Avec le jean, le chino est l'autre type de pantalon incontournable pour un homme : adaptable à plusieurs styles et confortable, il ne nous en fallait pas plus.
Traversant les générations sans trop de difficultés, il n'a jamais vraiment pris de rides. Il semble aussi renvoyer à des icônes masculines plus anciennes, un peu comme s'il avait toujours été là.
Alors avant de vous présenter notre vision du chino, on se doit de vous raconter l'histoire assez unique de cette pièce. Et pour cette partie, c'est Nicolò qui s'y colle !
1845 à 1941 : De la poussière à l'uniforme, la naissance du khaki comme vêtement militaire
Un vêtement créé par nécessité
Imaginez-vous en Inde, en 1845.
Valeureux soldat britannique, bardé de votre uniforme blanc et rouge impeccablement structuré, vous vous tenez fièrement au garde-à-vous, imperturbable malgré la chaleur.
Vous avez de l'allure dans les couleurs de la reine, mais vos camarades et vous réalisez assez vite qu'un problème se pose : en plein désert, ces couleurs vous rendent aussi discrets qu'un phare en pleine nuit. Pas forcément ce qu'il y a de plus malin lorsque vous devez éviter de vous faire repérer, ou tirer sur l'ennemi avant qu'il ne le fasse.
Forcé de faire un compromis stylistique une entorse aux règles d'apparat militaires, vous utilisez les moyens du bord pour teindre vos vêtements et faire de vous une cible un peu moins évidente. La boue, la poussière, le café, et même le curry sont de mise !
Très vite, tout votre régiment s'y met et dégrade l'uniforme, à commencer par ce satané pantalon blanc qu'on remarque à des centaines de mètres de distance.
On donnera plus tard le nom de "khaki" au résultat de votre ingéniosité, mot indien utilisé pour parler de cette poussière locale à la couleur spécifique.
Heureusement, Sir Harry Lumsden, à l'époque commandant des forcées armées du Punjab , se rend compte du bienfondé de la démarche de ses soldats, et remplace les bas très ajustés des uniformes britanniques par des pantalons plus respirants et amples, qu'il fera teindre avec des feuilles de thé pour obtenir cette même couleur khaki, adaptée au camouflage en milieu désertique.
Trois ans plus tard, l'Armée Britannique elle-même reconnaît l'avantage tactique de ce coloris et l'adopte pour tous ses uniformes des pays chauds, tels que le Soudan, l'Afrique du Sud ou l'Afghanistan.
Ces uniformes, en sergé de coton léger et robuste, sont fabriqués en Chine pour diminuer les coûts des transports, mais la demande est si forte que la toile des khakis finit également par être tissée au sein du Royaume-Uni.
Le chino traverse les océans
Petit à petit, de nombreuses armées suivent l'exemple et font du kaki une couleur standard pour leurs uniformes, y compris les États-Unis, en 1898.
Ce n'est qu'à partir de cette date, lors de la guerre hispano-américaine opposant les États-Unis et les colonies Espagnoles au Royaume d'Espagne, que les pantalons américains militaires sont qualifiés de chinos .
À la différence des khakis, les chinos finiront par désigner plus tard l'ensemble de ces pantalons d'origines militaires en sergé de coton, indifféremment de la couleur de la toile.
Le chino connaît par la suite une première incursion dans le marché civil pour sa praticité et sa polyvalence, à travers des marques telles que Sunset. Filiale crée par Levi's en 1906, elle est destinée à produire des vêtements autres qu'en denim.
Toujours du côté des militaires, le chino en tant qu'uniforme continue de se répandre à travers les différents corps de l'armée américaine. D'abord dans l'aviation de la US Navy en 1912, puis chez les équipages à bords des sous-marins en 1931.
Ce n'est qu'en 1941 qu'il devient partie intégrante de l'uniforme des officiers stationnés dans les bases, et que l'armée autorise dans la foulée leur port durant les permissions .
De 1944 aux années 1960 : Un vêtement démilitarisé, démocratisé, puis rendu icônique
Cette dernière décision contribue à le rendre encore plus familier aux yeux du public, et les chinos de surplus militaires disponibles en grande quantité après la guerre - peu chers, robustes et dotés d'une couleur sobre - rencontrent un vrai succès auprès du grand public.
Mais au delà de sa démocratisation sur le marché, ce sont d'autres facteurs qui ont contribué à en faire une véritable icône de style...
La G.I Bill : les militaires sur le campus
Le premier, c'est la toute nouvelle affluence de soldats dans les grandes universités américaines à l'époque. Pour le comprendre, il faut se pencher sur la G.I Bill, une loi édictée en 1944 fournissant de nombreux avantages aux soldats démobilisés de la Seconde Guerre mondiale. Elle réduit leurs frais de scolarité à un montant dérisoire, qui leur permet de poursuivre des études normalement difficiles d'accès.
Le chino, pantalon standard des officiers en permission trois ans plus tôt, se retrouve massivement importé dans les milieux normalement "select" des fameuses prep schools américaines, et devient ainsi représentatif de la future élite intellectuelle preppy.
N'hésitez pas à consulter notre article sur le preppy si vous êtes curieux d'en savoir plus sur ce style et son histoire
Le deuxième facteur, faisant du chino un véritable symbole, est l'appropriation de la pièce par des célébrités hollywoodiennes des années 50 et 60. On peut citer James Mason, James Dean et l'indétronable "King of Cool", Steve McQueen.
Le chino est aussi adopté par le mouvement littéraire anticonformiste de la Beat Generation, à travers des auteurs tels que Jack Kerouac ou Neal Cassady. Ces précurseurs ont associé le chino à l'image de l'aventurier, de l'explorateur et du rebelle élégant.
En fait, ce qui fait la force du chino, c'est qu'il tient son charisme d'un ensemble de connotations, pourtant contradictoires :
- Vêtement des militaires, il est aussi adopté par des utopistes,
- Pantalon du peuple en difficulté après la guerre, mais aussi celui de la jeune élite de l'Ivy League.
En bref, le chino transcende les castes sociales et les époques, tout en nous renvoyant constamment aux générations d'hommes qui l'ont porté avant nous.
Années 1980 à aujourd'hui : une pièce délaissée puis ressuscitée par Dockers et ses Alpha Khakis
Progressivement, les chinos se font plus rares.
Ils ne disparaissent pas entièrement non plus, loin de là, mais ils finissent par être perçus comme vieillots, notamment parce que les nouvelles générations d'hommes ne veulent pas porter une pièce qu'ils ont vu sur leur père, et leur grand-père avant lui.
Jusqu'à il y a moins d'une dizaine d'années, le chino était donc souvent associé à "la tenue casual de papa le dimanche", porté trop large et avec une coupe informe.
C'était sans compter sur Dockers, qui lance en 2011 sa ligne Alpha Khaki, constituée de chinos "modernes". Ils les accompagnent de pièces casual aux allures vintage, comme des bombers ou des blazers en velours côtelé.
Les coupes sont remises au goût du jour : elles sont plus ajustées, avec une taille plus basse et une ouverture de jambe plus étroite, propices à être portées avec des sneakers ou des souliers plus fins. Les matières tirent à nouveau leur inspiration de l'univers militaire, les coloris se diversifient pour sortir du gris et du beige et la marque se permet même des partis-pris tels que les imprimés camo sur certaines pièces.
La ligne est un succès et la marque transforme son image auprès du public plus jeune . C'est une nouvelle jeunesse pour le chino, qui récupère ses lettres de noblesse et son statut d'intemporel indispensable. De nouveau, il est remis en avant un peu partout !
Notre interprétation BonneGueule du chino
S'attaquer à un tel basique du vestiaire masculin n'est pas chose facile : on a repoussé l'échéance plusieurs fois, le temps que notre réflexion mûrisse un peu.
Parce que des chinos beiges, il y en a partout et à tous les prix et, avec Alex, on se demandait ce qu'on allait pouvoir apporter en plus.
La première chose a été de comprendre pourquoi cette pièce est assez peu portée, et ce qu'il faudrait pour qu'on la porte quasiment tous les jours. C'est ce qui nous a permis de dégager quatre axes :
- Un pantalon doit être confortable, il faut donc une matière douce et stretch,
- Une coupe ajustée, forcément. Des années après, je reste toujours un grand amateur de semi-slim,
- Un coloris développé sur-mesure pour avoir "notre" beige,
- Et de la fonctionnalité au niveau des poches.
Une matière du fabricant français Velcorex
Velcorex est un fournisseur français spécialisé dans les tissus velours et les toiles de chinos.
Il fournit d'ailleurs quelques marques scandinaves et streetwear plutôt connues dans ces colonnes...
Un tissu confortable, à porter toute l'année
On est ici sur un tissu dit "4 saisons" de 280 gr/m2, un sergé de coton pour être plus précis !
Point important : la toile est émerisée, c'est-à-dire qu'une pointe de diamant va légèrement gratter sa surface afin d'y apporter de la douceur. Vous allez vite le sentir quand vous enfilerez ce chino !
Et pour encore plus de confort, c'est un tissu comportant 2% d'élasthanne :
- Non seulement il contribue à avoir une coupe ajustée,
- Mais le confort est évidemment accru.
Le but est vraiment de créer le chino à enfiler dès que vous voudrez passer un pantalon confortable, que ce soit pour rejoindre des amis le dimanche ou travailler en semaine.
Et après l'avoir bien porté, je confirme que l'ajout d'un peu de stretch est un véritable bonheur.
Du beige, mais pas n'importe lequel !
Il a fallu choisir le coloris. À l'instar d'un manteau camel (on y reviendra dans quelques jours...), cette étape n'est pas simple car elle repose sur beaucoup d'intuitions et de ressenti.
On est dans la subjectivité la plus totale, et il est bien compliqué d'argumenter rationnellement pourquoi le beige X est meilleur que le Y.
De mon côté, étant très inspiré par les couleurs utilisées pour le vêtement militaire, j'ai voulu une nuance entre la couleur coyote, qui est vraiment une couleur normée et spécifique dans les armées, et le "british khaki", ce beige qui paraît parfois gris.
Une couleur fixée en "teint tissu"
À noter que la matière est "teint tissu", un détail qui a son importance. Pour rappel, voici les trois types de teintures :
- Le teint fil, où le fil est teint d'abord puis tissé. C'est le plus prestigieux, mais aussi le plus coûteux. Et Alex me dit que c'est une technique qui n'est pas utilisée pour les chinos,
- Le teint tissu, où la matière écrue est plongée dans des cuves de colorants,
- Et le teint pièce, où le pantalon est monté en matière écrue, puis plongé dans une cuve. C'est la méthode la plus pratique ; on peut rationnaliser ses achats de toile, en proposant aisément plusieurs coloris, mais elle n'est pas sans inconvénients : l'étiquette de composition est teinte elle-aussi, et il peut y avoir un effet de délavage à côté de certaines coutures. Et surtout, étant donné que le pantalon est déjà monté et que la matière va être chauffée, le sizing peut légèrement varier (si parfois vous comprenez pas pourquoi le sizing est différent suivant le coloris chez une marque, vous avez la réponse).
Nous avons donc choisi le "teint tissu", car la couleur tient mieux. D'ailleurs les pantalons sont lavés en usine, ce qui permet de bien stabiliser la couleur... et la coupe !
Des poches très fonctionnelles avec un zip
J'ai parfois une hantise quand je porte un chino : que mes effets personnels tombent de mes poches quand je suis assis. Pour y remédier, on a placé une poche zippée cachée dans la poche gauche.
Petit détail intéressant : nous avons doublé les poches avec de la popeline kaki Emanuel Lang , comme un clin d'oeil aux origines militaires de la pièce.
La poche arrière droite est elle aussi zippée, afin de garder vos papiers en toute sécurité. Tout l'enjeu était ici de la camoufler, car c'est une zone qui est souvent en tension. On a donc inversé le passepoil, pour une poche hyper discrète !
Une coupe ajustée, longue à développer
Le travail sur la coupe a été très, très long, bien plus que le développement d'un blazer ou d'un manteau. Il a fallu pas moins de cinq prototypes pour arriver au résultat final. Parfois trop ample, d'autres trop ajusté, ou encore une taille trop haute... Bref, tout ça pour vous dire que derrière cette coupe en apparence simple, cela a en fait été très long.
Mais je suis très content du résultat : on a réussi à mêler une ligne de jambe bien ajustée, sans jamais sacrifier le confort, et en évitant soigneusement l'effet "trop slim".
On est donc ici sur une ouverture de jambe de 16,5 cm, ce qui va rendre ce chino idéal à porter avec des sneakers ou des chaussures montantes, puisqu'il va bien tomber sur la cheville. C'est aussi là que l'élasthane entre en jeu !
Des finitions soignées
Un intérieur net et gansé
On commence par l'intérieur de la jambe :
- La couture intérieure, allant du bas du pantalon à l'entrejambe, est entièrement rabattue,
- Celle allant du bas à la ceinture est totalement gansée.
Une ceinture de pantalon solide
Pour qu'elle ne vous fasse jamais défaut, nous avons veillé à ce que les passants rentrent bien sous la ceinture. Petite nouveauté : nous l'avons montée en points de chaînette.
Des zips japonais YKK
On ne vous présente plus YKK, la marque japonaise de référence pour les zips. C'est vers eux que nous nous sommes orientés pour les fermetures-éclair des poches et de la braguette.
Où est-il fabriqué ?
La toile française Velcorex est ensuite envoyée au Maroc, où elle est montée en chino. Ce pays développe un savoir-faire incontestable sur la fabrication de chemises et de pantalons.
Nous avons choisi de travailler avec un petit atelier à taille humaine, très proche de ses clients du secteur du luxe.
Comment choisir sa taille ?
Comme tout pantalon en coton, il se détend un peu : il doit être un peu serré à l'achat, mais pas autant qu'un jean ! Avec l'élasthane, même si le pantalon est bien ajusté au début, il conservera tout son confort !
Comment porter un chino ?
C'est bien simple : avec tout. Le chino est vraiment une pièce tout-terrain, s'adaptant à quasiment tous les styles.
Allez, on regarde quand même quelques inspirations. 😉
Quelques mots sur l'entretien
Prenez soin de ce chino et il vous accompagnera pendant plusieurs années.
Au moment de le laver, retournez-le avant de le mettre en machine. Attention à ne pas utiliser de lessive avec agents blanchissants, ni à trop engorger le tambour.
Et vous connaissez le refrain : sèche-linge interdit 😉
Comment se procurer le chino BonneGueule ?
Vous pouvez dès à présent retrouver notre chino beige sur l’eshop et en boutique.