Les pièces sont soient achetées, soient mises à disposition gracieusement par la marque, ce qui dans ce cas n'affecte d'aucune façon le jugement que nous portons dessus. Cette indépendance est vraiment très importante pour nous, comme un totem.
Et qui peut imaginer influencer Nicolò, David ou Jordan ?
Christophe, rédacteur en chef.
Voici nos autres tests :
- Costume Atelier Mesure
- Bluchers Carmina
- Veste noragi Shuren Projects
- Costume Poszetka
- Henley Seagale
Ça fait déjà quelques semaines que je vous laisse entrevoir la belle trouvaille qu'est cette marque, via mes pépites, les lives, mon dernier Sapristi, ou même mon Instagram...
Eh bien il est grand temps de vous présenter le test de trois de ses pantalons : le Positano, le Ravello, et l'Amalfi.
Mais avant ça, laissez moi vous expliquer en deux mots le concept de la marque...
Présentation de la marque
J'ai découvert Claudio Mariani par hasard, au détour d'une petite session de scrolling Instagram. Malgré un site assez rudimentaire et des photos pas toujours attirantes, les designs ont immédiatement attiré mon oeil, et en creusant un peu, j'ai su que je tenais une très belle adresse confidentielle.
C'est une entreprise familiale située dans la province de Salerne, près de Naples en Italie, et tenue par deux frères : Claudio, l'entrepreneur, et Nicola, modéliste et créateur formé à Naples qu'il a rejoint en 2009.
1. L'offre
L'offre est assez facile à résumer :
- Six "fits" qui sont en fait des designs avec leurs détails (poches, fermeture) et dont les volumes des coupes sont déjà pensés. Nous testerons trois de ces fits
- Des tissus qui couvrent l'hiver, l'été et la mi-saison, disponibles sans distinction d'une saison à l'autre. Pas de collection.
- Des prix allant de 150 euros (modèles simples, tissus moins chers, notamment les tissus d'été) à 230 euros pour les modèles les plus complexes sur les tissus les plus chers.
- La "personnalisation du fit" est gratuite. MÀJ : 29/05/20 : L'option "sur mesure" engendre désormais un surcoût de 60€.
Et vous vous en doutez bien, c'est ce dernier point qui retient particulièrement l'attention. Du sur-mesure italien, à des prix aussi proches d'un prêt à porter fait en Europe. Sur le papier c'est une super affaire ! Mais comme vous le savez sûrement, il y a de nombreux types de "mesure".
2. À mi-chemin entre la demi-mesure et la grande mesure
Le sur-mesure de Claudio Mariani est assez spécial, on pourrait même le qualifier "d'hybride" :
Ce n'est pas de la demi-mesure, car la marque réalise un patronage unique pour chaque client ET chaque pantalon. Comme en bespoke ! C'est le co-directeur et modéliste de la marque, Nicola, qui est votre interlocuteur direct sur Instagram.
A partir quelques mesures bien précises, que vous aurez prises sur un pantalon qui vous va très bien, accompagnées de quelques précisions , Nicola élaborera et coupera votre patronage à distance. En "Bespoke" à proprement parler, il faudrait que toutes vos mesures soient prises en vrai. Ici tout repose donc sur son talent et son oeil.
L'autre point sur lequel la marque diffère du bespoke, c'est que la personnalisation du design n'est normalement pas possible : chaque modèle a un design prédéfini, avec parfois de petites variations des détails en fonction du tissu.
Bref, la marque se concentre sur l'argument le plus fort de la mesure : un patronage fait "de zéro" pour un fit vraiment au poil.
3. Une marque-atelier
Concernant les prix très alléchants, il s'expliquent en grande partie par la situation unique de la marque : c'est à la base un atelier, sous-traitant de marques de luxe italiennes, vendant des pantalons plusieurs centaines si ce n'est un bon millier d'euros. En réalité, la marque résulte, comme souvent en Italie, d'une longue histoire d'entreprise familiale puisque les origines du projet remontent à la mère de Claudio et Nicola, Rosaria. Experte de la fabrication de pantalons, elle tenait une boutique avec ses frères des années 50 à 70.
La marque éponyme du chef d'entreprise est donc, en quelques sortes, un projet de diversification.
Il serait très difficile de faire du sur-mesure en Italie à de tels prix sans cette situation si particulière, surtout avec un tel niveau de soin pour les détails, comme vous allez le constater.
Mes attentes
Continuons sur les attentes que j'ai eues en réalisant ce test, en commençant par parler de ma morphologie. Sachant qu'une morpho facile, ou au contraire difficile, conditionne totalement un test de demi-mesure.
La première pourra avoir un résultat très satisfaisant alors que la marque a eu peu ou pas d'épreuves à passer pour adapter sa coupe, tandis qu'une morpho très difficile pourrait donner une image de "raté" à une marque qui fait pourtant un bon boulot.
Ma morphologie
Pour le bas du corps, j'ai une morphologie assez difficile à habiller : un bassin et des cuisses de 48, des fesses de 46, et une taille de 44. Le tout accompagné de mollets bien musclés, et de jambes légèrement arquées à cause de mes pieds plats. Pour ne rien arranger, mon bassin tend à aller vers l'avant et creuse donc l'arrière de mon dos... Bref une posture un peu spéciale qui est la hantise des marques qui essayent de réaliser des pantalons qui me vont bien.
Soyons francs : à part sur le jean je peux probablement faire une croix sur le fait de trouver un jour fit parfait en prêt à porter.
Quant à la demi-mesure, il est non seulement difficile de trouver la bonne ligne de jambe pour moi, mais en plus j'ai toujours un grand pli qui parcourt l'arrière de la jambe, allant de la cuisse jusqu'au mollet.
Pour l'instant, je n'ai jamais fait de demi-mesure qui puisse totalement corriger ce petit souci, même si elle peut l'atténuer. Compte tenu de ces contraintes, je n'attends pas un fit "parfait". J'attends en revanche les choses suivantes :
- Une ligne de jambe nette, avec peu ou pas de cassure sur sa longueur
- Le bon niveau d'ajustement, entre avoir un bon confort à la cuisse et souligner la silhouette.
- Une bonne tenue sur la taille, des fessiers galbés mais pas comprimés
- Les bonnes longueurs
Et évidemment, tout le niveau d'attention et de soin du détail qu'on attend d'un pantalon fabriqué en Italie.
Le Positano, un jogpant à double pinces
Il est réalisé dans un tissu Vitale Barberis Canonico super 130's.
1. Mon avis sur le style
Dans le monde du vêtement, tenter de faire une pièce "hybride" est à la fois le moyen le plus sûr de réaliser quelque chose d'original et d'attrayant, mais aussi la méthode qui laisse le plus de chances de complètement se planter.
Celui-ci est une réussite : le côté décontracté ne se cache pas, mais ça reste un pantalon visiblement élégant. Sa couleur globale, un gris foncé aux subtils accents marron, le rend très simple à associer.
A porter avec n'importe quelle pièce casual, du moment qu'elle ne tire pas sur du "négligé", ou au contraire avec des pièces formelles pour "décoincer" un peu une tenue.
2. Deux mots sur le tissu
C'est une flanelle Vitale Barberis Canonico, réalisée dans une laine peignée super 130's, dans un poids assez mi-saison, même s'il est vendu comme hivernal.
En plus d'un tombé vraiment excellent, il est aussi réalisé dans un très beau motif : un micro pied-de-poule, dont le quadrillage fait penser à un "gunclub". Le gunclub, est un motif quadrillé de diverses couleurs, comprenant souvent des nuances terre. Il est normalement aperçu sur des manteaux et des vestes en tweed, quoiqu'avec une taille de motif plus grande, et fut traditionnellement associé à la chasse comme son nom le laisse entendre.
Alors, je ne suis pas toujours un grand fan du pied de poule dans ses versions plus premier degré , en revanche je trouve cette version, remise au goût du jour, pleine de subtilité.
Côté toucher, il est aussi agréable qu'espéré sur de ce genre de laine et il respire par ailleurs très bien.
3. Le verdict sur la coupe
En terme de proportions, c'est probablement le pantalon qui me va le mieux.
Si le fameux "pli de cuisse" est toujours présent, je remarque qu'il est moins accentué que sur la plupart de mes pantalons, la ligne de jambe à l'avant est tout simplement parfaite.
Je ne pouvais pas attendre mieux d'un premier essai à partir de mesures prises à distance.
4. Les détails qui font plaisir
Attention les yeux...
Le Ravello, un chino habillé
Le pantalon Ravello existe dans des tissus de laine comme de coton. En laine, il a des détails plus habillés, tandis qu'ici en coton, le style a quelque chose d'un peu plus décontracté, voire militaire. Dans les deux cas, son design s'articule autour de détails asymétriques, et de grandes pinces "inversées" , très profondes et ouvertes.
Cette version dispose d'une poche ticket à rabat, d'une poche arrière à rabat asymétrique, d'un système de fermeture déporté et d'un petit "ardillon"
1. Mon avis sur le style
J'adore ! Le côté asymétrique apporte quelque chose d'assez fort, mais combiné à ce tissu, le pantalon reste assez discret. Je trouve que ce vert le complète à merveille, les pinces très ouvertes apportent à la fois du confort et un style plus affirmé.
2. Deux mots sur le tissu
Le coton-stretch, c'est toujours une forme de compromis par rapport à des gabardines 100% coton plus rigides : d'un côté il est très souple et donc plus confortable, de l'autre c'est cette souplesse qui lui donnera un tombé moins structuré et donc nécessairement une coupe un peu moins nette.
Malgré tout, comme promis par la marque, celui-ci dispose d'un très bon équilibre : il tombe suffisamment lourdement, et tient assez bien le pli central, tout en offrant un confort total.
C'est une caractéristique peu mentionnée, mais sachez que les tissus qui froissent le moins sont aussi ceux qui ont le plus de mal à garder un pli marqué au fer. Logique, quand on y pense. A l'exception de certaines laines qui retiennent les plis marqués au fer mais froissent peu au fil des ports.
Le toucher est très agréable, et dispose de cet effet "peau-de-pêche" qui est souvent recherché sur les chinos décontractés.
3. Le verdict sur la coupe
Réussie sans être parfaite du premier coup non plus !
Le pli à l'arrière est atténué par rapport à ce que j'ai sur ce genre de pantalons, mais reste présent.
La crainte de Nicola, le modéliste, était que ce pantalon, dont le tissu se détend beaucoup, finisse un poil grand à la taille. Malgré ses précautions, ça s'est avéré être le cas : en étant perfectionniste, je dirais qu'il est encore une demie-taille trop lâche après détente.
4. Les détails qui font plaisir
Passons rapidement sur les plus beaux détails de ce pantalon :
L'Amalfi, un pantalon taille-haute habillé
Il est doté d'une ceinture déportée à double boutonnage, de pattes de serrage latérales, et d'une poche ticket invisible. La jambe se termine sur un bas revers assez large. Les pinces centrales sont, comme sur le Ravello, plus ouvertes afin de donner un effet de style au pantalon.
Celui-ci est réalisé dans une flanelle de laine peignée, de chez Drago.
1. Mon avis sur le style
Clairement un pantalon qui se destine à un look habillé, ou du moins à rendre plus habillé un look plus décontracté. Sur cette photo, je suis déjà aux limites de son registre en optant pour un pull col rond dans le pantalon et un bandana plutôt qu'une chemise, et un gilet ou un cardigan.
2. Deux mots sur le tissu
Cette flanelle Drago dispo d'un atout majeur : sa souplesse. On a l'habitude, de la part d'une belle flanelle de laine, qu'elle prenne bien la lumière, qu'elle soit douce et chaude... Pas de surprises là dessus.
En revanche, Drago réussit à réaliser ce tissu 100% laine peignée dont ils ont optimisé au mieux la souplesse, sans ajouter de stretch.
Il s'en suit donc un tissu au confort surprenant, sans pour autant être élastique.
Et il conserve toutes les propriétés (tombé, résistance au froissement etc...) d'une bonne flanelle.
3. Le verdict sur la coupe
La coupe se veut ajustée en cuisse mais assez droite à partir du genou, pour un look formel, classique mais fitté, qui met en valeur la chaussure. Si les autres peuvent être repassés pour un devant plat celui-ci est vraiment fait pour être porté avec le pli qui suit la pince, et pas autrement !
Pour moi cette coupe est plutôt une réussite, là-aussi. La ligne de jambe à l'avant est bonne et mon pli arrière habituel est peu visible.
Nicola m'avait prévenu que ce tissu pouvait se détendre un peu. Il a par conséquent ajusté un peu plus le fit en conséquence. Il est légèrement serré à la taille même après détente et peut-être un petit peu aux fessiers. C'est donc ma première retenue. Complètement portable en l'état, je dirais qu'il m'irait parfaitement avec un kilo de moins.
Deuxième point d'ombre, comme pour le Positano, j'aurais peut-être aimé qu'il soit un petit centimètre plus long pour être parfait.
Le seul défaut visuellement apparent est le tournant de la pince : la coupe assez ajustée en cuisse ne pouvait pas tenir compte de mes quadriceps très saillants, qui du coup ouvrent un peu trop la pince, qui tourne légèrement sur elle-même. Mais je ne doute pas que le défaut puisse être majoritairement corrigé en replaçant le pli au fer à repasser, par moi-même.
4. Les détails qui font plaisir
On termine ce test avec les détails bien sartoriaux de cet Amalfi :
Verdict final
Claudio Mariani, c'est un grand oui pour moi !
Les tissus sont beaux. Ils respirent la qualité. Sans être non plus des "matières d'exceptions" (avec fibres rares, motifs et textures ultra travaillés...), il s'agit de beaux tissus milieu et haut de gamme, savamment sélectionnés, avec une dose d'originalité pour une partie d'entre eux.
Les détails sont assez impressionnants. Et nous rappellent pourquoi la fabrication italienne est loin d'avoir dit son dernier mot : les systèmes de fermetures, doublures et autres pattes de serrage soigneusement pensés et réalisés.
Les silhouettes devraient mettre nombre de gens d'accord : les trois "fits" que j'ai choisi ont plutôt le parti pris d'un ajustement flatteur, mais ne virent jamais au trop slim ou au skinny. D'autant qu'il existe aussi des modèles plus généreux, et que la marque peut tout à fait adapter à votre demande si vous avez une préférence pour un porté plus ample.
L'adaptation des coupes est savamment menée : je considère qu'à partir de quatre mesures prises sur des pantalons qui m'allaient bien, et juste deux ou trois instructions écrites concernant ma posture, le premier résultat est très bon. Et largement à la hauteur de ce que j'ai pu constater chez des marques de demi-mesure à la prise de mesures "physique" (si ce n'est au dessus).
Le rapport qualité/prix est avantageux : compte tenu du fait que ce soit du sur-mesure, vous êtes plutôt dans la moyenne voire moyenne basse de ce que coûterait un pantalon dans ces gammes de tissu. Et pourtant, vous avez une fabrication italienne, une proposition de style et un niveau de détail que vous ne trouveriez normalement pas à ce prix.
La seule vraie contrepartie à mes yeux, par rapport à une marque de demi-mesure classique, c'est que ne pouvez pas demander de retouches, et qu'elles seront à vos frais. Alors soyez soigneux dans vos mesures et n'hésitez pas à poser toutes les questions nécessaires à la marque.
Sachez aussi que la promesse de Claudio Mariani, comme pour toute marque de "vrai" sur mesure, c'est un fit qui s'améliorera à chaque commande. Je n'ai qu'une hâte : voir ce que donneront les suivantes.