Pour être honnête, je n’aurais pas tenu deux secondes pendant la Guerre du Vietnam.
Pendant n’importe quelle guerre d’ailleurs.
Vous m’imaginez dans la jungle tenant mon fusil comme une frite de piscine molle ? Au détour d’un chemin, je découvre un soleil mordant l’horizon et peignant le ciel de rose, d’orange et de… BAM entre les deux yeux.
"Ci-gît Jordan Maurin, un homme trop contemplatif."
Finalement, je suis peut-être né à la bonne époque. Et si ma carrière militaire est mort-née, je peux au moins me consoler avec une chose : me réapproprier les fringues de l’armée.
Ça c’est dans mes cordes !
Par exemple, je porte le chino militaire pour mes promenades pacifiques, un trench pour évoluer entre les gouttes bombardées depuis le ciel, une montre militaire pour savoir précisément quand attaquer l’apéro, une field jacket pour shooter la nature avec mon Olympus OM-10.
Et quand Julien, notre chef de collection anonyme m’a demandé quelle veste je voulais créer pour BonneGueule, je n’ai pas hésité : la jungle jacket.
Faut dire qu’elle figurait depuis un moment sur mon tableau de chasse.
Cependant, c’était une grande première pour moi de travailler sur un vêtement. Et je dois le confesser : j'ai eu de gros moments de doutes sur mes capacités à accomplir la tâche que Julien m'avait confiée.
J’ai même entendu la voix passive-agressive du petit diable sur mon épaule, incarnation du syndrome de l'imposteur : « T’es sûr que t’en es capable ? C’était quoi la dernière chose que t'as créée ? Et si tu échoues, tu crois que Julien et Ben vont te laisser re-créer une pièce ? »
Bref, la naissance de cette jungle jacket s'est faite dans la douleur et je tenais à vous raconter ça dans une vidéo.
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La naissance d'une obsession
(Une de plus… 🤦♂️)
La première fois que j’ai eu une jungle jacket sur le dos, c’était en juin 2019. Le jour de mes tous premiers pas dans le monde merveilleux des vidéos YouTube.
Ce serait un mensonge de dire que ce fut une révélation. Mais la vérité, c’est que je suis tombé sous son charme :
- Une histoire riche, américaine en plus
- 4 poches dont 2 de travers (comme si le couturier avait regardé ailleurs en les cousant)
- Des rabats de poches asymétriques
- Une couleur vert olive (sous-entendu autre chose que le sempiternel bleu marine)
- Une matière qu’on peut malmener
C’est tout ça l’essence de la jungle jacket.
Et pour le dire tout de suite, la différence avec la field jacket c’est que cette dernière est plus un blouson quand celle-ci est une veste légère, voire une surchemise.
C’est pour ça qu’elle s’intègre superbement dans notre vestiaire contemporain. Mais on y reviendra.
Depuis 2019 et mon premier essai de jungle, elle m’était restée dans la tête. Souvent le matin, je me disais “tiens, là, ce serait pas mal d’en avoir une sous la main.” Et je me suis rendu compte que cette réflexion revenait souvent.
C’était plus qu’une lubie, ça devenait une idée fixe, une obsession.
Donc l’occasion était trop belle de créer la mienne.
Si vous avez regardé la vidéo, vous connaissez l’histoire mais je vais aller plus loin sur certains points. À commencer par ce qui fait son charme.
Le charme inexplicable de la jungle jacket expliqué
Et le grain de beauté de Cindy Crawford
On peut résister à la beauté mais difficilement au charme.
Le charme, c’est le grain de beauté de Cindy Crawford, c’est le très léger zozotement de Christian Bale, c’est la coquetterie dans l’œil de Lauren Hutton.
Et pour la jungle jacket, ce sont ces poches poitrine inclinées.
Voilà ce qui fait sa singularité et ce qui la rend attirante. Et ce qui est drôle, c’est que ce n’était pas du tout le propos initial.
Vous croyez que les militaires se préoccupent de ce qui est charmant ? Peut-être mais pas quand il s’agit de faire la guerre.
La veste de jungle est avant tout une veste créée pour être utile. Ainsi, ces poches sont inclinées pour permettre aux soldats d’accéder au contenu des poches plus facilement.
Et ce n'est pas parce qu'on ne fait pas la guerre que cet argument ne tient plus. Faciliter l'accès aux poches est une mission intemporelle.
Bref !
Quand la fonction dicte l’esthétique, ça donne des pièces inoubliables. Je pense par exemple à l’asymétrie coupe-vent du perfecto, aux boucles du trench pour accrocher les grenades, au “v” du sweat pour éviter qu’il ne se déchire en le retirant et beaucoup d'autres, dans tous les domaines d'ailleurs.
Donc : il m’était impossible de les remettre droit ou d’en retirer une. C’est l'origine de son charme, je n’allais pas la massacrer juste pour avoir le sentiment de créer quelque chose de nouveau.
Au-delà de l'inclinaison et du placement de ces poches ce qui m'importait beaucoup, c'était d'atteindre une certaine harmonie.
Une obsession : chercher l'harmonie
…et la trouver de préférence !
Pas le plus palpitant des boulots, mais un des plus importants assurément. Et je crois qu’on s’en est bien sortis ! Merci à Julien et Emilie de m’avoir guidé et conseillé.
D'abord, l'harmonie des proportions
Quand vous portez une cravate, avec une chemise et une veste, il faut trouver un équilibre entre la largeur du col, le volume du nœud et la largeur des revers de la veste afin que tout paraisse harmonieux.
Pour expliquer concrètement avec l'exemple des poches :
- Je voulais que les poches inclinées s’alignent du mieux possible avec le col posé à plat
- Et que, grâce aux rabats asymétriques et à l’inclinaison, une sorte de ligne pas tout à fait droite se dessine au niveau de la poitrine
Un peu comme deux sourcils qui donnent de la personnalité à un visage.
Ça se joue au millimètre.
Le truc, c’est que changeant l’inclinaison, les coins extérieurs des poches se rapprochaient un peu trop de l’aisselle, créant potentiellement un inconfort au quotidien. Donc ça impliquait de rapprocher, chaque fois, la poche du centre.
Tout ça, en s’assurant bien de ne pas rompre l’harmonie créée par la juste inclinaison.
Harmonie de la coupe par rapport au registre de la pièce
Pas question de faire une coupe cintrée ici. Ce n'est pas le propos de ce type de veste. Elle est droite tout simplement. C'est comme ça que sont les originales pour garantir une aisance dans le mouvement.
Et ça m'amène d'ailleurs au point suivant.
Harmonie dans le registre des choix esthétiques
Je ne voulais pas de cordon de serrage. C'est un choix délibéré.
Je trouve qu'il dénature la pièce en modifiant la coupe.
Mon but était de rester dans cette esthétique de surchemise brute, confortable. Je ne voulais pas en faire une pièce sartoriale. C'est une pièce casual avant tout !
Mais attention à ne pas laisser un trop grand vide entre les poches du haut et celles du bas puisqu'il n'y a pas de cordon pour combler.
Un château de cartes parfois la conception d'un vêtement.
Une matière…
…qui tape dans le mille !
Oui, je peux le dire je suis fier. Je suis fier de ce choix influencé par le destin, comme on le voit dans la vidéo.
Le mot d'ordre avec la matière c'était : ne pas trop en faire. On a déjà 4 poches, dont 2 de travers. C'est déjà assez singulier.
Mais, vous nous connaissez, pas question d'avoir quelque chose de plat non plus ! Il fallait trouver le bon dosage, le bon compromis.
Et la réponse a été cette toute nouvelle matière de notre fournisseur japonais Shibaya appelée "Sunny Dry" :
Admirez ces nuances et ce relief !Pour tout vous dire, c'est une matière assez unique en son genre :
- Elle est d’abord teinte à la main (ce qui est déjà suffisamment rare pour être signalé)
- Puis, elle est exposée au vent fort Enshū no Sorafu !
- Et enfin séchée au soleil
La teinture prend beaucoup de temps, après une première impression mécanique pour fixer la couleur, il y en a une deuxième qui elle, est à la main. Elle permet de donner cet aspect vieilli et irrégulier tellement cool. Et puisqu'une image vaut mille mots, on vous montre une vidéo :
Cette matière est parfaite pour la jungle car elle offre :
- Une couleur riche en nuances marron-vert avec un effet marbré très subtil
- Un aspect naturel, presque organique
- Une main légèrement craquante… sensuelle en fait !
Oui, sensuelle ! Je n’ai pas peur des mots.
Et puis, le côté un peu aléatoire de la production de ce tissu fait que la veste que vous aurez ne sera pas strictement identique à votre voisin.
Et ça, ça me plaît. Et à Julien aussi qui aime son aspect vieilli assez unique.
Bien sûr, rien que pour vos beaux yeux, j’ai porté le prototype n°1 encore et encore pour éprouver la matière. Et je dois dire qu'elle tient parfaitement bien et est très agréable à porter.
Pourquoi pas du ripstop comme la plupart des jungle jackets ?
Le ripstop aurait été la réponse facile. Et c’est logique car sa structure limite fortement les déchirements comme son nom l’indique bien (rip = déchirement).
Mais pour faire entrer la veste dans une dimension esthétique un peu moins utilitaire, j’avais besoin d’une matière avec plus de charme.
J'ai planché sur un col jamais vu chez BonneGueule
C'est un 3-en-1
Pour le col, il a fallu convaincre.
Le truc, c’est que je n’aime pas le col des jungle jackets habituelles. Voilà c’est dit.
Il m’est toujours apparu comme ridiculement trop petit par rapport aux poches. Il se fait bouffer par elles si bien que je vois toujours d’abord les poches avant de voir le type qui le porte.
L’habillement devrait être au service de soi et non l’inverse.
Du coup, j’ai réfléchi à un col harmonieux avec les poches et qui mettrait le porteur en valeur.
Et c’est une audace qui a d’abord laissé Julien sceptique. Mais quand le premier proto est arrivé, il était convaincu.
La beauté de ce col, c’est qu’il permet 3 positions. J’ai tourné une petite vidéo pour vous montrer.
Quand le col est ouvert, il guide notre regard vers la tête. C’est tout ce que je voulais.
Et pour la petite histoire, je me suis rendu compte dans un deuxième temps qu'il rappelait vraiment le col de la M-65 à plat.
J’aurais pu m’arrêter là mais je suis un jusqu’au-boutiste. Ou un emmerdeur selon la personne à laquelle vous demandez !
Des détails qui n'en sont pas
Juste pour le kiff
Ce qui compte, c'est la beauté intérieure
Je pensais que ça ne passerait pas.
Dès le début quand je réfléchissais à la pièce, je pensais à son histoire. Mais pas vraiment au fait qu’elle ait habillé les G.I. envoyés au Vietnam.
Non ! Ce qui m'intéresse davantage, c’est les mouvements de la contre-culture et les vétérans qui ont protesté contre cette guerre interminable et qui se sont appropriés les vestes militaires en les customisant.
Les field et jungle jackets passent d’uniformes de guerre à symboles de paix. Je voulais faire un modeste clin d’œil à ce mouvement pacifiste.
La première idée qui m’est venue, c’était de proposer le jour du lancement un atelier de customisation de sa veste en boutique, avec un dessinateur. Mais vu le contexte sanitaire, c’était un pari risqué.
L’autre possibilité : proposer d'acheter une veste déjà customisée.
Le moyen le plus simple et discret était d'imaginer une doublure fantaisie. Le bandana s'est rapidement imposé à moi. C'est le plus américain des motifs. Ça se tient, non ? Je pensais que Julien allait mettre son veto mais il n'en a rien fait.
Voilà ce que ça donne :
Entre nous, il vient de chez Maruwa, un autre fournisseur japonais que l'on connaît bien. Et c'est un 100% coton.
Pour renforcer l'idée d'une customisation personnelle, je ne voulais pas que les bandanas cousus ensemble soient trop alignés. Je voulais que ce soit un peu bancal comme si on les avait cousus soi-même.
Mais ce n'est pas tout !
La touche finale, c'est cette étiquette qui m'est venue un peu en dernière minute mais qu'on a réussie à développer quand même. Mon idée était de parodier les étiquettes strictes et très techniques des vêtements militaires.
Voici ce que donne la nôtre :
Vous n'avez probablement pas beaucoup de vêtements sur lesquels il est écrit : "pour faire l'amour, pas la guerre"…
Merci à Emilio qui a créé le graphisme.
On n'a pas négligé l'extérieur pour autant
Je trouvais que les boutons qu'on utilise d'ordinaire n'allaient pas ici. Alors j'ai voulu changer.
Sur cette photo, on voit les boutons de base montés sur le prototype n°1, et en-dessous c'est une petite partie du choix qui s'offrait à moi :
Et là, on se sent complètement idiot.
Je sais que je veux une autre esthétique de boutons mais… laquelle ? Il y a matière à se prendre la tête pendant des heures et des heures et c'est vrai qu'un simple bouton change totalement l'aspect d'un vêtement.
Sur les jungle jackets originales, les boutons sont verts sans nuance et, je suppose, en plastique. Je ne voulais pas faire pareil. Aucun intérêt.
J'ai donc décidé de faire simple et suis content du résultat qui s'accorde mieux avec la veste à mon avis.
MERCI ! ❤️
En lisant entre les lignes, on voit bien que c'est le pôle produit qui a fait le sale boulot et m'a laissé le plus sympa.
On ne voit pas dans la vidéo les relances aux fournisseurs, les questions de dernière minute à traiter, les "Ah mais c'est 1 mois ? On n'avait pas dit 15 jours de délais de livraison plutôt ?". Ce genre de petites réjouissances. Et dans toutes les langues.
Je veux remercier chaleureusement toute l'équipe : Julien, Charlotte, Sarah et Émilie. Bravo pour le travail colossal que vous accomplissez chaque jour chez BonneGueule. Un grand merci aussi à Ben pour la confiance qu'il m'accorde.
Comment porter cette veste ?
Sur les épaules ! Ok je sors.
Faut pas se laisser impressionner : peu importe votre style, vous pourrez l'intégrer avec vos pièces.
Je vous montre les 5 looks que j'ai composés avec celle-ci.
1. Simple comme "hello"
Toujours au moins 1 look accessible, qui parle à tout le monde.
Et ça voulait dire jean + t-shirt + tennis.
Un t-shirt graphique fonctionnera bien sous cette veste : des rayures comme ici mais ça peut être un motif plus osé, celui de votre groupe de rock préféré, un vintage avec Mickey ou Snoopy si ça vous chante !
Le jean, c'est mon Renji perso. C'est mon type de coupe. Le bleu ciel s'accorde au poil avec le vert de la veste.
Les tennis : on aurait pu en choisir des blanches mais le bleu marine résonne avec le bleu ciel du jean, alors pourquoi s'en priver ?
Manger une pomme avec un couteau basque, ça c'est juste pour la frime.
2. Jungle supplément denim
C'est celui qui m'est venu immédiatement après le premier. Le deuxième donc. Je vois que vous suivez et ça me plaît ça !
Peut-être mon préféré. Celui qui semble le plus naturel en tout cas.
Comme la veste a des reflets marron, elle se mariera superbement avec des beiges, des marron bien sûr, le camel, l'écru. Donc, à partir de cette observation, j'ai choisi notre t-shirt beige et des boots marron moyen.
C'est la base de cette tenue.
Et puis, bon, comme il fallait bien que j'habille le bas pour ne choquer personne, j'ai opté pour un bon vieux denim brut. Choix qui s'imposait de lui-même, tant l'association était facile à tous points de vue.
Pour finir, j'ai mis notre chemise western. Pour une collection inspirée des États-Unis, ça me paraissait logique non ? Elle ajoute encore plus de texture, de l'intérêt parce qu'elle est en denim comme le bas, bien que dans une autre nuance.
Les colliers, c'est pour la petite touche de couleur inattendue. Les lunettes… eh bien c'est pour le beau soleil de la Baie de Somme voyons !
3. Americanesque
C'est pratiquement la même construction chromatique que la tenue précédente. Sauf que le jean n'est pas brut, qu'il est plus ajusté, les chaussures ne sont pas des boots et une couche s'est volatilisée.
Mais le principe de construction est le même.
Avec la même touche de couleur autour du cou.
Comme quoi, pas besoin d'opter forcément pour le jean droit et ample pour que ce soit cool…
4. Du côté clair de la force
Jean blanc et veste olive, c'est un combo gagnant.
On peut se la jouer un peu chic avec des mocassins habillés et une jolie chemise mais j'ai choisi une autre voie.
J'ai choisi un registre esthétique plus casual, streetwear même : le sweat, les chaussures bateau à semelle commando, la casquette, la cloche en cuir qui sert de porte-clés.
Ça c'est un look parfait pour la mi-saison. Et faire un tour dans sa mustang décapotable de 56 évidemment.
5. Conversation avec l'Amérique
Le dernier look est avec un jean. Encore ! Oui je sais.
Cependant, il ne faut pas s'inquiéter, cette veste se porte aussi avec des chinos. Un beige, un marine, un autre bleu, n'importe quel bleu en fait, toutes les couleurs d'ailleurs, faut juste faire attention aux verts.
Même structure que le look 2 ici. Mais les Converse donnent une allure plus détendue. Et la chemise à carreaux dynamise bien le propos.
La casquette jaune, c'est pour vous montrer que ce type de vert s'accorde sans problème à de nombreuses autres couleurs que les gris et marine habituels.
6 points pour résumer cette jungle jacket :
- Elle se porte au printemps, à l'été et à l'automne
- La matière japonaise est riche en nuances et donne un aspect unique à chaque veste
- Elle est confectionnée en Europe (Roumanie)
- Le col offre 3 positions de fermeture selon la situation ou le goût de chacun
- La doublure bandana est une fantaisie discrète, clin d'œil à l'histoire de cette veste
- J'ai adoré bosser dessus, on recommence quand tu veux Julien 😉
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