Le traitement déperlant : le grand oublié du vêtement technique

Le traitement déperlant : le grand oublié du vêtement technique
Déperlance, imperméabilité... ces termes vous parlent mais vous ne connaissez pas exactement la différence ? Voici les explications précises qui vous permettront de bien les distinguer.

Imaginez de l’eau qui ruisselle sur du tissu.

Si je vous parle de vêtement technique ou de vêtement imperméable, c’est la première image qui vous vient en tête.

Et elle est souvent associée avec le nom d’une membrane de haute technologie, qui repousse encore plus loin les limites de l’imperméabilité et de la respirabilité, afin de justifier un prix de plusieurs centaines d’euros.

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La déperlance sur notre parka Tamaro.

Pourtant, si l’eau ruisselle, et si elle donne cette impression de “rebondir” sur le tissu, la membrane n’y est pour rien, puisque que dans les faits, elle est située et laminée (=collée) sous le tissu extérieur.

Non, ce qui permet à l’eau de ne pas imprégner le tissu, c’est le traitement déperlant appliqué, aussi appelé DWR en anglais pour “Durable Water Repellent”.

Une caractéristique importante de tout vêtement destiné à faire face à des averses, mais qui est souvent reléguée à une simple ligne de texte dans les pages produits.

Alors que sans traitement déperlant, le tissu extérieur serait gorgé d’eau, et la transpiration ne peut pas traverser la membrane. C’est très bien expliqué dans cette vidéo de Nikwax :

Le problème, c’est que le traitement déperlant est souvent confondu à tort avec l’imperméabilité, alors que ce sont deux choses différentes.

On va voir ça en détails ainsi que les solutions possibles quand le traitement déperlant s’estompe.

Un traitement déperlant n’est pas un tissu imperméable !

S’il n’y a qu’une chose à retenir de cet article c’est cette phrase.

Je m’explique…

Un traitement déperlant, c’est un apprêt chimique (et non mécanique) appliqué sur le tissu pour éviter qu’il s’imbibe quand il pleut : on parle d’un tissu hydrophobe.

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© Ooreka

Voilà une nappe qui a été traitée avec un produit déperlant. On peut voir le gouttes qui se forment et ruissellent sur le textile.

Le contraire est un tissu hydrophile, qui absorbe l’eau (pensez à une éponge ou à une goutte d’eau qui tombe sur un carton !).

Dans le cas d’un tissu imperméable, il ne laisse pas passer l’eau de pluie (du moins dans une certaine mesure) quand elle tombe sur votre veste car il y a une membrane contrecollée derrière le tissu. La membrane est un élément supplémentaire, invisible et qui garantit l'imperméabilité d'une matière. Ainsi, un vêtement déperlant n'a pas de membrane. Un vêtement imperméable en a une.

Donc un tissu peut :

  • être déperlant mais ne pas être imperméable (c’est-à-dire que l’eau peut ruisseler dessus et ne peut avoir de membrane imperméable malgré tout)
  • être imperméable mais pas déperlant, ce qui n’a aucun intérêt car ça empêche la membrane d’évacuer l’humidité corporelle,
  • être déperlant et imperméable : c’est le cas de la plupart des vestes pour la randonnée en Gore-Tex, eVent, et autres membranes bien connues.
Bonne gueule

La membrane (ici, une Gore-Tex) est un élément qui différencie un tissu imperméable d'un tissu déperlant. Elle se trouve derrière le tissu principal comme on peut le voir sur ce visuel.

(sans compter qu’une membrane peut vite s’user et se délaminer dans certains cas, je vous invite à voir ma vidéo sur l’imperméabilité pour aller plus loin sur ce sujet, avec la photo de mon père jeune en bonus)

Mais il y a un intérêt immense à avoir un tissu déperlant ET non imperméable : il est bien plus respirant qu’une membrane imperméable car l’air humide générée par votre corps peut s’évacuer très facilement. C’est d’ailleurs la philosophie du PCU (Protective Combat Uniform), le système de vêtements des militaires américains.

Et un tissu déperlant mais non membrané est aussi moins coûteux, et avec plus de variété dans les compositions et les textures.

C’est par exemple le cas du Ventile, ce tissu 100 % coton que j’adore et qui résiste merveilleusement bien aux intempéries.

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La déperlance sur le tissu Ventile®. Composé uniquement de coton, sa particularité réside dans son tissage : très serré, il empêche l'eau de traverser la surface.

Mais pour autant, les traitements déperlants ne sont pas non plus une solution miracle, ils ont aussi leurs limites.

Les limites d’un traitement déperlant

Au bout d’un moment, en cas d’exposition sous une pluie prolongée, le traitement déperlant ne suffit plus à arrêter l’eau, et elle va quand même passer à travers les fibres.

A ce moment là, deux cas possibles :

  • il y a une membrane et vous restez au sec,
  • il n’y a pas de membrane et l’eau pénètre votre veste. Je vous rassure, ce n’est rien de dramatique !

Estimer à quel moment l’eau va venir à bout d’un traitement déperlant est très difficile, car ça dépend de beaucoup de facteurs : l’intensité de la pluie, l’ancienneté de la pièce, son entretien, la qualité du traitement déperlant, etc.

Mais de mon expérience, un bon traitement déperlant permet de tenir 20 min sous une averse modérée, ce qui est amplement suffisant pour 99% des déplacements urbains. Certains utilisateurs de Ventile parlent même d’une heure ou deux sous la pluie en restant complètement secs.

Si jamais la veste se mouille malgré tout, pas de panique, elle va sécher rapidement dès que l’averse s’arrête.

Donc je le répète, un traitement déperlant ne signifie pas forcément que le vêtement est imperméable, mais ce que vous perdez en imperméabilité, vous le gagnez en respirabilité (je souligne et je mets en gras cette phrase car elle est capitale à comprendre).

Avant qu’on entre dans le côté pratique, je suis obligé d’aborder un composant chimique qui a longtemps terni l’image des traitements déperlants : les PFCs pour PerFluoroCarbure.

Les PFCs : le gros problème des traitements déperlants

Pendant longtemps, on a utilisé des PFCs pour rendre les vêtements déperlants, plus particulièrement le C8. Mais un problème de taille s’est posé : ils étaient si efficaces qu’il ne se dégradait pas dans la nature, et désormais, les PFCs ont envahi la planète, y compris dans des zones très reculées.

Et vu que le C8 est quasiment impossible à se dégrader, il peut s’accumuler dans les organismes qui en absorbent involontairement, humains compris.

Il a donc été interdit (mais il serait encore autorisé pour des applications militaires, même si je n’arrive pas à trouver la confirmation de cette rumeur).

Sont venus les C6, qui s’accumulent un peu moins dans le corps, mais qui sont également sur le point d’être interdits. Ce qui a poussé Gore-Tex vers une course effrénée pour trouver une alternative plus responsable.

Le sujet des PFC est très vaste, et je vous conseille cet article de la Green Session pour aller plus loin ou la page dédiée de Nikwax (je vais revenir sur cette marque plus loin).

Mais heureusement, aujourd’hui les traitements déperlants à base de C6 sont de plus en plus rares. Et tant que créateur de vêtements, je n’en vois plus chez nos fournisseurs habituels, où tous les tissus techniques sont “PFC Free”. En moins de dix ans, il y a eu une avancée considérable.

Le seul inconvénient : ils sont moins efficaces que le C8 ou le C6 mais Nikwax a présenté tout récemment une solution industrielle très prometteuse, le Nikwax Direct.Dry :

Les promesses sont alléchantes :

  • un score de 100 (la note maximale) au test de déperlance,
  • une grande résistance aux lavages : un score de 80 après 20 lavages, et qui revient à 100 après un lavage spécial par le particulier que j’explique plus loin,
  • et comme toujours avec Nikwax, un impact environnemental exemplaire.

Passons maintenant à la pratique : que faire quand l’eau ne ricoche plus sur le tissu et que le traitement déperlant n’est plus aussi efficace ?

Que faire quand le traitement déperlant diminue ?

Mauvaise nouvelle : quelle que soit la qualité du traitement déperlant (fut-il de qualité militaire), il s’use avec le temps. Le traitement déperlant, c’est l’expérience de l’impermanence des choses : il finira forcément par s’en aller, tout comme un jean brut se patine et s’éclaircit avec le temps.

Oui oui, ça touche même les vestes en Gore-Tex les plus coûteuses, elles finissent par ne plus déperler elles aussi.

Les zones propices aux frottements des bretelles ou du dos d’un sac à dos sont les premières à être touchées.

A quoi ressemble un traitement déperlant à renouveler ? C’est très simple : toutes les gouttes d’eau qui tombent sur la veste sont absorbées par le tissu au lieu de “rebondir”, comme si vous faisiez tomber de l’eau sur un tee-shirt en coton.

Heureusement, il existe des solutions !

J’écris ces mots parce que j’ai déjà échangé avec des clients qui pensaient que le traitement déperlant restait à vie.

Il n’en est rien et il est possible de restaurer la déperlance d’un vêtement.

Pour cela, il faut entretenir son vêtement avec des produits Nikwax, c’est la marque de référence pour des produits d’entretien destinés aux vêtements outdoor en étant le plus responsable possible. Ils ont par exemple des produits spécialement destinés aux vêtements en laine, avec du duvet, des base layers, du coton, ou du cuir.

Comment restaurer un traitement déperlant

Vous trouverez dans cette vidéo les instructions de Nikwax :

À noter que le TX.Direct existe en spray, ce qui peut être pratique pour appliquer localement le traitement déperlant sur un vêtement dont la doublure doit rester absorbante, c’est le cas par exemple des vêtements très spécialisés comme les Buffalo Shirts.

Paramo, la marque de vêtements imperméables appartenant à Nikwax, propose également une FAQ complète sur l’entretien des vêtements imperméables.

Si vraiment vous voulez creuser le sujet, il y a une tonne de tutos sur Youtube avec les mots clés “use Nikwax”, “wash waterproof jacket” qui vous expliqueront tout !

Note : il y a une catégorie de vêtements qui n’a pas besoin d’être réimperméabilisée : les bons vieux cirés de nos parents ou de nos grands parents, qui sont en quelques sortes une bâche en plastique en forme de vêtement. L’eau ne peut pas entrer quoiqu’il arrive, mais la respirabilité est inexistante. Un vêtement à réserver pour des sorties avec beaucoup de vent et à l’activité physique modérée.

Voilà pour ce guide des vêtements déperlants, de la différence avec l’imperméabilité et de l’importance de les entretenir correctement.

Je me tiens à disposition dans les commentaires si vous avez des questions !

Benoît Wojtenka Benoît Wojtenka
Benoît Wojtenka, cofondateur

J'ai fondé BonneGueule.fr en 2007. Depuis, j'aide les hommes à construire leur style en leur prodiguant des conseils clairs et pratiques, mais aussi des réflexions plus avancées. J'aime aussi le techwear, les matières japonaises, le sport et le thé.

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