Disclaimer : vous vous apprêtez à lire un article que j'avais en tête depuis 3 ou 4 ans, tant j'adore cette marque. À tel point que le fameux "article sur Dita" a souvent été repoussé, car j'avais peur de ne pas être assez complet. Mais après avoir bien porté la marque, il est temps que je me jette à l'eau !
Dita... Ce nom vous évoque sans doute la célèbre Dita Von Teese, alors que nous allons parler de lunettes ici (et non d'effeuillage burlesque). Pourtant, ces deux univers ne sont pas si éloignés que ça !
John Juniper, l'un des deux fondateurs, a réellement rencontré Madame Dita Von Teese en 1993, avant la création de l'entreprise. L'histoire raconte qu'il lui a demandé si cela ne la dérangeait pas d'appeler sa future marque de lunettes Dita, et elle aurait totalement accepté !
Voilà le premier pas de la création de l'une des marques de lunettes les plus respectées du secteur.
Alors que les opticiens ont souvent des avis contraires sur certaines marques, je me suis aperçu que Dita faisait l’unanimité auprès de TOUS les opticiens que j’avais pu interroger à ce sujet, même les plus exigeants.
C’est donc une marque respectée par les professionnels du secteur et adulée par nombre de célébrités. Mais comment cette marque est-elle parvenue à créer une attirance aussi irrésistible auprès de ses clients ?
L'histoire des lunettes Dita
La première fois que j’ai porté une paire de Dita en 2013, j’ai eu un peu le même ressenti qu’en regardant une très belle montre : tout est irréprochable, et c’est un objet qu'il est impossible de mettre en défaut. Même l’ouverture des branches ne souffre d’aucun jeu, alors que je les ai très intensivement portées depuis deux ans.
La marque est née en Californie, une région ensoleillée où les lunettes de soleil sont évidemment un accessoire indispensable.
Avant tout, John et Jeff sont des amis d’enfance. Ils ont ensuite réalisé des photos et des vidéos dans l’univers des sports de glisse. C’est un point qui peut paraître anodin, mais je pense qu’avoir baigné dans un milieu où la liberté, la créativité, le dépassement de soi et la prise de risque sont des notions très présentes, les a beaucoup influencés dans leurs designs.
On a donc : environnement américain ensoleillé + inspiration d’icônes masculines bien stylées des années 70/80 = marque de lunettes avec des designs forts.
Pourquoi un tel succès critique chez Dita ?
Quand on leur demande pourquoi Dita a eu un tel succès, ils répondent simplement que tout est passion (bon, leur réponse est typiquement américaine, je vous l'accorde). Ou plus exactement, ils ont toujours été extrêmement méticuleux sur les détails et sur leur vision du produit.
Par exemple, toutes les lunettes sont assemblées au Japon et pour chaque modèle différent, la monture est conçue à partir de zéro (ils ne réutilisent pas la même monture d’un modèle à l’autre, à part pour certaines déclinaisons de modèles comme les Flight.004 et les Flight.005).
D’ailleurs, pourquoi faire fabriquer au Japon ? John et Jeff expliquent que les Japonais portent une attention aux détails qu’ils n’ont jamais réussi à trouver ailleurs. Certains travailleurs de leur usine ont plus de 20 ans de métier. En plus de cela, ils sont spécialisés dans les petits volumes de production sur de la qualité élevée (« low volumes for high quality »). Exactement ce que recherchait Dita.
Même leur acétate a une histoire. Si les acétates italiens sont majoritairement utilisés (le leader mondial est Mazzucchelli), Dita utilise des acétates japonais, car ils sont plus denses, ce qui facilite le polissage et limite les déformations. Et là aussi, le polissage de l’acétate utilise une technique particulière : le polissage par bambou.
Habituellement, sur des marques commerciales avec de gros volumes, c’est une étape qui doit être la plus rapide et la moins chère possible. Dita préfère en revanche mettre ses branches dans une sorte de tonneau, qui tourne avec de nombreux morceaux de bambous coupés à la main.
Ce détail est important, car cela permet d’avoir des morceaux de différentes formes et tailles qui vont entrer en contact avec l’acétate et donner ce poli particulier, caractéristique de Dita. Visuellement, c’est assez difficile à expliquer, le brillant du poli est plus dense et « profond ».
On aperçoit le polissage par bambou dans cette vidéo.
Parmi les détails caractéristiques de la marque, on trouve le fameux motif diamant gravé. Viennent ensuite les rivets hexagonaux, qui apportent visuellement un petit plus par rapport à des rivets normaux.
Ils sont également de fervents partisans de l’utilisation de titane pour les lunettes, car c’est un métal hypoallergénique, léger, et surtout : qui ne retient pas la chaleur ! Pratique pour des lunettes de soleil…
Le positionnement haut de gamme de Dita
Je l’ai parfois évoqué, le marché mondial de la lunetterie est un gros gâteau partagé par trois gros acteurs :
- l’énorme Luxoticca, qui fabrique notamment pour les marques Rayban et Persol, mais aussi Oaxley et Oliver Peoples ! Ils sont présents sur toutes les gammes de prix. Leur part de marché est si importante qu’ils sont régulièrement sous les feux des projecteurs à cause des lois américaines antitrust.
- Marcolin, qui a par exemple la licence phare Tom Ford.
- Safilo, qui fabrique les lunettes de Dior, Hugo Boss, etc.
De ce fait, la stratégie de Dita a toujours été de s’en sortir en proposant la meilleure qualité possible. En fait, vu que le marché est un oligopole, l’offre est assez standardisée.
C’est à peu près les mêmes prix pour la même qualité partout, qu'il s'agisse de lunettes Tom Ford, Chanel ou Dior. Et paradoxalement, c’est une opportunité qui s’ouvre à quiconque voudrait proposer quelque chose de meilleure qualité.
Chose amusante, la marque a bénéficié d’un « celebrity wear » assez énorme. Par exemple, rien que sur le modèle Midnight Spécial, ce sont Usher, 50 Cent, P. Diddy, Jamie Foxx ou encore Nicolas Cage ont été aperçus avec. D’ailleurs, la légende veut que Dita n’ait jamais offert de paires à toutes ces célébrités…
C’est assez paradoxal, car pour maintenir un effet d’exclusivité, Dita ne fait pas de campagne de publicité, n’est pas annonceur dans les magazines de modes (= pas d'insertions presse) et évite soigneusement les opticiens trop « mass market ». Elle a également pris soin d’effectuer plusieurs collaborations très pointues avec des marques japonaises :
A qui s’adressent ces lunettes haut de gamme ?
Si vous souhaitez absolument une paire de lunettes qui fasse le consensus autour de vous, avec un design très sage, sans risque, sans vagues, et si vous êtes du genre à trouver la moindre paire de solaires haut de gamme trop « ostentatoire » : Dita n’est peut-être pas la marque qu’il vous faut.
Il y aura toujours une personne pour trouver qu’elles sont trop grosses, trop dorées (dans le cas des coloris gold), trop « bizarres », ou encore trop chères.
Cela dit, si vous avez envie d’un design plus fort, plus audacieux, avec un vrai parti-pris au niveau des lignes et des volumes, je crois que la marque peut beaucoup vous intéresser.
Habituellement, j’ai pour habitude de conseiller des achats haut de gamme si vous aimez les beaux objets, si vous êtes sensibles à de belles matières et aux finitions, bref, à un produit qui ne peut pas être mieux conçu et abouti. Acheter peu, mais avoir le top du top.
Dans le cas de lunettes de soleil, c’est un peu différent. Si entre une chemise Zara et une chemise à plus de 200 € avec une épaule montée à la main, le novice ne fera pas tant la différence, et le confort sera pratiquement le même.
Mais entre des solaires d’entrée de gamme et de haut de gamme, les différences sont bien plus marquées, et justifient un prix plus élevé, surtout chez Dita. En plus des finitions et des matériaux qui sont un cran bien au-dessus, il y a deux points auxquels on ne pense pas forcément qui font la différence :
- le design
- le confort
On va voir comment cela se traduit sur deux modèles : les Midnight Special et les Union.
Test : les Midnight Special et leur inspiration 70's
Ce fut LA paire que j’ai désespérément cherchée pendant plusieurs mois. J’ai profité d’un voyage à New-York pour l’acheter bien moins cher qu’en France.
Au début, je souhaitais le modèle couleur argent, évidemment plus discret, mais après avoir appelé une dizaine d’opticiens sur Manhattan (depuis, ils ont ouvert un flagship à New York sur Lafayette Street), impossible de mettre la main sur des Midnight Special en couleur silver !
De ce fait, je me suis trouvé bien perplexe devant ce modèle doré qu’on m’a fait essayer. Mes a priori étaient très classiques : le doré en lunettes, ça fait bling, surtout moi qui n’avais jamais cessé de répéter que les accessoires ne doivent jamais convoyer une impression de richesse, les gens vont me regarder bizarrement, on va me jeter des cailloux, je ne pourrai plus sortir de chez moi, le monde entier m'en voudra…
Et puis Geoffrey, qui était avec moi, m’a rappelé qu’il y a un moment où il faut vivre ses rêves plutôt que rêver sa vie. Ou plutôt, il m’a dit de les prendre, en argumentant que le doré allait bien avec ma couleur de cheveux, et que la forme s’accordait avec mon visage large. Et puis il m’a fait rappelé qu’Usher avait les mêmes : l'argument massue quoi.
Et le jour suivant, après une heure de port, mon constat était sans appel : elles étaient bien plus confortables que mes Tom Ford (modèle Martine). La sensation de rigidité que j’avais avec ces dernières était totalement absente sur les Dita. C’était un peu comme si j’étais passé d’une coupe de blazer moyenne à la coupe d’un blazer Husbands, en termes de ressenti.
La grande différence se fait au niveau du nez, où l’écart de confort entre les deux marques est encore plus marqué.
Sur les Midnight, les plaquettes sont montées sur de fines lames de titane, ce qui permet d’avoir une grande souplesse quand les lunettes se posent de chaque côté du nez. Combinez ça à la légèreté du titane, et ce jour-là j’ai compris que je ne pourrai plus jamais revenir en arrière (et d’ailleurs, je n’ai jamais réussi à trouver ce même confort chez d’autres marques).
Même le dépliage des branches a "quelque chose en plus" qu’une paire de Tom Ford ou de Dior : il est plus doux, plus feutré, et la branche ne retombe pas sous son propre poids.
Au niveau du coloris, le doré vient d’un plaquage en « 12K Gold » sur les branches en titane. Le 12K Gold est en fait un alliage fait de 50% d’or et 50% d’autres métaux. En français, on dit que c’est de l’or 12 carats.
Son intérêt est évidemment son prix par rapport à un plaquage or traditionnel, mais aussi sa résistance face au contact de la peau (il est utilisé pour les bagues et les bracelets). C’est donc le matériau tout trouvé pour des branches de lunettes !
Vous imaginez bien qu’en passionné de produits que je suis, j'ai regardé ces lunettes sous tous les angles pendant le voyage de retour. Et là aussi, c’est un perfect : chaque soudure est parfaitement exécutée, elles ne « bavent » pas, tout s’emboîte au millimètre. Il n’y a pas le moindre jeu entre les branches et le décrochement sur le côté du verre, avec un fil en nylon venant sertir le verre impeccablement réalisé.
Même le « Made in Japan » n’est pas seulement imprimé sur l’acétate comme le fait la majorité des autres marques, mais il est gravé en relief ! Bref, je suis tombé amoureux de cette paire.
Cela fait plus de deux ans que je les porte de manière très intensive et elles n’ont absolument pas bougé. Je me suis pourtant fait quelques frayeurs parfois (chute, paire comprimée dans la valise)... Voilà donc ce qu’est une paire de qualité : un confort absolu et une fabrication qui force le respect.
C’est un design très inspiré des années 70, et certains ne manqueront effectivement pas de vous signaler que les verres sont très grands, surtout par rapport à cette tendance du moment de faire de petits verres (comme Persol), mais c’est justement ce qui me plaisait dans cette paire.
Un design un peu à contre-courant, qui ne cherche pas le consensus, mais qui tire son inspiration dans un univers qui a plus de 40 ans ! C’est un achat que je ne regrette absolument pas.
Dernier détail amusant : la coloration des verres accentue les teintes orangées autour de vous de manière très subtile. De ce fait, dès qu'il y a un beau coucher de soleil en été, vous avez l'impression de vous retrouver dans un film prenant place sur Sunset Boulevard.
Test du modèle Union
Pour une deuxième paire, je voulais explorer une autre direction. Il est clair que Dita n’a plus rien à prouver sur les Flight, les Armada, les Condor et autres Victoire, il y en a vraiment pour tous les goûts et les formes de visage ! Avec ma paire de Midnight Spécial, c’était un type de design que j’avais déjà bien expérimenté.
Je voulais donc essayer l’autre forme iconique en matière de lunetterie masculine, les lunettes au design type « Wayfarer » (pour reprendre le modèle culte de Ray-Ban). Chez Dita, cette catégorie se nomme « square », et elle ne cesse de s’étoffer année après année.
Je me suis tourné vers le modèle Union, tout simplement parce que je trouvais qu’il rendait bien sur le lookbook 🙂
On a donc une version de la Wayfarer par Dita. Ce n’est pas le seul modèle dans le genre, la marque en propose d’autres qui sont très proches : les Stateside, les Statesmen, et les Riad.
Le nom de ce modèle vient de son inspiration, la gare de train « Union » de Los Angeles, qui mélange art déco et (selon Wikipédia) architecture coloniale espagnole. C’est une station qui a été mise en service en 1939, et je trouve que la patte vintage est bien retranscrite dans cette paire, notamment avec la forme des verres.
On est ici sur des volumes à l’opposé de mes Midnight Special, c’est une forme qui conviendrait parfaitement à des visages relativement fins, là où les formes "aviator" de Dita se poseront parfaitement sur des visages assez larges.
D’ailleurs, pourquoi utiliser de l’acétate et non du plastique traditionnel ? Tout simplement parce que l’acétate a une bien meilleure tenue dans le temps (déformation, résistance), la palette de coloris possibles est plus étendue, il est plus confortable et surtout, il permet une meilleure finesse de travail grâce à sa densité.
En effet, il est bien difficile de façonner une paire en plastique à la main, contrairement à une paire en acétate.
Seul petit bémol : les branches sont un peu courtes pour moi, mais malheureusement, je suis condamné à toujours porter des lunettes aux branches un peu courtes : celles-ci ont une longueur de 145 mm, et il est rare de trouver plus long (bien qu'il existe des longueurs en 147 ou 150).
Parenthèse : comment choisir la taille d'une paire de lunettes ?
Il est temps de faire un petit aparté sur le sizing d’une paire de lunettes. Vous allez voir, c’est vraiment tout bête. Une taille de lunettes est composée de trois nombres. Dans le cas du modèle Union, c’est 49/19-145. Normalement, votre taille de lunettes est même imprimée / gravée sur une des branches (sauf que le "/" est remplacé par un carré).
Le premier nombre (49 ici) correspond à la largeur maximale du verre, dans le sens horizontal. Vous imaginez bien qu’il va falloir éviter du 60 mm (cf. les Midnight Special) si vous avez un visage fin !
Le deuxième nombre correspond à la largeur du pont (le pont est la partie qui surplombe votre nez et relie les deux verres). Sur la Union, c’est donc 19 mm qui séparent les deux verres, tandis que ce n’est que 16 mm sur les Midnight Special). Là aussi, on comprend intuitivement que si vous avez un nez très étroit et que vous choisissez un pont large, les lunettes auront tendance à glisser vers les narines.
Enfin, le dernier nombre correspond tout simplement à la longueur des branches. Voilà, vous venez d’apprendre en 30 secondes comment lire la taille d’une paire de lunettes !
IMPORTANT (et parce que je sais que ça peut facilement tomber dans l’overthinking) : je vous déconseille très fortement de partir de cet élément pour choisir votre paire. Ne vous dites pas « bon, il me faut une 55/17-140 parce que je pense qu’une 50/18-137 ne m’irait pas ». Non, là, en raisonnant comme ça, vous êtes bon pour une bonne prise de tête.
C’est l’essayage qui prime sur tout le reste, votre ressenti global et vos goûts qui doivent d’abord guider votre choix. Après, amusez-vous à regarder la taille pour vous donner des points de repère. Mais surtout, ça ne doit JAMAIS, JAMAIS, JAMAIS, être la première chose que vous regardez sur une paire.
Et à ce titre, je vais vous raconter une petite anecdote : les Midnight Special conviennent mieux à mon visage large, je me sens plus confortable, surtout au niveau des branches. Sauf que… elles ont des dimensions plus réduites que les Unions !
Les Midnight ont certes un verre de 60 mm de large, alors que les Union ont un verre de 49 mm, MAIS les Midnight sont plus étroites et ont des branches plus courtes (16 mm de largeur de pont et 140 mm de longueur de branches, contre 19 mm et 145 mm sur les Union).
Comme quoi, le ressenti à l’essayage est primordial, car tout sur le papier m’aurait poussé à penser que les Union étaient plus adaptées à mon visage. C’est pour cette raison que j’insiste encore une fois : ne vous focalisez pas sur le sizing au millimètre, bien que ce soit un élément très rassurant, car quantitatif et rationnel (tout le contraire de votre goût). Fin de la parenthèse.
Les finitions du modèle Union
Côté matériaux, on est toujours sur les branches en titane plaqué or 12 carats, mais avec cette fois-ci de l’acétate noir mat du plus bel effet.
Les plaquettes sont ici différentes, leur construction est plus classique et elles n'atteignent pas l'excellent confort des Midnight. Très logiquement, il en va de même pour le ressenti.
En conclusion, on est face à une très belle paire, avec un design beaucoup plus facile à porter que les "aviator" de la marque, mais qui conserve avec brio toute son identité.
Le mot de la fin : Dita, des "power sunglasses" ?
On parle parfois de « power look », de « power suit » ou de « power shoes » pour désigner des pièces dans lesquelles « on se sent comme un lion » comme dirait Lino Ieluzzi. Eh bien, je pense que tout homme devrait connaître le plaisir de porter au moins une fois des « power sunglasses ».
Dita excelle parfaitement dans cette catégorie, et pour peu que vous aimiez la démarche audacieuse et la recherche de qualité de la marque (surtout si vous en avez marre de ne voir que des Persol ou des Ray Ban), je ne peux que vous encourager à courir essayer quelques modèles !