Vous est-il déjà arrivé de porter des jeans délavés ? Des vêtements d'inspiration techwear, sportswear, ou contenant des matières telles que l'élasthanne et le polyamide ? Si oui, sachez que les stylistes Marithé Bachellerie et François Girbaud y sont — très probablement — pour quelque chose.
Moins connue des plus jeunes générations, la marque Marithé + François Girbaud a pourtant été, durant plusieurs années , une référence en matière de mode inventive et décalée, incarnant l'idée d'un produit différenciant et durable.
Après une période difficile et floue , la marque revient progressivement sur le devant de la scène, en s'imposant comme un label plutôt dédié au techwear et militant pour une mode respectueuse de l'environnement.
Leur credo : se réinventer, se re-raconter en mêlant technique et esthétique dans chacune de leurs créations.
Pourquoi ai-je eu envie d'écrire cet article?
Il y a maintenant quatre ans, j'ai eu la chance de rencontrer Marithé. À son contact, j'ai un peu plus appris à apprécier le vêtement et la création.
En arrivant chez BonneGueule, je savais que certains membres de l'équipe — notamment Benoit — étaient de grands amateurs de techwear. J'ai alors eu envie de faire (re)découvrir, au plus grand nombre, l'histoire de ce duo si particulier.
À cet effet, j'ai demandé à Marithé qu'elle m'ouvre sa porte une fois de plus, et qu'elle sorte les albums souvenirs. C'était aussi l'occasion parfaite pour qu'elle me présente la nouvelle ligne Girbaud...
Il était une fois... Marithé + François Girbaud
François Girbaud : Le designer révolutionnaire
François Girbaud est né en 1945 à Mazamet , capitale du délainage .
Jeune, il travaille dans une fabrique de valises le jour et se consacre à son groupe de rock'n roll le reste du temps. Il rêve d'aventures, d'Amérique et s'évade en écrivant à ses idoles , puis commence à fréquenter le milieu de la musique.
Il fait finalement la connaissance du fondateur de la première boutique Western House à Paris, où il finira par travailler. Il prendra, peu de temps après, la gérance de la seconde Western House, à Saint-Tropez.
Nous sommes dans les années 60, l'époque des hippies chics et du Saint-Trop' de Brigitte Bardot. C'est à ce moment que son chemin croise celui de Marithé.
Marithé Bachellerie : La couturière rêveuse
Marithé Bachellerie est née en 1942 à Lyon où elle passe les vingt premières années de sa vie.
Déjà, petite, elle est passionnée de couture et confectionne des vêtements pour la poupée de sa soeur. Sa mère la sensibilise très jeune à la mode en l'amenant aux défilés amateurs qu'organisaient quelques maisons de couture à Lyon. Son père lui, est cycliste de haut niveau. Il participe plusieurs fois au Tour de France. Elle en garde le souvenir des matières techniques et des coupes des habits de sportifs, dont elle s'inspirera lors de la création des premières lignes sportswear de la marque.
Véritable artiste dans l'âme et quelque peu hippie, elle se rêve actrice et "monte" à Paris pour s'y installer en 1965. D'abord coiffeuse, elle s'oriente rapidement vers la conception de vêtements et commence à tricoter des ponchos. Experte de la maille, elle traîne avec une bande d'artistes et se retrouve en 1967 à la Western House de Saint-Tropez .
Si le succès commercial de la boutique n'est pas au rendez-vous, elle devient un lieu de ralliement pour originaux du moment. Cette année-là, elle rencontre François Girbaud pour la première fois, alors gérant de la boutique.
Un jour, deux destins...
Après leur première rencontre dans la boutique Western House de Saint-Tropez, Marithé et François se retrouvent dans la boutique originale à Paris.
À l'époque, elle est située dans le quartier Saint-Ferdinand, au milieu des boutiques de motos et de deux-roues . Petite légende urbaine, cette enseigne est la seule à vendre des produits qui évoquent le Far-West et, plus généralement, l'Amérique de l'époque : panoplie de cow-boys, surplus d'uniformes, jeans neufs , vestes frangées en daim, boots en tout genre et même selles de poney.
François décide de distribuer quelques-uns des ponchos que Marithé tricote. Le succès est immédiat et signe le début de leur longue aventure commune.
La ruée vers l'or (bleu) : le jean Girbaud
À la fin des années 60, Marithé et François s'amusent déjà à délaver leurs propres jeans, des modèles Wrangler neufs. En outre, ils cherchent aussi à transformer le jean pour l'européaniser, pièce encore exclusivement américaine .
Marithé et François revoient alors la coupe et le fit : ils le cintrent davantage, l'ajustent au niveau du fessier et des hanches, et l'adaptent aussi bien pour les hommes que pour les femmes. . Dès lors, les innovations sont nombreuses. La silhouette du jean Girbaud est une telle révolution que les Américains parleront de French jeans.
Pour l'anecdote, il n'existe alors que "trois grandes familles de jeans. Levi's pour les cow-boys et les gold diggers . Wrangler pour le rodéo. Et Lee pour les champs de coton des États du Sud". Pourtant, aujourd'hui, pour les industriels américains, "il y a quatre façons de construire un jean : celle de Levi's, celle de Wrangler, celle de Lee et celle des Girbaud's" .
Le succès de la marque sera d'ailleurs plus important outre-Atlantique que dans l'Hexagone.
Multi-marques et multi-casquettes
Pour bien comprendre le succès du duo, il faut comprendre la logique et la réflexion qui les animent. Loin de chercher la renommée, Marithé et François se considèrent comme des artistes, mais également des techniciens ou des inventeurs (un peu fous). Ils cherchent toujours à faire évoluer le produit, améliorer la qualité de la matière, ses fonctionnalités et à inventer une esthétique inédite.
Comme tous scientifiques, ils cherchent et expérimentent jusqu'à aboutissement du projet. Une fois celui-ci achevé, il passent à un autre. C'est pour cela que, tout au long de leur carrière, ils créent de nombreuses marques (la liste n'est pas exhaustive) :
- Maillaparty, marque dédiée à la maille et au tricot.
- Momento Due, pour explorer le prêt-à-porter masculin.
- Closed puis Métamorphojean, deux marques pionnière dans la production de jeans.
- S.P.Q.R.C.I.T.Y, label dédié aux premières lignes d'inspiration sportswear.
- Compagnie des Montagnes et des Forêts, pour leurs créations autour du cuir.
Finalement, le duo considère qu'un nom véhicule trop souvent une seule et même image, imposant alors un carcan réducteur. Proposer ses créations sous plusieurs labels lui permet d'explorer de nombreuses possibilités.
Ils n'utilisent la dénomination Marithé + François Girbaud que plus tard dans leur carrière, tandis que le succès est déjà global. La marque rentre alors dans une logique plus "traditionnelle" et s'impose comme un véritable acteur de la mode haut de gamme des années 80... sans jamais se prendre au sérieux pour autant.
"Parler le Girbaud"...
Afin de promouvoir la marque, Marithé et François prennent l'habitude de communiquer de façon tout à fait atypique.
N'ayant aucune stratégie pré-établie, leur succès est renforcé grâce à l'image qu'ils acquièrent en habillant de nombreuses célébrités et amis, comme Johnny Halliday, Daniel Balavoine, Marlène Jobert, Coluche, Florent Pagny, Jennifer Beals...
Au gré du hasard et des rencontres, ils s'entourent de personnages influents du milieu de la mode, des arts et des médias, notamment Jean-Luc Godard... Ce réalisateur de génie se chargera de leur produire trois séries de courts spots TV à la fin des années 80.
En plus de ces collaborations, le duo de créateurs excentriques axent leur communication quelque part à mi-chemin entre la provocation, la surprise et la réflexion.
On était de vulgaires marchands de jeans, sortis des arrière-cours du Sentier, et tout à coup nous sommes devenus les intellectuels de la mode ! — Marithé
On retiendra notamment :
- La campagne A Higher State of Evolution, représentant des mannequins cellophanés, jugée comme incitant au suicide et interdite dans certains magazines américains.
- Les modèles de la collection Escape with Rocco Siffredi, présentant des jeans à la taille très basse...
- Plus que toute autre, la campagne présentant l'affiche publicitaire désormais très connue de La Cène ...
Leur rapport aux médias est également très particulier — ils envoient d'ailleurs des communiqués de presse complètement loufoques, voire incompréhensibles —, si bien qu'à l'époque, les quolibets vont bon train dans l'entre-soi de la mode : "Parlez-vous le Girbaud ?" ; "Écrivez-vous le Girbaud ?", entendait-on dans les dîners. Un goût pour l'agacerie qu'aimaient entretenir les deux trublions de la mode.
L'héritage créatif de Marithé et François Girbaud...
L'épopée Girbaud est un millefeuilles de dates, d'idées, d'innovations et d'anecdotes toutes plus intéressantes les unes que les autres...
L'épopée du jean Girbaud
Dans ma garde-robe, j'ai un jean Marithé + François Girbaud de près de 10 ans. Son toucher particulier évoque en moi le contact de ma compagne. Quand je le porte, il m'aide à éliminer la fatigue et me donne envie de rentrer chez moi. — Yohji Yamamoto
Les jeans Girbaud peuvent aujourd'hui être considérés comme des créations tout à fait particulières, véhiculant une histoire, un imaginaire à mi-chemin entre durabilité, audace et folie.
Le délavage
Comme expliqué plus haut dans l'article, Marithé et François s'intéressent au délavage dès la fin des années 60. Il commencent par délaver leurs pièces dans une laverie de Saint-Germain-des-Prés, puis dans une laverie plus industrielle de Belleville.
Cette industrialisation du procédé de délavage lance véritablement leur carrière. Très vite, ils concentrent leurs efforts et cherchent de nouveaux procédés pour aboutir à un résultat différent du délavage naturel. Ils passeront par l'utilisation de produits chimiques comme la chlorine, qui use artificiellement le jean et nécessite l'ajout de grandes quantités d'eau dans le process.
Pourtant, lors de la chute du Mur de Berlin en 1989, les stylistes sont marqués par l'arrivage de milliers de jeans de mauvaise qualité, portés par la jeunesse du bloc Est de l'Europe. Ces modèles, blanchis et délavés à l'acide, sont à l'origine d'une dégradation colossale de l'environnement et d'un gaspillage énorme des ressources naturelles (notamment l'eau). C'est le déclic qui poussera le duo à s'orienter vers des procédés plus respectueux de l'écosystème naturel.
Le Stonewash
Entre temps, Marithé et François inventent une technique qui fait date dans l'histoire du textile. Au milieu des années 70, leurs recherches les mènent jusqu'en Italie.
Ils y mettent au point, un procédé que l'on appelle aujourd'hui le Stonewash . Ils délavent des jeans à grande échelle, en les lavant dans d'énormes laveries et ajoutent, dans le procédé, des pierres volcaniques de Lipari. Le rendu est tout à fait nouveau, les stries du délavage étant plus marquées et moins étendues. Le tissu est, en quelques sorte, poncé lors du traitement : l'ajout d'agents détergents devient désormais inutile.
Je t'avoue qu'au début, on a envoyé à la casse pas mal de machines. Mais au fur et à mesure, avec les techniciens, on a trouvé des moyens pour éviter d'abîmer le matériel en gardant le rendu que l'on voulait. - Marithé
Le Stonewash est aussi un premier pas vers un jean plus souple, encore très rigide à l'époque, qui est "attendri" par les pierres.
Le WattWash
À partir de 2003, le duo est à l'origine d'une nouvelle technique de délavage du jean.
En fait, il s'agit plutôt de graver le jean en utilisant une technologie qui va "mordre" le denim au rayon laser. À cette époque, Marithé et François appellent ce procédé Imajean, qui deviendra en 2008 le WattWash pour souligner l'idée d'utilisation de la lumière afin d'aboutir à des résultats surprenants.
Ce procédé technique est surtout né d'une réflexion visant à expérimenter une nouvelle manière de traiter le jean sans polluer et en économisant les ressources naturelles comme l'eau. Une économie de plus de 97% d'eau...
Commandé depuis un ordinateur, il est alors possible de tracer n'importe quel motifs sur une toile de denim. Combinant la lumière et l'ozone, on grave le jean dans son ensemble selon un modèle numérique prédéfini ou bien simplement sur une petite partie de la pièce.
Tout comme le Stonewash, cette technologie permet d'assurer une plus grande souplesse à la toile, qui devient plus agréable à porter.
Enfin, le WattWash peut être adaptée et appliquée à d'autres matières comme le cuir. J'ai moi-même, lors d'une soirée organisée à l'occasion de la sortie de leur nouvelle ligne, fait graver l'un de mes cuirs sur la manche : le rendu est précis et n'a pas bougé depuis. Une occasion d'acheter des pièces personnalisées et uniques.
Coupe et innovation
En plus d'avoir été à l'origine de modèles faisant encore date aujourd'hui — le baggy, par exemple —, ils ont surtout (ré)inventé les silhouettes en concevant des pièces inédites et uniques.
Rares sont les maisons ayant autant varié les coupes et proposé au public une palette aussi large de pièces.
"L'écrasante majorité des stylistes construisaient, et construisent encore aujourd'hui d'ailleurs, les silhouettes en commençant par le haut. Nous, c'était plutôt par le bas : les pantalons, les jeans... Finalement, c'est tout aussi important !" - Marithé
Ils travailleront beaucoup sur le mouvement, en adaptant le pantalon aux nouvelles postures, aux nouvelles attitudes : jeans "taille ultra-basse" ; pantalon ultra oversized ; modèles modulables (à scratch, par exemple) ; jeans avec des lignes de construction apparentes ; nouvelles compositions de matières intégrant le stretch...
Les racines du streetwear, les précurseurs du sportswear
L'héritage des créations Girbaud dans les différents courants "stylistiques" est souvent méconnu, bien qu'absolument fondateur.
En fait, un jour je portais le jean de François, on s'amusait. Je l'ai enfilé et noué à la taille avec un cordage... et voilà, on avait inventé le baggy. - Marithé
Aujourd'hui, la grande tendance du streetwear est en plein essor. Nombreux sont ces stylistes qui expliquent "s'inspirer" de la rue pour leurs créations. Marithé et François, eux, faisaient déjà monter la mode de rue sur les podiums. Mieux, ils inventaient des alternatives... toujours un peu par hasard.
L'exemple du baggy est frappant. Une fois que l'idée germée dans la tête des créateurs, le modèle est vite adopté par les sappeurs africains et les rappeurs américains. Ce pantalon permet une liberté de mouvement, précieuse pour des danseurs ou des artistes "mobiles". En 1992, le groupe Kris Kross porte un "baggy" Girbaud dans son clip Jump. Marithé + François Girbaud devient alors une marque de référence de la mode de rue, que l'on définira, un peu plus tard, comme le streetwear.
À la même période, ils sont parmi les premiers à imaginer des vêtements aux inspirations sportswear pour le vestiaire du quotidien. Des matières techniques, stretch, voire même réfléchissantes sont incorporées à toutes leurs pièces (même les plus habillées).
Dans le même temps, leur communication s'adapte. Ils mettent en avant des visuels et des campagnes symbolisant le mouvement et le sport, collaborant avec de grands danseurs comme l'Étoile Sylvie Guillem.
L'engagement en faveur de la planète
L'industrie du textile est aujourd'hui l'une des plus polluantes au monde (la deuxième selon certaines études).
Traditionnellement, il faut en moyenne 70 litres d'eau pour "laver" un jean. On y ajoute alors 150 grammes de permanganate, soit 600 000 tonnes par an. Plus environ un kw/H d'énergie dépensée par jean. Quatre milliards de jeans environ sont produits chaque année, vous voyez l'immensité des économies qu'on peut réaliser ! Le gaspillage d'eau qu'on peut éviter ! — François Girbaud
La prise de conscience de Marithé et François date de la fin des années 80. Ainsi, ils ouvrent la voie à une mode éthique et propre. Le procédé du Wattwash en est l'exemple parfait : une consommation d'eau réduite de plus de 97% dans le délavage des jeans et l'absence d'utilisation d'agents chimiques.
Outre leurs expérimentations "industrielles", le duo Girbaud pousse son engagement jusque dans sa démarche créative : installations vidéo prônant l'interactivité du végétal et du textile dans leurs défilés, podiums en forme de labyrinthe "végétal", intégration de murs végétalisés dans leurs différentes boutiques... Marithé et François Girbaud deviennent et demeurent encore aujourd'hui des stylistes militants.
La marque aujourd'hui...
Quand on interroge les "consommateurs" de vêtements Girbaud, on constate qu'ils sont souvent de véritables fans, membres d'une communauté extrêmement fidèle. Le duo a toujours misé sur la fidélisation de ses clients, délaissant parfois les nouveaux outils de communication de masse.
Malheureusement, cumulé à quelques déboires juridiques complexes, le virage digital raté amène la marque à cesser sa production en 2013.
Depuis 2015, entourés d'une équipe solide d'anciens collaborateurs, les designers ont remonté la pente en lançant une nouvelle ligne et un nouveau concept : Mad Lane.
Mad Lane (de Proust)
Après leur liquidation judicaire, le duo Girbaud décide de profiter de l'occasion pour se ré-inventer.
François, depuis Los Angeles, travaille sur la ligne. Marithé, restée en France avec le reste de l'équipe, apporte sa touche créative et organise le business en rencontrant techniciens et industriels. Entre 2015 et 2016, la collection Mad Lane est fin prête.
Pourquoi ce nom ? Eh bien, pour rappeler la "madeleine de Proust", évocatrice de souvenir. Côté traduction anglaise, on obtient "la folie" ("mad") et une consonance "lane"-"laine". Une forme d'auto-dérision qui leur est propre.
Du techwear de créateur
Aujourd'hui, l'équipe Girbaud propose une ligne aux inspirations techwear et sportswear. Les créations sont empreintes d'une touche de futurisme, s'inspirant de designs d'uniformes presque militaires.
Fidèles à l'esprit "Girbaud", les vêtements sont pensés pour s'adapter au mouvement, tant dans leur coupe que les matières utilisées. Ils sont également prévus pour s'adapter à des conditions climatiques changeantes.
Le duo explique vouloir habiller les "nouveaux nomades", ceux qui voyagent ou se déplacent beaucoup, et qui sont à la recherche de produits mixant esthétisme et praticité.
Au niveau des matières, on retrouve des compositions à base de sergé japonais, de coton, mais aussi des matières synthétiques comme l'élasthanne ou le lycra. Il s'agit là d'un parti-pris technique : trouver des compositions pertinentes pour un confort maximisé, une meilleure tenue et une plus grande durabilité.
Enfin, Marithé et François décident de s'extraire des logiques habituelles de défilés six mois à l'avance :
On est sûrement pas assez mainstream pour être copiés actuellement par les géants de la fast-fashion, même si je vois ici et là, parfois, de l'ancien Girbaud. Tu sais, nous, la copie ne nous a jamais embêtés. Au contraire, à l'époque, plutôt que de se lancer dans des batailles juridiques longues et couteuses, on est allé voir nos copieurs et leur avons proposé de travailler avec nous. Certains sont devenus nos meilleurs producteurs et des amis. C'était amusant et plutôt flatteur d'être copiés. Mais maintenant... tu penses pouvoir négocier avec les Zara et H&M...? — Marithé
La petite sélection...
Le modèle Motorist
Le modèle Kaban Bomber
Le modèle Capuvest
Le modèle Primojack
Le jean demeure le coeur de métier du label. Les designs et jeux de coupes sont assez innovants, on retrouve toujours des compositions qui permettent d'assurer élasticité et robustesse à la pièce. L'intégration de fils stretch, tissés à la verticale, permet de rester mobile.
Le modèle Pedal Gear
Le modèle Miner
Le modèle Pocket Slits
Et au niveau du prix?
Les prix affichés, comme sur toute marque que l'on peut qualifier de '"créateur", peuvent sembler assez élevés.
Aujourd'hui, Girbaud est une petite équipe. Notre système de production et de distribution nous permet de faire attention aux stocks, mais il faut quand même que l'on réussisse à vendre sans publicité et avec des moyens réduits. C'est dur et on ne marge pas énormément. - Marithé
Ces tarifs sont liés aux matières utilisées, les procédés techniques (qui impliquent de la R&D) et l'histoire derrière chaque produit.
Je me rappelle que, quand il était jeune, François voulait une guitare, alors il a bossé pendant un mois et a mis presque toute sa paye là-dedans. C'était ça à l'époque, on travaillait pour s'acheter quelque chose dont on rêvait. Aujourd'hui, on est en permanence sollicité, exposé à des centaines de produits. Les plus jeunes, vous, vous connaissez tout. Si bien que vous ne voulez plus rien, vous êtes lassés avant même de posséder. Regarde, toi, tu veux quoi pour Noël ?
- Je ne sais pas...
- Tu vois ? Avec Girbaud, j'ai dans l'idée que les personnes qui aiment les beaux vêtements, pour qui c'est un plaisir, pourront s'acheter quelque chose de durable, d'utile et dont il ne se lasseront pas. Beaucoup de nos anciens clients possèdent encore certaines pièces d'il y a dix ou vingt ans. Ça fait chaud au coeur ! — Marithé
Éternels nomades...
Durant leur "absence", François et Marithé ont réfléchi à un nouveau mode de distribution.
Friands de contact humain, passionnés et désireux de pouvoir directement expliquer l'histoire de leurs produits à leurs clients, ils décident de proposer leur nouvelle ligne lors de ventes itinérantes à travers toute la France.
Ils organisent dans de nombreuses villes des ventes "événementielles", sur rendez-vous. C'est une certaine idée de l'expérience client qu'ils souhaitent développer.
Comment ça marche ?
Il suffit de prendre rendez-vous sur le site en s'inscrivant à la vente de son choix . On se rend alors dans l'espace aménagé pour l'occasion, où on découvre l'ensemble de la collection et profite des conseils et explications personnalisés de Marithé ou des membres de l'équipe Girbaud.
Si une pièce vous plaît, vous pouvez repartir avec, ou la commander en ligne ensuite. Ils s'associent également à plusieurs petites marques pour proposer des pièces uniques et originales sous formes de collaborations ponctuelles.
Ce système permet à la marque de gérer intelligemment ses stocks, en évitant tout surplus éventuel. C'est également un excellent moyen de tester en direct les produits auprès des clients et de les cibler avec plus de justesse.
Vous pourrez, par exemple, assister à la prochaine vente du "Madlane Tour" à Paris du 1er au 3 février.
Une stratégie résolument digitale
Marithé et François ont constaté que leur retour avait suscité le sursaut d'une "communauté de fidèles", véritables aficionados du label.
Voyant qu'ils étaient à ce point capables de fédérer, ils souhaitent à présent retranscrire cet esprit online et se positionner sur un segment plus digital.
Leur défi principal consiste à toucher un public plus jeune, à la recherche de produits de qualité, durables et différenciants. En effet, les designers souhaitent conserver leur image de marque originale : s'habiller en Girbaud, c'est déjà un parti-pris très fort. C'est assumer un certain style..
Le mot de la fin...
Toujours aussi innovants et inspirants, cette marque est une excellente adresse pour tous les amateurs de techwear ou de sportswear. Les pièces, uniques, presque à la limite du prototype, vous permettront de rehausser n'importe lequel de vos looks en y intégrant une touche originale.
Si le prix peut en freiner certains, il s'explique par tout le travail mis dans la création et reste tout à fait honnête. Ayant moi-même des pièces Girbaud en parfait état — certaines vieilles de six ou sept ans — je peux vous assurer que la promesse est tenue. J'ai hâte de découvrir les prochains résultats de cette belle addition qu'est Marithé + François = Girbaud.
Je tiens enfin à remercier Marithé de m'avoir reçu et répondu à toutes mes questions. Si vous souhaitez en savoir davantage, je vous recommande le livre Marithé + François Girbaud : De la pierre à la lumière, dont je conseille la lecture à ceux qui souhaiteraient en savoir un peu plus après la lecture de cet article. Outre l'écrit, les visuels offrent une immersion totale dans l'univers du duo.