On va commencer par un petit jeu qui va vous plaire, surtout si vous aimez le cinéma.
Quel est le point commun entre…
Tom Cruise dans Jack Reacher (dans les deux épisodes) :
Ryan Gosling dans Drive :
Harvey Specter dans la série Suits :
Henry Cavill dans Superman :
Keanu Reeves dans le génial John Wick :
Chris Pratt dans Jurassic World :
Nathan Drake dans la (très belle) série Uncharted :
Tom Cruise dans le film La Momie :
Et évidemment… Bruce Willis dans Die Hard :
Bon, elle est facile, ils portent tous ce haut qu'on appelle henley : un corps en coton tricoté et un col à boutons. Même Daniel Craig, quand il sort de chez lui, en porte un, sur une photo bien connue des lecteurs de BonneGueule :
Comme vous avez pu le voir, le henley tient une place vraiment importante dans l'imagerie des films américains, alors que c'est une pièce qui passe sous les radars de nos yeux européens. En voici un premier article qui traite de la place du henley ici, par Racked.
C'est une pièce que nous avons voulu travailler, on va vous expliquer pourquoi.
Mais avant, penchons-nous sur la place du henley dans la fiction et sur son histoire…
Le henley est porté par les personnages principaux dans des cas précis :
- c'est pour un film d'action
- le héros vit comme monsieur tout le monde
- c'est un homme simple, bon et authentique
- et évidemment, c'est un héros aux capacités physiques et intellectuelles supérieures à la moyenne
Pourquoi c'est une pièce aussi appréciée ?
Ma théorie personnelle sur un tel recours au henley dans les films est la suivante :
- impossible de faire porter des chemises habillées à des héros un peu baroudeurs ou qui mènent des vies comme tout le monde
- on doit comprendre que ces héros ne passent pas trop de temps devant leur garde-robe
- la chemise décontractée n'est pas non plus pratique dans les scènes d'action
- il faut un vêtement qui flatte le physique du héros
- un polo est trop habillé et trop précieux, à part pour James Bond
- et un tee-shirt serait trop ado
Donc forcément, dans le genre de pièce confortable, intemporelle, appréciée par le workwear, il ne reste que le henley pour le haut du corps.
De manière encore plus surprenante, The Cut, un gros magazine new yorkais, a même publié un éloge hilarant du henley au titre sans équivoque : "si tu n'as pas ce type de pièce, tu n'es pas une célébrité masculine".
Morceaux choisis :
Si vous êtes un homme [célèbre], porter un henley est obligatoire. Dans la vie de tous les jours, je ne connais pas tant d'hommes qui le portent, mais je connais également très peu d'hommes célèbres qui ne le font pas.
Tout ce que vous regardez après 20h sur ABC ou CW comporte forcément un henley, chaque film d'action a au moins un henley transpirant.
Comme Nick de Boston l'a écrit dans son test du henley de J.Crew : "Je l'ai acheté comme pièce de transition entre les nuits fraîches d'été et l'automne et je ne peux pas être plus content".
L'article cite Kanye West, Ryan Gosling qui en posséderait 79 (pour ma part, j'en possède désormais trois), et bien évidemment David Beckham pour sa ligne underwear chez H&M :
Avec une telle aura aux Etats-Unis, comment ai-je pu passer à côté de cette pièce ?
D'autant plus que son histoire est atypique et vieille de deux siècles !
L'histoire du henley : de la chambre à coucher à l'aviron
La première vie du henley commence au début du 19ième siècle.
Les radiateurs n'existent pas encore et si, pendant la journée, les gens portent des costumes en laine épaisse, il faut un vêtement près du corps pour dormir.
On ne parle pas ici d'un "mid layer" mais bel et bien d'un "base layer", cette couche directement en contact avec la peau.
Avec le boom de la production du coton et l'industrialisation de la production textile, on arrive donc à proposer des sous-vêtements confortables et abordables.
Et plus particulièrement, on en crée un avec plusieurs caractéristiques :
- pas de col, pour que ça soit plus confortable
- quelques boutons pour ajuster la ventilation de la pièce
- et un coton tricoté plutôt que tissé, afin d'avoir un stretch naturel comme sur un tee-shirt, plutôt qu'une chemise de nuit
La deuxième vie du henley commence en 1829 dans une ville appelée… Henley-on-Thames.
C'est là où se joue pour la première fois la Boat race à Henley, une course d'avirons entre les étudiants de Cambridge et d'Oxford, qui est aujourd'hui très suivie.
La rencontre de ce sous-vêtement et des avironneurs va populariser le henley. En effet, les sportifs apprécient particulièrement son absence de col face au vent, ces boutons qui permettent d'ajuster la ventilation, et cette matière qui permet de l'aisance pour ramer.
Le henley devient donc l'uniforme officiel des avironneurs, et c'est là qu'il commencera à être très populaire.
Il va alors être porté par littéralement tout le monde : les sportifs, les travailleurs, les militaires, les fermiers, etc.
Pour l'anecdote, j'ai vu plusieurs fois Alessandro Squarzi le porter, il aime bien l'inclure dans ses tenues si particulières :
Voilà pour l'histoire du henley. Mais il faut maintenant que je vous en raconte une autre : celle de notre henley et de la rencontre entre Fleurs de Bagne et BonneGueule…
Fleurs de Bagne : du workwear pointu français
Pitti 2017, à Florence.
Alors que je viens tout juste de rentrer dans le salon, comme d'habitude je me précipite sur le stand de Arc'teryx Veilance.
Sauf qu'au stand d'à côté, des vêtements de couleur olive -ma couleur préférée- attirent mon attention. Et surtout, j'entends parler français.
Et voilà comment j'ai rencontré "Mika", le fondateur de Fleurs de Bagne, une marque que je ne connaissais pas du tout.
De l'aéronautique au workwear
Mika ne vient pas du textile. A la base, il travaillait dans la production d'hélicoptères. En 2011, à côté de son job, il décide de lancer une marque de vêtements où sa passion du vintage pourrait pleinement s'exprimer.
Car Mika est un grand collectionneur d'images, de livres, ou de vêtements d'une autre époque, et plus particulièrement tout ce qui touche à l'univers carcéral il y a fort longtemps.
Il s'intéresse aux vêtements des travailleurs, des militaires, des marins, et plus particulièrement aux tatouages des bagnards, un détail qui a son importance.
De suite, pour créer sa marque, il a en tête les marques japonaises. Il veut donc quelque chose de pointu, d'exigeant, et où "on y va à fond" pour reprendre ses propres termes.
Ses influences sont la marque japonaise Kapital, Nigel Cabourn, Real McCoy ou encore Mister Freedom.
Comment appeler sa marque ? Comme je l'ai dit, Mika aime les tatouages vintage, "où les mecs ne savaient pas dessiner" me dit-il. Et tous ces tatouages, on les appelait poétiquement des… Fleurs de Bagne.
L'envolée de Fleurs de Bagne
A plein temps sur sa marque depuis 2016, Mika peut maintenant laisser libre cours à sa méticulosité. Regardez comment le packaging est travaillé, lors du test d'un tee-shirt du blog "Trucs de mecs" :
Tout est ainsi fabriqué en France, avec des vieux rouleaux de tissus ou des mailles qu'il développe lui-même, en s'inspirant de la bonneterie française de l'ancien temps.
Mais Mika insiste sur le fait qu'il ne se contente pas de faire une simple réplique. Il sait que certaines pièces seraient importables aujourd'hui, à cause de manches trop courtes ou de coupes trop amples.
Il préfère mêler les inspirations : sur un vêtement, il va prendre le col d'une veste militaire et créer un dessin de poche s'inspirant d'une autre veste de travail.
C'est ce qui m'a plu dans cette marque : cette capacité à creuser le produit à fond dans les détails, tout en ayant du recul pour proposer des vêtements en adéquation avec notre époque.
Pour mieux comprendre la démarche de Fleurs de Bagne, voici deux pièces emblématiques :
N'oubliez pas que si vous habitez Aix-en-Provence, Fleurs de Bagne a ouvert une boutique. Elle se situe au 62 Rue des Cordeliers, à Aix.
C'était donc la marque parfaite pour notre henley.
Un henley Fleurs de bagne x BonneGueule plein de détails
C'est un atelier français qui le tricote, c'est donc une pièce 100 % made in France !
Le col est gansé d'un tissu très particulier : il s'agit en fait d'un vieux tissu 100% lin des années 70 que Mika a récupéré. Il n'est pas sûr du lieu de production, mais il pense qu'il a été produit en France ou en Italie.
Vous aurez donc un tissu vieux de 50 ans autour du cou !
Les boutons ont une histoire, ils ont été développés spécialement pour Fleurs de Bagne et ils arborent un motif discret qui pourrait passer inaperçu, sauf que :
- les trois points sont un clin d'oeil à un tatouage dit "mort aux vaches" des rebelles
- et les pointillés représentent les pointillés que les mauvais garçons se tatouaient sur le cou, en provocation aux peines de mort à la guillotine.
Comment porter ce henley ?
Comme je l'ai dit, considérez que c'est un "base layer", une couche à porter à même la peau (contrairement au "mid layer"), comme un tee-shirt blanc que vous mettez en dessous d'une chemise ouverte.
Côté chaleur, ça serait à mi chemin entre un tee-shirt épais et un sweat estival très léger.
C'est une pièce qui a les mêmes usages qu'une chemise très décontractée/workwear. On peut donc la porter avec :
- une veste de travail
- une veste d'inspiration militaire
- une surchemise
- un gilet workwear comme le fait notre rédacteur Jordan
- un cardigan
- moi-même je m'amuse à le porter avec un bomber
- etc.
Les possibilités sont très nombreuses, et on s'attache vite au confort de cette pièce par rapport à une chemise, je vous assure…
Et si vous êtes un amateur de workwear ou de vintage, c'est une pièce qui s'impose dans votre vestiaire.