En style comme en toute chose, pour ne pas stagner, il faut avancer.
Ah bah merci Einstein.
Alors oui, peut-être que ce ne sera pas la révélation la plus bouleversante de toute votre existence, mais elle a au moins le mérite d'être vraie. Et d'ailleurs, ce n'est pas si anodin que ça, puisque avancer implique justement le fait de modifier son état d'équilibre, de projeter son corps vers l'avant, de se mettre en danger.
En fait progresser, c'est se jeter dans le vide.
Et qu'est-ce qui nous pousse à nous jeter dans le vide pour la première fois ? C'est d'avoir observé que d'autres le faisaient, que c'était possible.
Et c'est justement ce que je vous propose ici. Découvrir des terres qui vous sont encore inconnues en vous inspirant de ceux qui les ont déjà bien explorées. Pour vous, cela peut être simplement le fait d'essayer un pantalon vert ou encore d'expérimenter une nouvelle manière de le porter.
En tous les cas, il ne sert à rien de reproduire aveuglément les tenues que je vous propose ici. Tout simplement parce qu’il y a de fortes chances que celles-ci ne vous aillent pas, soit à cause de votre morphologie, soit à cause de vos affinités avec les vêtements.
Mais il faut s'inspirer !
L’inspiration n’est pas l’imitation trait pour trait. L’inspiration passe par l’analyse et puis l'adaptation à sa propre personne par l'ajustement de la coupe, de ce qu'on aime, de notre personnalité. Sinon, on ne fait jamais siennes les pièces que l’on porte, comme le fils qui porte le blazer beaucoup trop grand de son père. (D'ailleurs, je ne doute pas que vous sachiez déjà comment choisir un chino à votre taille !)
Allez, voici huit manières de porter un pantalon vert.
Casual chic
Tenue #1 : l'élégance naturelle
Harmonie des couleurs, simplicité aussi, jeu de textures maîtrisé (veau velours, denim et twill de coton), des proportions élançant élégamment la silhouette. Le pantalon vert est parfaitement intégré et mis en valeur.
Touché. C’est un grand oui pour moi !
C'est le moment de sortir les pinces, pas à billets 🙂
Ah, si j’avais des sous à ne plus savoir quoi en faire, je demanderais à mon tailleur (c’est comme un médecin traitant, mais pour les sapes !) des tonnes et des tonnes de pantalons de ce type et dans toutes les matières possibles et imaginables.
Aussi, je me ferais probablement tailler des bas de pyjama en soie dans cette coupe. Et pour le week-end aussi, pour tondre ma pelouse, déjà impeccable sous le soleil de la french riviera, tout autour de la somptueuse propriété que je n’ai pas.
La sélection
Bah, c’est vrai quoi, il n’est pas magnifique le pantalon porté par Shuhei Nishiguchi ? Taille mi-haute, double pinces, coupé court avec des revers de quatre centimètres. La perfection selon moi. Vous en avez déjà essayé ? Ça change un homme. Si vous avez les jambes un peu courtes, ça sera votre Graal, j'en fais le pari.
Mais peut-être que vous avez les jambes suffisamment longues et préférez des pantalons plus simples. Eh bien, jetez un œil à celui-ci, ou celui-là.
Ah oui et, concernant les mocassins, qui sont un peu connotés avec le mors en métal style Gucci, j’ai deux alternatives à vous proposer, qui ne sont pas des mocassins, mais qui fonctionnent aussi, ici et là.
Également, pour la chemise, on peut parfaitement imaginer une chemise en chambray ou en oxford. Il faut éviter la popeline, trop lisse, selon moi et plutôt adaptée au port du costume.
Tenue #2 : le blazer moderne
Franchement, cette pose style je-regarde-pas-où-je-marche, il l’a répétée, ça crève les yeux. C’est pas possible autrement. Devant le miroir, des fois et des fois, jusqu’à ce que le soleil perce l'horizon.
Combien de clopes grillées pour l’amour du street style ? Combien de fois où, dans le lit, sa moitié s’est réveillée en sentant le vide à côté d'elle ? Cette crise de la quarantaine-là, qui aurait pu la prévoir ?
La sélection
La tenue : même disposition chromatique que la TENUE #1, mais avec une dose de testostérone en plus. La pilosité faciale grisonnante y est pour quelque chose.
Ici, pas de détour, aller simple pour la simplicité : pas de pince au chino, pas de chemise mais un t-shirt, pas de veau velours, du bon vieux cuir bien patiné.
C’est l’homme tout terrain, qui s’adapte à tout, tout le temps.
Les boots sont selon moi la chaussure de l’homme du 21ème siècle. Bien choisies et bien entretenues, elles ont du chien et fonctionnent comme un charme pour vous donner de l’allure et du poil aux pattes. Attention : utilisation dangereuse passé les 25°C.
Pour le prix qu'elles font, les Grant Stone font vraiment le job. Si vous voulez des boots de baroudeur pour vous traîner dans tous les coins bizarres du monde, je vous les recommande.
Sinon, dans un style proche je vous conseille les Red Wing et les Viberg (pour le plaisir des yeux, c’est du cordovan, c’est très cher). Pour citer d’autres chausseurs qui font de la boots digne d'intérêt (indépendamment des notions de budgets) : Alden, Crockett and Jones, Jacques et Demeter, Heschung, 7L, Meermin.
Bien sûr, tout est toujours question de budget, mais il reste intéressant d’étudier ce qui se fait de mieux afin d’avoir des éléments de comparaison objectifs. C’est le meilleur moyen de se faire une culture des vêtements de qualité.
J’ai également pensé à vous, si vous n’aimez pas les poches plaquées, je vous propose cette veste de chez Ardillon qui s’adaptera à toutes les situations de votre vie. Et ce pantalon de chez Scavini qui mérite un examen plus approfondi.
Streetwear
Tenue #1 : le streetwear accessible
Je vais vous faire un aveu : je suis nul en streetwear. Vraiment nul, comme en latin à l’école. Pareil.
Par exemple, j’ai raté le virage des sneakers que tout le monde semble avoir bien pris. Si j’en mets, à l’occasion, alors ce sont des Nike Internationalist peu colorées ou des blanches minimalistes, type Caliroots et de Hypebeast.
Je sais pas, je trouve toujours qu’entre des sneakers et des derbys en cuir ou des mocassins, ce sont toujours les secondes qui gagnent esthétiquement...
Mais bref ! Ça n’engage que moi.
La sélection
Cette tenue, vous pourriez la porter ou non ? Pour moi, c’est du streetwear accessible stylistiquement et financièrement : on trouve ces pièces à moindre frais. Je dois dire que j'ai trouvé peu d'exemples de pantalons verts portés dans un style très casual, et pourtant, c'est d'une simplicité enfantine à porter.
Ah oui et j’ai une question pour vous qui me lisez.
Si on veut pousser un peu la tenue dans les tours du style de rue !, vers quelles sneakers pourrait-on se tourner encore ? C’est quoi votre péché mignon ? Vous qui savez sûrement mieux que moi dénicher des perles de la pompe streetwear, on pourrait porter quoi aussi à la place de ces Converse un peu ennuyeuses ?
Tenue #2 : du casual, du motif et de la couleur
S’accorder aux lampadaires que l’on trouve sur son chemin n’est vraiment pas une mince affaire et je ne le conseillerais à personne. Trop chronophage. Faudrait avoir des vêtements de rechange sur soi. Planifier un itinéraire. C’est pas vivable.
Mais passons.
La sélection
Ce qu’il faut retenir de cette tenue, c’est d’une part le pont visuel qui existe entre le jaune discret de la chemise et celui, moins discret, des sneakers. Et, d’autre part, l’utilisation de couleurs pastels qui donnent une unité à l’ensemble (par la faible intensité du contraste), même si ce sont pas des couleurs qu’on aurait forcément choisi pour leur complémentarité (rose et jaune).
En toute honnêteté, cette tenue telle que la porte Tyler, The Creator peut être difficile à réaliser sans se prendre un joli gadin stylistique. Mais la base est là. Un chino à la Dickies, des sneakers basses dont on accorde la couleur à un élément de la chemise, qu’on choisira à carreaux. Une casquette parce qu’on est cool et des chaussettes blanches parce qu’on porte des sneakers (et donc connotés “sport”, même si le seul sport qu’on fait réellement, c’est de piétiner dans la file d’attente d’un Starbucks).
Une alternative possible à cette chemise, ce serait le blouson Beams+ même si faut avoir la street cred' nécessaire pour le porter. Mais dans la vie, il faut avoir des rêves. "Viser la lune pour toucher les étoiles" tatoué en plein cœur.
Tailoring
Tenue #1 : business casual
Je ne sais pas comment font les paons du Pitti, pour faire la roue sous 30 degrés celsius. Si je devais faire une roue à cette température, elle serait minuscule, même pas digne d’être considérée comme une roue réglementaire.
Ils doivent avoir les glandes sudoripares atrophiées, c’est pas possible autrement.
En tout cas, c'est une bien belle roue que nous voyons-là dont l'élément central et remarquable est cette belle teinte verte du costume.
Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais je trouve que ça en jette pas mal. Et c’est estival.
La sélection
La tenue fonctionne pour plusieurs raisons :
- Le vert choisi n’est pas agressif, c’est un vert militaire facile à porter
- Les dimensions des revers, du col de la chemise, revers du pantalon et de la largeur de la cravate sont proportionnels. Du coup, il se dégage une certaine cohérence visuelle géométrique.
- La coupe du costume est adaptée à la morphologie de son porteur.
- La couleur des lunettes répond discrètement à celle des richelieu, qui fait écho au jaune discret de la pochette.
- Le registre de la tenue est équilibré entre décontraction et formalisme : costume décontracté par la couleur verte, cravate décontractée par le tricot de soie, richelieu décontractés par le veau velours.
Tout ça se tient et se tient bien.
Je n’ai pas trouvé beaucoup de costumes verts cette saison. Le mieux est encore de se le faire faire, si l’on peut. Direction Les Francs-Tireurs, Michaël Ohnona, Louis Purple selon votre style et votre budget.
Tenue #2 : le vert nonchalant
On pourrait croire que son col est mal mis. On pourrait même croire que le rabat de sa poche l'est aussi. Et que ses boucles de chaussures sont défaites. Eh bien, tout cela fait partie d'une orchestration délibérée de sa part.
Vous voyez, un type qui porte un costume tellement bien coupé qu’on dirait qu’il est né avec et qu’il a grandi sur lui ensuite. Un type dont la chemise dépasse juste ce qu’il faut, au millimètre, un type qui allume une clope juste avant de se faire photographier, c’est que tout, absolument tout dans sa tenue est réfléchi.
Vous croyez qu’il a été pris en photo alors qu’il écrivait un texto à quelqu’un ?
Vous croyez que c'est de l'air qu'il respire ?
Sur moi, sur vous, sur tout le monde, ça ferait bizarre. Sur lui, c’est parfait. Je ne sais pas bien pourquoi.
La sélection
Ce que l’on peut reproduire, c’est le port d’un costume vert militaire avec une simple chemise un peu texturée, porté avec des boucles et sans chaussette.
Je vous conseille des double-boucles, plus actuelles. Mais si toutefois vous voulez tester le grand frisson des simples boucles, alors peut-être pouvez-vous vous tourner du côté de Barbanera, dont je n'ai pas testé la qualité mais qui fait des souliers assez badass, et 7L en propose également.
Pour plus de sécurité, une paire de chaussures marron serait plus riche et plus casual. Selon moi, hors des tenues très formelles, le noir en chaussure est plutôt à éviter, car trop austère.
J’ai une nouvelle question pour vous.
Quel est votre sentiment concernant la couleur de la pochette ? Une pochette bleu ciel aurait été possible, mais aurait fait beaucoup trop préparé, coordonné. Et c’est bien là le paradoxe de l’homme qui prend le temps de relever légèrement son col de veste mais pas trop, qui prend le soin de laisser ouvert ses boucles, qui malmène le rabat de sa poche : il s’apprête de telle sorte que vous ayez l’impression qu’il ne s’apprête pas.
Le blanc de la pochette donne un certain charme, par le déséquilibre visuel qu’il opère. C’est typiquement ce qui fait passer une tenue du très bien à l’excellent.
Workwear
Tenue #1 : le camo pour être vu
Deux choses me viennent à l’esprit en regardant cette photo :
- Pourquoi les gens de la mode font-ils la gueule sur leurs photos ?
- N’y aurait-il pas un peu trop de vert dans la tenue qui nous intéresse, à savoir celle de gauche ?
À la première question, j’ai des pistes de réponses mais je crains que le temps consacré à l’analyse de ces réflexions reviendrait en définitive assez vite à la conclusion suivante : les gens de la mode font la gueule sur leurs photos parce que c’est la mode de faire la gueule sur les photos de mode.
Eh ouais. C'est un rabbit hole.
Et du coup, pour répondre à la question pas téléphonée du tout puisque je l'ai posée moi-même, je dirais que oui, il y a vraiment trop de vert !
Voici donc ce que je vous propose, en gardant la base de ce Monsieur que je trouve au demeurant très pertinente.
La sélection
Le pantalon vert, bon on n’y coupe pas, c'est le thème de cet article. Mais motif camo dépourvu de vert. Bandana vert en guise de rappel avec le pantalon, chapeau noir répondant aux derbys. (En guise d’alternative pour le chapeau, j’ai à vous suggérer Don Paris.)
Il faut retenir plusieurs choses de cette tenue :
- Le noir ne va pas avec grand chose, mais avec le vert, cela fonctionne plutôt pas mal. On peut d’ailleurs le constater grâce à cette photo de Justin Doss.
- Attention à ne pas faire trop de rappels de couleurs. Un rappel discret comme on a pu voir plus avant dans l’article me paraît tout à fait suffisant. À trop user de cette technique dans une même tenue, alors on tombe dans le déguisement car on montre au monde à quel point la tenue est pensée.
- Un beau sourire est le meilleur des atours.
Tenue #2 : le fameux gilet de Long
Si vous avez dans le cœur l’envie folle de porter un gilet, je vous conseille de vous inspirer de Long, un ex-BonneGueule : le choisir en matière brute (ou du moins autre qu’une laine froide de costume), avec des poches et d’une couleur différente de votre veste, si vous en portez une.
Ah oui, et j’y pense !, petite parenthèse : pour votre bien, évitez le t-shirt en-dessous d’un gilet porté sans veste. Parce que, pour peu qu’on choisisse un gilet trop tailoring, avec le dos qui brille en viscose, cela fait plutôt... disons... art de rue. Cela casserait l’effet recherché.
Cependant, dans la tenue qui nous intéresse ici, Long pourrait très bien se permettre de faire tomber la veste. De plus, le choix du col officier est judicieux car il s’harmonise parfaitement bien avec le “V” du gilet.
La sélection
En gardant comme base le chino vert et cette organisation dans la tenue, on peut par exemple imaginer une tenue plus tailoring avec un gilet à motif et le gilet et la veste.
D'autres alternatives pour la veste ici, avec Engineered Garments et là avec Studio d’Artisan et aussi chez Japan Blue.
Le mot de la fin
Le vert militaire est une couleur masculine et facile. Elle est polyvalente, toujours un peu inattendue mais sans être excentrique.
Une chose est sûre : vous devriez l’utiliser davantage.
Cette dernière tenue confirme que le vert militaire entre en résonance optimale avec le blanc et les bleus. En définitive, ce que vous avez en plus grand nombre dans votre vestiaire, je me trompe ?
Pour finir, je voulais savoir quel était votre sentiment concernant ce nouveau format d’article : comment avez-vous trouvé le graphisme lié aux sélections rassemblées en tenues d’une part ? Et concernant le fond de l’article, êtes-vous satisfait ou verriez-vous des axes d'amélioration ?
On vous écoute !