V.I.R.A.L. : l’histoire fantastique de la chemise oxford button-down (5/8)
L'idée d'une chemise en oxford est venue très tôt dans l'histoire de la Ligne BonneGueule, quasiment en même temps que notre idée de chemise en chambray car, comme vous le savez, nous aimons beaucoup les chemises décontractées. Et puis vous le savez, c'est un grand classique chez l'homme tant les usages de l'oxford sont nombreux ; qu'il soit porté avec un costume ou au bord de la mer, les manches retroussées et les pieds dans l'eau.
Mais il a fallu attendre près d'un an et demi après la sortie de la Ligne BonneGueule pour que notre chemise en oxford voit le jour.
Pourquoi autant de temps pour ce vêtement a priori simple ?
Parce qu'on a mis du temps à répondre à une question simple : "quelle valeur ajoutée allait-on apporter sur ce type de pièce par rapport au marché déjà bien fourni ?". Car proposer une chemise en oxford simplement parce qu'il en faut une ne colle pas avec notre philosophie !
C'est donc avec la lourde tâche de trouver un oxford ayant "ce quelque chose en plus" qu'Alexandre a commencé son travail de recherche.
Et vous allez voir, c'est un vêtement ancestral qui a une belle histoire !
Flashback (très) rapide sur la chemise oxford
À l’origine, la chemise oxford est un vêtement formel porté par la haute société anglaise qui la préférait à la popeline, plus fragile et moins respirante.
Puis, dans les années 30, les joueurs de polo commencèrent à porter ces chemises épaisses et confortables. Son image change alors pour devenir la pièce casual que nous connaissons.
En parallèle, les étudiants des grandes universités américaines s’en emparent, chemise indispensable à toute garde robe preppy : c’est la chemise des boys de l’élite mais, en même temps, elle conserve cette connotation légèrement rebelle (bon, on est d’accord, c’est quand même un degré en dessous du punk en potentiel de rébellion).
Ce fut ensuite au tour des tisserands de s'illustrer par leur vision de l'oxford... et un rendu beaucoup plus "granuleux" et texturé. On est loin de la chemise formelle des débuts puisqu’elle elle se greffe alors à l’univers workwear.
Pourquoi choisir Emanuel Lang pour cette chemise ?
Nous avons confié la fabrication de ces tissus à Emanuel Lang qui est un tisseur alsacien de plus de 160 ans, spécialisé dans la confection d’oxford original et inventif.
Et c'est le dernier industriel textile français à tisser des matières de chemises.
Vous allez voir que cet atelier a une histoire particulièrement mouvementée. À côté, celle d’Apple ressemble à une promenade de santé.
Au coeur d'un bassin historique du textile français
C’est en 1856 qu’Emanuel Lang fonde un atelier de tissage dans le Sud de l’Alsace. Ce n’est pas un détail puisque cette région est un bassin historique de l’industrie textile française, dont Mulhouse est le centre de gravité.
En effet, l'Alsace a toujours été le carrefour de nombreuses cultures (celtiques, romaines, barbares...), et une région riche en ressources hydrauliques, minières, agricoles et techniques.
Mulhouse était d'ailleurs une cité très prospère, et l'était encore en 1798, fin de la République de Mulhouse, et année de rattachement à la France.
Durant son histoire, la ville a bénéficié de plein fouet de sa situation de ville indépendante (depuis 1275), que ce soit lors de la petite révolution industrielle (celle de l'énergie hydraulique et éolienne : l'emblème de la ville est d'ailleurs une roue de moulin à eau) ou de la grande révolution industrielle (on surnommait Mulhouse la "Manchester française", ou encore "la ville au 100 cheminées").
Ces révolutions en engendrèrent d'autres : nouveaux modes universitaires, capitalisme social, chimie, et nombreuses inventions autour de la mécanique. Muhlouse est le berceau de Schlumberger (métiers à tisser et machines outils), Tiscali, et même du constructeur américain Boeing qui s'inspira de Aviatik, constructeur d'aéroplanes mulhousien.
Alors si vous passez à Mulhouse, ne loupez pas ses musées techniques : c'est la ville européenne qui en compte le plus (et la 2nde ville française pour les musées nationaux) : les musées du train, de l'électricité, de l'impression sur étoffe, des pompiers, ou de l'automobile, sont des immanquables.
Vie, mort et résurrection d’Emanuel Lang
Le savoir-faire textile s’est transmis au fil des générations, et les Alsaciens en sont très fiers (demandez à Geoffrey !). Pour vous donner une idée, c’est le même rapport qu’il y a entre les Écossais et le whisky, ou les Basques avec le gâteau basque et le jambon de Bayonne.
Emanuel Lang a pourtant bien failli ne jamais souffler sa 160ème bougie. À travers cette PME, c’est une partie de l’histoire de l’industrie française qui se raconte.
Nous sommes au début des années 2000, l’industrie textile française agonise, en partie à cause de la concurrence bon marché asiatique, capable de faire un tissu de qualité équivalente pour beaucoup, beaucoup moins cher.
Incapables de s’aligner, les industries textiles françaises périclitent et se voient contraintes de changer leur modèle économique pour échapper totalement à la disparition.
Comme dans toute l’Alsace, les vagues de licenciements se succèdent. Presque tous les sites du groupe ferment en 2003, à l’exception d’un seul, qui conserve momentanément son activité.
En 2009, les ateliers de création et de tissage subissent un plan de liquidation, et de nouveaux licenciements s’imposent pour éviter de fermer définitivement la société.
Et là, c’est le drame. On apprend dans la presse alsacienne que le groupe va, de nouveau, entrer en liquidation judiciaire, fragilisée par la hausse des cours du coton. Les machines doivent être vendues aux enchères et la fermeture définitive du site ne fait plus aucun doute.
Plusieurs plans de rachat sont évoqués avant d’échouer, les uns après les autres. La fermeture est imminente et les vautours volent au dessus du site. Pendant dix mois, la seule activité des salariés sera de manifester contre la vente des machines.
Et puis, fin 2013, la société trouve un nouvel acquéreur. Un accord que plus personne n’osait espérer est conclu, la société échappe alors de très peu à la faillite et retrouve quelques clients.
Aujourd’hui, l’entreprise historique est une PME d’une vingtaine de personnes. Plutôt que s'épuiser à fournir une popeline qui ne sera jamais moins chère que ses concurrents low cost, elle mène une vraie réflexion de fond sur ce qu'elle peut faire différemment : "qu'est-ce qu'on peut être les seuls à fournir ? Qu'est qu'on peut faire que personne d'autre ne sait faire ?"
Et c'est ainsi qu'elle va développer une vraie créativité dans les tissus dits "poids chemises" : au lieu de fournir une popeline vue et revue sur laquelle il est très compliqué de proposer une vraie valeur ajoutée, Emanuel Lang va plus loin dans la construction de ses collections.
Pour être franc, ce fut une très belle découverte car je pensais que seuls les Japonais étaient capables de faire preuve d'une telle créativité ! Leurs tissus sont très texturés, bruts, ou avec des motifs tissés assez impressionnants.
Les efforts vont payer, puisqu'elle va commencer à fournir plusieurs marques bien connues dans le prêt-à-porter haut de gamme.
Et pour la petite histoire, Geoffrey a grandi à 15km de Hirsingue, fief de Emanuel Lang. Cette collaboration a donc une valeur symbolique pour nous.
Pourquoi cette collaboration ?
Comme on l'a évoqué, Emanuel Lang fait preuve d’une grande créativité dans la création de tissus en oxford.
En collaborant avec eux, nous bénéficions donc du savoir faire d’un très ancien acteur du textile français.
Par ailleurs, Emanuel Lang fait partie du regroupement d'entreprises "Alsace Terre textile", qui regroupe les sociétés qui s’illustrent par un savoir-faire précis, respectant une tradition et qui possèdent leur outil de production dans la région.
C'est une sorte "d'appellation industrielle contrôlée" qui assure aux client d'acheter un produit "local" qui a été conçu dans le respect des normes environnementales, sociales et écologiques (à noter qu'il existe aussi d'autres regroupement de type "Vosges Terre textile").
De plus, notre oxford est labellisé OEKO-Tex Standard 100, qui garantit l’absence de tout produit nocif dans ses tissus.
Le savoir-faire textile alsacien
La créativité d'Emanuel Lang vient des tests quotidiens sur les mélanges de fils, ou sur les nouvelles "armures" en combinant fils de chaîne et trame très spécifiques.
Ces connaissances sont très précieuses et permettent de créer sans limite de nouvelles matières.
Emanuel Lang possède aussi des machines uniques au monde (oui, vous avez bien lu, certaines machines de son outil de production ne se retrouvent nul part ailleurs). Ces mêmes machines qui avaient failli tomber dans les mains de repreneurs...
Mais le savoir-faire d’Emanuel Lang intervient dans toutes les étapes du processus de fabrication : de la création des collections, aux techniques de tissage et au finissage.
Il faut savoir que le tissu oxford est tissé d’une manière bien particulière : deux fils verticaux bleus (appelés fils de chaîne) sont croisés avec un fil horizontal blanc (appelé fil de trame). On appelle cela un tissage semi-natté. Ne vous inquiétez pas, tout est expliqué dans la vidéo !
Christian Didier, actuel Directeur Général d'Emanuel Lang, a voulu préserver les secrets de fabrication de son oxford. Mais face à notre insistance, il a quand même bien voulu nous en dire plus !
Un des éléments le plus important est la sélection de fils de qualité : les fils viennent d'Espagne, de Suisse, d'Italie et même du nord de la France. Christian parcourt de nombreux salons de fils (notamment le très réputé salon Filo à Milan) pour sourcer les meilleurs.
De plus, sur un oxford, l'élément déterminant est la qualité du fil de trame (le blanc, qui est un fil retors sur notre oxford) et la façon dont celui-ci est entrecroisé avec les fils de chaîne.
En effet, outre les fils, c'est la technique de tissage (grâce aux machine uniques au monde) qui permet de donner à l'oxford une main douce et un rendu visuel bien particulier. Mais là, il s'agit de la recette magique dont Christian n'a pas voulu nous dévoiler les secrets. Il se contentera simplement d'y faire allusion dans son interview vidéo. C'est le culte du secret version Emanuel Lang 😉
On dit de la matière qui vient d'être tissée qu'elle est "tombée de métier" (autrement dit, brut). Il faut ensuite l'amener chez l'ennoblisseur pour la dernière étape, l'ennoblissage (ou finissage). Cela va permettre de fixer la matière et de lui donner sa main finale. Et c'est durant cette étape que l'on retire toutes les impuretés et les déchets résiduels dans le coton.
Emanuel Lang travaille avec un ennoblisseur de la région qui s'appelle ETC (Ennoblissement Technique de Cernay), basé à Cernay donc, soit à 30 minutes en voiture d'Hirsingue. On ne peut pas faire plus local !
Luxe, calme et volupté
Pour cette chemise, Emanuel Lang utilise un fil de trame particulièrement épais, ce qui lui donne une texture bien régulière.
Le rendu final est ni trop brut, ni trop lisse. Au toucher, la matière est plus douce qu’une popeline classique. La main est moelleuse avec toutefois du relief, entre le "grain" caractéristique des tissus japonais et la sobriété à la française.
On voulait s'éloigner de l’univers preppy américain (les coupes amples, le pli d'aisance dans le dos, ça ne nous parle pas trop). C’est pour ça que nous avons choisi notre col button-down caché habituel. Oui, c'est le même que nos deux chemises en chambray ! C’est un col qui restera en place quoi qu’il arrive, tout en ayant l’air d’un col français classique – pas besoin de sortir de Yale pour porter notre chemise –.
La chemise oxford réinventée
Pour cette chemise, nous voulions rester fidèles à l’image de la chemise oxford : une chemise douce, confortable, et durable. Le genre de chemise qui évoque tout de suite la qualité, que l’on a plaisir à mettre, ou à prêter à sa copine le matin.
Deux coloris : un bleu ciel et un gris clair
On ne pouvait pas faire une chemise oxford sans proposer un bleu clair, couleur de l'oxford par excellence. Je ne vais pas épiloguer sur l'intérêt d'avoir une pile de chemises bleues dans son armoire, j'ai déjà traité ce point en long et en large 😉
L'oxford bleu clair permet d'apporter une touche de décontraction avec un costume, et une note élégante et intemporelle dans des looks beaucoup plus décontractés (chino, sneakers sobres, etc).
Le choix de la deuxième couleur a fait débat : Geoffrey ne voulait pas un oxford blanc, et moi je voulais quelque chose au moins aussi facile à porter que du blanc, vous imaginez bien les conversations houleuses ! On a trouvé un consensus avec du gris clair, une couleur finalement assez peu représentée, mais qui va très bien avec des couleurs fortes.
Comment porter une chemise oxford ?
Comment choisir sa taille de chemise ?
Le sizing est très classique, prenez simplement votre taille habituelle ! Je sais que je dis ça à chaque lancement, mais c'est aussi simple que ça !
Les chemises en oxford alsacien Emanuel Lang sont à présent disponibles
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