La capsule édito, de nous à vous
Le moment où tout a commencé
Nous sommes en mars 2021 et à la fin de notre réunion d'équipe hebdomadaire, Benoît nous interpelle :
"J’ai quelque chose à vous annoncer.”
Je retiens mon souffle.
"Je souhaite que le pôle édito travaille sur des vêtements pour 2022. Je veux que votre vision du vêtement, un peu plus affirmée, se retranscrive dans notre collection."
Wouahou, je ne m'attendais pas à ça.
L'idée de travailler sur un vêtement me titillait l'esprit depuis quelques mois déjà.
Ma réponse fut donc un grand OUI !
Mais sur quelle pièce vais-je bien pouvoir plancher ? Tant de possibilités, si peu de certitudes.
C'est le début d'une grande aventure
Une surchemise aux influences rétro
Quand je regarde l'évolution de mon style sur ces deux dernières années, je constate une appréciation croissante pour les styles vintage et rétro.
Je passe pas mal de temps à regarder friperies et autres surplus à la recherche de pépites enfouies.
C'est avec cette démarche que j'ai déniché en fripe il y a deux ans ma première chemisette à col cubain.
Ce col me donne envie de jouer. J'aime le placer sur le revers d'un blazer à la manière de Tony Montana dans Scarface.
(IMAGO / Allstar)
Alors non, je ne m'apprête pas vous présenter une chemisette hawaïenne alors qu'on est en hiver.
Par contre, il me vient à l'idée de garder ce col cubain pour le mettre sur une surchemise à manches longues. Ainsi, elle en devient 4 saisons : ça me plaît bien.
Je l'imagine en layering, ouverte ou fermée, le col permettant de bien mettre en valeur ce qu'il y a en-dessous.
Je l'imagine aussi portée à même la peau, sous une veste, avec ce col rebelle qui dépasse.
J'évoque cette piste avec Jérôme, notre expert cinéma, qui me dit qu'il a déjà vu ce type de pièce dans des films aux accents 50s.
Robert Redford et Lena Olin dans le film 'Havana'. Sorti en 1990 mais se déroulant en 1958. (Photo by Universal/Getty Images)
Après l'avoir chaleureusement remercié, je creuse cette piste de chemise vintage des années 1950 etje découvre lasport shirt.
Source : Vintage Dancer
Beaucoup moins connue que sa consoeur la chemise en oxford à col boutonné, la sport shirt naît pourtant de la même idée : rendre la chemise plus décontractée et confortable, à une époque où sortir en t-shirt de chez soi était impensable.
Son histoire serait liée à celle de la chemise(tte) hawaïenne. À la fin des années 1930, les débuts de l'aviation et du tourisme permettent l'envolée du tourisme. De nombreux américains habitant sur la Côte Ouest en profitent pour se rendre à Hawaï et ramènent en souvenir une de ces chemisettes fleuries.
Dans la seconde moitié des années 1940, après la Seconde Guerre mondiale, les façonniers américains s'emparent de ce col, lui ajoutent des poches et la montent dans des tissus plus sobres, parfois à manches courtes et parfois... à manches longues.
Source : A little bit of rest
Sur cette photo ci-dessus, regardez les hommes à gauche et au milieu : cette esthétique me parle.
Je choisis de poursuivre dans cette direction.
La quête du bon tissu
Je présente cette idée à Julien, notre chef de collection.
Il acquiesce et me demande quel tissu je verrais sur cette surchemise.
Préalablement, j'avais pensé à plusieurs options mais sans qu'une idée bien précise ne se dégage.
Il me convie alors à une réunion pour m'en montrer.
C'est une des parties du travail de Julien qui me fascine le plus : explorer des gammes de tissus de différents fournisseurs, à la recherche de ceux qui se retrouveront dans nos vêtements puis sur vos épaules.
On a pas mal d'échantillons au bureau et quand j'en vois, je ne peux m'empêcher de les ausculter de très près.
Cette réunion s'annonçait pleine de belles promesses. Et elle les a tenues. Oh que oui.
On a passé plus de 2h à regarder ensemble des dizaines, des centaines même de tissus. Est-ce cela, le paradis d'un passionné de vêtements ?
Que d'émotions !
Dans le lot, il y en a un qui me plaît plus que les autres :un chambray moucheté d'un fournisseur japonais.
J'apprécie les matières mouchetées de longue date.
Quel que soit le type de vêtement, j'ai toujours trouvé que ces petits points, ces neps comme on les appelle leur apportait un supplément d'âme.
C'est pour cela qu'il s'est passé quelque chose quand Julien m'a montré ce tissu.
En toile de fond, vous avez l'aspérité d'un tissu japonais avec les différentes nuances de bleu et de blanc.
Mais en plus, l'étoffe est parsemée d'un mouchetage irrégulier et coloré qui ajoute encore quelque chose. Plus précisément, vous trouverez des pointes de rouge, de jaune, d'orange et de vert.
Je suis fan. Julien ajoute :
"En l'état, cette matière est un peu rigide. Je vais demander un lavage à l'atelier pour l'éclaircir et l'assouplir légèrement."
Quelques semaines plus tard, il m'envoie un message pour venir voir le résultat de la matière lavée que voici :
En haut, la matière lavée. En bas la matière non lavée
Le tissu est plus souple au touché. Il est aussi plus clair, attire un peu plus l'oeil, révèle d'autres nuances de couleurs. Bingo.
Voici la carte d'identité de ce tissu : c'est un chambray de poids moyen : sur la balance, il pèse 185g/m2. Sa composition est 99% coton, 1% polyester. Cette petite part de polyester correspond au mouchetage coloré.
Nous avons notre forme et maintenant notre matière. Le vêtement commence à prendre forme.
On pourrait presque lancer un premier prototype.
Presque.
En effet, il manque encore un élément important.
Une histoire de poches
Rabat ou pas rabat, telle est la question
Que serait une surchemise sans ses poches ?
Un peu triste je pense.
Il était clair pour moi dès le début que ce vêtement aurait deux poches poitrine.
Mon intuition initiale était de mettre des poches plaquées sans rabat, voulant les rendre très épurées visuellement.
Jordan et Nicolò ont émis des doutes sur ce choix, mais on a tout de même monté le premier prototype en suivant mon indication.
Une fois réceptionné, je me rends compte qu'ils avaient raison, ces bougres.
Sans rabats, il y a comme une sorte de vide au niveau de la poitrine.
Pas de rabats, mais on est dans la bonne direction
On décide donc de les ajouter. Je conserve ma volonté d'avoir des poches au style épuré, ce qui m'amène à faire deux choix :
- Ne pas mettre de bouton sur les rabats
- Arrondir plus les angles de la poche pour ajouter une touche de douceur
À ce moment, Julien m'encourage à dessiner le rabat tel que je le visualise, sur le prototype.
Muni de mon crayon, je me lance courageusement... sans succès.
Ce fut un mémorable échec. N'ayant aucune connaissance en modélisme et nul en dessin, ce que j'ai fait ne ressemblait pas à grand-chose.
Ce moment a été immortalisé :
On ne voit pas ce que je dessine mais croyez-moi : ça n'en vaut pas la peine
Avec une pointe de compassion, Émilie du pôle produit prend le relais et dessine le rabat sur une feuille qu'elle épingle sur le vêtement :
Merci Émilie ! Vous pouvez noter que l'arrondi est bien marqué
On a fait ces retours à l'atelier qui a monté un second prototype avec les rabats demandés et le résultat nous a donné satisfaction :
Une affaire rondement menée
Un col qui en jette
Souriez à la vie !
En parallèle du travail sur les poches, j'ai aussi apporté un soin particulier au col.
Il s'avère que nous avions déjà un col cubain dans notre collection +. Je m'en suis emparé et je l'ai customisé à ma sauce.
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