamme, cette terrible porte d'entrée de la mode masculine… Pourtant, alors que pour de nombreux hommes, c'est l'unique gamme de PAP dans laquelle ils s'habillent, c'est un milieu qui est quand même bien méconnu, et qui cristallise quelques curieux mythes.
Le PAP d'entrée de gamme est le type de PAP le plus connu chez le français moyen, bien plus que le haut de gamme ou le moyen de gamme, tout simplement parce qu'à l'inverse d'un vêtement Dior, bien nombreux sont les hommes qui ont déjà porté du Celio, du Jules, du H&M, du Zara, du Brice, du Devred, du Armand Thierry, sans compter tous les vêtements Décathlon qui ont été détournés et portés dans un contexte complètement urbain.
Une histoire de prix...
La plus grande force de ces marques est d'avoir imposé un nouveau standard de prix, totalement détaché de la qualité de fabrication. Payer un jean 45 € est devenu "normal", même si la toile vieillit mal et que la coupe des fesses est toute flasque. C'est très insidieux, car ces marques ont réussi à banaliser l'achat de la médiocrité.
Pour que ces marques puissent fonctionner, elles reposent sur des effets de volume énormes, c'est-à-dire qu'elles couleraient si leur distribution était plus restreinte. En effet, pour faire tourner un gros point de vente Zara en plein centre ville, vous avez intérêt à en vendre des chemises à 40 € ! Sans compter les frais marketing colossaux que vous financez en achetant un tee-shirt à 10 € chez H&M.
Les économies d'échelle rentrent aussi en jeu, car vous vous doutez bien que le coût de fabrication d'une chemise n'est pas le même si vous en fabriquez 10 ou 10 000…
Vu comme ça... Crédit : le blog bien marrant
Là où je veux en venir, c'est que si ces marques peuvent se permettre d'avoir des prix de vente si bas, c'est qu'elles sont présentes un peu partout en France. Par contre, pour un petit créateur qui se lance, c'est impossible !
Quand on me demande "oui mais Benoit, j'ai le même budget que pour aller chez Zara, mais tu ne connaîtrais pas d'autres petites marques sympas dans la même gamme de prix, mais qui font des trucs de meilleure qualité ?".
Ma réponse est toujours la même "Non, si tu as un budget pour aller chez Zara, il n'y a que là bas où tu peux y aller, car il n'y a que Zara qui peut exister dans cette gamme de prix, pour des raisons complètement financières."
En effet, un petit créateur :
- Ne bénéficie pas du tout d'économies d'échelle. Créer un prototype, le faire ajuster, le modifier, et lancer la fabrication sur quelques centaines d'exemplaires est très coûteux, sans compter le fait que contrairement à Inditex (le groupe détenant Zara), il n'y a souvent aucun investisseur pour l'aider. Le prix de vente final s'en ressent forcément, mais il ne peut pas faire autrement !
- Ne bénéficie pas d'une campagne marketing d'envergure, ce qui est encore plus compliqué pour se faire connaître (heureusement, les blogs sont arrivés, mais c'est une autre histoire). Par contre, là est la bonne nouvelle pour nous : les frais de publicité sont tellement chers que la plupart des petits créateurs préfèrent réinvestir dans la qualité, ce qui se traduit pour nous par un excellent rapport… qualité/prix.
- Ne bénéfice pas d'effets de volume. Du fait du nombre (très) restreint des points de vente, et des prix plus élevés que de l'entrée de gamme, le français moyen ne va pas se précipiter dessus.
Avec tous ces éléments, vous comprenez mieux pourquoi on ne trouve que des grands groupes régnant en maîtres sur le PAP bas de gamme ? En effet, vouloir un caban gris en laine et cachemire à moins de 200 € est tout à votre honneur, mais seule une marque comme Zara a la structure financière permettant de le faire. Et sûrement pas un petit créateur parisien.
Aucun créateur ne pourrait se permettre une telle folie !
Alors certes, certains d'entre vous pensent peut-être que le prix est utilisé comme une arme marketing par le haut de gamme ("ils mettent des prix élevés pour montrer que c'est une marque de luxe, mais s'ils le voulaient, ils pourraient être moins chers").
C'est peut-être vrai pour les grands groupes du luxe ou les marques du sentier, mais pour des petits créateurs moyen de gamme ou qui se lancent : je n'y crois pas.
Parmi toutes les marques moyen de gamme que l'on conseille sur le blog, vous seriez très étonné de voir que la plupart d'entre eux ne se versent même pas de salaire (ou alors pas beaucoup plus que le SMIC) car créer une marque de vêtement est loin d'être une manne financière. Ce n'est clairement pas ce que je conseillerai à quelqu'un assoiffé par l'argent. La solution idéale (ou de facilité) serait d'augmenter leurs prix, mais ils se refusent à le faire car ils auraient l'impression d'être "trop cher". Véridique !
Ce que je vous demanderai juste, c'est que la prochaine fois que vous voyez du moyen/haut de gamme qualitatif (mais pas venant d'un grand groupe du luxe type Hugo Boss) au lieu de pester contre le prix, comprenez que le créateur derrière ne peut pas forcément faire autrement.
Et la prochaine fois que vous allez chez Zara, achetez-y ce que vous voulez, mais ne prenez pas pour référence tous ces prix à deux chiffres.
Étonnamment, nous ne sommes pas les plus mal lotis.
Prêt-à-porter mainstream VS milieu de gamme
Comme vous l'aurez compris, on ne diabolise pas du tout le prêt-à-porter d'entrée de gamme... quand il est acheté en connaissance de cause. Ce qui est par contre triste, c'est de voir les gens se jeter sur des collabs H&M x Martin Margiela en plastique / papier mâché, ou de manière plus générale aligner dans leurs penderies des dizaines de vêtements pas chers mais mal choisis.
La direction artistique "chantier en cours" : auto-dérision ou pure franchise ?
Sortir d'un Zara ou d'un Célio avec des bonnes affaires est donc un sport d'averti, il faut avoir fait ses armes dans des gammes plus qualitatives avant de pouvoir discerner le bon rapport qualité/prix là où on ne l'attend pas. Tout cela pour vous dire qu'en tant que débutant vous avez plus de chances de vous planter qu'autre chose.
Deuxièmement certaines pièces ont un prix minimum qui ne peut être compressé en dessous d'un certain prix. C'est le cas :
- des matières nobles comme le cuir et le jean (qui auront en rendu cheap et s'useront au lieu de se patiner),
- des pièces nécessitant une confection de qualité, comme les chaussures de ville ou les blazers (très mauvaise durabilité sous le prix plancher),
- des matières travaillées, comme les jeans délavés, les effets de tricot sur la maille ou les patines des chaussures...
N'achetez pas ces pièces dans le prêt-à-porter d'entrée de gamme : elles y sont quasi-inexistantes. J'insiste. Investissez un peu plus dans du milieu de gamme qui s'avèrera au final bien plus rentable dans le long terme (et je ne parle même pas de l'aspect purement esthétique). Si vous n'avez pas les sous pour vous acheter la pièces que vous voulez : économisez et attendez. Et réorientez-vous vers des basiques simples en attendant (exemple : un caban en laine en attendant de vous payer un blouson en cuir digne de ce nom).
Le prêt-à-porter d'entrée de gamme à tout de même sa place sur le marché, car il permet de dénicher certaines pièces intéressantes dans des qualités correctes, si l'on se donne le temps et l'énergie de bien fouiller chaque collection en magasin (et surtout pas sur la base d'un lookbook). C'est très vrai pour toutes les pièces simples, comme les t-shirts (Monoprix), les chinos (H&M), les chemises basiques (Zara), ou encore les mailles toutes simples (Uniqlo).
Quelques mots sur le "faux luxe"
Inversement, le milieu et le haut de gamme ne sont pas non plus la panacée, car on y trouve foison de marques qui proposent une qualité d'entrée de gamme au prix du haut de gamme.
Je pense notamment à tous ces créateurs de mode concepts marketing qui fleurissent encore mais pour lesquels j'envisage peu d'avenir : The Kooples, Sandro, Zadig&Voltaire, IKKS, Le temps des cerises, Scotch&Soda, Façonnable... Idem pour les vieilles maisons qui ont plus ou moins bradé leur héritage, mais pas le prix de la came : Boss, Burberry, Dior.
On les reconnait facilement à leur omniprésence sur les pages glacées et les sélections des magazines, les publicités dans la rue. Elles sont généralement distribuées dans les points de vente à forte visibilité, car c'est dépense liée à l'image : aéroports, grands magasins, grandes artères touristiques type Champs Elysées ou rue des rosiers dans le Marais.
Baladez-vous dans un grand magasin et lisez les étiquettes de composition.
Vous verrez tout de suite de quoi je parle.
Mais comment je fais si j'ai un petit budget alors ?
Il n'y a pas 36 solutions, et je ne ferai pas un guide de la mode low cost, mais pour rappel :
- Les marques où vous devez taper pour les petits budgets, vous les connaissez déjà : Monoprix, H&M, Zara, etc. Je vais pas m'étendre sur le sujet, car j'aborde en profondeur ce point dans le BonneGueule Book. Mais vraiment, à part ces groupes, il n'existe pas de petits créateurs qui font des choses stylées dans ces prix là, c'est vain de croire le contraire ! La bonne nouvelle, c'est que même chez Jules et Celio, je constate une augmentation de la qualité globale… Et faites-moi plaisir, regardez les lookbooks de ces marques, il y a parfois des tenues vraiment sympas (et qui ont l'avantage d'être quotidiennes).
- Quand vous voyagez hors de France, pensez absolument à visiter une boutique d'une marque low cost propre à un pays, comme Topman en UK ou Le Château au Québec, il y a quelques surprises parfois.
- L'occasion. Je ne vais pas répéter le refrain sur ebay et les petites annonces, car on va dire que je radote 😉
- Les déstockeurs sont en général assez décevants, vous savez donc à quoi vous attendre quand on vous promet un jean Diesel moins cher...
Bon, et pour ceux qui ont un petit budget et qui sont satisfaits de leur garde-robe, quelles sont vos astuces ? où achetez-vous vos vêtements ?
Le cas des soldes
Une vraie bonne occasion pour (bien) s'habiller, cela reste sans surprise... les soldes. À condition de savoir s'y prendre, pour déjouer toutes les fausses bonnes affaires qui croiseront votre route. Vous pouvez lire le guide de survie des soldes à présent !
On va tout faire pour vous éviter ça.