La contrainte a parfois du bon. Imaginez plutôt : il y a quelques jours, mon pied gauche se retournait littéralement sous mon poids. Numéro d'équilibriste raté, fourmis dans les pattes, mauvaise coordination des jambes ?
Le verdict est sans appel ni surprise : un pied mi-Schtroumpf mi-raisin. "C'est une sévère entorse monsieur Olivier, vous voilà bon pour quelques semaines sans marcher". Ah.
OK. C'est pas comme si je n'avais pas déjà connu ça. L'immobilisme forcé, le pas de coté, on peut dire que j'ai déjà très largement expérimenté. Vous aussi, peut-être.
On a tous eu nos petites et grandes entorses, et pas forcément qu'aux pieds. Vous avez remarqué comme tout devient subitement compliqué pour s'habiller ?
Ces dernières années pourtant, les choses ont un peu changé de mon côté : je me pose des questions nouvelles qui ont toutes plus ou moins trait au style et aux vêtements et cela s'applique à tous les petits trucs du quotidien. Cet accident en est un parfait exemple.
Comment s'habiller avec une attèle à la cheville ? Que mettre comme chaussures quand notre pied fait soudain deux fois sa taille ? Est-ce plus généralement un signe du destin pour nous inviter à porter des choses plus amples ?
Vous n'y croyez pas ? C'était pas plus tard que ce matin, et effectivement, ça change. On s'adapte vraisemblablement avec les moyens du bord. Et de la contrainte nait parfois une découverte de style : c'est ma petite histoire du jour.
Commençons par le bas. L'air de rien, je redécouvre qu'une attèle prend de la place et que c'est tout de même assez moche. On peut d'ailleurs signaler qu'il n'y a pas beaucoup d'informations sur l'objet en lui-même : "fabriqué sans latex de caoutchouc naturel" me dit la notice, et c'est à peu près tout.
Je n'ai pas utilisé de scratch depuis le collège au moins et très honnêtement, ça ne m'avait pas du tout manqué. Mais passons, il va falloir composer avec. Si c'est sans comparaison possible avec le pantalon Versace de Jordan, cette attèle est néanmoins un élément handicapant à tous les sens du terme. Le style en prend fatalement un coup.
Je peux d'entrée oublier mes chinos BonneGueule, mes pantalons Officine Générale, et pour tout dire une bonne partie de mes bas. Pas que je sois particulièrement porté sur le très ajusté, mais vu la taille de l'attèle, rien de tout cela ne passera. Sans être critique, la situation demande visiblement de l'ampleur et des pantalons larges comme ici ou là.
Et ça tombe bien car j'ai exactement ce qu'il faut : un pantalon Margaret Howell de type jogpant, en coton léger et de couleur marron, avec une ouverture de jambes de... 22cm. C'est deux de plus que mon pantalon coulissé Informale, et ça fait la différence.
Que dire de ce pantalon si ce n'est qu'il dormait jusqu'ici paisiblement dans un coin de mon placard ? Il faut croire que je ne savais pas bien quoi en faire. Mais comme pour les cravates et ou les vêtements de couleur jaune, tout finit par s'éclairer un jour. C'est le pantalon parfait pour ce que j'ai.
Et ma première pensée, c'est bien sûr de lui dénicher prochainement un ou deux petits frères. On y prend étrangement goût, à cet espace retrouvé.
Ok pour le pantalon. Mais que faire pour les chaussures ? Si j'abandonne très vite l'idée des boots et des paires les plus habillées, j'ai encore bon espoir pour les sneakers. Sauf que je suis très rapidement confronté à un autre problème. L'entorse est à ce point sévère que le pied a doublé de volume : ça ne passe plus.
C'est alors que je redécouvre les petits nouveaux de mon placard à chaussures. Depuis la parution de cet inventaire où je présentais à la fois mes souliers et ma petite particularité physique, on peut dire que j'ai fait quelques ajustements dans mon équipe. Les Chukka boots Septième Largeur ont par exemple laissé la place à une nouvelle paire de Crockett & Jones en cuir marron.
Puis deux autres paires de mocassins sont venus rejoindre les rangs, sans doute en raison du puissant lobbying exercé par Jordan ces derniers temps : une paire de Brooks Brothers façonnée par Alden (modèle 684) ainsi qu'une paire de Quoddy souples et en daim camel.
J'avais déjà évoqué la marque Quoddy lors de mes pépites marron. La paire que je possède est un peu différente de celle présentée, sans lacets ni effet bateau mais avec une petite touche d'esprit Yuketen.
C'est précisément la paire que j'essaie en désespoir de cause, et croyez-le ou non, je prends subitement un plaisir nouveau à enfiler ces chaussures : non seulement je peux y glisser mes pieds sans dommage mais le confort est tel que j'en oublie jusqu'à cette satanée entorse. Enfin, presque. Ne nous emballons pas non plus.
Ok aussi pour les chaussures. L'air de rien, malgré la contrainte, je parviens à trouver de quoi m'habiller dans mon vestiaire, et si je ne marche pas encore des masses, je commence sérieusement à sortir de mon habituelle zone de confort : mocassins typés amérindiens, pantalon large. Mais qu'est-ce qui m'arrive ?!
Un nouveau style commence à se dessiner pour moi, et avouons-le tout de suite, il doit autant à cette entorse qu'à la capacité toujours étonnante de l'être humain à s'adapter à tout.
Reste toute de même deux-trois points à éclaircir. Le haut bien sûr, et un détail auquel on ne pense que trop peu souvent : les chaussettes. C'est d'autant plus important avec des mocassins.
Pour le haut, quitte à verser dans le décontracté, je me dis que c'est le moment ou jamais : un tee-shirt en mérinos et un hoodie Norse Projects feront bien l'affaire. Pour la petite histoire, il se trouve que David et moi avons exactement le même, mélange d'écru jauni et de chiné gris clair.
Et pour la suite ? Pourquoi pas une surchemise Corridor NYC et une veste de travail moleskine Champ de Manoeuvres. Je ne vois rien de mieux dans mon vestiaire à ce stade.
Quant à l'épineuse question des chaussettes, c'est encore un vaste sujet à creuser. Il fait encore frais, aussi je me laisse tenter par une paire de Missègle marron, mais au travers de mes recherches je tombe par hasard sur une marque espagnole qui s'appelle Thunders Love. C'est intéressant, avec une pointe de Rototo dans l'esprit. Il faudra que j'essaie, pour voir.
Que retenir de cette petite histoire ? Probablement qu'il est toujours possible de transformer une tuile en aventure positive, même si je vous l'accorde, le moral peut en prendre un sérieux coup au départ.
De mon côté, je prends ce petit épisode comme un signe du ciel et/ou un évident rappel à l'ordre : faire attention à son corps et plus généralement à soi bien sûr, mais aussi ne pas avoir peur de sortir de sa zone de confort. Essayer, pour voir. On n'est jamais à l'abri d'une bonne surprise en matière de style.
Pensez par exemple à ces vêtements qui dorment dans votre vestiaire : un jour viendra peut-être où ils se rappelleront à vous, par nécessité ou plus généralement par un étrange concours de circonstances.
A titre personnel, je note que mes jambes semblent désormais réclamer plus d'espace et de confort. Notez que je ne me suis pas mis à la musculation. Non, au delà de l'entorse, mes jambes sont surtout devenues plus fragiles. Oui, je sais c'est moche. Mais c'est cool aussi. Car de cette contrainte nait toute sorte de choses inattendues. Cette petite histoire, par exemple. Et ça, c'est excitant. Ne serait-ce que pour les vêtements.
Qui sait, peut-être vais-je réfléchir plus sérieusement aux questions de volumes dans mes tenues ? Ou alors me lancer dans l'univers du streetwear ? Tout peut arriver.
Certes, cet esprit d'aventure est du genre modeste : je n'ai pas fait le tour du monde, encore moins révolutionné le monde de la mode, mais j'ai voyagé à ma façon vers un autre style. C'est une petite victoire. Ne reste plus qu'à me remettre complètement sur pied pour l'apprécier sur le terrain, au delà du petit périmètre de mon immeuble.