Ah, l'été !
Le retour des grandes chaleurs, des vacances au bord de mer et du Pitti Uomo, ce magnifique jardin italien d'expérimentations dans lequel l'élégance est souvent malmenée par la surenchère.
Au cœur des vallées toscanes, le parfum des vignes du Chianti et des oliveraies enivre l’air, porté par la brise iodée d’un mistral blanc de Méditerranée, glissant parmi les chefs-d’œuvre de la Renaissance pour rafraîchir les influenceurs qui ont préparé pour l’événement leurs plus beaux layering.
Il subsiste néanmoins un élément que le vent n’a jamais pu dévier de sa course : les chapeaux. Ils fleurissent donc au sein cette utopie florentine sur la tête des gentlemen avertis. Autant pour les protéger des rayons acérés du soleil que pour apporter -il faut l’avouer- un bon coup de fouet à la prestance de la majorité d’entre-eux : car le choix d’un couvre-chef adapté apporte autant de charme que de dynamisme à une tenue.
Et permet instantanément de différencier un homme élégant de celui qui va prendre un coup de soleil sur le nez.
Aussi, avant de se demander comment choisir et porter un chapeau en été, amusons-nous à le disséquer, pour mieux le comprendre.
Anatomie d'un chapeau
Le chapeau répond, vous le voyez, à un vocabulaire très simple :
- Le bord est la partie horizontale du chapeau. Il permet de protéger du soleil ou de la pluie et sa largeur ainsi que sa forme ont un impact direct sur l’esthétique du chapeau.
- La calotte est la partie verticale du chapeau. Elle habille la tête. Sa hauteur est également un élément caractéristique du chapeau.
- Le galon est la bande qui habille et cintre la calotte du chapeau. Il peut être en gros-grain de coton, en lin, en soie ou même en cuir. Il est fixé à la calotte au niveau du nœud latéral, qui peut prendre de nombreuses formes.
- La couronne (ou le fond) se situe sur la partie supérieure de la calotte et peut prendre différentes formes en fonction des deux plis visibles devant ou latéralement (on parle de calotte pincée ou mascottée).
Le panama
Petite histoire
Il est incontestablement le héros de l’été, car il peut convenir à toutes les têtes et dans de nombreux styles.
Le panama est un chapeau tissé à partir de paille de palmier d’Équateur (toquilla).
Fabriqué en Équateur depuis le XVIIe siècle, il a été adopté par les mineurs transitant par le Panama vers la Californie lors de la ruée vers l’or pendant la première moitié du XIXe siècle. En 1906, le président américain Théodore Roosevelt est pris en photo portant ce chapeau de paille lors d’une visite du canal de Panama, offrant au chapeau son nom et sa popularité.
De la finesse du tissage des pailles de palmier dépend la qualité du panama.
Plusieurs méthodes sont utilisées pour exprimer son grade, mais elles ont plusieurs limites :
- Dans la ville de Cuenca, le grade est chiffré de 1 à 20, mais celui-ci n’a de sens qu’au sein d’une même fabrique, car les différents fournisseurs de la ville n’utilisent pas la même gradation.
- Dans la ville de Montecristi, ville emblématique du panama haut de gamme, on désigne le grade par son appellation, dont quatre sont majoritaires : standard, fino, superfino, extrafino. Le problème, ici également, c’est que chaque fournisseur de la ville peut donner l'appellation qui lui convient, car il n’existe pas de consensus.
Une seule méthode de calcul est suffisamment fiable : le nombre de nœuds par pouce (weaves per inch). Comme ce nombre peut être calculé horizontalement ou verticalement et que la densité en nœuds n’est pas tout à fait la même, on utilise pour une précision encore plus importante, le nombre de nœuds par pouce² (weaves per square inch).
Comment le porter ?
Ci-dessus sur un costume droit à rayures, il est porté légèrement en biais, donnant à son porteur la prestance d’un héros de films noirs pendant la prohibition.
Ici sur un croisé, le panama complète une tenue qui semble très simple mais qui, pour arriver à ce niveau d’essentiel, a nécessité autant de réflexion que d’excellent ressenti.
La tenue fonctionne sur deux couleurs, sur un contraste de différentes matières qui fait qu’aucune pièce n’est redondante. Et c’est seulement la 3e fois que cette photo apparaît dans un article BonneGueule, on ne vous l’a pas assez martelé !
Ici, avec un tee-shirt blanc (dont on remarquera le fit impeccable) et un bermuda blanc, il apporte un coup de panache à la tenue. Notez comme le pull noir noué à la ceinture (purement accessoire) apporte une démarcation bienvenue à une tenue par ailleurs trop monochrome (crédit : TheSartorialist)
Dans cet esprit de vacances, à droite, porté avec une chemisette à col cubain, un jean bleach à revers feu-de-plancher et des slip-ons, c’est également une réussite assurée. (crédit : Echeveau.net)
Le blanc n’est par ailleurs pas la seule couleur à envisager ! Ce panama réalisé dans une paille de couleur bronze très finement tissée et uniforme est absolument renversant.
Il ne faut pas oublier qu’un panama, c’est un chapeau que l’on peut porter sur la plage. Il est même possible de se baigner avec sans soucis, bien que cela puisse modifier un peu sa forme s’il est complètement immergé.
Le canotier
Petite histoire
Comme le montre cette photographie, le canotier est un chapeau à calotte ovale et à couronne plate, au bord plus ou moins large. Il est né sur la tête des marins français à bord des canots, les canotiers (d’où son nom), et fait partie de leur uniforme au XIXe siècle. Il devient très populaire lorsque les gens de la bonne société font une mode, à la fin du XIXe, d’habiller leurs enfants en petits marins.
Il était également très en vogue dans les tribunes lors d’événements sportifs.
Il a donc appartenu, au sein du même siècle, à deux environnements distincts : l’univers populaire du marin et l’univers bien plus bourgeois des habitants fortunés de la riviera, ce qui en fait un chapeau très polyvalent.
Comment le porter ?
La cohérence méridionale de cet ensemble, avec le camaïeu subtil de carmin, de marron, d’ocre et de paille donne à cette tenue un caractère d’élégance et de vacances difficile à concurrencer.
Il faut croire que décidément, la couleur lie-de-vin s’accordent parfaitement à l’été. Dans un registre beaucoup plus sportswear, porté avec un sweatshirt en matière éponge et une paire de slip-ons (par exemple), le canotier fait également des merveilles.
Les Trilby, Homburg, Pork-Pie, Melon
Mais que sont donc ces noms compliqués, qu’on pourrait sans difficultés croire sortis de l’imaginaire de Lovecraft pour désigner un Grand Ancien ? (non, je n’ai vraiment aucune tendance à l’exagération)
- Le homburg est légèrement plus formel que ses petits camarades et a une forme très caractéristique : il présente une couronne avec un pli central (dite en gouttière), un bord relevé sur les côtés d’une forme caractéristique (kettle curl) et souvent gansé.
- Le melon, beaucoup plus connu, appartenait au vestiaire formel et élégant du début du XXe siècle. Son bord est petit et relevé uniformément, avec une calotte et une couronne ronde. Sa forme est originellement coquée (rigide) et sera donc réalisée dans une paille plus épaisse pour maintenir une forme rigide en été.
- Le pork-pie qui a également eu une forte popularité dans les années 1930. Il s’agit un chapeau à petit bord relevé, à calotte basse et dont la couronne plate est marquée d’une incision circulaire sur le pourtour.
- Le trilby est un chapeau conçu comme un fedora, (la forme que prend le panama) mais avec un bord beaucoup plus petit (inférieur à 5 cm). Il est un dérivé récent du pork-pie, dans la catégorie des chapeaux à petits bords. Il a notamment été associé aux Blues Brothers, dans les années 1980.
Ces deux derniers couvre-chefs ont profité d’un regain d’intérêt dans les années 2000 et sont maintenant plus répandus.
Ci-dessus, à gauche, le chapeau melon, ici dans une paille blanche tressée, avec son bord relevé et sa calotte ronde.
A droite, un chapeau qui, en terme de forme, se situe entre le homburg, par son bord relevé et gansé, moins large que le melon, et le trilby, la calotte étant pincée et présentant une couronne plus proche de celle d’un panama.
Comment ne pas avoir l’air d’en faire trop ?
La question mérite réflexion. En effet, si le chapeau était un élément indispensable d’une mise qui se respecte avant les années 1950, aujourd’hui, le chapeau est considéré comme l’accessoire du ‘’dandy’’, ce phénomène de magazine qui porte un costume en pique-nique le dimanche, mais rentre sa cravate dans son pantalon pour ne pas avoir l’air d’en faire trop.
Un personnage hors-contexte qui voudrait faire ruisseler son bon goût incompris sur le monde qui l’entoure, et dont l’impertinence légère se teinte bien souvent de mépris.
Bien que cette figure de papier glacé corresponde, dans la majorité des cas, à une caricature éditoriale, la finalité est de ne pas y être associé, de même qu’à un magnat de l’industrie du tabac et de la canne à sucre, ou à un spectateur égaré de Roland-Garros.
Premièrement, il faut assumer la pièce. Au millénaire des têtes nues et des touristes écarlates, un couvre-chef élégant apporte énormément d’allure à une tenue, mais a pour de nombreuses personnes quelque chose d’imposant et de caricatural.
Il faut donc le recontextualiser et commencer par le porter pour son caractère pratique, c’est-à-dire protéger de la pluie ou du soleil.
Un chapeau avec un bord trop fin, comme le trilby, ne protège que très peu du soleil et est donc instantanément classifié comme ‘’mode’’. Il n’y a rien de négatif à avoir un chapeau mode ou coloré, mais gardez en tête que plus c’est voyant, plus c’est connoté.
La façon de le porter va également jouer. Si, porté trop en arrière, le chapeau peut faire poseur et virer au ridicule, un chapeau vissé bien droit sur le crâne a quelque chose de bien trop sérieux.
J’emprunte donc à un article de Parisian Gentleman la notion de ‘’Rakish angle’’, c’est-à-dire un chapeau porté sur le haut du front et légèrement incliné.
Quelques adresses pour trouver un beau chapeau d'été
Vous pouvez jeter un oeil aux sites Headict et la Chapellerie Traclet qui proposent un large choix de chapeaux de plusieurs marques.
Vous trouverez notamment du Stetson ou Borsalino.
Enfin, on peut vous conseiller de regarder Courtois Paris !
Le mot de la fin
Cependant, le port d’un chapeau correspond à une expérience, un vécu, et la synthèse de nombreuses influences personnelles.
S’il peut devenir un accessoire impactant de la tenue estivale, lui apportant un coup de fouet esthétique bienvenu lorsque le mercure prend les armes contre vos tenues favorites et vous condamne au tee-shirt en lin, l’écueil à éviter serait de paraître déguisé en le portant.
Il n’y a ni âge, ni dégaine spécifique qui interdise le port du chapeau, car comme toute pièce de caractère, le chapeau ne demande qu’à être assumé et apprivoisé. De nombreux autres couvre-chefs ont également leur place en été, comme la casquette ou le bob, alternatives prisées des amateurs de street et de workwear. Mais ça c’est une autre histoire.