Ateliers de Nîmes : les jeans made in France inspirés de l’Histoire

Le costume BonneGueule totalement entoilé Vous lisez Ateliers de Nîmes : les jeans made in France inspirés de l’Histoire Suivant Comment choisir et porter une veste en denim ?

La mode est chargée de légendes. Devons-nous réellement la sacro-sainte règle du deuxième bouton de blazer ouvert à Edouard VII ? Mary Quant, designer du Swinging London , a-t-elle vraiment créé la mini-jupe pour pouvoir courir derrière son bus ? L’ancêtre du denim est-il bien la “toile de Nîmes”...?

Guillaume Sagot est un jeune créateur qui s’est passionné pour cette dernière question. Lui-même originaire de la Rome Française, il a lancé sa marque de jeans made in France en 2016 : Ateliers de Nîmes. Son objectif ? Proposer des modèles haut de gamme, inspiré par l’histoire de sa ville.

Regardons ça de plus près !

Ateliers de Nîmes : la petite griffe qui rêve d’un grand projet

Sans doute un peu chauvin sur les bords, l’univers de la marque m’a interpellé. Curieux, j’ai rencontré Guillaume afin d’en savoir davantage.

Comment l’idée de cette marque t’est-elle venue ?

J’étais arrivé à Paris pour le boulot. Je travaillais dans la communication Web, sans grande conviction. Avant cela, j’avais fait des études d’histoire. Disons que j’ai pas mal tatonné !

Au bout de quatre ans, j’ai fini par abandonner la com’ pour retourner à Nîmes, où j’ai grandi. Là, j’ai repensé à une vieille idée qui trottait dans ma tête depuis le lycée : créer une marque nîmoise de jeans, qui rende hommage au passé de la ville.

Très vite, j’ai été rejoint par Anthony — un copain commercial, justement dans le jean. On s’est ensuite entouré d’un graphiste, puis la machine était lancée.

Alors, la légende est-elle vraie ?

Plusieurs éléments portent à croire que oui. Au XVIème siècle, Nîmes était célèbre pour son sergé en laine et soie. Même s’il n’avait pas la même main que le denim d’aujourd’hui — la matière première étant différente — sa structure est très proche. Le coton, moins cher, sera d’ailleurs introduit plus tard (venant d’Afrique et d’Asie).

Qu’en est-il de la diffusion de cette toile ?

Il y a plusieurs hypothèses. La première implique la foire de Beaucaire, qui était un grand rendez-vous commercial européen. On pense que des tisseurs de la région aurait pu y vendre la toile de Nîmes.

Ancienne gravure de la foire de Beaucaire (XVIIIème). La ville était même surnommée “Capitale française des marchandises”.

La deuxième serait le résultat des guerres de religion. Beaucoup de ces tisseurs étaient protestants. Suite aux différents conflits, ainsi qu’à la révocation de l’édit de Nantes , les Huguenots ont fui vers d’autres pays… avec la toile de Nîmes dans leurs valises.

Il y a sans doute une part de fantasme dans tout ça. Cela dit, j’ai déjà pu consulter un petit livret édité en 1956 par Levi’s, qui allait dans ce sens…

Peux-tu nous parler de ton sourcing et de la confection ?

Je suis parti au Japon, mais c’est en Italie que j’ai trouvé mon bonheur. J’ai été charmé par la souplesse de leurs toiles, changeant du côté très puriste des Nippons. J’avais également la volonté de rester en Europe… Je me suis donc tourné vers Candiani, en m’imposant de ne choisir que du selvedge.

Ensuite, j’ai cherché un atelier pour le montage. Je le voulais dans le Gard, mais c’était peine perdue. Il n’y a que deux ou trois ateliers français capables de gérer une production de jeans. Nous avons trouvé nos partenaires à Paris et Marseille.

La toile est italienne. La fabrication, bien que française, ne se fait pas à Nîmes. Le nom de la marque est-il vraiment approprié, du coup ?

En fait, cette première “vague” de jeans est un moyen de développer un semi-artisanat local. Notre objectif est de racheter des métiers à tisser pour produire notre toile à Nîmes. On pense à un atelier qui pourrait aussi être un musée de l’histoire locale. Ce serait une belle façon de “boucler la boucle”...

Les machines que Guillaume aimerait acquérir.

On a déjà fait un pas dans cette direction, en rachetant un vieux métier qui ne peut être travailler qu’à la main. Impossible d’obtenir du denim, mais le rendu se rapproche de la toile de Nîmes. On réfléchit actuellement à comment l’intégrer à la prochaine collection.

Un métier à tisser main...

... Pour une toile de Nîmes proche du denim.

Que répondrais-tu à ceux qui t’accuseraient de jouer sur la confection française comme un argument marketing ?

Qu’il serait plus facile pour nous de faire autrement. On n’a pas choisi la voie la plus simple, mais on oeuvre pour un projet auquel on croit. Qui a une âme, une histoire, et veut rendre hommage à notre héritage.

Nous avons la chance d’être bien entourés. Nos distributeurs nous soutiennent en acceptant de passer par un système de pré-commande, qui nous permet de produire les quantités exactes. Des institutions locales nous accompagnent également dans notre démarche.

Quelle est la prochaine étape ?

On va lancer une campagne de crowdfunding pour faire connaître notre projet. Côté produits, on aimerait aussi créer une gamme plus exclusive, avec des découpes à la main et des pièces numérotées. Affaire à suivre...

Des jeans haut de gamme, made in France

Pour ce test, j’ai choisi le modèle Indigo Soft Rince (235 €). J’étais curieux de voir comment évoluerait une toile brute, selvedge, et stretch à la fois…

Une toile particulière…

La plupart du temps, on retrouve l’adjonction de quelques pourcents d’élasthanne, souvent deux ou trois. Ici, la toile se compose de 75 % de coton, pour 25 % d’elastomultiester . C’est d’autant plus surprenant sur un selvedge. Cela se ressent dès les premiers ports : on a moins de mal à “faire” le jean, il devient rapidement confortable.

La composition ne semble pas poser problème du côté de la teinture , les couleurs sont profondes et nuancées.

Une toile pleine de reflets, avec plusieurs nuances de bleu.

Le grammage est de 11 oz. Pour l’avoir porté intensément ces derniers mois, je l’ai trouvé un peu léger pour l’hiver. Il conviendra davantage au reste de l’année, à mon sens.

C’est également un poids matière que l’on pourrait conseiller à ceux peu habitués au jean brut, plus léger que les toiles épaisses qui “cartonnent” au départ.

Du côté des finitions…

On ressent le soin apporté par Guillaume au produit, qui est plein de petits détails.

La ceinture est montée en points de chaînette et l’on retrouve des points de renfort aux endroits stratégiques. Idem à l’intérieur, avec des coutures bien régulières.

Des points d'arrêt là où il faut...

... Et des coutures bien nettes.

Les rivets sont cachés et les boutons d’une jolie couleur. Côté poche, Guillaume choisit des sacs en mélange coton / polyester, pour la solidité.

Le patch en cuir frappé du logo de la marque.

Bref, on retrouve ce que l’on est en droit d’attendre d’un jean de cette gamme. Cela étant, je regrette un détail sur les passants : il aurait été souhaitable qu'ils passent sous la ceinture, afin de garantir une meilleure tenue dans le temps.

Une coupe proche du corps

On est clairement sur une coupe slim, ce qui est accentué par le stretch présent dans la matière.

Pour le coup, la marque ne propose que des coupes slim. Cela peut se comprendre , mais les physiques corpulents risquent de rentrer bredouille.

Du reste, je ne me suis pas senti étriqué, la silhouette est mise en valeur.

Comment se délave un selvedge stretch ?

C’est cette question qui m’a poussé à choisir l’Indigo Soft. Dans quelle mesure les fibres stretch — représentant un quart de la composition — allaient-elles influencer le délavage ?

Les deux premiers mois, la toile est restée telle qu’elle. L’indigo a légèrement dégorgé sur mes autres vêtements, mais rien de plus.

Finalement, au bout du troisième mois, les premières traces ont commencé à apparaître. De là, il s’est délavé à son rythme, mais plus visiblement.

Petit à petit, la toile s'est délavée en fonction de mes habitudes.

Pour ce test, je l’ai porté quasiment tous les jours depuis la mi-novembre. Je suis content de l’évolution de la toile, et attends de voir ce que la suite va donner. Il faut simplement être patient...

Le mot de la fin…

Ateliers de Nîmes se distingue des autres marques de jeans par son ancrage et son ambition.

La confection est bien réalisée. Les fournitures sont choisies avec soin, le montage est net et les finitions sont propres — même s'il lui reste encore une légère marge de progression en ce sens.

À 235 €, si l’on raisonne en termes de rapport qualité / prix “pur et dur”, vous pourrez trouver un équivalent moins cher. Cela étant, il n’aura pas été créé avec la même démarche… ni dans le même pays.

Acheter un jean Ateliers de Nîmes, c’est faire le choix d’une production française et soutenir un projet, une belle histoire. Libre à chacun d’y adhérer, ensuite.

Quoi qu’il en soit, si le musée de Guillaume voit le jour, je prendrai un ticket.

 

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