En Juin, nous avons été invité par la boutique/eshop Luisaviaroma à Florence dans le cadre de leur évènement bi-annuel Firenze4ever. Il s'agit d'inviter des blogs connus du monde entier (27 cette année) à faire des "stylelabs". En gros, il s'agit d'un travail de stylisme pur et dure, puisque en tant que blogueur, vous avez 3 tenues à composer avec les vêtements présents dans la boutique. C'était un exercice très plaisant, avec beaucoup de pièces fortes. Mais avant d'attaquer sur les photos, nous avons eu une longue et intéressante conversation avec Andrea, CEO de Luisaviaroma...
La boutique à Florence.
Entretien avec Andrea, fondateur de Luisaviaroma.com
A la base, Luisaviaroma est une boutique de prêt-à-porter familiale, vieille de trois générations, à Florence (située sur... la via Roma). Aujourd'hui, et comme Geoffrey l'évoquait dans un de ses derniers tests, Luisaviaroma s'est distingué par sa sélection haut de gamme et avant-gardiste. Concrètement, cela veut dire qu'une boutique sélectionne uniquement les pièces les plus pointues des maisons de luxe les plus connues. Il y a des points communs avec L'Eclaireur, mais avec une sélection moins dark et plus colorée (mais on reste dans les mêmes gammes de prix). On pourrait aussi comparer la boutique à Colette, mais je trouve la sélection de Luisaviaroma plus qualitative, plus cohérente. Il faut savoir que Luisaviaroma est l'un des tous premiers eshops haut de gamme sur Internet, puisqu'il est néé en 1999. Il fait partie des rares eshops de vêtements à exister depuis plus de 15 ans, tout en restant familial. Et croyez-moi, dans cette industrie bien compliquée qu'est la mode haut de gamme, c'est un exploit.
Andrea, CEO de Luisaviaroma, amateur de vélo et de sneakers Lanvin (à gauche)
Pourtant, la présence de Luisaviaroma sur le web cache une anecdote sympathique. Andrea en avait un peu assez de faire les achats de sa boutique aux quatre coins du monde, il n'avait pas assez de temps pour voir sa fille Luisa. Il ne voulait plus voyager, mais il ne voulait pas se mettre en retraite. Il a donc réfléchi à une activité à forte valeur ajoutée qu'il pouvait développer à Florence, sans avoir besoin de se déplacer, et c'est là qu'il a eu l'idée de créer l'eshop. Quand on lui demande les raisons du succès de l'eshop, il répond qu'avant le web, son business était déjà bien installé à Florence : la boutique était reconnue et visitée, il n'a jamais vu le web comme une opportunité, mais plutôt comme une continuité de son activité physique. De plus, étant donné que c'est l'un des tous premiers eshops haut de gamme, il reconnaît avoir eu l'avantage du "first mover" (=le premier arrivé !). Et enfin, de manière plus pragmatique, Andrea n'a jamais lésiné sur les investissements en web marketing. Mais l'ancienneté de son eshop est aussi son point faible, car c'est un site internet qui a totalement été développé en interne, à l'époque où les premiers modules e-commerce existaient à peine. Si Andrea ajoute que les mises à jour peuvent se faire très rapidement, il reconnaît que 15 ans plus tard, il est temps de changer sa plateforme technique, et c'est d'ailleurs le plus gros chantier du moment. Puis, la conversation dérive sur des sujets plus surprenants. Andrea nous fait remarquer que Florence est le berceau de la Renaissance, que son rayonnement culturel a été historiquement très fort. De plus, détail amusant et intéressant, il qualifie Florence de "cité de l'éternité" car la pierre est quasiment le seul matériau utilisé pour le sol, contrairement à nos villes où nous marchons principalement sur du bitume.
Les fameux pavés mouchetés de Florence du centre ville. C'est de la pierre, et non du bitume !
Il pense donc que Florence doit renouer avec son passé culturel et avant-gardiste et l'inscrire dans une logique de très long terme. Quand on lui demande où il veut en venir, Andrea nous dit qu'il considère le web comme l'un des plus grands changements que l'humanité ait connu (ce n'est pas nous qui allons le contredire) mais que paradoxalement, il galère à trouver des bons profils, bien formés. Il aimerait donc faire de Florence un haut de lieu de formation aux métiers du web, un projet très ambitieux selon lui. Affaire à suivre... Enfin, quand on lui demande pourquoi il est autant attaché aux blogueurs (même à ceux qui ne font pas d'affiliation comme nous 😉 ) il répond qu'il aime le côté détente d'un blog et il fait très justement remarquer que des vêtements ne sont pas faits pour être exposés dans des musées, mais être portés par chacun, ce qui leur donne une unicité très intéressante suivant le porteur. Voilà pour notre entretien extrêmement intéressant avec Andrea, qui était d'ailleurs très curieux de notre manière de faire, notamment au niveau de l'Atelier BonneGueule et de nos pages produits très longues (exemple ici avec le sweat BGBJ-02).
Trois tenues à composer : du Rick Owens, Dior, Zegna, et Zanotti
Il a ensuite fallu composer trois tenues avec les vêtements présents dans l'immense boutique Luisaviaroma. Simple me direz-vous ? En fait, Nicolas et moi, on s'est dit qu'étant donné qu'on a accès à des pièces pointues, et qu'on ne garde pas les vêtements, autant s'amuser. Le fait que les vêtements soient prêtés est une très bonne chose, car vous n'avez pas peur de faire d'erreur et ne pas savoir avec quoi la porter avec le reste de votre vestiaire. C'est vraiment du stylisme (=composer des tenues) pur et dur, et franchement marrant. Imaginez, vous êtes dans l'une des boutiques les plus pointues au monde, avec trois tenues à porter pendant une journée, sans risque que les pièces choisies fassent tache dans votre garde-robe, vous vous lâchez complètement ! Faire une tenues avec des basiques n'aurait aucun sens, et serait franchement dommage. Mettre une veste sobre et cintrée, avec un jean basique et une chemise blanche, c'est bien, mais ça n'a aucun intérêt chez Luisaviaroma. Nicolas et moi nous nous sommes dit que c'était une bonne occasion de nous challenger et porter des pièces que nous ne porterions jamais en temps normal. Et c'est là que Nicolas, avec sa malice habituelle, s'approche d'une paire de sneakers Rick Owens, me suggère d'en faire une tenue...
Première tenue : jean Dior, ballon Brazuca customisé, sneakers, débardeur, et blouson en cuir Rick Owens
Vous le savez, je n'aime pas le noir, et je me suis donc tourné vers les Géobasket (oui, c'est le nom du modèle de sneakers chez Rick Owens) couleur rouille. Par contre, j'avais très envie d'essayer un blouson en cuir de la marque, et il n'y avait que du noir. Mais comme je l'ai toujours répété à propos du noir, quand la matière est travaillée et haut de gamme, on peut se laisser tenter par cette couleur. Je me suis donc tourné vers le modèle Mollino en agneau. C'est d'ailleurs l'un des modèles préférés de David Guetta, qui l'a en plusieurs exemplaire (je crois qu'il a même l'édition en python).
Oui, il porte bien une veste en cuir Rick Owens, modèle Mollino. Assurément un homme de goût, comme je le répète sans arrêt à Geoffrey.
Je ne pouvais pas passer à côté des fameux tee-shirts et débardeurs de Rick Owens, avec des mélanges de matières très intéressants, comme la soie et la viscose. Ces pièces, délibérément très longues, sont destinées à être "tournées" autour du buste pour jouer avec les effets de drapé. Il me restait un pantalon à trouver. Problème : je trouvais que la couleur rouille des sneakers s'accordait très mal avec un pantalon noir, alors j'ai dû me tourner vers un jean. J'avoue, j'ai joué la facilité, parce que je me suis tourné vers un bon vieux jean impeccablement délavé et coupé de chez Dior (je me suis dit que ça serait au moins l'occasion de vous montrer un beau délavage). Ce qui est étonnant, c'est que le délavage du jean que je portais avait un bien meilleur rendu que la photo de la page produit. Il y avait aussi de très beaux reflets sur la toile, c'était vraiment magnifique. C'est donc accompagné d'un photographe que nous nous sommes rendus dans un lieu assez surprenant, puisqu'il s'agissait d'une ancienne fabrique de tabac complètement désaffectée.
Tee-shirt sans manches Rick Owens, blouson Rick Owens, et jean Dior (modèle Jake). Le jean est beaucoup moins sombre en vrai. Notez les jeux de drapé du tee-shirt, qui permettent d'avoir la longueur souhaitée. Pour vous donner une idée, si je déplie complètement et que je laisse tomber complètement, il m'arrive à mi-cuisses.
On a un contraste de matière très intéressant entre la douceur du tee-shirt et le côté presque granuleux de l'agneau.
Les fameuses Géobaskets au design cartoon ! Le design est très fort, elles remontent assez haut au niveau de la cheville, bref, ce n'est pas de la sneakers de débutant. Pour ma part, avec le recul, je pense qu'une paire de bottines d'une marque comme Augusta ou MA+ aurait été plus adaptée à mon style. Pourtant, avec l'habitude, on leur trouve un petit charme à ces Géobaskets (photo piochée sur l'Internet) :
Le délavage du jean est plus visible sur cette photo. Les teintes sont vraiment subtiles, ce qui le rend de ce fait assez coûteux. En fait, ce que j'ai aimé sur cette pièce, c'est qu'elle va plus loin que le simple fait d'imiter un délavage naturel, il y a un gros travail sur les nuances de teintes. Quand on vous dit qu'un beau jean délavé ça coûte cher !
Quant au ballon de foot, il s'agit du Brazuca (ballon officiel de la coupe du monde) qui a été customisé par... Rick Owens himself (les coups de marqueurs sont bien visibles) ! C'est une pièce unique qui a été vendue aux enchères par Luisaviaroma dans un but caritatif. C'est vraiment une opportunité d'avoir pu faire un shooting avec ! Je crois d'ailleurs que c'est le seul shooting (au monde ! ) où il a pu être photographié avec une tenue...
Inutile d'aller à la boutique Rick Owens à Palais Royal, c'est une pièce unique chez Luisaviaroma. Elle n'est pas destinée à faire des petits ponts ou des roulettes. Si cela vous intéresse, voici la page de tous les créateurs de mode ayant customisé des Brazucas pour Luisaviaroma, c'est très intéressant de voir comment ils ont appliqué sur leur univivers à un simple ballon de foot, exemple avec le ballon Balmain ou les ballons Zanotti et Gareth Pugh.
Note : les photos suivantes ont été prises avec un autre appareil photo, ce qui explique la colorimétrie bien différente.
Comme je vous le disais, la matière très fluide du tee-shirt Rick Owens (un mélange de soie et de viscose) a vocation à être "twistée" autour du corps du porteur. C'est d'une douceur... Notez également l'épaule des blousons RO très particulière, légèrement ovale vers le haut, qui donne une ligne incomparable. C'est vraiment ce que je préfère sur les blousons de ce créateur.
Le grain de l'agneau, qui a subi un traitement lui conférant un rendu unique et très intéressant. La fermeture éclair est une Lampo, marque italienne dont la qualité se rapproche très fortement de Riri.
Alors, qu'est-ce que ça fait de porter du Rick Owens ? C'est très confortable et vraiment beau, mais cela reste des vêtements qui ne peuvent pas être portés n'importe où. D'ailleurs, je me faisais la réflexion avec Gil, en photo, dès que vous avez un visage un minimum souriant, il peut y avoir un décalage assez étrange entre votre tenue, vous et le contexte. Ce sont des vêtements avec une photogénie très particulière qui ne peuvent pas être portés par tout le monde (en même temps, c'est le propre des pièces fortes). Les cuirs et les tee-shirts sont finalement assez simples à porter, mais pourtant, impossible de les assortir avec un jean brut, un pantalon en laine habillé ou un chino, il faut quelque chose de beaucoup plus travaillé. Ne les considérez pas pour autant comme des pièces restrictives, car encore une fois, sur des pièces fortes, il est vain de chercher de la polyvalence à tout prix. D'ailleurs, le jour où vous arrêtez de chercher des "vêtements polyvalents", vous savez que vous n'êtes plus débutant. C'est un passage obligé pour aller plus loin que les basiques. Quant aux Géobaskets, si j'ai apprécié pouvoir jouer avec sur un shooting, ce n'est pas mon style, je préfère les bottines. Mais pour quelqu'un qui cherche du streetwear haut de gamme, dark, et avec un vrai travail de design derrière, c'est une option à envisager dans votre voyage du style. Dans le prochain article, on découvrira ensemble deux autres tenues.