Au fil du temps, je suis devenu un amateur de vêtements vintage et de seconde main. Pas un expert, un modeste amateur, mais disons que je m'y rends trois à quatre fois par mois juste pour fouiner un peu et que je surveille régulièrement les arrivages sur Le Vestiaire du Renard, Brut Clothing et Broadway & Sons.
Ce qui m'a fait pousser la porte d'une friperie la première fois, c'était sûrement quand j'étais étudiant, pendant un mois de disette au cours duquel je voulais quand même m'offrir quelques vêtements pas chers.
Et sans vouloir verser dans le lyrisme, j'y ai trouvé plus que ça. Oh que oui, j'y ai trouvé tellement plus... Eh mince, c'était lyrique ça !
Bref. J'y ai trouvé des histoires. Les histoires, j'aime les voir au cinéma, les lire, les raconter, les entendre et surtout me les imaginer. Et les vêtements aussi peuvent être des conteurs. Quand on pénètre dans une friperie, il faut tendre l'oreille, être attentif au bourdonnement des portants et des piles.
C'est ce que je préfère, je crois.
Ça, et bien sûr creuser loin au fond d'un tas immense de fripes, avec les mains comme une pelle et en sortir celle qui me convient, celle qui avait échappé aux autres et la seule qui valait vraiment le coup.
Voilà pourquoi j'ai choisi d'en parler dans ce format des Pépites de la rédaction. Car ce sont de vraies trouvailles pour moi. Et je sais qu'il existe encore nombre de pépites qui attendent d'être trouvées.
Le légendaire Levi's 501
Le vestiaire masculin est plein de légendes et ceux qui aiment le style se laissent souvent saisir par un peu de nostalgie. Le Levi's 501 fait partie de ces légendes. Et moi qui aime l'esthétique des années 50 et les films avec des voyous en denim comme ceux qui montrent Marlon Brando ou James Dean, je ne pouvais pas ne pas en avoir.
Et d'ailleurs, la coupe me va. Raison de plus.
J'avais déjà trouvé, l'été dernier, un 501 dans une friperie rive gauche à Paris, mais le pauvre a craqué à l'entre-jambes pile avant l'hiver. 30 euros et quatre mois de bons et loyaux services. Ça se tient. Sachant que je l'ai porté autant que j'ai pu. Et plus encore.
Cette fois-ci, je suis allé chez Le Vif, dans le 16ème arrondissement de Paris. Pourquoi cette boutique ? Parce qu'elle est spécialisée dans le sportswear américain et montée par Gauthier Borsarello que nous apprécions chez BonneGueule pour son érudition quant au vintage.
En plus d'un bon accueil, à la cool, chez Le Vif, j'ai trouvé mon 501 et une sur-chemise Pendleton en laine vert militaire à motif pied-de-poule avec un peu de jaune dans le motif. Superbe mais un peu courte pour moi. Passons.
Le prix de ce jean : 95 euros. C'est cher. Mais celui-ci est made in USA avec la mention WPL-423 qui confirme sa provenance. Si j'en crois ce que je lis sur internet, cette mention ne donne aucune indication sur la date de production. Et c'est bien dommage.
J'ai regardé à l'entre-jambes. Ça a l'air solide. Ok, je tente le made in USA.
La coupe s'apprécie au premier regard. Pour moi qui ai des cuisses un peu développées, c'est parfait. Ah oui d'ailleurs, cela me fait penser qu'il ne faut pas tellement se fier à l'étiquette, à la taille indiquée sur celle-ci je veux dire. Celui-ci est indiqué W34, mais sa mesure par les soins du Vif donne plutôt un W32. Me voilà rassuré.
De plus, la taille est plus haute que la plupart des jeans que l'on trouve actuellement sur le marché, ce qui convient à mes jambes plus courtes que le tronc. Il existe un article pas trop mal d'ailleurs qui vous parle du placement du pantalon sur votre taille selon votre morphologie. Si vous voulez approfondir le sujet, cela peut vous être utile.
La main du tissu est douce, il est agréable à porter. Et semble robuste quand je le boutonne.
Ah oui, autre chose. Il faut penser à laver un tel jean régulièrement. Sans exagérer bien sûr, le laisser tremper de temps en temps est suffisant. Parce que donner de l'eau à la toile est une bonne idée, car elle est vieille et que sans eau elle devient très sèche et qu'une toile sèche casse.
Concernant le délavage, il n'est pas trop marqué. C'est ce que je voulais. Toutefois, on peut distinguer les moustaches légère qui courent le long de la toile au niveau du bassin. Et puis les genoux plus blancs, et surtout, ce que j'aime le plus et qui doit avoir un nom que je ne sais pas : sur l'ourlet que j'ai retourné les vagues d'usure sur la bordure. Ça, ça me plaît.
Cet été, je le porterai avec un t-shirt blanc et des mocassins ou des Van's comme ici. Ça sera ma tenue principale. Que ceux qui mettent des vestes en été me donnent leur secret.
Une field jacket Henry Cotton's
Je ne l'ai pas trouvée avec les yeux mais avec la main.
Ce que j'aime bien faire dans les friperies, c'est me laisser guider par la sensation que me donne le tissu sur lequel tombe ma main. Dans les friperies on trouve beaucoup de tissus qui contiennent du polyester et ces tissus-là sont plus rêches, moins souples, moins agréables.
Donc, ma main s'est arrêtée sur ce tissu de coton. Il était plus doux que les autres tout simplement. Je l'ai extrait de son portant surchargé, pour découvrir une veste jolie, dans une couleur attirante et d'inspiration militaire. C'est le deuxième niveau de lecture. À ce moment-là, je suis convaincu qu'elle est portable sans peine. Encore faut-il qu'elle soit à ma taille. Le nerf de la guerre. Des frustrations immenses dans le noir des friperies.
C'est du medium. Je jubile. Je la passe. Un peu serrée quand je la ferme mais, comme c'est pour les saisons plus chaudes, à porter avec une chemise ou un t-shirt, ça ira. À 70 euros, ça me convient.
Je ne m'arrête pas là, je l'étudie de plus près.
Elle est inspirée de la M-43 et de la M-51, avec ses poignets et son col comme ceux d'une chemise.
Pour la rendre moins militaire, la marque a choisi de faire l'impasse sur le cordon de serrage à la taille, les épaulettes et de supprimer une poche. Ce dernier choix donne à la veste du charme, je trouve, en déséquilibrant la trop précise symétrie et en déstabilisant un peu l'œil.
J'étais déjà sûr de la prendre quand un petit détail a attiré mon attention.
Je vois deux signes chinois et mon esprit part en toupie. Est-ce l'indication d'un trésor caché quelque part dans le monde ? Un mot d'amour inscrit sur une veste offerte à l'être aimé ? La marque de la mafia chinoise, comme une menace de mort au porteur de cette veste qui ne serait plus de ce monde ?
Après de longues investigations documentées, l'aide de mon acolyte David parlant le mandarin, et non sans une certaine émotion, je suis en mesure de vous révéler que... nous n'avons pas trouvé ce que cela signifiait.
Déception.
Mais tout de même, ça rend à mes yeux la pièce vraiment unique et, même si c'est probablement juste le nom de son précédent possesseur, je passe à la caisse et perpétue la légende (si petite soit-elle) de cette pièce que je m'approprie.
Un foulard en soie Medici
Déjà, avec les bandanas il y a de quoi s'amuser. Il faut voir Squarzi comme il les porte, et avant lui Charles Branson et John Wayne dans les Westerns. Là aussi, il s'agit d'une pièce avec une histoire que j'aimerais vous conter un jour dans un article.
Mais depuis quelques mois maintenant, je porte avec plus d'enthousiasme encore des foulards en soie. Et, même si j'adorerais m'en acheter de chez Drake's, Turnbull & Asser ou même Hermès et j'en passe, celui-là vient de chez Kiliwatch à Paris, m'a coûté 15 euros, est en 100% soie et a été fait en Italie.
Imbattable.
D'ailleurs, j'en ai trois en tout à présent. Celui-ci est le petit dernier de la collection et, même s'il est assez osé en style, il se porte facilement avec un pull col rond bleu marine (celui-ci vient de chez Paris Yorker). C'est en passe de devenir une signature stylistique. Comme une veste paraît nue portée sans pochette, un cou l'est aussi parfois dépourvu de foulard ou de col.
C'est difficile pourtant car vraiment précieux, très féminin et ça détonne dans le paysage vestimentaire qui nous environne.
Là aussi, il faut se garder de choisir ceux qui contiennent des matières plastiques car, tout contre la peau, ce n'est pas agréable et ça donne chaud. La soie, elle, est fraîche en été et chaude en hiver, paraît-il.
Chiner ne peut se faire que seul ou accompagné d'une personne qui comprend le feu qui anime ceux qui cherchent.
Pour certaines personnes, il est inconcevable d'acheter des vêtements qui ne soient pas neufs. Ils auraient l'impression de se glisser dans les draps salis d'un autre.
Je peux comprendre.
Je n'aime pas plus qu'eux dormir dans un lit souillé. Non plus que de me brosser les dents avec la brosse de quelqu'un d'autre. Pourtant, et ils le savent très bien, le pouvoir détergent de nos produits ménagers arrive bien à bout des souillures et des corps étrangers. Je ne vois pas le problème.
C'est autre chose qui les répugne, ou les empêche en tout cas. Mais ce n'est pas vraiment le moment de se confondre en théories hasardeuses.
Je pense pour ma part que le vintage est une formidable chance de trouver des pièces abordables et de bonne qualité. Que, d'autre part, cela permet de donner une deuxième vie à des vêtements oubliés et ainsi d'éviter la surproduction. Et, pour finir, de raconter et de se raconter l'histoire avec un petit "h" de ces pièces particulière et, avec elle, celle des grands moments de notre Histoire, avec un grand "h" cette fois.